Intervention de Martin Signoux

Réunion du mercredi 15 décembre 2021 à 13h30
Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook) :

Je vous remercie de votre invitation à échanger sur le sujet important du droit voisin au profit des éditeurs de presse, en France. Nous avions déjà eu l'occasion d'en discuter il y a un peu plus d'un mois ensemble. Nous sommes ravis de participer à cette table ronde pour élargir le débat.

Facebook est une plateforme de partage de contenus, qui permet aux utilisateurs, dont les éditeurs de presse, d'accroître leur visibilité et de toucher de nouveaux publics. Elle fait donc partie intégrante de leur stratégie visant à adapter leur modèle économique aux nouvelles réalités numériques. L'utilisation que les éditeurs font de notre plateforme présente trois caractéristiques.

D'abord, les outils et les services auxquels ces utilisateurs ont accès sont gratuits. En plus des fonctionnalités que chacun peut utiliser sur la plateforme, ils ont accès à certains outils et programmes d'accompagnement, fournis gratuitement.

Ensuite, les éditeurs de presse utilisent nos services de manière volontaire : ce sont eux qui viennent poster leurs contenus sur nos services, parce qu'ils peuvent en tirer un bénéfice. Le caractère volontaire différencie notre entreprise d'autres plateformes, notamment les moteurs de recherche, qui agrègent unilatéralement les contenus.

S'agissant du bénéfice retiré, le contenu de l'actualité n'est pas lu et consommé sur nos plateformes mais sur le site de l'éditeur de presse. L'éditeur poste un lien, qui redirige l'utilisateur vers son site. Une fois l'internaute redirigé, l'éditeur peut en profiter, en proposant des abonnements ou de la publicité. Aujourd'hui, les sites internet de la quasi-totalité des éditeurs de presse proposent de la publicité. En 2020, le fil d'actualité de Facebook a permis de rediriger 180 milliards de clics vers les sites des éditeurs de presse, ce qui représente une création de valeur de 9 milliards de dollars, au bénéficié des éditeurs de presse.

Enfin, l'application du droit voisin en France, que votre mission a pour objectif d'évaluer, est en cours. Dans notre entreprise, elle est effective, comme le démontrent les accords que nous avons récemment signés avec plusieurs éditeurs de presse. Le principal, conclu en octobre avec l'Alliance de la presse d'information générale, rend effectif la rémunération du droit voisin. Ce n'est qu'une étape, qui sera suivie par d'autres dans les mois qui viennent. Nous restons en effet engagés dans les négociations avec tous les éditeurs de presse et leurs représentants éligibles en France. Le cadre qui a été fixé par la loi de 2019 permet une application effective du droit voisin, en France, au bénéfice des éditeurs de presse.

La lenteur des négociations a régulièrement été évoquée dans les débats concernant le droit voisin. On a souvent laissé entendre que la mauvaise volonté des plateformes freinait les négociations.

Ce n'est pas le cas en ce qui nous concerne : dès 2019, nous avons négocié de bonne foi et avons toujours été engagés dans ces négociations. Aucune procédure contentieuse n'a d'ailleurs été ouverte à notre encontre. Lors de la conclusion de notre accord, les représentants de l'Alliance de la presse d'information générale ont salué les échanges francs et fructueux qui ont eu lieu avec Facebook.

La lenteur des négociations s'explique par le fait que le droit voisin est un élément nouveau – M. Tabaka a souligné différents éléments de complexité. La loi de 2019 a créé ce droit au bénéfice des agences et éditeurs de presse, mais elle n'a pas fixé de guide ni donné de méthode. Nous avons dû travailler avec les éditeurs de presse pour définir comment l'appliquer, de manière à ce qu'elle soit juste et équitable, et à rendre effectif le droit voisin en France. Ces discussions ont été longues mais nous sommes parvenus à une solution avec la presse IPG, et avons bon espoir d'aboutir dans les mois qui viennent à un accord de cette ampleur avec les autres familles d'éditeurs de presse.

Pour élargir le débat à un sujet sous-jacent, rappelons que le droit voisin a été créé dans l'objectif de soutenir la presse et une information de qualité, dans un contexte de transformation numérique. Avec l'avènement d'internet et le développement de nouveaux usages du numérique, les éditeurs de presse ont besoin de repenser leur modèle et leur stratégie pour s'y adapter. Le droit voisin est une solution, mais elle n'est pas la seule : d'autres mécanismes sont mis en place. Benoît Tabaka a par exemple souligné certains des engagements pris par Google. Dès 2017, Facebook a créé plusieurs programmes d'accompagnement à destination de la presse et des éditeurs de presse, pour qu'ils tirent des bénéfices des opportunités du numérique.

Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples français.

En 2019, nous avons lancé un programme d'accélération à destination de la presse quotidienne régionale (PQR), qui consistait à accompagner, avec des experts internationaux qui avaient participé à la transformation numérique de très grands quotidiens, onze rédactions dans la définition d'une nouvelle stratégie d'acquisition d'abonnés et de visibilité en ligne. Au bout d'un an, notre programme a permis à ces onze titres de la PQR d'augmenter leur nombre d'abonnés payants, d'abonnés à leurs newsletters et de diffuser davantage leurs contenus, pour une création de valeur estimée à 8 millions d'euros.

Par ailleurs, dans le cadre des accords que nous avons conclus avec l'APIG et que nous négocions avec les autres éditeurs de presse, nous avons créé sur Facebook un nouvel espace dédié à l'actualité. Aujourd'hui, en effet, Facebook n'est pas un lieu de référence en matière d'information : lorsqu'un utilisateur consulte son fil d'actualité, les contenus de ce type sont très minoritaires, si bien qu'un internaute désireux de s'informer se tournera plutôt vers les sites des éditeurs de presse, dont il lira les newsletters. Aussi allons-nous lancer, au début de l'année prochaine, le service Facebook News : cet espace dédié à l'information de qualité permettra aux éditeurs de presse de diffuser leurs contenus tout en étant rémunérés.

Au-delà de ces deux exemples, 800 millions de dollars ont été investis depuis 2018 pour soutenir les éditeurs de presse dans leur transformation numérique, et nous prévoyons d'investir un milliard de dollars supplémentaires au cours des trois prochaines années. Notre contribution est souvent négligée alors qu'elle participe au même objectif que le droit voisin, qui reste essentiel et que nous continuerons à appliquer. Hier, Le Monde a annoncé avoir franchi le cap des 500 000 abonnés – c'est deux fois plus qu'il y a cinq ans. On voit donc que les éditeurs de presse qui se saisissent de la transformation numérique et adaptent leur modèle arrivent à prospérer malgré tous les bouleversements économiques que cela implique.

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