Intervention de Natacha Lemaire

Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 9h30
Commission des affaires sociales

Natacha Lemaire, rapporteure générale du Conseil stratégique de l'innovation en santé au secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales :

Nous pouvons affirmer avoir trouvé notre public sur cet article 51 de la LFSS 2018, un peu comme pour le « 100 % santé », même si l'année 2020 a été bouleversée par la crise. Cela se traduit sur l'ensemble de la chaîne, depuis le moindre nombre de projets déposés jusqu'à la durée d'instruction.

Les chiffres que vous avez cités sont ceux du rapport qui faisait un état de la situation à la fin du mois d'octobre sur les projets déposés à la fin juin 2020. Nous avons maintenant la visibilité sur l'ensemble de l'année 2020. Nous avons donc un peu moins de 900 projets au lieu d'un peu plus de 800, ce qui montre bien le tassement dû à la crise. Au lieu de 71 projets autorisés, nous sommes quasiment à 90 ; d'autres seront autorisés dans les semaines qui viennent et cette année.

Ces projets couvrent un nombre considérable de thématiques. Nous retrouvons les priorités actuelles du Gouvernement, avec des projets concernant la prise en charge de l'obésité, de la santé mentale, du cancer, des troubles du neurodéveloppement, des personnes âgées ou handicapées et la santé sexuelle. Le spectre est vraiment très large.

Les projets couvrent également des modalités de financement diverses avec une prédominance pour le financement à la séquence de soins. Une des caractéristiques des projets « 51 » est de fédérer des acteurs pluriels, financés habituellement par des canaux différents et rendus solidaires par le modèle de financement. C'est typique du financement à l'épisode de soins.

Beaucoup de projets embarquent des outils numériques de tous ordres, avec de la télémédecine et des dispositifs médicaux qui m'amènent à nuancer le propos sur les produits de santé. Effectivement, très peu de projets déposés – et donc autorisés – traitent des médicaments mais, en revanche, nous avons bien des projets, déposés et autorisés, pour les dispositifs médicaux. Ils sont souvent associés à des projets organisationnels.

L'articulation avec les autres dispositifs, notamment avec le FIR des ARS, a lieu par le fait qu'un certain nombre de projets – pas tous – ont eu des versions pilotes par le FIR. Lorsqu'une initiative est financée par le FIR, elle reste dans les frontières régionales et a beaucoup de mal à percer et diffuser au-delà de la région. Le dispositif « 51 » permet ce saut et certaines initiatives probantes avec expérimentation par le FIR connaissent ainsi un nouveau développement et un passage à l'échelle. Je pense que ce point est important.

Un certain nombre de projets traitent de la télémédecine et en particulier de la télésurveillance. Les expérimentations de télémédecine pour l'amélioration des parcours en santé (ETAPES) sont circonscrites avec cinq cahiers des charges et l'article 51 en est le prolongement permettant d'autres expérimentations.

La crise sanitaire a eu un impact sur le nombre de projets déposés et sur les durées d'instruction, qui étaient déjà vécues comme sensiblement trop longues. En effet, la construction d'un projet conforme à l'article 51 est une coconstruction qui nécessite de nombreuses itérations entre les services régionaux ou nationaux et le porteur. Cette boucle entre le porteur et les services a été allongée, à la fois parce que les porteurs avaient d'autres priorités et préoccupations et parce que les services en administration centrale ou en ARS ont été beaucoup mobilisés par la crise.

La crise a aussi eu un impact sur le lancement des projets. Les projets démarrés avant le premier confinement de mars 2020 ont connu un coup d'arrêt comme de nombreuses activités de santé. Certains de ces projets ne redémarrent que maintenant. Cela les a donc décalés de plusieurs mois voire presque d'un an. Par ailleurs, l'année 2020 a été l'année de première inclusion massive dans les expérimentations et ces montées en charge ont été perturbées par la crise du coronavirus.

Nous avons aussi vu des effets positifs. Certains projets qui développaient des prises en charge à distance, à domicile ou en utilisant des outils à distance, ont été accélérés par la crise et ont connu des montées en charge plutôt rapides. Quelques projets sont aussi nés de la crise du covid, notamment un projet autorisé récemment de microstructure post-covid pour la prise en charge des effets psychologiques et somatiques de la crise. Un second projet sera autorisé prochainement sur la participation des chirurgiens-dentistes à la permanence des soins. Ce projet a démarré pendant la crise avec un financement FIR et se développera dans le cadre de l'article 51.

Dans vos constats lors de la création du dispositif, vous faisiez trois critiques principales : l'absence à l'époque d'évaluation des initiatives lancées ; le délai entre l'habilitation législative et la mise en œuvre des projets ; le fait que les initiatives probantes en région n'étaient pas connues au niveau national. L'organisation que nous avons permet de répondre à ces trois critiques puisque, lors de l'instruction d'un projet se croisent les regards des services de l'État, des services de l'assurance maladie, des services en région et des services nationaux. Cet alignement prend un peu de temps mais, une fois qu'il est obtenu, il est extrêmement puissant.

Ce résultat est assez unique me semble-t-il dans notre système et constitue une sorte d'assurance pour la suite et la potentielle généralisation des expérimentations qui seraient probantes puisque l'ensemble des administrations concernées ont été associées en amont. Elles ont connaissance des projets et ont aussi approuvé ces expérimentations.

Ce qui prend le plus du temps est souvent l'élaboration du modèle de financement. Pour les acteurs, définir et proposer des organisations innovantes constitue leur métier quotidien, de routine et cela ne pose pas de difficulté particulière. En revanche, l'aspect financier est totalement nouveau et il se produit un important effet de courbe d'apprentissage. Partager ses modèles ou réflexions est aussi nouveau pour l'administration, tout comme le fait de les construire avec les parties prenantes. Pour le passage dans le droit commun, dans le cas où les évaluations seraient positives, nous aurons franchi une partie du chemin avec des modèles de financement déjà testés en vie réelle lors de l'expérimentation.

Sur l'éligibilité, nous sommes bien partis mais nous pouvons toujours nous améliorer. Parmi les améliorations envisageables se trouve la lisibilité du dispositif. La base légale nous permet aujourd'hui de mobiliser dans le dispositif plus de cent dérogations législatives dont beaucoup relèvent des modèles de financement et certaines sont des dérogations organisationnelles du code de la santé publique. Rendre simple cette multitude de dérogations n'est pas toujours évident, y compris pour les services spécialisés. Sur certains projets, l'analyse de recevabilité prend du temps pour répondre de façon claire et certaine au porteur de projet.

Il convient d'améliorer la lisibilité et l'accessibilité dans nos interactions avec les uns et les autres. Nous répondons tous les jours à des questions sur le dispositif. Nous avons aussi à cœur de nous améliorer sur la rapidité bien sûr.

Plusieurs projets sont proposés par les organismes d'assurance complémentaire, plutôt dans leur version opérateur de soins, mais nous n'avons à ma connaissance pas eu de projet concernant la dimension complémentaire santé. Comme pour le « 100 % santé », c'est probablement parce qu'il existe de nombreux acteurs et qu'il est compliqué à mettre en œuvre. Cependant, la base légale le permet et nous serions prêts à instruire de tels projets s'il s'en présentait.

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