Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales :

Madame la présidente, merci pour votre invitation à m'exprimer devant votre commission sur le projet de budget pour 2021 et les grands enjeux de la politique d'aménagement du territoire. Nous conjuguerons durant deux années le projet de loi de finances pour 2021 et l'ambitieux plan de relance, ce qui nous fournira les moyens d'accélérer la mise en œuvre concrète de nos priorités au cœur des territoires.

Les moyens budgétaires pour 2021 du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », dont une partie figure dans la mission « Plan de relance », s'établissent à 291 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), en hausse de 83 millions par rapport à 2020, et 275 millions en crédits de paiement (CP).

Les effets de la crise sanitaire et les demandes citoyennes en faveur de la prise en compte des grandes transitions écologique, économique et sociale ont mis en lumière l'urgente nécessité d'adapter nos priorités et nos interventions sur les territoires.

Trois principes structurent notre action et la mobilisation de nos crédits, en résonance avec l'esprit 3D – ou 4D ! – que je défends : d'abord, partir des projets de territoire, en conformité avec la décentralisation et la subsidiarité ; ensuite, co-construire avec les acteurs locaux, c'est-à-dire les élus ainsi que les services déconcentrés de l'État ; enfin, faire du « cousu main », pour tenir compte des spécificités des territoires, ce que j'appelle la différenciation. Nous concrétiserons ainsi les objectifs du Gouvernement et sa manière d'être vis-à-vis des territoires.

Pour répondre à ces enjeux, j'ai fixé trois grandes priorités.

La première est la refondation de la relation contractuelle entre l'État et les collectivités territoriales. Elle est incarnée par la nouvelle génération des contrats de plan État-région (CPER) et des contrats de plan interrégionaux État-région (CPIER), ces derniers visant des objectifs structurants. La prochaine génération des contrats de plan État-région portant sur la période 2021-2027, nous les préparons cette année pour être en état de les mener à bien. L'accord de partenariat que nous avons signé, le 28 septembre, avec le Premier ministre et les présidents de région permet d'ancrer durablement cette approche conjointe et coordonnée de l'État et des régions. Il s'agit de répondre à la crise sanitaire en soutenant l'investissement public local. Ces contrats ne sont pas l'unique vecteur contractuel de la relance de l'activité économique mais ils y contribueront par la mobilisation d'au moins 20 milliards d'euros par l'État et autant par les régions, soit 40 milliards d'euros.

Les CPER rénovés ont été bâtis selon une nouvelle approche. La maquette identique pour toutes les régions fait place à une logique ascendante et à des priorités stratégiques identifiées conjointement par les préfets et les conseils régionaux. Il s'agit, non pas d'oublier les priorités de l'État, comme la transition écologique ou la relance économique, mais de répondre aussi aux priorités différentes des régions, en matière d'enseignement supérieur ou d'équipements hospitaliers, par exemple.

Je rappelle que les CPER comportent un volet territorial visant à agréger les autres collectivités infrarégionales, c'est-à-dire les départements, les communautés de communes, les communautés d'agglomération, les grandes ou les moyennes villes. Les principes communs de l'accord seront également déclinés outre-mer, en tenant compte de ses spécificités.

Les maquettes budgétaires des CPER ont été adressées à tous les préfets la semaine dernière.

Il faut distinguer les contrats de relance et les CPER. Les fameux 100 milliards d'euros du plan de relance doivent être utilisés dans les deux ans qui viennent, les CPER s'étalant jusqu'en 2027. Certains dossiers des contrats de relance devront être prolongés dans les CPER. Ils pourront être engagés dans le contrat de relance et se terminer au cours des années suivantes. D'autres sortiront plus tard.

La participation de l'État aux CPER 2021-2027 progresse de 6 milliards d'euros, hors plan de relance, par rapport à la génération 2015-2020, dont 3,7 milliards d'euros contractualisés sur le volet territorial, soit 1,9 milliard d'euros de plus, du fait du doublement de l'enveloppe du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). S'ajoutent à cette enveloppe 2,5 millions d'euros de crédits valorisés au titre du plan France Très Haut Débit (PFTHD) et 451 millions d'euros de crédits pour la relance localisables par région, qui pourront faire l'objet d'un accord, notamment, sur l'inclusion numérique ou la sécurité des ouvrages d'art, nouveau programme que nous avons mis en place.

La transition écologique bénéficie de 4,89 milliards d'euros, dont 3,3 milliards d'euros contractualisés et 1,55 milliard d'euros régionalisé en relance, dont 1,2 milliard d'euros de DSIL pour la rénovation thermique des bâtiments publics des collectivités, notamment des départements et des communes, et des lycées.

Une enveloppe de 4,6 milliards d'euros est prévue pour les transports, dont 1,7 milliard d'euros contractualisés et 2,53 milliards d'euros régionalisés en relance, notamment pour les transports en Île-de-France, le fret ferroviaire et les « petites lignes ».

Enfin, 2,86 milliards d'euros sont consacrés à la santé, au titre des investissements publics, notamment du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMSSPP) et du fonds d'intervention régional (FIR), notamment pour la télémédecine et les maisons de santé.

