Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 14h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Barbara Pompili, ministre :

Si. Quand il est fabriqué, il dépense de l'énergie, mais quand il roule, cette dépense est largement compensée. Une citadine thermique émet aujourd'hui 32,1 tonnes de CO2 ; en version électrique, 10 tonnes. En 2030, malgré les progrès réalisés sur la technologie thermique, nous serons toujours à 20 tonnes de CO2 pour un véhicule thermique et 8 tonnes pour un électrique. Quoi qu'il advienne, d'un point de vue écologique, un véhicule électrique, malgré ses défauts, est plus vertueux qu'un véhicule thermique.

Je me permets de rectifier devant la commission une inexactitude : comme je l'ai annoncé la semaine dernière dans l'hémicycle, le malus au poids ne touchera pas les véhicules électriques.

Enfin, s'agissant de la fermeture des centrales nucléaires, il faut essayer de réfléchir de manière pragmatique, factuelle et sans être alarmiste. La programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit une trajectoire de baisse de la part du nucléaire dans notre mix électrique, une augmentation de la part des énergies renouvelables, un plan hydrogène, la mobilisation du gaz, notamment le développement de la méthanisation. Tout cela est réfléchi et les acteurs, y compris les plus sérieux, n'ont pas d'inquiétude quant au fait que nous puissions faire face à la consommation électrique. De plus, si nous connaissons une augmentation de la demande liée à la mobilité électrique, tous les travaux que nous entreprenons en termes d'efficacité énergétique dans le bâtiment et d'efficacité énergétique en général, avec des réseaux électriques intelligents, ou smart grids, et tous les travaux sur l'effacement, font que, globalement, l'augmentation prévue de la consommation électrique sera assez légère et pourra être totalement absorbée par le biais de la programmation pluriannuelle de l'énergie que nous avons mise en place. L'intérêt justement, sur ces questions qui demandent des investissements, c'est d'anticiper et de planifier, ce qui est fait. Vous pouvez donc rassurer nos concitoyens : pas de black-out à l'horizon !

Nombreux sont ceux qui s'interrogent sur les agences de l'eau et sur le cadrage budgétaire de leurs redevances. Les redevances des agences de l'eau sont des recettes fiscales environnementales perçues auprès des usagers en application des principes de prévention et de réparation des dommages à l'environnement ainsi que du principe de pollueur-payeur, auquel nous sommes, je pense, collectivement attachés. L'article 81 de la loi de finances pour 2020 fixe un plafond annuel de recettes de redevances encaissées par les six agences de l'eau à hauteur de 2,156 milliards d'euros à compter de 2020, l'excédent de recettes devant être reversé au budget général de l'État. Ainsi, le montant des redevances encaissées par les agences de l'eau sur la période 2019‑2024 devrait s'élever à environ 12,9 milliards d'euros, une somme intermédiaire comparée aux deux programmes précédents : 13,6 milliards d'euros pour le dixième programme qui s'est terminé en 2018 ; et 11,4 milliards d'euros pour le neuvième programme qui durait jusqu'à 2012.

Comme d'autres opérateurs, les agences de l'eau participent à l'objectif de maîtrise des dépenses publiques et de limitation de la pression fiscale qui pèse sur les Français et les entreprises. Sous ce plafond, outre la mise en œuvre de leur programme d'intervention, les agences contribuent au financement de l'Office français de la biodiversité et des parcs nationaux. Le PLF 2021 prévoit l'intégration sous ce plafond de la part de la redevance pour pollutions diffuses dédiée au financement du plan Écophyto national. Cette mise sous plafond s'accompagne du relèvement de 41 millions d'euros de ce plafond – aujourd'hui porté de 2,156 milliards d'euros à 2,197 milliards d'euros – et d'une augmentation de 41 millions d'euros de la fourchette de contribution des agences de l'eau à l'OFB.

