Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Les députés communistes sont engagés sans ambiguïté dans la transformation agroécologique de notre agriculture, qui exige une réduction très importante de l'usage des intrants et des produits phytosanitaires pour l'ensemble des productions agricoles – en commençant par les molécules qui se révèlent les plus dangereuses ou ayant le plus d'impact pour la santé, la biodiversité et l'environnement, comme le sont les herbicides à base de glyphosate, qui sont au cœur de notre système de production.

Pour autant, nous aurions tort de laisser croire que nous réglerions à bon compte le problème global de l'utilisation des produits phytosanitaires en interdisant simplement par la loi l'utilisation de cette molécule. L'ampleur du défi agronomique est d'un tout autre niveau. Cette proposition de loi visant à interdire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate renvoie d'ailleurs au décret les modalités d'application de cette interdiction, ce qui démontre toute la difficulté de vouloir légiférer en une phrase sur un débat complexe, qui doit prendre en compte tous les facteurs et toutes les difficultés qu'une telle interdiction va poser.

Après les envolées présidentielles de 2017, le Gouvernement a dû miser sur une stratégie de sortie progressive du glyphosate, assortie de dispositifs d'aides – qui demeurent très insuffisants – en direction des agriculteurs. On ne peut cependant pas légiférer pour faire de l'affichage en simple réaction aux tergiversations et insuffisances de la majorité sur ce sujet. Il faudrait légiférer sur les effets de verrouillage sociotechnique qui maintiennent les agriculteurs dans une relation de dépendance à l'égard des industriels, sur les moyens et outils pour sortir de systèmes spécialisés et territorialisés, et sur les conditions économiques et techniques nécessaires à chaque producteur pour accompagner dans la durée la transformation globale de son système de production.

Le résultat peu probant, voire l'échec, des politiques de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires invitent ainsi à une certaine circonspection dans un contexte d'aggravation des conditions de la concurrence, de dégradation du revenu et d'absence d'une volonté européenne d'accélérer la transition agroécologique dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) comme dans celui des plans stratégiques nationaux.

Les travaux d'expertise, notamment ceux confiés à l'INRAe, visant à fournir à l'ANSES des éléments pour arbitrer sur la liste des retraits du glyphosate pour chaque type de culture, démontrent que des impasses techniques subsistent. Le lien extrêmement étroit entre travail du sol et recours au glyphosate pour les grandes cultures est un sujet particulièrement sensible. Moins travailler le sol entraîne un recours au glyphosate, même minime, en interculture. Or, moins travailler le sol participe à la conservation de ses qualités agronomiques et au stockage de matière organique et de carbone.

Les principales alternatives techniques identifiées par l'INRAe pour limiter drastiquement ou se passer totalement du glyphosate en grandes cultures passent par un travail du sol renforcé ou des labours plus fréquents. Le problème central, c'est la difficulté à concilier stockage de carbone et régénération des sols agricoles sur les surfaces de grandes cultures, puisqu'il faut labourer plus pour se passer des outils chimiques. Plus de passages mécaniques, c'est plus de charges de mécanisation et plus de carburant, et donc globalement, plus d'émissions de CO2.

Comme le soulignent de nombreuses études scientifiques, la problématique est plus complexe et évidemment beaucoup moins populaire qu'une simple inscription immédiate d'une interdiction d'usage dans le code rural. Tout en soutenant l'objectif – que nous partageons tous – d'arriver le plus rapidement possible à l'interdiction du glyphosate au niveau européen, le groupe GDR s'abstiendra de façon responsable sur ce texte.

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