Intervention de Thomas Fatome

Réunion du mardi 29 septembre 2020 à 16h15
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie :

L'un des enjeux principaux du dossier médical partagé est le passage d'une logique d'ouverture à une logique d'enrichissement, de remplissage – le terme n'est pas très heureux –, pour en faire un outil plus vivant et utile qu'il ne l'est aujourd'hui. Grâce à l'action de l'assurance maladie depuis qu'elle a repris cette question, nous disposons d'un nombre suffisant de dossier ouverts pour pouvoir avancer, soit un peu moins de 10 millions de dossiers. Il s'agit d'une condition nécessaire mais non suffisante. La crise a montré que pour les échanges d'informations entre professionnels et assurés, ce type d'échanges sécurisés de qualité est crucial. Selon la feuille de route post-Ségur de la santé, nous avons pour objectif de renforcer les différentes incitations des professionnels et des médecins traitants dans les volets de synthèse médicale, pour que le cœur de la vie médicale du patient soit disponible dans son dossier, tout comme les comptes rendus d'hospitalisation et d'examens de biologie et de radiologie. Voilà l'une des priorités que nous voulons négocier avec les professionnels de santé d'ici à la fin de l'année, pour passer d'une logique d'ouverture des dossiers à une logique d'enrichissement et en faire un outil pleinement utilisé par les patients et les professionnels de santé.

Concernant les tests antigéniques, le ministre de la santé a pris un arrêté le 16 septembre dernier pour autoriser leur déploiement, notamment sous forme de tests rapides d'orientation diagnostique (TROD), en dehors des laboratoires de biologie ce qui permet de pratiquer un certain nombre d'expérimentations et de dépistages dans les territoires. En parallèle, la Haute autorité de santé a publié un avis, vendredi dernier, se montrant favorable à l'inscription des tests antigéniques pour les patients symptomatiques. Nous attendons pour la fin de semaine son avis sur les patients asymptomatiques, ce qui nous permettrait de définir la place de ces tests dans la stratégie de dépistage. Ont-ils vocation à se déployer plutôt dans une logique de diagnostic, vers les patients symptomatiques chez les professionnels de santé – médecins, pharmaciens, infirmières –, ou dans une logique de dépistage, vers des patients asymptomatiques ? Nous travaillons sur cette question; je peux vous confirmer l'intensité des travaux que nous menons avec le ministère et les professionnels de santé concernés, pour examiner dans quelles conditions nous pouvons déployer ces tests. Ils offrent une rapidité de résultat très intéressante, notamment en matière de prise en charge et de tracing. Nous devons aussi nous assurer de leur qualité et de leur place dans la chaîne de diagnostic, en lien avec les tests PCR. Des bases juridiques sont ouvertes, et nous avons besoin de recommandations scientifiques, qui commencent à voir le jour et qui seront étoffées cette semaine.

Je vous livre un exemple de contraintes que nous rencontrons. Nous avons la chance d'appuyer le tracing sur un système unique de remontée des tests positifs qui s'appelle Sidep, et qui est directement connecté au système d'information des laboratoires de biologie médicale, dans le public et le privé. Si demain nous souhaitions disposer de tests antigéniques qui ne seraient pas réalisés en laboratoire de biologie médicale, à savoir sous forme de TROD, comment pourrions-nous assurer la remontée d'informations qui est une condition indispensable, en matière d'épidémiologie, pour un tracing efficace ? Cela est indispensable pour que ces tests soient bien utilisés dans une stratégie de santé publique clairement définie.

Monsieur Vallaud, nous partageons le diagnostic selon lequel, manifestement, l'épidémie circule au-delà de cas de patients clairement identifiés comme positifs. Notre activité de tracing, que nous menons conjointement avec les médecins et les ARS, ne couvre pas la totalité des sources de contamination, bien que nous-mêmes et les ARS réalisions un travail très important dans la gestion des clusters. Cela ne fait que renforcer notre détermination à être le plus rapide et le plus efficace possible.

