Intervention de Stéphane Peu

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 14h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

J'avais déposé une demande de commission d'enquête sur la situation particulière de la Seine-Saint-Denis s'agissant du covid-19. Elle n'a pas été retenue en raison de la constitution de la présente mission d'information, de portée plus globale. Le département le plus jeune de France a connu le taux de mortalité lié au covid le plus élevé alors que la maladie était censée toucher en premier lieu les personnes d'un certain âge atteintes de comorbidités. Un tel paradoxe apparent méritait, selon moi, d'être creusé.

Je souscris aux réponses de M. le préfet à M. le rapporteur sur le respect des règles. Des polémiques ont éclaté. Pour vivre en Seine-Saint-Denis et côtoyer M. le préfet qui n'est pas réputé laxiste, je puis confirmer que les mesures prises ont globalement été respectées, dans les conditions qui ont été rappelées, notamment sur les lieux de travail et dans les transports. Outre le contrôle des forces de l'ordre, que je salue, le contrôle social a été très fort. La peur a conduit les aînés et les voisins à rappeler à l'ordre ceux qui étaient inconscients du danger. Le non-respect des règles n'est pas ce qui peut expliquer la surmortalité.

L'INED et l'Observatoire régional de la santé (ORS) ont publié une étude expliquant le phénomène de surmortalité par la densité urbaine, les gros bataillons de la première et de la deuxième lignes de la Seine-Saint-Denis, l'utilisation des transports collectifs, etc. J'avoue être quelque peu insatisfait de cette étude. Je vois bien l'intérêt pour l'ORS d'ouvrir rapidement le parapluie en avançant des causes exogènes aux politiques de santé publique, mais on ne peut expliquer la surmortalité en Seine-Saint-Denis sans s'attarder un instant sur les conditions sanitaires de ce département.

Le rapport Cornut-Gentille sur l'état des services régaliens en Seine-Saint-Denis a traité de l'éducation, de la police et de la justice et non des questions de santé, ou du moins ne l'a fait que marginalement ; le sujet n'était pas au cœur du rapport. Dans le cadre de notre mission d'information, la situation sanitaire du département mériterait de faire l'objet d'un focus, car, monsieur le préfet, je ne partage pas vos propos sur les lits de réanimation. Les trois départements de la petite couronne parisienne présentent les mêmes caractéristiques d'intégration urbaine dans la région Île-de-France. Les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne ont des caractéristiques sociologiques assez différentes et comptent un nombre de lits de réanimation trois fois supérieur à celui de la Seine-Saint-Denis, nonobstant les mêmes caractéristiques d'intégration urbaine. Ce n'est pas parce que l'on habite en face de l'hôpital Robert Debré que l'on a moins de lits de réanimation, c'est parce que la Seine-Saint-Denis est un parent pauvre, sur ce sujet aussi.

Ajoutons à cela que les études sur les déserts médicaux de la médecine de ville font d'un département à forte densité urbaine comme celui de la Seine-Saint-Denis un désert médical à l'instar de ce que pourrait être le département le plus reculé de la ruralité française. C'est une deuxième anomalie.

Enfin, la médecine scolaire, au cœur des enjeux en cette rentrée, est exsangue, tout comme la médecine du travail. En Seine-Saint-Denis, on compte quarante-huit postes de médecins scolaires, dont seulement seize en activité.

On retrouve à tous les niveaux de la politique de santé publique les mêmes caractéristiques qu'en matière d'éducation, de justice ou de police. Autrement dit, l'égalité républicaine qui voudrait que l'on offre les mêmes services publics à tous les territoires ne s'applique pas à la Seine-Saint-Denis. Un habitant de Seine-Saint-Denis bénéficie d'enseignants, de médecins, d'hôpitaux, de lits de réanimation, de policiers, de magistrats en moins grand nombre que la moyenne nationale. Ce point mérite d'être relevé.

Je voudrais savoir si M. le préfet corrobore mes propos. Je conclurai mon intervention par une question. Après la crise du covid, on a dit que « l'hôpital avait tenu ». Cela voudrait dire qu'en dépit de l'épidémie, tout le monde a été soigné. Or cela n'a pas été le cas. J'ai reçu des témoignages de médecins de Seine-Saint-Denis, attestant des choix qui avaient été faits. Grosso modo, les personnes de plus de 65 ans atteintes d'une ou deux cormobidités n'étaient plus orientées vers les services de réanimation. L'hôpital public a failli, il n'a pas été en mesure de faire face à l'épidémie. Confirmez-vous ou non cette situation en Seine-Saint-Denis ?

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