Les agences de l'eau se sont mobilisées dès le début de la crise sanitaire en adoptant dans leurs instances des mesures d'urgence dès les mois d'avril et mai, et des plans de rebond en juin et juillet dans chaque bassin. Elles sont dorénavant activement mobilisées sur la mise en œuvre des mesures du plan de relance, qui s'élève à 240 millions d'euros sur la modernisation du réseau d'eau potable, la mise aux normes des stations de traitement des eaux usées, la rénovation des réseaux d'assainissement, y compris les mauvais branchements qui sont une source énorme de pollution, le déraccordement des rejets d'eaux pluviales des réseaux d'assainissement et leur infiltration à la source. En métropole, elles contribuent également, à hauteur de 30 millions d'euros, au soutien aux collectivités confrontées à l'impossibilité d'épandre leurs boues de station d'épuration, qui a été un problème pendant le confinement.

Sur les effectifs, il est prévu une réduction de 209 équivalents temps plein (ETP) des agences de l'eau sur la période 2018‑2022, soit une baisse de 12 % : moins 48 ETP en 2018, moins 44 en 2019, ramené à moins 43 après une mesure de gestion ; moins 40 en 2020, moins 39 en 2021.

Cette réduction s'explique par la raison suivante : toutes les sphères des actions de l'État participent à l'effort de redressement des finances publiques – c'est une phrase que vous allez beaucoup entendre. Les services du ministère de la transition écologique et solidaire devraient donc baisser leurs effectifs de l'ordre de 2 % par an d'ici à 2022, soit près de 10 % sur la période. Il en va de même pour ses opérateurs, avec une baisse, en moyenne, de 9 %.

Les agences de l'eau contribuent à l'effort à raison de moins 12 %. Cette plus forte contribution est liée à différents éléments. Tout d'abord, elles ont commencé leur réduction d'effectifs plus tard que les services de l'État et les autres opérateurs ; il y a donc une forme de rattrapage. Ensuite, la réduction, voire l'arrêt de certaines aides ou politiques trop coûteuses en effectifs, ont été entérinés dans le onzième programme afin d'accompagner ces baisses d'effectifs.

Le Gouvernement est toutefois conscient que l'effort demandé aux agences de l'eau est très ambitieux et difficilement compatible avec les départs en retraite prévus dans les agences. Cela soulève de nombreuses questions quant à leur capacité à maintenir les missions qui leur sont confiées. L'atteinte du schéma d'emploi doit donc être rendue possible par la combinaison de différents leviers : une mutualisation inter-agences, une simplification des procédures, une dématérialisation des demandes d'aide ainsi qu'une mobilité inter-opérateurs ou vers les services déconcentrés.

S'agissant du SDAGE, un courrier a été adressé par les ministres concernés au mois de mai pour informer les présidents de comités de bassin, les conseils maritimes de façade et les conseils d'administration des agences de l'eau ainsi que les préfets coordonnateurs de bassins et de façades maritimes du niveau d'ambition attendu pour les SDAGE 2022-2027 de chacun des bassins. Je ne vous donne pas le détail mais, si vous les voulez, je les tiens à votre disposition.

S'agissant des contentieux liés au traitement des eaux urbaines, à la fin de l'année 2017, la Commission européenne a adressé à la France une mise en demeure du fait de ses manquements aux obligations de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires concernant 364 agglomérations d'assainissement. Cette mise en demeure a été suivie, le 14 mai 2020, d'un avis motivé portant sur 169 de ces agglomérations d'assainissement.

Le législateur ayant confié la compétence assainissement collectif aux communes et à leurs groupements, la présence de l'État auprès des collectivités est indispensable pour veiller au bon exercice de leur mission, fixer des prescriptions techniques que leurs installations de collecte et de traitement des eaux usées doivent respecter et en assurer le contrôle au titre de la police de l'eau. Le ministère a rédigé un projet d'instruction, en lien avec le ministère de l'intérieur et le ministère de la cohésion des territoires, pour demander aux préfets, notamment, de prendre toutes les mesures pour inciter les collectivités à respecter, dans les plus brefs délais, le droit national et européen, en utilisant l'ensemble des outils existants. Le plan de relance consacrant 250 millions d'euros pour améliorer les systèmes d'assainissement des réseaux d'eau potable, c'est l'occasion pour toutes ces collectivités de solliciter une aide afin de se mettre à niveau.

