Intervention de Belkhir Belhaddad

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBelkhir Belhaddad, rapporteur :

Vos différentes interventions démontrent la nécessité de ne pas s'en tenir au statu quo. C'est pourquoi nous avions voulu être ambitieux en créant un régime de retraite universel de nature à résorber les inégalités entre régimes.

Je suis extrêmement sensible aux difficultés des affiliés au régime minier. Le siège de cette caisse se trouve à côté de ma permanence.

Concernant la SNCF, le versement d'une contribution de l'AGIRC-ARCCO à la caisse de la SNCF n'a pas à voir avec le maintien du régime spécial mais avec la baisse des cotisations liée à la fin de l'embauche au statut. Les cotisations sont versées au régime général, et l'AGIRC-ARRCO en reverse une partie à la caisse de la SNCF. Cela illustre la difficulté posée par la clause du grand-père.

Les critères de pénibilité doivent être universels, étant entendu que tout salarié exposé à la pénibilité doit pouvoir partir à la retraite avant l'âge d'ouverture des droits. Le projet de loi instituant un système universel de retraite prévoyait de faire du C2P le seul mode d'évaluation de la pénibilité sur la base de six critères. Certains syndicats voulaient en intégrer quatre autres – manutention de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux – mais je n'ai pas perçu de consensus sur ce point. Le rapport Tirole-Blanchard proposait plutôt de confier aux partenaires sociaux la possibilité de définir, dans chaque secteur d'activité, les conditions de prise en charge de la pénibilité ; c'est une voie à explorer. Quant au financement, il doit être pris en charge par les branches pour ne pas créer de subvention au travail pénible.

Les régimes spéciaux offrent certes de meilleures conditions aux salariés qui en relèvent, mais ils sont inéquitables et 65 % des Français souhaitent leur suppression. Leur extinction doit néanmoins être progressive et aller de pair avec le respect des droits acquis en compensation de certaines situations de travail particulières ; la clause du grand-père a vocation à en maintenir le bénéfice pour les salariés au statut au moment de la fermeture de ces régimes. Cette solution est extrêmement coûteuse, comme l'ont souligné la Cour des comptes et le COR. Le programme 195, doté d'environ 1,1 milliard d'euros, regroupe à la fois des régimes fermés et d'autres qui ne devraient s'éteindre que vers 2100.

L'universalité, la soutenabilité financière et la volonté d'aboutir à un régime universel de retraite sont une ambition que je partage. Je crois à la pertinence d'un tel système : à défaut, nous risquons d'aller droit dans le mur ! L'approche démographique, notamment à travers la question de l'âge, me semble pertinente, bien qu'elle soit très souvent oubliée dans nos politiques publiques, qui ne s'inscrivent pas dans une vision à long terme.

À ceux qui ont évoqué l'utilisation du « 49-3 », je rappelle la logique d'obstruction qui, avec le dépôt de quelque 40 000 amendements, n'a pas facilité l'avancement du débat, alors même que celui-ci était de qualité. Quand on est aux responsabilités, on ne se préoccupe ni d'aveu, ni de fable, ni de faire rêver ; on fait en sorte de regarder la réalité telle qu'elle est. Les inégalités, la soutenabilité financière, l'évolution démographique font qu'on ne peut pas laisser perdurer une situation dans laquelle un certain nombre de nos concitoyens n'auraient que de faibles retraites. Il fallait absolument faire quelque chose.

Revenir à un âge légal de départ à 60 ans aurait, selon les estimations, un coût de l'ordre de 30 milliards d'euros. Comment ceux qui le préconise les financent-ils ? C'est un grand classique de ne pas le dire !

Madame Firmin Le Bodo, je partage votre avis concernant les métiers que vous avez évoqués. Il faut prendre en compte les différentes situations. Toutefois, je n'ai pas d'élément précis concernant votre question ; je vous les communiquerai après cette réunion.

Les seniors rencontrent effectivement des difficultés. La moitié d'entre eux arrivent à l'âge de la retraite sans être en activité. Nous avons accompli un certain nombre de réformes sur ce point dans chacune des lois de financement de la sécurité sociale, et nos collègues Stéphane Viry et Didier Martin ont fait plusieurs propositions sur le sujet, comme le renforcement du cumul emploi-retraite, la retraite progressive ou encore une meilleure information sur ces dispositifs.

La question de l'âge ne serait pas pertinente. Pour ma part, je pense qu'il faut absolument la traiter en relation avec l'espérance de vie en bonne santé, car elle recouvre aussi l'aspect de la pénibilité.

Je partage le souhait d'une réforme systémique à points. Je pense qu'elle ne paraîtra acceptable que si elle est compréhensible et permet aux gens de répondre aux deux questions qu'ils se posent : à quel âge partir à la retraite, avec quel montant de pension ? Ils veulent pouvoir évaluer ce montant au long de leur vie, pour anticiper leurs conditions futures. Peut‑être un mode de calcul en euros plutôt qu'en points leur semblerait-il plus simple ? C'est une observation que je verse au débat. En tout cas, je ne pense pas qu'il faille abandonner une réforme que l'on estime juste simplement parce qu'on n'a pas encore réussi à l'expliquer et à la rendre claire pour nos concitoyens.

S'agissant de la CNRACL, les taux de cotisation ont en effet été relevés. En loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, un versement de 1,3 milliard par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) devait compenser les déficits liés au déséquilibre démographique. Toutefois, le résultat pourrait atteindre, selon les prévisions, – 1,7 milliard en 2021. La Caisse des dépôts et consignations évoque la nécessité de recourir à nouveau à la CADES.

Des dispositions prises en 2003, en 2010 et en 2014 ont certes permis d'atténuer les tensions pesant sur le financement du système de retraite et d'éviter le pire. Je tempérerai l'optimisme du COR, parce que ses hypothèses reposent notamment sur la productivité, un indicateur qu'il reconnaît lui-même comme difficilement prévisible. Les incertitudes actuelles perturbent déjà la prévision d'évolution des indicateurs ne serait-ce qu'à trois mois ; que le COR puisse faire des prévisions à l'horizon 2070 me paraît compliqué. De surcroît, il n'intègre aucune évolution législative dans ses perspectives.

Selon la Cour des comptes, le système de retraite restera durablement en déficit, se situant entre – 0,1 % et 0,4 % du PIB en 2025. Ces hypothèses sont confirmées par l'annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, qui prévoit un déficit de la branche vieillesse de 9,7 milliards d'euros en 2025. La situation financière à venir des régimes de retraite semble justifier la poursuite des mesures, dont la nature reste à étudier, destinées à atténuer les effets de la transition démographique. Si tout ne va pas mal aujourd'hui, le défi démographique nous placera demain devant des difficultés considérables.

S'agissant des dispositifs de cessation progressive d'activité, l'idée est bien de simplifier la procédure pour les publics auxquels ils s'adressent, pour maintenir les possibilités de départ anticipé ou améliorer, lorsque c'est possible, l'accès à l'emploi. En toute hypothèse, les personnes en situation de handicap doivent pouvoir prendre leur retraite de manière anticipée.

Monsieur Bazin, vous avez raison, les délais de traitement des dossiers sont parfois très longs. Les difficultés que rencontrent nos concitoyens en la matière nous commandent d'être vigilants.

Monsieur Vigier, je ne peux qu'abonder dans votre sens : certains critères devront être revus dans le cadre de la mise en place d'un système universel de retraite.

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