Intervention de François Bayrou

Réunion du mercredi 24 mars 2021 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

François Bayrou, Haut-Commissaire au plan :

Si je disposais des réponses à toutes les questions que vous m'avez adressées, alors je mériterais d'occuper d'autres fonctions ; celles de Pape, plus encore que de Président de la République. Je tenterai malgré tout d'y répondre.

Monsieur Haury, j'estime tout autant que vous la question démographique d'une importance vitale, au sens biologique du terme, pour notre pays. La France s'est formée autour d'un contrat social qui ne saurait perdurer sans un équilibre démographique permettant, par exemple, que les actifs soient en nombre suffisant pour payer les retraites dans le cadre de notre régime par répartition. Je comprends qu'un pays comme l'Allemagne ayant adopté un régime de retraite par capitalisation se moque de ces équilibres démographiques. Son déclin démographique est d'ailleurs tel qu'il lui a fallu laisser entrer sur son territoire un million de réfugiés en l'espace d'une année. Faute de prendre à bras-le-corps cette question, nous allons, en France, nous retrouver au bord d'un gouffre et y sombrer.

Notre démographie est en fléchissement, pour des motifs principalement sociaux et psychologiques, tels que l'appréhension à l'idée de fonder une famille, du fait du malaise suscité par l'avenir. Les politiques publiques jouent de ce point de vue un rôle capital. Un certain nombre d'entre elles, en matière de soutien et d'aide à la parentalité, ont changé. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que l'effondrement se soit accentué. Je compte produire, dans les semaines à venir, une note sur la question démographique.

Hier, Mytraffic, une société d'analyse de la circulation dans la totalité des centres-villes en Europe, a étudié les 180 villes de 20 000 à 100 000 habitants en France. Pau s'est hissée à la troisième place de son classement, non par hasard mais en conséquence d'une politique menée sur plusieurs années. Voilà qui prouve la possibilité de faire advenir des changements. Il n'existe pas de fatalité, ni locale, ni nationale.

Ces villes d'équilibre, capitales de régions petites ou moyennes, ont un rôle unanimement identifié à jouer dans les équilibres de population, en vue d'une meilleure écologie humaine dont bénéficierait tout le pays. C'est dans ce sens que je voudrais avancer.

Monsieur Saddier, j'adhère à vos remarques sur les ressources en eau. Le traitement que réserve notre société aux travaux sur les ressources en eau me surprend toujours. Les civilisations se forment, depuis des millénaires, autour de la gestion de l'eau. L'Égypte ne serait jamais devenue ce qu'elle a été sans un travail colossal de creusement de canaux reliés au Nil pour irriguer les récoltes. Nous travaillons à une note sur le sujet qui, je l'espère, recevra autant d'échos que celle publiée ce matin.

Il convient avant toute chose de différencier ce qui, dans la gestion de l'eau, nuit à la préservation de sa pureté, de ce qui la favorise. J'estime ainsi inacceptable de puiser de l'eau dans des nappes en altérant leur équilibre chimique, au risque d'ailleurs de les épuiser. En revanche, gérer l'eau de ruissellement pour en limiter les dégâts dans un objectif de compensation au fil des saisons me paraît éminemment écologique et vertueux. Cette différenciation indispensable reste cependant encore à établir. Nous en sommes toujours à exploiter des fantasmes. La liberté de pensée et de parole d'un Haut-Commissariat au plan doit s'appliquer à ces sujets et je veillerai de toutes mes forces à ce qu'elle s'exprime également dans le domaine de l'eau.

Madame Luquet, je suis tout à fait prêt à relayer votre proposition d'instaurer une clause de revoyure régulière et obligatoire autour des grands projets. Cela me frappe que le lancement de plans s'accompagne de grands effets d'annonce alors qu'il n'en est plus question ensuite.

Monsieur Leseul, la question de l'hydrogène recoupe celle de l'électricité verte, qui nous ramène au commencement de notre discussion. Produire de l'hydrogène à partir d'une électricité, non pas verte mais carbonée, s'apparenterait à une déperdition d'énergie. Le bilan énergétique de la production d'hydrogène laisse en effet à désirer. La présence du gaz dans un mix énergétique de transition m'apparaît comme une bonne chose. Ce plan hydrogène n'est pas aisé à mettre en place pour la simple raison qu'il est ardu de produire de l'électricité verte. Il n'en doit pas moins bénéficier d'un soutien sur le long terme.

Je n'entrerai pas dans le débat, à couteaux tirés, et à fleurets non mouchetés, entre Veolia et Suez. Ses tenants et ses aboutissants sont trop d'actualité pour entrer dans les préoccupations du Haut-Commissariat au plan, du moins publiquement.

J'estime moi aussi impératif de mettre en place des formations de transition. J'évoquais Thierry Marx, qui forme des cuisiniers en onze semaines, en suivant les mêmes objectifs et en délivrant le même nombre d'heures de cours que dans le cadre d'un Certificat d'aptitude professionnelle (CAP) s'étendant sur plusieurs années. Des formations courtes et efficaces pourraient sans nul doute être proposées dans de multiples domaines comme le bâtiment, la transition énergétique, l'isolation ou encore la plâtrerie. Un important travail reste à fournir. Je demeure persuadé qu'il est possible d'y parvenir.

Madame Panonacle, vous avez raison de défendre la transition dans le secteur du transport maritime, que je crois essentielle.

Madame Essayan, je n'ai pas participé aux travaux d'élaboration de la stratégie ferroviaire. Je les lirai avec intérêt. Je me félicite que le gouvernement et l'entreprise s'en chargent, et que le Haut-Commissariat au plan, déjà fort occupé, n'ait pas à se pencher sur la question.

Madame Silin, notre note à propos de la dette Covid, qui a fait couler beaucoup d'encre, proposait une stratégie que n'a pas démentie la mission Arthuis devant laquelle je l'avais exposée. Elle n'implique pas d'augmenter les impôts pendant la période de transition. Je m'oppose à l'idée d'annuler la dette, car ceci nous placerait aussitôt dans l'impossibilité d'emprunter le moindre euro. La générosité a ses limites. On ne prête que lorsqu'on a des chances raisonnables d'obtenir le remboursement des sommes avancées. Il ne me semble pas que des négociations aient lieu avec la BCE quant à une éventuelle annulation de la dette, dont la seule perspective entraînerait une explosion des taux d'intérêt, alors que nous avons justement besoin qu'ils baissent.

Madame Kerbarh, je n'ai pas saisi votre question.

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