Enfin, sur les perturbateurs endocriniens, la France soutient l'Union européenne qui a adopté la définition des perturbateurs endocriniens utilisée dans les pesticides. C'est une avancée pour la santé environnementale car, pour la première fois, l'Europe sera en mesure d'interdire les pesticides perturbateurs endocriniens les plus dangereux. Il n'était pas possible d'obtenir mieux à ce stade. Cela dit, j'avais encore une réunion ce matin avec les membres de REACH-up, qui sont les États les plus avancés sur cette question, pour travailler à une action plus ambitieuse sur ces perturbateurs endocriniens.

Au niveau national, en septembre 2019, nous avons rendu publique la révision de la stratégie nationale mobilisant l'ensemble des leviers d'action pour réduire au maximum l'exposition de l'environnement et des populations à ces substances dangereuses. À titre d'exemple, Santé publique France a mis en ligne, en septembre, un site internet, agir‑pour‑bebe.fr, permettant, entre autres, d'informer sur les moyens de réduire cette exposition. Nous rendrons régulièrement compte de la mise en œuvre de ces mesures.

Je perçois, pour les vivre, les attentes fortes tout comme les crispations. Vous vous en doutez, je fais partie de ceux qui feront tout pour assortir ce qui sera fait du plus haut niveau d'exigence possible. Du point de vue de la méthode, mon rôle est de dépasser ces crispations, d'essayer de remettre un peu de raison dans des débats qui, parfois, s'en écartent, et de tracer le chemin qui me permettra de me dire, à la fin du quinquennat, que nous sommes engagés dans la bonne voie. C'est tout ce que je veux, très humblement, et je ferai tout mon possible pour cela. Oui, il y aura des moments de tangage ; oui, il faudra faire des efforts, mais vous pouvez compter sur moi pour pousser les choses le plus loin possible.

S'agissant, notamment, de la Convention citoyenne pour le climat, vous êtes nombreux à avoir exprimé des craintes. Arrêtons de crier avant d'avoir peur et avant d'avoir mal ! Le projet de loi qui est en train d'être travaillé sera une grande loi écologique. Les 146 propositions qui nous ont été présentées par les citoyens sont fondamentales et peuvent changer les choses. Tout notre travail aujourd'hui consiste à les faire « atterrir » parce que toutes ne peuvent pas être appliquées directement. Les citoyens en sont conscients, d'où ce travail préalable que je suis en train de faire avec eux. Pour ceux qui prétendent que j'aurais trahi ces citoyens, j'ai encore parlé avec eux la semaine dernière et ils comprennent bien qu'entre formuler des propositions et les mettre en œuvre, il y a un chemin à tracer avec ceux qui ont peur, avec ceux qui voudraient aller plus vite et plus loin, et également en tenant compte d'impératifs, notamment européens. C'est un chemin ambitieux, qui fera l'objet de passionnants débats au Parlement dans peu de temps.

En tout cas, 20 % des mesures sont soit déjà mises en œuvre, soit en cours de mise en œuvre, et 40 % d'entre elles seront traités dans le projet de loi issu de la CCC.

En ce qui concerne la rénovation énergétique des bâtiments, les crédits du CITE, par le passé, étaient certes plus élevés que ceux consacrés aux mesures que nous mettons en place aujourd'hui. Mais tout le monde s'accordait à dire qu'il y avait un problème d'efficacité de la mesure. Les acteurs de terrain, en particulier ceux qui s'occupent du dispositif opérationnel de rénovation énergétique des maisons individuelles (DORÉMI), qui assurent une rénovation globale, nous disent que le problème n'est pas tant une question de moyens que de modalités d'allocation et d'utilisation. C'est ce que nous avons essayé d'améliorer avec MaPrimeRénov', que nous continuons d'améliorer pour ne plus avoir de pertes en ligne. Pour l'instant, tous les fonds investis n'ont pas obtenu le résultat attendu en termes d'efficacité énergétique.