Je vous livre un certain nombre d'éléments sur les appels que nous passons aux personnes concernées. Un appel pour un cas positif dure plus de trente minutes, et plus de vingt minutes pour un cas contact. Voilà le signe de la qualité du travail que nous menons. Nous avons travaillé très étroitement avec Santé publique France, qui s'est rendue dans nos plateformes d'appels, pour réaliser une double écoute et mesurer la qualité de nos investigations. Santé publique France participe à nos programmes de formation, grâce à des webinaires qui ont été créés pour assurer la formation continue de nos enquêteurs. Certes, les nouveaux arrivants sont formés en quarante-huit heures, mais ils sont tutorés par des médecins conseils de l'assurance maladie, le cas échéant, et des managers des plateformes de tracing, qui y travaillent depuis plusieurs mois désormais. Ils sont tutorés de très près, jusqu'à ce que nous puissions les laisser opérer de manière indépendante et autonome, mais toujours supervisés par une équipe. Nous sommes totalement transparents sur l'ensemble des matériaux qui sont fournis à nos enquêteurs, en matière de script et de systèmes d'information. Nos plateformes font l'objet de nombreuses visites de la part de journalistes ou d'autres acteurs de ces politiques, qui se sont rendus, entre autres, dans des plateformes de la région parisienne. Nous sommes à votre disposition pour vous faire visiter le dispositif.

Madame Auconie, notre activité et celle des ARS sont extrêmement liées depuis plusieurs mois. L'organisation du tracing autour des clusters a nécessité une coordination extrêmement étroite entre les plateformes de l'assurance maladie et les ARS. Dès que nous détectons un risque de cluster, nous transmettons immédiatement l'information à l'ARS concernée, qui mène alors l'enquête sur tel événement ou lieu de rassemblement qui auraient pu entraîner une contamination collective. Ensuite, nous dressons une liste de cas contacts potentiels que nous appelons. Ce partenariat est donc très régulier ; il a dû s'adapter, semaine par semaine, au développement de l'épidémie et à une série d'organisations ad hoc, comme le tracing pour l'éducation nationale. Les contacts sont extrêmement intenses et réguliers, et marqués par un esprit commun de coopération.

Concernant les vaccins, en tant que directeur général de l'assurance maladie, je serai sans doute le plus heureux des hommes le jour où nous pourrons rembourser les vaccins pour nos assurés, une fois qu'ils auront passé les tests de sécurité. Le ministère de la santé a prévu, pour la construction du budget de la sécurité sociale pour 2021, une enveloppe prévisionnelle pour couvrir ce type de dépenses. Par ailleurs, la France, avec d'autres pays européens, négocie avec la Commission européenne des pré-contrats avec des laboratoires pharmaceutiques. Nous serons un partenaire des pouvoirs publics et des professionnels dans l'organisation des chaînes de vaccination ce qui nécessitera de disposer de compétences d'ingénierie en systèmes d'information et en suivi d'activité. Nous savons le faire, puisque nous le faisons chaque année pour la grippe – nous nous préparons pour la campagne de cette année, qui débutera le 13 octobre. Nous serons particulièrement mobilisés.

Je partage avec vous et d'autres parlementaires l'idée de l'importance d'une lutte efficace contre la fraude sociale, quelles qu'en soient l'origine ou les manifestations. L'assurance maladie mobilise des moyens importants pour les opérations de contrôle et de lutte contre la fraude. Les résultats ont augmenté ces dernières années – je tiens les chiffres à votre disposition. Les problématiques sont cependant très variées, compte tenu de l'ensemble des champs que nous couvrons, qu'il s'agisse des fraudes aux prestations en espèces ou en nature, des fraudes à l'identité ou des fraudes éventuellement commises par des professionnels de santé. Voilà qui nécessite une grande mobilisation, et parfois une expertise approfondie pour détecter des fraudes organisées ou toujours plus sophistiquées. Dans tous les cas, je peux vous assurer de la mobilisation du réseau de l'assurance maladie, qui doit cependant faire face à une contrainte que chacun garde à l'esprit : nous luttons contre la fraude tout en souhaitant assurer un remboursement rapide à nos assurés et aux professionnels de santé, dans la logique du tiers payant. Cela n'est pas incompatible, mais cela représente pour nos systèmes d'information des défis non négligeables. Nous travaillons avec les médecins et les pharmaciens sur les e-prescriptions, qui, dans les territoires, seront aussi un outil de lutte contre la fraude. Nous pourrions prendre de nombreux exemples pour montrer que l'adaptation de nos systèmes d'information constitue un levier majeur de lutte contre la fraude.

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