Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 16h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

La question des tests de dépistage à réaliser à grande échelle, c'est-à-dire au-delà d'une certaine population composée des cas graves, des cas douteux ou encore des soignants, n'a jamais été évoquée, ni en janvier, ni en février de cette année, dans le cadre des échanges internationaux, que ce soit avec les pays du G7, lors du Conseil emploi, politique sociale, santé et consommateurs (EPSCO) du 13 février, ou encore à l'occasion des échanges entre la ministre de la santé et le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à l'époque le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus.

La première recommandation de l'OMS sur la réalisation des tests en laboratoire date du 12 février 2020 ; je n'étais alors pas encore ministre. Elle a été suivie de deux autres recommandations, le 2 mars puis le 21 mars. Tous ces recommandations étaient purement techniques et ne donnaient aucune stratégie de dépistage. Elles n'indiquaient pas, c'est là un point important, qu'il fallait tester d'autres personnes que les malades. Dans une allocution du 16 mars, le directeur général de l'OMS invitait à tester massivement, en précisant que « de nombreux pays ne sont pas encore dotés de capacités à tester, donc à identifier les cas suspects, et n'ont pas accès à la PCR ». Son appel revenait à dire aux pays qu'ils devaient tester massivement pour diagnostiquer et déterminer de la sorte si le coronavirus circulait sur leur territoire.

En début d'année, nous ne disposions pas davantage de recommandations du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) relativement à des stratégies de dépistage différentes des façons de procéder qui étaient les nôtres à l'époque.

Quelques chiffres sur les tests. Les tests PCR sont devenus disponibles en France à partir du 27 janvier. On a assisté au développement d'un test diagnostic rapide par l'institut Pasteur permettant de donner un résultat en quelques heures, puis à la montée en puissance rapide des tests : cinq laboratoires ont été équipés le 31 janvier, vingt le 21 février, quarante-trois le 7 mars. À partir du 6 avril, les laboratoires autres que ceux de biologie médicale, notamment les laboratoires vétérinaires départementaux, ont été autorisés à réaliser des tests.

Vous me demandez pourquoi cela a pris tant de temps d'autoriser les laboratoires départementaux à faire des tests. J'ai beaucoup aimé la réponse de l'ancien Premier ministre lorsque vous lui avez posé la question, et je vais aller dans son sens. Il y a parfois des changements réglementaires que vous pouvez mener à bien rapidement, ce fut le cas par exemple lorsque le Gouvernement a autorisé les pharmacies d'officine à fabriquer leur gel hydroalcoolique. La main n'a pas tremblé – d'ailleurs ma main n'a jamais tremblé –, et l'autorisation a été donnée très vite, comme cela a été souligné même par des parlementaires de l'opposition. De même lorsqu'il a fallu plafonner le prix des masques. Car ces mesures n'emportaient pas de conséquences sur la santé humaine.

S'agissant de l'autorisation de dépistage par des laboratoires qui n'en ont jamais pratiqué sur les humains et qui fonctionnaient pour beaucoup d'entre eux par système de pooling, procédé par lequel plusieurs prélèvements sont mis en même temps dans une machine afin de déterminer si l'un d'entre eux est positif, un temps d'expertise plus important s'est révélé nécessaire, et je ne jetterai pas la pierre aux services et aux différentes autorités qui ont été saisies. Leur travail a été réalisé dans des délais rapides, ce qui a permis de délivrer l'autorisation le 6 avril.

S'agissant des capacités en tests PCR, nous en étions à deux mille par jour fin février-début mars, et à cinq mille début avril. Les laboratoires ont demandé à pouvoir acheter des machines pour réaliser ces tests. Ce sont des grosses machines, coûteuses, venant de l'étranger, et faisant l'objet d'une forte demande mondiale. Nous avons soutenu la répartition de ces machines en en achetant nous-mêmes et en les installant dans certains hôpitaux. Nous avons encouragé et accompagné les laboratoires en leur assurant un tarif et en leur garantissant qu'un grand nombre de ces tests seraient réalisés dans la durée.

