Intervention de Thierry Coulhon

Réunion du jeudi 20 mai 2021 à 11h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Thierry Coulhon, président du Hcéres :

. – Merci beaucoup de votre invitation. Pour parler de l'OFIS et de son indépendance, il m'a paru important d'être accompagné de la nouvelle directrice de l'OFIS, Stéphanie Ruphy.

L'heure n'est plus à définir mes projets pour le Hcéres comme lorsque je me suis présenté devant vos assemblées à l'automne 2020. Je les résume toutefois : il s'agit de donner plus de sens, plus d'utilité à nos rapports et de simplifier les démarches vis-à-vis des organes évalués. Je voudrais aujourd'hui rapidement vous parler de ce qui a été entrepris et de ce que l'on peut légitimement espérer, puis écouter attentivement vos retours. Au-delà des questions relatives à l'intégrité scientifique et à la science ouverte, je voudrais faire un tableau plus large.

Le Hcéres est une autorité administrative indépendante qui deviendra une autorité publique indépendante en application de la loi que vous avez votée, à compter du 1er janvier 2022. Le Hcéres sera responsable devant le Parlement et pas devant l'exécutif, et il sera à la fois issu des communautés scientifiques et en contact avec elles, tout en étant indépendant des lobbies et à distance des intérêts particuliers. Le Hcéres évalue les établissements d'enseignement et de recherche, à savoir les universités, les écoles et les organismes de recherche ; il évalue aussi les unités de recherche et les formations. Cette concomitance des trois missions est une spécificité dans l'espace européen et dans l'espace international, qu'il faut préserver. À quoi bon regarder la gestion et le pilotage des établissements si l'on n'examine pas où ils en sont du point de vue de la formation et de la recherche ? À quoi bon regarder les unités de recherche si l'on ne s'intéresse pas aux ensembles dans lesquels elles s'intègrent et quels paysages elles dessinent ?

La deuxième caractéristique du Hcéres a trait au fait que tout part du rapport d'évaluation que rédigent les établissements de formation et les unités : ils se décrivent eux‑mêmes. Cela a un avantage, car nous jugeons leurs projets, mais aussi un inconvénient, car nous avons du mal à ne pas dépendre des informations qui nous sont fournies.

La troisième grande caractéristique est liée au fait que le Hcéres n'évalue pas lui-même mais met en place des comités d'experts nationaux et internationaux qui procèdent de manière indépendante mais dans le cadre de référentiels.

Nous hébergeons l'OST, qui a récemment rédigé un rapport sur la position scientifique de la France dans le monde et qui produit un grand nombre de données bibliométriques. Si la bibliométrie constitue une base objective importante pour caractériser un domaine scientifique, l'évaluation ne s'y résume pas, sinon il serait inutile d'avoir une agence qui mobilise trois mille à quatre mille experts par an et qui procède à de l'évaluation collégiale et par les pairs. Nous hébergeons aussi l'OFIS – nous reviendrons tout à l'heure sur les caractéristiques de ce dispositif et ses évolutions récentes.

La vacance du pouvoir à la tête du Hcéres a pu interroger, le mandat de mon prédécesseur s'étant terminé de manière tout à fait prévisible du fait d'un départ en retraite. J'ai trouvé une maison ayant bravement fait face à la pandémie, avec notamment le basculement en visioconférence de toutes les visites d'établissements. J'ai trouvé une belle maison, des procédures bien huilées, des équipes engagées et de qualité, mais l'ensemble ne donnant cependant pas ce qu'il pourrait donner au pays.

Dès mon arrivée, j'ai cherché à faire évoluer l'organisation. Il existait quatre départements d'évaluation et un département Europe et international mais le problème portait sur l'organisation de la couche qui s'occupait des établissements. Un département s'occupait des organismes de recherche et des écoles et un département s'occupait des coordinations territoriales et des universités. Ne comprenant pas cette organisation, j'ai proposé à notre collège un schéma simple avec, d'une part, un département d'évaluation des établissements d'enseignement supérieur (universités et écoles), d'autre part, un département d'évaluation des organismes de recherche et de leurs relations avec les universités et écoles. Une fois cette organisation revue, j'ai cherché à bâtir une évaluation intégrée. Jusqu'alors, les départements chargés d'évaluer les établissements, la formation et la recherche fonctionnaient en silo. Les processus sont compliqués car ceux qui travaillent sur les établissements doivent intégrer le travail des comités chargés d'évaluer les formations et la recherche. Néanmoins, il est possible de travailler plus rapidement et plus simplement, et cela constitue un impératif de premier ordre.

La deuxième grande impulsion nécessaire visait à retravailler le référentiel et les processus en vue de les simplifier tout en donnant une importance particulière à certains sujets émergents comme la science ouverte, le développement durable, les responsabilités sociétales des universités et des organismes, l'intégrité des scientifiques, etc.

La troisième évolution, la plus profonde, la plus difficile à saisir et celle qui justifie tout le reste, concerne l'amélioration qualitative des rapports et de leur impact. Il n'est pas souhaitable de revenir à la note car cela simplifie à l'extrême, cela entraîne des effets de seuils importants et tout le monde se retrouve classé A+ à un moment donné. Nous pouvons dire les choses, caractériser le niveau international et national des équipes de recherche et des établissements, caractériser la recherche pour que les établissements réalisent la stratégie dont ils se sont eux-mêmes dotés, sans être stigmatisants ou obsédés par des classements et des comparaisons. La clef de cette évolution tient dans la rédaction des rapports, qui doivent être écrits dans la perspective d'être lus. J'ai été frappé de constater que le Hcéres s'était protégé des critiques en n'insistant pas pour que ses rapports soient lus et en ne communiquant pas sur eux. Il faut communiquer dans l'espace public mais également vis-à-vis du Parlement, des exécutifs régionaux, etc.

Pour des raisons à la fois de fond et conjoncturelles, Thierry Mandon avait senti la nécessité, à travers la circulaire que vous connaissez bien, de se pencher sur la question de l'intégrité scientifique. Nous étions en retard. Nous l'avons partiellement comblé mais il m'a semblé qu'il existait une confusion entre le rôle du Conseil français de l'intégrité scientifique (CoFIS), comprenant des personnalités à fort rayonnement, et l'OFIS qui doit avoir des capacités opérationnelles réelles. Il m'a donc semblé important de séparer l'orientation de l'opérationnel et de remuscler les deux dispositifs : le CoFIS s'est doté de nouveaux membres de très haut niveau dont deux internationaux et nous avons entrepris de recruter un nouveau responsable à l'OFIS et de lui donner des moyens d'action opérationnels. Stéphanie Ruphy, nouvelle directrice de l'OFIS, a fait des études d'ingénieur avant d'être « contaminée par le virus de la recherche » et de s'intéresser à l'astrophysique – elle a réalisé une thèse d'astrophysique et une thèse de philosophie. Elle est aujourd'hui professeure de philosophie à l'École normale supérieure et travaille sur la science contemporaine, ses pratiques, ses problèmes et son développement. Elle s'intéresse également à l'intégrité scientifique et a assuré des fonctions de référente intégrité scientifique à Grenoble avant de nous convaincre que précisément, le fait que son thème de recherche soit en lien avec l'intégrité scientifique et qu'elle ait envie de régler des problèmes concrets faisaient d'elle une candidate idéale à la direction de l'OFIS.

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