Intervention de Paul-André Colombani

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 14h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul-André Colombani, rapporteur pour avis (« Prévention des risques ») :

En 2021, pour la première fois, les crédits consacrés à la prévention des risques frisent le milliard d'euros, puisque le programme 181 est doté de 1 032,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 992,6 millions d'euros en crédits de paiement. Il s'agit donc, à première vue, d'une forte augmentation des crédits par rapport à l'année dernière – de l'ordre de 26 % en AE et de 21 % en CP. En réalité, cette hausse apparente résulte d'un changement de périmètre, avec l'intégration au budget général de l'État des crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », au sein du programme 181, pour un montant de 205 millions d'euros. À périmètre constant, les crédits du programme 181, hors titre 2, connaissent une relative stabilité en AE – qui augmentent de 0,70 % – et une baisse importante en CP – qui diminuent de 4,50 %.

Le champ du programme 181 est particulièrement large, puisqu'il couvre la prévention de nombreux risques : naturels, technologiques, industriels, nucléaires et miniers. Tous ces risques sont surveillés et gérés par la direction générale de la prévention des risques (DGPR). Le programme 181 apporte également, depuis 2018, un soutien à l'économie circulaire et au développement des énergies renouvelables, à travers le financement de l'ADEME, désormais dénommée Agence de la transition écologique.

Ce programme, par la diversité des risques qu'il entend identifier, prévoir et prévenir, est ambitieux et essentiel. Si l'on déplore généralement peu d'accidents industriels graves en France, les risques n'en demeurent pas moins présents, comme l'a illustré le grave accident survenu au sein de l'entreprise Lubrizol de Rouen en septembre 2019. En août dernier, l'explosion d'une usine dans le port de Beyrouth nous a rappelé les dangers liés au nitrate d'ammonium, qui était déjà à l'origine de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, en septembre 2001.

Le risque nucléaire reste également d'actualité. S'il semble avoir été, jusqu'à présent, raisonnablement maîtrisé, il pourrait être aggravé par le changement climatique, qui est susceptible de provoquer des catastrophes naturelles plus fréquentes et plus violentes que par le passé. Si la protection des centrales a été renforcée depuis l'inondation de la centrale du Blayais en décembre 1999, le risque demeure non nul. Le réchauffement climatique affecte également le fonctionnement des centrales. Cette année, la France a mis en route ses centrales à charbon bien plus tôt que d'habitude, parce que quatre réacteurs nucléaires sur dix étaient à l'arrêt fin septembre, du fait d'opérations de maintenance décalées en raison du confinement, mais aussi de la sécheresse, qui complique le refroidissement des installations. Il convient donc de rester vigilant.

Les risques naturels pourraient devenir plus fréquents et plus sévères en raison du dérèglement climatique et de la concentration des populations sur les littoraux ou dans des zones potentiellement exposées à des aléas, les terribles inondations provoquées par la tempête Alex en témoignent. Les tempêtes et les cyclones, qui touchent particulièrement les territoires d'outre-mer, paraissent également occasionner toujours plus de dégâts. Les incendies de forêt, quant à eux, ne se limitent plus au sud-est de la France ni à la période estivale. Ils frappent désormais tout le territoire, et pas seulement en été. Des milliers d'hectares ont ainsi brûlé, en février dernier, dans le massif de Bavella, situé dans ma circonscription.

Le champ d'action de la direction générale de la prévention des risques, déjà très vaste, doit désormais intégrer une réflexion sur des risques nouveaux accompagnant les progrès de la technologie et soulevant débats – perturbateurs endocriniens, nanotechnologies, effets du réseau 5G sur la santé et l'environnement.

Les actions de prévention et de gestion des risques menées dans le cadre du programme 181 couvrent donc un large périmètre et sont d'une importance cruciale en ce qu'elles concernent directement notre sécurité et notre santé. Dans ce contexte, la préservation a minima des crédits du programme est essentielle. Je salue l'effort budgétaire consenti pour la prévention des risques naturels, et en particulier des inondations, à travers l'augmentation des crédits du fonds Barnier.

Plusieurs établissements publics et opérateurs de l'État m'ont fait part de leurs inquiétudes concernant la baisse de leurs financements ou de leurs emplois.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), tout d'abord, connaît une forte baisse de son financement, partagé entre cinq programmes différents. Cette évolution est susceptible de compromettre la réalisation de ses missions, alors que celles-ci sont toujours plus nombreuses, notamment en matière de sécurité sanitaire.

L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), ensuite, qui joue un rôle central dans la connaissance des risques industriels, doit faire face à la baisse continue de son plafond d'emplois, qui pourrait ne pas être sans conséquences, à terme, sur son niveau de compétence et d'expertise.

L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a également indiqué avoir besoin d'effectifs supplémentaires pour mener à bien ses missions à court et moyen termes. L'agence fait face à un accroissement de sa charge de travail, qui résulte notamment de difficultés en matière de construction et d'exploitation des installations nucléaires.