Ce pari, nous nous efforçons de le tenir en rénovant les dispositifs comme je l'ai indiqué, en avançant des versements, en créant la prime qui permet aux ménages d'engager moins de trésorerie – c'était un débat que nous avions eu l'année dernière. Nous avons recentré le dispositif sur les ménages qui en ont le plus besoin. Nous avons fortement renforcé les C2E, sachant que nous mettons de l'argent sur le contrôle des C2E qui ont, j'en conviens tout à fait, donné lieu à des abus.

Le versement pour sous-densité a été supprimé parce que le dispositif n'enregistrait pas de résultats : seules dix‑huit communes étaient concernées, pour un rendement total de 5 000 euros par an sur le territoire. Par mesure de clarification et de simplification, nous avons décidé de supprimer cet outil qui ne fonctionnait pas, en renforçant, en contrepartie, la fiscalité pour lutter contre l'artificialisation et en mettant en place d'autres outils qui nous permettront, à mon sens, d'aller plus loin.

En ce qui concerne les établissements publics fonciers, nous rouvrons des crédits au programme 109 ou au programme 135, par amendements, dans la mission « Cohésion des territoires ».

S'agissant de l'instabilité des normes, nous essayons de donner de la visibilité et de programmer sur le temps long. Nous veillons à ne plus laisser de bulles s'installer. C'est la raison des débats sur le photovoltaïque et le méthane aujourd'hui : nous voulons nous donner plus de perspectives dans le temps, éviter de laisser croire que les tarifs de rachat vont atteindre des prix délirants, sans lien avec la réalité.

Quant à l'anarchie des éoliennes, il a toujours été possible d'élaborer des schémas, y compris dans la belle région du Nord. Plutôt que de hurler à l'anarchie, les responsables politiques, de niveau régional par exemple, pourraient réfléchir – et le Gouvernement prendra sa part également – à des schémas de développement qui permettraient de rassurer tout le monde et d'y voir plus clair en mettant en perspective les endroits où il est possible de faire de l'éolien ou du photovoltaïque, et ceux où cela n'est pas possible. Au moins tout le monde serait autour de la table pour trouver des solutions répondant à la fois à nos engagements en matière de développement des énergies renouvelables, mais également à nos responsabilités vis‑à‑vis de la préservation de nos paysages et de la sérénité et du bien-être des habitants. Ce serait bien plus utile pour nos concitoyens que de brasser de l'air – et pas seulement avec des pales d'éoliennes ! À mon avis, les contreparties environnementales donneront lieu à des débats intéressants pendant le débat budgétaire.

Pour terminer, le sourire, je le garde, bien sûr, convaincue que ce n'est pas en faisant la tête qu'on va résoudre les problèmes du monde. Je crois que cela fait aussi partie de mon rôle de ministre de la transition écologique pendant cette période d'angoisse. Pris dans la crise sanitaire doublée d'une crise sociale et économique particulièrement difficile, certains de nos concitoyens se retrouvent dans des situations extrêmement compliquées et ne voient aucune perspective pour l'avenir. La crise écologique, elle, est déjà présente et se manifestera de plus en plus. Dans ces conditions, soit on laisse le monde céder à la panique et à l'angoisse avec toutes les réactions associées, soit on se conduit en responsable politique, on prend les choses à bras-le-corps et on essaie d'avancer.

Moi, je veux tracer des perspectives. Je veux montrer que la transition écologique, ce ne sont pas forcément des drames et des difficultés accrues. Au contraire, si on la conduit bien, on peut placer nos concitoyens dans la perspective d'un monde où ils se sentiront mieux. Je sais que c'est difficile, mais si nous, responsables politiques, ne le faisons pas, autant laisser tout le monde tomber dans le désespoir et abandonner l'avenir aux extrêmes. Je ne suis pas d'accord avec cela ! Je mettrai tout en œuvre pour tracer ce chemin et essayer de construire, avec tous ceux qui le souhaitent, un avenir meilleur en tenant compte de la contrainte écologique, qui peut devenir une superbe opportunité pour tout le monde.

Madame la présidente, j'ai entendu vos questions sur le nucléaire. J'y apporterai les réponses, que je n'ai pas ici, car ce n'est pas exactement le sujet du PLF, mais c'est un sujet, vous le savez, qui me tient à cœur.

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