Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 14h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Barbara Pompili, ministre :

Je suis très heureuse du vent d'optimisme qui souffle sur cette commission – nous en avons bien besoin !

La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) avait confirmé, en avril dernier, des objectifs de développement d'énergies renouvelables très ambitieux. S'agissant du photovoltaïque, l'objectif est de multiplier par cinq la puissance installée d'ici à 2028. Le raccordement de ces énergies renouvelables au réseau a forcément un coût, soit parce qu'il faut créer de nouveaux ouvrages, soit parce qu'il faut en renforcer certains. Une partie du coût est couverte par le tarif d'utilisation des réseaux, l'autre par les producteurs qui souhaitent se raccorder ; c'est une double entrée. Le montant payé par les producteurs se compose d'une part liée à ces ouvrages propres et d'une quote-part liée aux travaux sur le réseau en amont de leurs propres ouvrages. Cette dernière est déterminée au niveau régional et correspond exactement aux travaux qui doivent être réalisés sur le réseau pour raccorder les énergies renouvelables. Le tarif est directement payé par l'ensemble des consommateurs ; la part payée par le producteur est indirectement payée par tous les contribuables au travers des tarifs de soutien, que l'on appelle « tarifs de rachat ».

Nous avons exonéré les installations de moins de 250 kilowatts-crête du paiement de la quote-part, car il est important que tous nos concitoyens soient des acteurs de la transition énergétique et pratiquent l'autoconsommation. Pour le solaire, ce seuil de 250 kilowatts correspond à des installations de 2 500 mètres carrés, largement plus étendues que celles nécessaires à l'autoconsommation. L'impact sur le dimensionnement du réseau est identique pour raccorder une centrale biomasse, une éolienne ou une centrale photovoltaïque. Il ne me semble donc pas anormal que le coût du raccordement entre les différentes installations soit identique.

Nous sommes profondément attachés à la péréquation tarifaire, qui implique que deux consommateurs paient le même tarif pour la même consommation quel que soit l'endroit où ils se trouvent sur le territoire. En revanche, cette péréquation s'applique à la consommation, pas à la production.

Je ne connais pas toute la réponse s'agissant des conséquences de la crise sanitaire sur le chèque énergie – je la compléterai. Les chèques énergie 2020 ont été envoyés aux bénéficiaires en avril-mai et l'assistance téléphonique mise en place a été opérationnelle, y compris pendant la période de confinement. De plus, la durée de validité des chèques énergie 2019 a été prolongée jusqu'au 23 septembre. Les effets de la crise sanitaire sur les revenus des ménages en 2020 seront donc visibles dans l'éligibilité au chèque énergie pour la campagne 2022. Pour les locataires d'un logement social, si le chauffage collectif est inscrit dans les charges, une partie du chèque pourra être utilisée pour payer son électricité. Cela ne doit normalement poser aucun problème. Pour les situations d'intermédiation locative, certains soucis ont déjà été résolus et un décret est en cours de rédaction pour les autres.

Cher professeur Jean-Luc Fugit, monsieur le président du Conseil national de l'air, vous connaissez parfaitement le contexte de la question de la qualité de l'air. Le 10 juillet dernier, le Conseil d'État a enjoint à l'État de prendre les mesures nécessaires pour atteindre la norme de qualité de l'air, en prononçant une astreinte de 10 millions d'euros par semestre. De nombreuses mesures nationales sont régulièrement prises en faveur de la qualité de l'air. De nouveaux outils ont été donnés par la loi d'orientation des mobilités pour faciliter le développement des nouvelles mobilités, comme le covoiturage domicile‑travail. Dix zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) seront créées au cours de l'année 2021. La mise en place d'une surprime à la prime à la conversion, sous la forme de l'abondement par l'État des primes locales pour les personnes qui habitent ou travaillent dans une ZFE mobilité, sera un levier fort pour déployer ces zones à faibles émissions. Le plan Vélo et mobilités actives a été renforcé après la crise liée à la covid‑19. Enfin, le plan de relance comporte une action significative pour le verdissement des ports, favorisant la baisse des émissions atmosphériques, et pour la modernisation des matériels agricoles au profit de matériels peu émissifs en ammoniac. Dans le budget, le total des dépenses directes représente 392 millions d'euros par an, dont 293 millions pour les transports, 37 millions pour la mesure de la qualité de l'air, 26 millions pour la recherche, 12 millions pour l'agriculture et 15 millions pour les autres.

