Intervention de Olivier Guyonvarch

Réunion du lundi 2 novembre 2020 à 9h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Olivier Guyonvarch, consul général à Wuhan :

L'ambiance à Wuhan était bien différente de ce qui se passe en France. La question du masque est presque anecdotique. Comme l'a dit l'ambassadeur, les Chinois sont habitués. Le port du masque était absolument obligatoire dehors pendant les 76 jours du confinement. Aujourd'hui encore, lorsque je quitte mon bureau et que je prends l'ascenseur, je mets mon masque. Le porter dans un lieu public est presque devenu un signe de politesse. Cela sert à se protéger, certes, mais les Chinois ont compris que cela permet d'abord de protéger les autres.

Le confinement est décrété le 23 janvier au matin, absolument sans aucun préavis. Les Wuhanais découvrent à leur réveil qu'à partir de dix heures plus aucun vol ou train ne peut quitter la ville ou y entrer. Toutes les routes et les autoroutes sont bloquées, et des checkpoints sont installés à tous les grands carrefours de la ville. Les seize ponts et les trois tunnels sont fermés. La situation est donc très tendue.

Jusqu'au 13 février, une seule personne par famille est autorisée à sortir tous les trois jours, pendant deux heures, pour aller acheter de la nourriture – tous les autres magasins sont fermés. À l'entrée de chaque immeuble, des gardes ou des vigiles enregistrent les numéros de téléphone, vérifient les cartes d'identité et prennent la température à l'aller et au retour. Si l'un des habitants a plus de 37,3° de température, il est envoyé manu militari dans le système de santé. Aucune auto-autorisation n'est possible, comme chez nous. Les seules personnes autorisées à sortir pendant le confinement sont celles qui travaillent dans les administrations ou dans les quelques entreprises restées ouvertes, afin d'assurer les services publics permettant à la population de continuer à vivre et de lutter contre le coronavirus. Tout est extrêmement contrôlé.

Du fait de mon statut, je possédais un laissez-passer permanent, pour moi-même et pour mon véhicule. J'ai donc pu, durant toute l'épidémie, sortir quand je le voulais pour aller travailler au consulat, et je peux témoigner de ce qui s'est passé.

Nous avons travaillé 24 heures sur 24, avec une toute petite équipe de volontaires, dont quatre Français, pour organiser les quatre vols d'évacuation qui ont eu lieu entre le 31 janvier et le 21 février et pour assurer la sécurité de nos ressortissants.

À partir du 13 février, quand les deux secrétaires du Parti, de la ville et de la province, qui sont les plus hauts responsables, sont limogés et remplacés par deux proches du Président Xi Jinping, issus du milieu sécuritaire, les conditions du confinement sont renforcées. Un soir, alors que je rentre chez moi à vingt-trois heures trente, après une journée de travail, je découvre que ma résidence est totalement barricadée par des palissades. Il n'y a plus qu'une seule entrée, gardée, par laquelle on peut passer sur production d'un laissez-passer.

La ville se retrouve totalement cloisonnée. Dans les quartiers populaires et anciens, les rues sont barricadées, et des murs sont même érigés autour d'immeubles où vivent des personnes contaminées qu'il n'est pas possible d'hospitaliser. En effet, les hôpitaux sont en situation de guerre : il n'y a absolument pas de place. Tous les lits sont pris et les couloirs sont occupés. Des gens meurent partout. On va jusqu'à fermer les portes des immeubles et des appartements en ne laissant qu'une petite trappe pour faire passer de la nourriture.

À partir du 13 février, même les magasins d'alimentation sont fermés et gardés par des policiers. Le Parti a des ramifications absolument partout, notamment dans les comités de quartier et d'immeuble. Ce sont ces comités qui sont réquisitionnés pour aller faire des achats groupés et déposer devant les portes, tous les trois jours, des sacs de nourriture contenant des légumes et un peu de viande.

Nous avons aussi eu l'obligation de télécharger une application, un peu semblable à StopCovid, par l'intermédiaire de laquelle il fallait signaler sa température deux fois par jour. Des patrouilles passaient dans les appartements, soit parce que vous n'aviez pas utilisé l'application, soit pour vérifier, de façon aléatoire, votre température. Les contrôles étaient donc très stricts.

L'hôpital Zhongnan, qui est notre partenaire historique en matière de coopération, a été montré en exemple comme étant l'un de ceux qui ont le mieux fait face à la pandémie. L'un de ses vice-présidents, qui est le directeur du service des urgences, est de nationalité française. Il est en poste depuis une quinzaine d'années. Dès que les premiers patients sont arrivés, il a créé une sorte de double système : un parcours particulier pour les patients fébriles et un autre pour les patients non fébriles.

Il y a eu beaucoup de contaminations lorsque la fermeture de Wuhan a été annoncée. Les gens se sont rués à l'hôpital pour essayer de se faire dépister. À partir de fin janvier, les hôpitaux ne pouvaient plus accepter les autres malades. Nous ne connaissons pas le nombre de personnes mortes d'un infarctus ou d'une autre maladie chez elles. Face à cette vague très forte, l'hôpital Zhongnan a plutôt bien réagi. C'est à cet hôpital que nous avons adressé les dons de matériel.

Le départ de nos ressortissants a été décidé dans ce contexte. Il était hors de question de les voir pris dans la nasse. Fort heureusement, aucun d'entre eux n'a été contaminé, ni parmi ceux qui ont été évacués, ni parmi la petite centaine qui est restée à Wuhan.

Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont été les premiers à évacuer et à fermer leur consulat. Le consulat coréen est resté ouvert, mais sans consul général. Nous sommes les seuls à être restés à Wuhan, où nos trois couleurs ont donc flotté dans un ciel qui était bien gris et bien lourd.

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