Intervention de François Bayrou

Réunion du mercredi 24 mars 2021 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

François Bayrou, Haut-Commissaire au plan :

Quoi qu'il en soit, se pose là une question de souveraineté. J'ai assisté à une réunion fort intéressante organisée par Jimmy Pahun avec des armateurs. Nous avons heureusement pu sauver une capacité française dans la partie maritime de la logistique. Des progrès considérables restent possibles dans ce secteur, gros émetteur de gaz à effet de serre. Il suffirait par exemple, pour diviser par cinq ou six les émissions du transport maritime, de diminuer d'un nœud seulement la vitesse maximale autorisée pour les bateaux transportant des conteneurs. Pour progresser, encore faut-il se fixer des objectifs et s'appuyer sur un plan. D'où l'importance d'une réflexion prospective à même de fédérer les énergies.

Monsieur Bricout, je veux vous mettre au contact de la réalité. Le Haut-Commissariat au plan emploie sept équivalents temps plein (ETP). Si vous pouvez me citer une administration, parmi les couches que vous évoquez, aussi frugale que j'ai voulu que nous le soyons, je vous achèterai des caramels mous. Je n'ai justement pas voulu une couche supplémentaire. Vous me demandez comment je compte m'y prendre pour que mes rapports ne sombrent pas comme tant d'autres dans l'oubli. J'ai âprement défendu par le passé, avant d'en débattre avec le Président de la République, la conviction, que vous avez peut-être d'ailleurs défendue à mes côtés, que pour réhabiliter l'effort voulu par le plan Monnet, il fallait le confier à un responsable politique capable de s'adresser directement à l'opinion et de susciter des débats sur des sujets que tout le monde voudrait ignorer.

Ma note sur l'électricité occupe une place de choix dans Le Figaro de ce matin. Il en ira de même à la radio et à la télévision. Toutes les administrations ne se valent pas. C'est la capacité à mobiliser l'opinion qui permet aux idées de passer. D'autres Hauts-Commissaires au plan me succéderont. J'espère qu'ils témoigneront d'une frugalité égale à la nôtre en termes de moyens et qu'ils sauront en appeler directement à l'opinion pour créer ces espaces de débats où se décident véritablement les orientations politiques.

Nous avons reçu plusieurs centaines de contributions d'internautes, que nous avons transmises au conseil économique, social et environnemental, car il s'est doté de la capacité à analyser de telles contributions. En tant qu'assemblée de la société civile organisée, il fait en effet figure de chaînon manquant entre citoyens et décideurs politiques.

Monsieur Prud'homme, ma position par rapport au réchauffement climatique diffère de celle de Jean-Luc Mélenchon, que je connais par ailleurs très bien. Je ne crois pas une seconde que nous pourrions, comme il l'affirme, supprimer le nucléaire d'ici huit ans. Le moindre débat avec des ingénieurs spécialisés prouve qu'un tel objectif relève d'une impossibilité matérielle, et non idéologique.

La société gestionnaire du Réseau de Transport d'Électricité (RTE) estime nécessaire que quatre conditions cumulatives soient remplies pour ne plus consommer en 2050 que de l'énergie renouvelable. Pour l'heure, nous ne sommes encore capables d'en remplir aucune. Nous plier à la troisième (« construire des centrales thermiques en guise d'amortisseurs aux désordres nés de l'intermittence des énergies solaire ou éolienne ») nous conduirait droit à la catastrophe en termes d'émission de gaz à effet de serre. D'abord, la moindre centrale thermique vaut entre un milliard et demi et deux milliards d'euros. Ensuite, il apparaît techniquement difficile de leur faire assumer un rôle de relais d'autres énergies. Surtout, il faudrait les alimenter par des hydrocarbures, en renonçant ainsi à notre objectif de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Mon complet désaccord avec M. Mélenchon sur ce point n'est donc pas idéologique. Il provient simplement d'une impossibilité matérielle.

L'augmentation de la température due au réchauffement climatique réduirait par ailleurs l'efficacité des cellules photovoltaïques. Les rêves de produire au Sahara de l'électricité photovoltaïque resteront donc à l'état de rêves.

Monsieur Wulfranc, je suis convaincu de la nécessité d'analyser finement notre commerce extérieur et les productions stratégiques auxquelles nous avons renoncé en France et même en Europe. Il faut s'atteler de nouveau à la tâche et hisser une fois de plus le rocher de Sisyphe au sommet de la montagne. Nous ne pouvons pas accepter notre relégation en deuxième division.

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