S'agissant de l'artificialisation des sols, Emmanuel Maquet, quand et où m'avez‑vous entendue dire que je voulais arrêter brutalement l'artificialisation des sols, partout et de manière absolue et rigide ? Ne croyez-vous pas que nous sommes là typiquement dans le genre de débat qui ne permet pas d'avancer beaucoup ? Or, sur ces sujets, nous devons toujours essayer d'avancer ensemble.

Nous sommes d'accord pour dire que l'artificialisation galopante des sols est un danger pour la biodiversité, un danger au regard du changement climatique, et qu'elle en aggrave les conséquences lors des épisodes météorologiques violents. Nous sommes d'accord également pour dire que l'artificialisation des sols augmente malgré tout ce que nous essayons de mettre en place, et sans que cela ait forcément un lien avec l'augmentation de la population – dans des départements où la population baisse, l'artificialisation des sols augmente.

Dès lors, nous pouvons décider de travailler à arrêter cette artificialisation des sols. Cela ne signifie pas que, subitement, nous ne faisons plus rien, que nous tuons les campagnes. D'ailleurs, il s'avère que le déploiement des énergies renouvelables peut être, contrairement aux dires de certains, un moteur d'accélération du développement économique et de réintroduction de la vie dans nos campagnes. Ce que nous voulons, c'est diminuer de moitié l'artificialisation d'ici à 2030, bien loin du niveau que vous évoquiez, et pas en opposant une interdiction bête et méchante. Il s'agit de proposer des alternatives à ceux qui souhaitent bétonner un champ pour construire de l'habitat, des zones commerciales ou autres entrepôts ; de réfléchir ensemble à la façon de mieux travailler sur notre territoire, pour éviter d'avoir des zones de friche qui s'étendent à perte de vue à côté de zones commerciales nouvellement créées. Pour ce faire, un fonds de recyclage des friches a été mis en place, et un travail d'inventaire de toutes les friches est engagé avec les élus locaux, l'idée étant de faire en sorte qu'il soit moins compliqué et onéreux de s'installer sur des friches que sur du foncier agricole – solution de facilité dont personne ne veut. C'est un travail de fond.

Il s'agit aussi de réinventer la ville, de s'interroger sur la construction pavillonnaire à perte de vue comme idéal de vie. Reconstruire la ville sur la ville, n'est-ce pas aussi repenser un urbanisme plus efficace énergétiquement, plus agréable à vivre et incluant la nature ? Nous avons là un défi, devant lequel nous pouvons nous recroqueviller en faisant peur à tout le monde, ou nous pouvons essayer de le relever en étant inventifs, en apportant ensemble des solutions qui amélioreront la vie de tous.

S'agissant d'Amazon, nous avons lancé avec Bruno Le Maire, Cédric O et Jacqueline Gourault, une mission sur les entrepôts du commerce électronique, car jamais une véritable réflexion n'a été conduite sur les conséquences de la vente en ligne sur nos centres‑villes. Nous essayons de voir comment les politiques d'action cœur de ville que nous mettons en place s'articulent avec le développement de la vente en ligne, qui est une demande de nos concitoyens et qu'il n'y a aucune raison d'empêcher. Reste que nous devons examiner ce que cela représente en termes d'aménagement du territoire, d'artificialisation, de concurrence avec les petits commerces, de pollution due au transport, de conditions de vie des personnes qui travaillent dans ces entrepôts – je suis très attachée à celles que propose l'entrepôt d'Amazon de Boves, installé sur ma circonscription. Cette mission rendra ses conclusions dans quelques semaines. Nous disposerons enfin d'une première réflexion sur les possibilités qui s'offrent à nous en termes de politique publique face au développement de cette demande qui est légitime, je le répète, mais doit se coordonner avec nos autres impératifs, économiques, sociaux et environnementaux.

La collecte et le tri des déchets sont une compétence des établissements publics de coopération intercommunale, qui peut être financée par plusieurs dispositifs : la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM), directement proportionnelle à la quantité de déchets pris en charge par la collectivité, qui doit correspondre au coût de collecte, de tri et de traitement, car une redevance est payée par un usager en fonction du service rendu ; la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), proportionnelle à la taille du logement habité, qui n'est pas directement proportionnelle au coût de la prestation de collecte assurée par la collectivité et qui, de ce fait, n'incite pas les citoyens à limiter la quantité de déchets qu'ils produisent. Une version intermédiaire a donc été créée, introduisant une tarification incitative, qui permet de faire payer au contribuable une partie de la taxe sur la base de la quantité de déchets produite, entre 10 % et 45 % du montant de la taxe.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) avait donné cinq ans aux établissements publics de coopération intercommunale pour décider de la tarification à adopter, quand une partie des communes utilisait la TEOM et une autre partie la REOM ou la TEOMi. Afin d'inciter les collectivités à passer à la TEOMi, a également été créé un régime d'expérimentation de la taxe qui permet de tester cette part incitative pendant cinq ans. Les frais de gestion prélevés par l'État sont alors baissés de 8 % à 3 %. Dans le cadre du projet de loi de finances, un amendement a été proposé qui vise à prolonger la durée de l'expérimentation de cinq à six ans pour tenir compte de l'impact de l'épidémie de covid sur les expérimentations en cours. Il n'a pu être adopté à ce stade et devra subir quelques petites modifications pour pouvoir l'être. Mais l'ensemble de ces mesures doit contribuer à inciter les collectivités à passer à cette tarification incitative, qui est largement répandue dans certains pays d'Europe, comme la Suisse, et qui aboutit à des baisses de l'ordre de 41 % de la quantité d'ordures ménagères résiduelles, augmente de 40 % la collecte des recyclables et réduit de 8 % la quantité des déchets ménagers et assimilés. Cela vaut la peine de s'en occuper !