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) connaît une baisse tendancielle, depuis une dizaine d'années, du budget consacré à la recherche, qui diminue de 1 % chaque année, ce qui constitue une évolution préoccupante à long terme.

Enfin, bien que sa mission ne concerne pas la prévention des risques, je voudrais dire un mot de l'ADEME, qui se trouve dans une situation particulière. Elle dispose d'un budget élevé, puisqu'elle bénéficie, dans le cadre du plan de relance, de 1,8 milliard d'euros pour la période 2020-2022. Toutefois, ces moyens financiers doivent s'accompagner de moyens humains supplémentaires afin de pouvoir mener à bien les nombreuses missions qui lui sont confiées. Or l'agence est soumise à un effet de ciseaux, car les emplois en intérim, d'une durée de dix-huit mois, ne seront pas forcément adaptés à la gestion des projets issus du plan de relance, qui doit s'étaler sur deux ans.

Le thème qui a retenu plus particulièrement mon attention cette année est la gestion du risque d'inondation. En France, il s'agit du premier risque naturel par l'importance des dommages qu'il provoque, le nombre de communes et les habitations concernées ; 17,1 millions de personnes habitent dans des zones inondables. Si l'ensemble du territoire français est vulnérable, les inondations touchent plus fréquemment le bassin méditerranéen et la Corse. Quelques semaines avant la tempête Alex, qui a frappé le département des Alpes‑Maritimes au début du mois, le Gard et l'Hérault ont été touchés par de violentes pluies. En décembre dernier, puis à nouveau en juin, la Corse a également subi des précipitations d'une rare intensité, en particulier dans la région d'Ajaccio.

Il existe un large éventail de dispositifs de prévision, de prévention et d'alerte, tels que les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) ou les programmes d'action pour la prévention des inondations (PAPI). Ces dispositifs sont détaillés dans le rapport. J'insisterai plus particulièrement sur deux points qui, selon moi, permettraient de réduire à l'avenir les effets des inondations.

Le premier est l'amélioration de la connaissance de l'ensemble des acteurs et le développement d'une culture du risque, encore trop faible en France. Deux dispositifs permettent aux services de l'État, aux élus locaux et aux acteurs de terrain de disposer d'informations sur les risques correspondant à leur territoire : Vigicrues et Vigicrues flash. Cependant, ces informations indispensables doivent impérativement être complétées par une connaissance pratique du risque d'inondation. Il est essentiel d'effectuer des exercices fréquents et audacieux, de manière à développer les capacités d'adaptation des acteurs locaux. Les exercices, organisés par les préfectures, doivent s'orienter davantage vers ce risque et porter notamment sur la communication et l'articulation entre les services.

Il convient également de mieux sensibiliser les populations exposées au risque d'inondation. Malgré les informations disponibles en mairie ou sur internet, les campagnes de prévention pluie-inondation, ou encore l'institution d'une journée nationale dédiée à la prévention des inondations, le 13 octobre, de nombreux acteurs déplorent un manque de culture du risque. L'information des citoyens passe aussi par l'entretien de la mémoire des événements, en particulier par la pose de repères de crues normalisés.

Le deuxième point sur lequel je souhaite insister concerne la prise en compte du risque d'inondation dans l'aménagement du territoire et l'urbanisme. Les inondations sont aggravées par l'artificialisation des sols, depuis des décennies. Entre 2006 et 2014, la France a perdu 490 000 hectares de terres agricoles, qui absorbaient les eaux de pluies et ne peuvent plus le faire. L'artificialisation des sols peut avoir des conséquences dramatiques pour les habitants de nombreux quartiers qui se trouvent confrontés à un risque accru d'inondation. Ainsi, à Ajaccio, les graves inondations de décembre 2019 et de juin 2020 ont montré les limites de la politique d'expansion urbaine de la commune. Il est aujourd'hui admis que l'urbanisation non maîtrisée sur ses hauteurs a accru la fréquence et la gravité des inondations.

D'une manière générale, les plans locaux d'urbanisme doivent mieux prendre en compte les risques d'inondation. À cet égard, je souhaiterais que le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) soit saisi afin de procéder à l'évaluation de la régularité, de la qualité et de l'efficacité des dispositifs de prévention des inondations en vigueur à Ajaccio. Son expertise a déjà été sollicitée dans les Alpes-Maritimes.

Enfin, la période qui suit une catastrophe climatique est souvent marquée par le souhait d'un retour à l'état préexistant, ce qui se traduit par des reconstructions à l'identique. Or cette période doit, au contraire, constituer une opportunité pour réaménager le territoire sinistré afin de réduire sa vulnérabilité à une nouvelle catastrophe climatique. Il est essentiel de mieux reconstruire après une inondation.

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