Intervention de Xavier Piechaczyk

Réunion du jeudi 28 octobre 2021 à 14h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Xavier Piechaczyk, président de RTE :

‑ Je vais commencer par répondre à l'interpellation de M. Loïc Prud'homme. Le travail de RTE, qui est un service public, est d'éclairer le débat démocratique et la décision publique. Dans notre document, il y a plusieurs critères que le pouvoir politique, au sens noble du terme, pourrait intégrer pour faire des choix demain. Il y a bien sûr le critère économique, le critère de la maturité technologique, les questions de rythme de déploiement industriel et de rythme d'insertion des énergies renouvelables dans les territoires. Tout ceci fait beaucoup de critères. Il ne nous appartient pas de les pondérer. Nous les documentons, en laissant le débat politique ouvert. Monsieur Prud'homme nous a aussi interrogés sur l'évaluation des coûts complets du système électrique. Je voudrais souligner que le rapport parle bien de de cela, et pas des prix de l'électricité, il ne faut pas confondre.

Vous nous avez interpellés sur le coût moyen pondéré du capital des différents moyens de production et des réseaux. Effectivement, tous les ordres de grandeur que vous avez sous les yeux supposent un encadrement public fort pour faire diminuer le coût de financement des nouveaux moyens de production bas carbone et du réseau. Nous avons utilisé une hypothèse centrale de coût moyen pondéré du capital de 4 %. Nous avons fait des tests de sensibilité à 1 % et à 7 %, mais vous avez raison de souligner que notre hypothèse centrale est celle d'un coût normalisé de financement plutôt bas. Cela fait suite à une très longue discussion avec les économistes de notre Conseil scientifique, dont Christian Gollier, Jean-Michel Glachant, Laurence Boone et Jan-Horst Keppler. Le coût complet annualisé du système électrique, estimé à 66 milliards d'euros par an pour le scénario N1 et à 71 milliards pour le scénario M23, suppose un encadrement public fort, pour que les coûts de financement soient faibles. C'est le prix à payer pour la neutralité carbone. Si l'encadrement public n'était pas suffisant, alors ces coûts complets seraient plus élevés. Néanmoins, les différences de coûts in fine entre les scénarios ne sont pas l'épaisseur du trait, comme le montrent les stress tests. La comparaison entre les scénarios 100 % renouvelables et les scénarios « nucléarisés » est résistante à l'ensemble des crash tests et des stress tests que nous avons pu réaliser. On ne peut donc pas dire que les écarts de coûts en 2050 et en 2060 soient dans la marge d'erreur.

Vous nous avez interpellés sur la réorganisation et le développement des réseaux. Demain, connecter l'ensemble des nouveaux moyens de production – ils seront nouveaux, qu'il s'agisse des énergies renouvelables ou du nouveau nucléaire – nécessitera plus de réseaux, et même beaucoup plus. Tout le monde comprend que plus il y a de renouvelables, moins cette production est concentrée et plus il faut du réseau pour relier ces renouvelables au réseau de transport, puis acheminer l'électricité vers les consommateurs. Il y a une relation quasi proportionnelle entre le volume d'énergie renouvelable et le dimensionnement des réseaux, avec un point d'attention. Nous montrons que parmi les scénarios qui tendent vers 100 % de renouvelables, les plus performants d'un point de vue économique sont ceux dans lesquels les moyens de production sont concentrés dans de grands parcs offshore, éoliens terrestre et solaires à terme. J'ai le sentiment d'avoir donc répondu par là-même à la question de Madame Émilie Cariou sur le coût du capital.

Monsieur Philippe Bolo nous a interrogés sur la façon de s'assurer que nos enseignements seront pris au sérieux. Nous faisons le travail le plus sérieusement possible pour être pris au sérieux. D'une certaine manière, ceux qui interprètent notre travail font que celui-ci ne nous appartient plus. Nous nous plaçons dans le registre savant de la démonstration. Les chapitres mis en ligne progressivement assurent une transparence absolue, non seulement sur la concertation, mais aussi sur l'ensemble des hypothèses retenues. Bien évidemment, à titre personnel, cela ne me choquerait pas qu'une controverse ait lieu sur nos travaux, dès lors que c'est une controverse scientifique. Ce qui garantit notre neutralité, outre le fait que RTE est une société anonyme indépendante en droit, conformément au statut de gestionnaire de réseau de transport (GRT, en anglais transmission system operator ou TSO) prévu par les directives européennes, c'est l'absolue transparence de l'ensemble de nos hypothèses qui sont débattues et de l'ensemble de leur analyse. J'insiste : nous ne nous plaçons pas dans le champ politique, ce n'est pas notre rôle, nous restons dans le registre savant et l'ensemble de ce que nous avons fait est accessible et peut-être débattu.

Les coûts complets du système électrique recouvrent tout ce dont a besoin le système électrique pour exister : l'appareil de production et l'ensemble des dispositifs de flexibilité, tant pour l'offre que pour la demande : matrice, stockage hydraulique, interconnexion et, le cas échéant, centrales thermiques. J'en profite pour préciser que nos scénarios incluent beaucoup d'interconnexions, mais que notre calcul économique s'arrête au périmètre du système électrique, au réseau, sans intégrer le coût des politiques publiques d'électrification des usages, qui relèvent d'un autre registre. Notre travail a pour but de clarifier le coût auquel la France peut avoir un système électrique permettant d'atteindre la neutralité carbone en 2050. C'est la seule question à laquelle nous répondons. C'est une question importante, mais ce n'est évidemment pas la seule, puisque si la France décide de faire de la rénovation thermique, cela mobilisera du capital, public ou privé. Notre étude s'arrête au coût complet du système électrique qui permet de couvrir une trajectoire de consommation.

Je propose à Thomas Veyrenc de commencer par présenter les hypothèses de coûts portant sur l'appareil électronucléaire : l'aval, l'amont, les coûts unitaires de production pour l'EPR2 et pour les SMR, à la suite de quoi il pourra dire pourquoi nous avons retenu une trajectoire de référence à 645 térawattheures et enfin parler des coulisses du rapport.

J'ai l'impression, sous votre contrôle Monsieur le président, que si nous répondons à tout cela, nous aurons traité l'essentiel des questions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.