Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Je suis heureux de constater que chacun convient de la situation exceptionnelle de la France. À rebours des soixante-dix dernières années, notre pays vit un enfoncement progressif dans la pauvreté. Le gouvernement actuel n'est certainement pas le seul responsable : la volonté de faire entrer toute l'économie française dans un régime de concurrence libre et non faussée avec le reste de la planète, en détruisant les outils de production et les moyens de répartition de la richesse au profit de son accumulation dans quelques poches, a totalement déséquilibré notre pays.

La croissance des inégalités est si violente que beaucoup de nos concitoyens qui bénéficient d'une situation matérielle plus favorable ont du mal à admettre cette pauvreté. Beaucoup de gens n'arrivent pas à croire que 8 millions de personnes relèvent de l'aide alimentaire. Encore récemment, dans un débat à la télévision, quelqu'un censé rectifier mes chiffres disait que cela n'en concernait que 2 millions, parce qu'il se référait aux seules prestations des banques alimentaires. Mais si l'on tient compte de l'ensemble des intervenants, et le Secours catholique et le Secours populaire l'ont d'ailleurs rectifié, on arrive bien à 8 millions de personnes.

De manière tout aussi affligeante, beaucoup ne croient pas qu'entre 300 000 et 600 000 personnes subissent des coupures d'électricité. Le phénomène a atteint une telle ampleur qu'EDF a décidé d'y renoncer, après avoir constaté que ceux à qui l'on avait coupé l'électricité ne payaient pas mieux leurs factures après son rétablissement.

De même, beaucoup n'arrivent pas à croire que 12 millions de personnes ont froid dans leur appartement ou qu'un adulte sur quatre se prive de certains repas au profit de ses enfants ou faute de moyens de se procurer de la nourriture.

Bien que ces situations résultent de mécanismes structurels, nous ne pouvons nous réfugier derrière cette vision globale pour ne rien faire. La situation est celle d'un état d'urgence sociale. J'insiste sur ce mot car l'article 1er de notre proposition de loi vise à ajouter le critère d'urgence sociale, évalué par le législateur et non plus seulement par le gouvernant, à l'article L. 410-2 du code de commerce qui ouvre actuellement la possibilité de décider un blocage des prix par décret, c'est-à-dire par le seul exécutif. Dès lors que l'on serait en situation d'urgence sociale, le législateur aurait la possibilité d'intervenir.

Aujourd'hui, le blocage des prix est possible dans « une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé ». Nous y sommes – c'est le cas, notamment, pour les carburants. À supposer même qu'un mécanisme de marché pur et parfait existe, il n'est pas opérant dans le secteur de l'énergie puisque le prix de marché y est établi à partir d'un prix de gros évalué sur le plus coûtant des producteurs. C'est le marché qui crée l'inflation, et non la réalité de la marchandise disponible. Vous redoutez la nouveauté, mais n'avons-nous pas vécu dans une économie administrée jusqu'en 1986, lorsqu'il y avait un contrôle des prix ? Dans l'histoire, ce mécanisme a toujours été lié à des circonstances exceptionnelles, puisqu'il a été décidé pendant la Révolution en 1789, par Léon Blum en 1936, par Michel Rocard en 1991 pour le carburant, et par Emmanuel Macron récemment pour les masques et les gels hydroalcooliques.

Entendez que cette proposition de loi s'inscrit dans un projet global incluant l'urgence sociale, lequel sera appliqué, je l'espère, dans trois mois. Le contrôle des prix de certains biens et services sera défini grâce à la participation populaire, comme c'est le cas à La Réunion où des citoyens sont tirés au sort.

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