Intervention de Georges-Olivier REYMOND

Réunion du jeudi 21 octobre 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Georges-Olivier REYMOND, président-directeur général de Pasqal :

Le premier secteur qui bénéficiera de ces technologies est celui de l'énergie. Pasqal travaille avec EDF sur un cas d'usage visant à faciliter la mobilité urbaine. Les automobilistes commencent à basculer vers les véhicules électriques et sont confrontés à la problématique de recharge. Le fait que des milliers de véhicules doivent se recharger en même temps pose d'énormes contraintes sur la grille électrique, car la demande est brutalement très forte sur un nombre limité de stations. Un ordinateur classique ne sait pas résoudre un problème aussi complexe. L'ordinateur quantique permettra de lever ce verrou de calcul. Il intervient dans la mobilité urbaine, l'invention de nouveaux matériaux, l'amélioration de la distribution d'énergie, etc.

Une course est lancée pour fournir les premières machines à usage industriel. Des preuves de concept ont été démontrées. Pasqal et sa technologie sont en tête de course, car elles proposent un nombre de qubits (200) supérieur à celui proposé par exemple par Google (50) – ces nombres sont publiés dans des revues scientifiques à comité de lecture. Les qubits sont des atomes qui encodent l'information et interagissent pour faire les calculs. Le passage de 50 à 200 qubits n'induit pas une évolution proportionnelle de la puissance de calcul : celle-ci est multipliée par deux à chaque qubit ajouté, selon une loi exponentielle. Le passage de 50 à 200 qubits permet de passer de démonstrations de principe au traitement de cas d'usage.

La deuxième course est celle de l'armement. Des levées de fonds et des investissements privés sont très importants notamment aux USA sur des technologies pourtant moins avancées. IonQ, une société similaire à Pasqal avec un ou deux ans d'avance, mais avec une moins bonne technologie est récemment entrée en bourse et vaut déjà deux milliards de dollars. D'autres levées de fonds mobilisent plusieurs centaines de millions de dollars. Certains des concurrents de Pasqal aux USA disposent de 600 millions d'euros pour mener leur stratégie à bien.

Pasqal est une société issue de l'Institut d'Optique, sur le plateau de Saclay, bâtie sur des fondements académiques et sur des années de recherche réalisées au CNRS. Deux de nos cofondateurs sont Alain Aspect, médaille d'or du CNRS, et Antoine Browaeys, médaille d'argent du CNRS. Pasqal bénéficie donc d'une forte expertise technologique. Elle est la 3ème plateforme qui a démontré l'avantage quantique – la publication correspondante a été faite dans Nature –, sur un cas d'usage, en résolvant avec 200 qubits un problème de physique fondamentale, la construction du magnétisme quantique dans les matériaux, avec des applications dans les sciences des matériaux et la physique théorique.

Notre avantage est le nombre de qubits. C'est lorsque les technologies sont encore au stade de développement que les avantages qu'elles procurent ont les effets les plus importants et permettent de faire la différence : ils nous permettent aujourd'hui de faire la course avec Google.

Pasqal a été créée en mars 2019 et compte aujourd'hui 40 employés de 9 nationalités. Elle attire des talents de l'étranger. Mme Senellart a dit que les start-up prendraient des ressources à la recherche ; je dirais plutôt qu'elles offrent des débouchés aux brillants étudiants qui ont des difficultés à trouver des postes et mettent en valeur l'environnement. Elles prennent certes de la place, mais font aussi grossir le marché global et les parts de chacun. Pasqal a bénéficié d'un financement de 25 millions d'euros en avril 2021 venant de divers investisseurs internationaux. Enfin, des machines sont en construction et seront installées dans des centres de calcul en Allemagne et en France (CEA, GENCI et Atos). Dans cette première structure de calcul hybride, le calcul quantique sera intégré au calcul classique.

L'action publique est très importante dans l'écosystème : le Plan Quantique, le Plan France 2030, le Flagship européen PASQuanS, les systèmes de subvention européens EIC qui soutiennent les start-up. Un autre levier est la commande publique : le projet HPC-QF en est une belle illustration. Dire à des investisseurs que Pasqal a vendu deux machines a fortement pesé dans la balance de la levée de fonds. Pour la prochaine levée de fonds, si nous pouvons dire que Pasqal a vendu à la France des machines de 1 000 qubits (celles que nous développons actuellement) positionnées dans des centres de calcul, cela aura un énorme impact auprès des investisseurs.

La première révolution quantique a été développée par des physiciens européens, mais le marché est essentiellement positionné aux Etats-Unis. Pour la deuxième révolution, essayons d'en conserver un plus gros morceau !

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