Intervention de Naïma Moutchou

Séance en hémicycle du lundi 11 décembre 2017 à 16h00
Réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi de ratification que nous examinons cet après-midi modifie un pan considérable du droit des contrats, du régime général des obligations et du régime de la preuve des obligations. La réforme en ces matières était absolument nécessaire, pour rendre le droit plus lisible et plus accessible. Il s'agit en effet d'un droit largement jurisprudentiel, alors que notre tradition juridique privilégie le droit écrit et codifié.

L'Europe fut à l'initiative de cette réforme : au début des années 2000, d'importants travaux furent réalisés concernant le droit européen des contrats, qui suscitèrent l'inquiétude d'une partie de la doctrine française, préoccupée de voir le droit national complètement écarté. C'est ce qui a conduit à lancer les premiers travaux sur la grande réforme du droit des contrats, à l'occasion de la célébration du bicentenaire du code civil.

Douze années se sont écoulées jusqu'à la publication de l'ordonnance du 10 février 2016. Pendant ce temps, il y eut des contributions très riches, venant de tous les milieux. On peut mentionner à cet égard les avant-projets Catala et Terré, les avant-projets de réforme publiés par la chancellerie en 2008 et en 2011, la consultation publique de 2015, les plus de 300 réflexions écrites adressées au ministère de la justice, l'abondante jurisprudence – bien sûr – et les multiples auditions de professionnels, de juges et d'universitaires menées par les parlementaires.

L'ordonnance est entrée en vigueur en octobre 2016, il y a un peu plus d'un an. Le droit des obligations demande de la stabilité : c'est indispensable à des relations pérennes entre les différents acteurs économiques. C'est pourquoi il n'est pas question ici de faire une réforme de la réforme. Notre groupe suivra donc le rapporteur qui souhaite rétablir le texte d'origine, moyennant des modifications très limitées et très ciblées qui ne remettent nullement en cause l'équilibre du texte.

Cette ratification devrait être largement approuvée par les praticiens et par la doctrine, tant la réforme était attendue. Elle marque, en effet, une évolution majeure à plusieurs titres : la notion de cause du contrat disparaît, tandis que la théorie de l'imprévision, la violence économique comme nouveau vice du consentement et les actions dites interrogatoires en matière de pacte de préférence ou d'action en nullité font leur entrée dans le code civil.

Le texte affirme également, à titre introductif, des principes fondamentaux, directeurs du droit. Je pense, à cet égard, à la notion de liberté contractuelle, ce qu'on appelait autrefois « l'autonomie de la volonté », qui doit rester, dans le domaine du droit des contrats, l'action principale. Je pense également à la sécurité contractuelle, très attendue par le monde économique : il faut que les dispositions écrites soient pérennes et trouvent toujours à s'appliquer en pratique. Je pense enfin à un principe que l'on retrouve dans d'autres droits européens : la bonne foi, autrement dit la loyauté contractuelle. Toutes ces innovations justifient que l'ordonnance soit ratifiée.

Elle le sera je l'espère selon les deux objectifs définis par le Gouvernement : renforcer la sécurité juridique des relations entre les parties, et faire progresser l'attractivité du droit français, non seulement du point de vue économique interne mais également dans une perspective d'influence du système juridique français à l'étranger. En effet, l'enjeu de la modernisation du droit des contrats ne se situe pas seulement sur le plan du droit strictement entendu, il s'appréhende également en termes de compétitivité de notre territoire, tout particulièrement à l'heure du Brexit.

Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille renoncer à nos valeurs humanistes traditionnelles : ce texte vise précisément à doter la France d'instruments propres à garantir la justice contractuelle, protecteurs pour la partie faible, tout en étant efficaces et adaptés aux exigences de l'économie de marché.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe La République en marche votera ce projet de loi de ratification.

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