S'agissant de l'érosion du littoral, l'État a adopté, en 2012, une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Parmi les actions identifiées figure celle de mieux affirmer le rôle que jouent les écosystèmes dans la prévention des risques et dans l'adaptation des territoires littoraux. À cet effet, un appel à projets sur les solutions fondées sur la nature pour les territoires littoraux résilients a permis de sélectionner, en 2020, sept initiatives locales. Une enveloppe de près de 1 million d'euros sera consacrée au soutien de ces projets sur la période 2020‑2023, avec l'ambition de favoriser la libre évolution du cordon littoral, à la fois comme gage de préservation de la biodiversité et comme pilier de l'attractivité des territoires qui dépendent, en grande partie, du bon état de cette bande côtière.

Pour le financement de l'ONF, sont prévus en 2021, 12,5 millions d'euros en AE et 13,2 millions d'euros en CP, avec 2,5 millions d'euros jusqu'en 2022 au titre de la poursuite de la compensation financière dans le cadre de la création du onzième parc national, une augmentation de 7 millions d'euros de la subvention 2021 versée au titre des différentes missions d'intérêt général en faveur de la biodiversité, auxquels s'ajoutent 6 millions destinés à renforcer le financement du réseau des réserves biologiques, des plans nationaux d'actions (PNA) ainsi que des surfaces de protection forte du Conseil de défense écologique (CDE), y compris en outre‑mer, ainsi que 1,2 million d'euros au réseau national de suivi à long terme des écosystèmes forestiers (RENECOFER).

Concernant le DFN, j'ai bien compris votre inquiétude, mais il ne faut vraiment pas s'inquiéter de l'ordre d'affectation. Pour la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP), on parle de pourcentage ; pour le Conservatoire du littoral de montant, un montant maximum étant fixé. Si nous inversions l'ordre, en cas de baisse, nous pourrions accorder le montant plafond au Conservatoire du littoral – c'est théorique, car nous n'y parviendrions pas –, mais il ne resterait rien pour la REP. Or nous avons besoin de développer la REP pour la déconstruction des bateaux. Il est important de faire monter en charge les différentes REP, ce que nous avons défendu dans le texte sur l'économie circulaire. À l'inverse, nous augmenterions le financement de la REP de 2 % à 3 %, sachant qu'il ne passe à 3 % que si les objectifs sont atteints – tant que les filières ne remplissent pas leurs objectifs, elles restent à 2 %, mais nous leur ouvrons ainsi la possibilité d'atteindre 3 %. Une fois la REP financée, les fonds restants continueront à financer le Conservatoire du littoral, y compris à hauteur de son plafond. Normalement, cela ne changera rien.

Je suis une fan absolue du Conservatoire du littoral. Pour avoir beaucoup collaboré avec cet organisme, jamais je ne ferais quelque chose qui freinerait son action. Nous pourrions discuter de bien d'autres sujets, celui-là n'est vraiment pas inquiétant à mes yeux.

S'agissant du biocontrôle, le Gouvernement est pleinement engagé pour mettre en œuvre des solutions opérationnelles et durables alternatives aux produits phytosanitaires de synthèse, y compris de biocontrôle. Pour cela, il est nécessaire de soutenir l'innovation et l'accompagnement des TPE-PME. Le programme Écophyto financera un programme d'accompagnement de nouvelles solutions de biocontrôle à hauteur de 1 million d'euros, mobilisant l'expertise de la banque publique d'investissement (BPI). En ce qui concerne le mildiou des vignes, il me semble que l'entreprise citée devrait se tourner vers la BPI, qui lui apportera la meilleure aide. Plus globalement, cette stratégie de déploiement du biocontrôle qui vise à faciliter et à accroître le recours aux produits phytopharmaceutiques de contrôle ‑ micro-organismes, médiateurs chimiques tels que les phéromones et les kairomones, substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale et macro-organismes auxiliaires des cultures – est en cours de finalisation et sera publiée dans les prochaines semaines.