Au-delà des CPER, nous allons associer les autres niveaux de collectivités au nouveau cadre contractuel. Cette année correspondant à l'échéance des contrats de ruralité. C'est l'occasion de les renouveler en les associant à la relance et à la transition écologique. Puisque le Premier ministre a annoncé des contrats de relance et de transition écologique, nous souhaitons utiliser les « tuyaux » existants, même si l'on peut penser que certains contrats de ruralité liés aux intercommunalités ou aux pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) peuvent avoir connu des évolutions de périmètre à la suite de fusions de communautés de communes. Il reviendra aux préfets et aux élus de nous faire connaître ces nouvelles dimensions.

Ma deuxième priorité, c'est de faire plus pour les territoires fragiles grâce au développement du label France services, au renforcement des interventions de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et au déploiement de l'Agenda rural, points qui seront développés par M. Joël Giraud. Depuis février, nous avons labellisé 856 espaces France services, dont 544 portés par des collectivités territoriales. Nous prévoyons d'atteindre le chiffre de 1 000 à la fin de l'année. Je rappelle qu'il y en aura au moins un par canton. S'il existe sur un territoire plusieurs maisons de services au public (MSAP) qui ont fait l'effort de satisfaire aux critères de la charte, nous ne les supprimerons pas. Nous avons obtenu une enveloppe de 10 millions d'euros supplémentaires pour France services.

L'ingénierie de l'ANCT se développe. Je rappelle qu'organisée en mode programmes, elle permet de développer des projets de territoire. Une source importante d'ingénierie est fournie par les partenaires que sont l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et la Banque des territoires. Pour le nouveau programme Petites villes de demain, des chefs de projet seront financés à 75 % par l'ANCT et ses partenaires, notamment la Banque des territoires. Nous accompagnerons sur cinq ans les projets des collectivités, de leur création à leur développement.

Nous avons doublé pour 2021 les crédits d'ingénierie de l'ANCT, qui sont passés de 10 à 20 millions d'euros. Nous accompagnons aussi les tiers-lieux par une enveloppe dédiée de 45 millions d'euros. Notre programme d'inclusion numérique est financé par une enveloppe de 250 millions d'euros, inscrite dans le plan de relance.

Ma troisième priorité, liée aux deux précédentes, est de permettre à l'ensemble des territoires d'exprimer leurs potentiels en matière de qualité de vie, d'attractivité et de développement. C'est pourquoi nous poursuivons le développement du programme Action cœur de ville. Aujourd'hui, 1,5 milliard d'euros a été engagé par les quatre partenaires, dont l'État. Sept mille opérations de revitalisation des territoires (ORT) sont en cours d'élaboration. Je rappelle que les 222 villes bénéficiaires du plan Action cœur de ville ne bénéficient pas toutes d'une ORT et que celle-ci n'est pas réservée à cette politique. Cette semaine, j'ai signé à Blain, en Loire-Atlantique, une ORT pour quatre communes d'une intercommunalité.

Je rappelle que le programme Petites villes de demain, piloté par l'ANCT, s'adresse aux communes de moins de 20 000 habitants et ne comporte pas de plancher, l'important étant que la ville ou le bourg exerce une fonction de « centralité » et ait besoin d'être aidé. Si des petites villes vont très bien, disposent de ressources, ont des entreprises sur leur territoire, d'autres rencontrent de graves difficultés et doivent être aidées s'agissant tant des commerces que du logement.

L'initiative Territoires d'industrie, autre enjeu du plan de relance, vise à maintenir l'emploi ou à ramener de l'emploi. 70 % de l'emploi industriel se situent en dehors des grandes agglomérations et 71 % des investissements industriels étrangers sont localisés dans des communes de moins de 20 000 habitants. Le programme bénéficie de 1,3 milliard d'euros d'ici à 2022 et comprend une enveloppe de 26 millions d'euros en ingénierie de la Banque des territoires. Le FNADT complète ce soutien au travers du cofinancement des chefs de projet. Par ailleurs, les projets sous maîtrise d'ouvrage publique pourront être soutenus par la DSIL, notamment la DSIL supplémentaire. Je rappelle que nous avons trois enveloppes d'un milliard d'euros chacune : la DSIL « classique », la DSIL supplémentaire obtenue en troisième loi de finances rectificative (LFR 3) et la DSIL de relance pour la transition écologique.

Enfin, le plan de relance prévoit un fonds de soutien aux investissements industriels, auquel participe Bpifrance. Au 12 octobre, 174 projets d'investissement matures ont déjà fait l'objet d'une présélection couvrant 13 régions, dont 50 % situés dans des territoires fragiles, et ainsi répartis : 42 en zones de revitalisation rurale (ZRR), 38 en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et 18 dans des villes Action cœur de ville. L'effet économique des 174 projets représente près de 800 millions d'euros d'investissement industriel et un potentiel de 3 800 créations d'emplois. Étonnamment, dans cette période d'angoisse face à la crise sanitaire, l'appel à projets lancé sur les réseaux sociaux et sur le site du ministère et de l'ANCT a obtenu beaucoup de réponses.

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