Nous sommes passés, au moment du déconfinement, à cinquante mille tests par jour. Entre avril et début mai, nous avons multiplié par dix le nombre de tests. Puis nous l'avons augmenté pendant l'été, dans un contexte où, le virus circulant peu, il y avait moins de personnes désireuses de se faire dépister que de capacités de dépistage. Moins de 1 % des tests se révélaient alors positifs.

Nous avons garanti pour tous les Français l'accès aux tests PCR avec une prise en charge à 100 % par l'assurance-maladie, en conséquence de quoi nul n'a eu à débourser le moindre centime, et ce depuis le début de l'épidémie. Il convient de le souligner, alors que certains pays ont mis en place des systèmes de dépistage incluant un reste à charge, d'où, parfois, un risque d'inégalité dans l'accès au dépistage.

Nous sommes désormais passés à deux millions de tests par semaine. C'est un effort sans précédent dans l'histoire de la lutte épidémique dans notre pays. J'en remercie les techniciens de laboratoire, les laborantins, les biologistes, ainsi que tous les professionnels que j'ai autorisés par arrêtés successifs à réaliser des prélèvements : infirmières, étudiants en santé, secouristes, etc. À chaque fois qu'il a fallu lever des barrières pour permettre aux laboratoires de tester davantage, nous l'avons fait.

À la rentrée scolaire, un bouchon s'est formé dans l'accès aux tests, et très vite, comme nous l'avons constaté grâce à nos indicateurs de suivi des remises de résultat. Les délais se sont allongés subitement. Les causes en sont connues. Beaucoup de personnes retrouvaient le chemin du travail et voulaient être testées avant de regagner leur entreprise. D'autres voulaient l'être avant de rentrer à l'université. D'autres encore continuaient à se déplacer dans des pays où un test était exigé. Toutes ces situations ont conduit à une massification de la demande de tests.

Mais la France n'a pas fait exception. Ce phénomène s'est observé partout, et les rares pays qui testaient davantage que nous, ont rencontré les mêmes difficultés. La Grande-Bretagne a ainsi dû envoyer des camions de tests de prélèvements PCR jusqu'en Italie pour pouvoir rattraper le retard pris ! D'autres pays, comme l'Allemagne, ont également enregistré des retards.

Je ne dis pas que cette situation était acceptable, mais qu'il n'existait à ce moment-là aucune façon de procéder différemment, aucune solution alternative. Les tests antigéniques constitueront clairement une aide, car s'il survient de nouveau une très forte concentration de population voulant se faire tester, ils réduiront significativement les délais. Quoi qu'il en soit, au cours des mois de septembre et octobre, nous avons non seulement augmenté la capacité de tests et le nombre de tests réalisés, mais aussi fait chuter rapidement les délais.

Monsieur le rapporteur, vous tirez une conclusion sur laquelle j'émets des réserves. Vous affirmez que c'est parce qu'il y a eu des retards et que la vague épidémique s'est développée. Je pourrais au contraire vous montrer que les courbes ont connu une ascension beaucoup plus importante après que les délais de test ont baissé, lorsque tout le monde a pu se faire tester dans de bonnes conditions. Il n'y a donc pas forcément de corrélation.

D'ailleurs, les pays qui n'ont pas rencontré à ce moment-là de difficultés dans l'accès aux tests ont connu aussi un départ épidémique, je pense par exemple à l'Italie, qui a vu l'épidémie repartir il y a moins d'un mois et qui n'était pas en difficulté pour tester, ou bien à la Suisse, un modèle en matière de testing et de contact tracing, et qui a enregistré en quelques jours une flambée de nouveaux cas.

Encore une fois, l'accès aux tests est un outil de lutte important contre l'épidémie, mais n'allons pas croire une seconde qu'il y aurait une solution matérielle humaine capable à elle seule d'éviter un départ épidémique quand le virus recommence à circuler et que les conditions de sa circulation sont réunies.

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