Nous avons bien conscience que le budget vert est un premier exercice, qui méritera d'être affiné. Nous aurons d'ailleurs besoin du travail de tous les parlementaires pour cela. Bénédicte Peyrol s'est déjà, en effet, beaucoup investie, comme de nombreux membres de cette commission. Ce budget vert a représenté un travail colossal, car nous ne nous sommes pas contentés d'étudier le budget de la transition écologique ; nous avons examiné le budget de tous les ministères : logement, agriculture, outre-mer, justice… Il nous faut parvenir à évaluer et à intégrer la dimension écologique là où l'on y est le moins accoutumé, et je puis vous assurer que cela bouscule les habitudes ! De plus, nous ne nous sommes pas bornés à l'examen des dépenses, mais avons étudié tout le champ de la fiscalité, car nos choix fiscaux peuvent également avoir de réels impacts environnementaux. De même, nous ne nous en sommes pas tenus aux seuls enjeux climatiques ; nous nous sommes penchés sur l'environnement dans toutes ses dimensions – les pollutions, l'eau, la biodiversité, des déchets, la prévention des risques.

Nous avons voulu conduire une action transparente, en mettant sur la table l'ensemble de nos résultats, en détaillant toutes les hypothèses et toutes les données. Nous avons produit un effort de lisibilité, pour rendre nos travaux accessibles et compréhensibles par tous, parce que des ONG et des associations nous ont dit combien il était difficile d'accéder aux données budgétaires. Dès l'année prochaine, ce budget vert sera encore enrichi, encore meilleur, parce qu'il sera renouvelé et approfondi tous les ans en lien avec vous, bien évidemment, et avec tous les acteurs, dont les ONG. Le fait d'y revenir, de le renouveler, d'avancer sur ce budget vert nous permettra de suivre sur les temps longs les dépenses favorables, mais également défavorables. J'espère que, dès l'année prochaine, nous pourrons voir les dynamiques qui seront lancées et mises en œuvre.

S'agissant de l'effort consenti sur les effectifs, il a été plus important à l'échelon central que dans les territoires, afin de conserver autant que faire se peut le lien avec l'application de nos politiques.

L'OFB subit effectivement une baisse des emplois, mais nous avons divisé par deux la baisse prévue – c'est déjà bien. Alors qu'elle aurait dû être de moins 40 ETP par an avant la fusion, il n'y a eu aucune perte en 2020 et il y aura moins 20 ETP en 2021 pour accompagner la fusion. Ce n'est pas parfait, j'en conviens. Je rappelle toutefois que les agences régionales de la biodiversité (ARB) résultent d'un contrat passé entre l'OFB, la région et d'autres acteurs du territoire, et que la région doit donc apporter également des moyens, tout comme les territoires. Je suis persuadée que le président de la région Hauts-de-France est tout à fait conscient de l'importance et de l'urgence de mettre en place une ARB. Cela comptera, bien évidemment, à son bilan, et j'imagine que tout cela le fera bouger derechef – du moins, je l'espère !

Le bien-être des animaux non domestiques est une préoccupation grandissante de l'opinion publique. Parmi les annonces que j'ai faites sur le sujet, les 8 millions d'euros concernaient le soutien aux circassiens. Ces premiers chiffres sont uniquement prévus pour cette année, c'est-à-dire jusqu'à la fin de l'année 2020. Un programme de soutien va être mis en œuvre en partenariat avec le ministère de la culture. Nous voulons que les mesures annoncées concernant les animaux sauvages dans les cirques itinérants, les delphinariums et les zoos ainsi que pour les visons soient accompagnées, non seulement financièrement, mais aussi par des interventions auprès des acteurs, qui devront accomplir un important travail de reconversion, notamment dans les cirques et les delphinariums. Cet accompagnement économique et social doit se dérouler de la meilleure manière possible. De même, il faut trouver aux animaux un lieu où ils pourront continuer et finir leur vie tranquillement. Bien évidemment, ils ne peuvent pas être relâchés dans la nature, ils n'y survivraient pas. C'est un lourd travail que de recenser les possibilités d'accueil dans différentes structures, que ce soient des zoos, des refuges ou autres. Cela demande du temps et c'est pourquoi les fonds annoncés ne sont qu'un premier budget. L'accompagnement doit se faire dans le temps.

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