Intervention de Claudette Brialix

Réunion du jeudi 17 septembre 2020 à 11h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Claudette Brialix, présidente de la Fédération nationale des associations et amis de personnes âgées et de leurs familles :

Vous avez raison de souligner le problème de personnel. Il est difficile d'obtenir les postes budgétaires à la hauteur des besoins, sans compter qu'il n'existe pas de ratio. Le taux d'encadrement est très bas et quand les postes existent, ils ne trouvent pas preneurs. Nombre de postes vacants dans les EHPAD ne sont donc pas pourvus, venant ajouter aux difficultés.

Pour avoir participé dans mon département de l'Indre comme dans d'autres à des réflexions sur des projets d'établissement, j'ai entendu des médecins plus anciens, mais également des cadres de santé, déclarer que les jeunes personnels avaient besoin d'une période de tutorat. Auparavant, ils étaient immédiatement opérationnels. Même les infirmières ont désormais besoin d'une période de tutorat d'un an. Or, assurer un tutorat tout en assumant sa charge de travail ne va pas toujours de soi.

La gériatrie n'intéresse plus les étudiants en médecine et il est très difficile de les orienter vers cette branche. Les médecins les plus anciens travaillant dans les établissements regrettent que leurs jeunes collègues n'aient pas cette approche d'humanité, indispensable à un bon accompagnement. Ce n'est pas spécifique aux EHPAD : cela vaut également pour les cabinets de médecine de ville ou à l'hôpital. Est-ce lié au cursus suivi, aux critères de recrutement des étudiants en médecine ?

Les familles ont des difficultés. Lorsque leur parent entre en établissement, elles vivent un parcours similaire à celui de parents d'élèves dans une école. Quelles sont ces familles ? Les personnes âgées en EHPAD ayant 85 ans et plus, leurs enfants ne sont plus de première jeunesse non plus. Il s'est déjà produit que je rencontre un parent et un enfant hébergés dans un même établissement.

Souvent, les familles nous reprochent de parler à la place de la personne âgée. Lorsque celle-ci est dans un grand état de faiblesse, il faut bien que quelqu'un l'aide à exprimer ses difficultés.

Il existe plus de 7 000 établissements et, dirais-je, 7 000 cas particuliers. La difficulté tient largement aux directives données par le gestionnaire et à la personnalité de ceux qu'il dirige. Certains établissements sont plus ouverts que d'autres. Quant au conseil de vie sociale, tous les cas de figure se rencontrent : l'un est ouvert, l'autre n'existe pas, tel autre encore est « bidon » ou coopte les membres plus qu'il ne les élit.

Si une famille aux arguments fondés dérange, elle sera menacée. Nous avons eu à connaître des cas de menaces graves, en général celle de l'exclusion de la personne âgée, pouvant aller jusqu'à une plainte du gestionnaire pour préjudice causé par certains propos de la famille. Un cas de ce type sera jugé demain en Indre‑et‑Loire. En l'espèce, la famille fondait ses propos, entre autres, sur un rapport de l'ARS.

Voilà dans quelle situation sont les familles. Elles ne demandent pas n'importe quoi : elles veulent simplement être associées, que l'on partage avec elle, non pour critiquer, mais pour coconstruire. À cet égard, les obstacles sont nombreux.

J'en viens à l'acharnement thérapeutique. J'ai moi-même accompagné quatre personnes en perte d'autonomie. Il s'agit d'évaluer les bénéfices et les risques ; on ne fait pas tout et n'importe quoi. Faire souffrir pour faire souffrir ne présente aucun intérêt, mais il ne convient pas non plus de faire l'inverse. Qui prend la décision et comment y parvient-on ? Il faut de la concertation. Je l'ai vécu personnellement s'agissant de mon père : le médecin s'est concerté avec moi, ce dont je le remercie car ce n'est pas toujours le cas.

Au cours de la première partie de la crise sanitaire, c'était la panique, un énorme bazar. Force est de constater que de nombreux EHPAD ont été abandonnés à eux-mêmes. Les décisions étaient prises non pas en concertation avec les urgences de l'hôpital, mais souvent par le médecin coordonnateur lui-même, à qui il arrivait de s'entendre dire que l'hôpital était débordé et qu'il devait s'efforcer de tenir bon. Je ne suis pas médecin, je ne peux que constater et regretter de telles situations. Nous sommes réalistes et savons bien que nul n'est tenu à l'impossible. Les différents facteurs doivent être pesés, il faut évaluer les bénéfices et les risques.

En ce qui concerne les protocoles de soins, il faut savoir que, même en temps habituel, dans les EHPAD, on ne parvient pas à régler problème du circuit des médicaments. Si vous saviez la difficulté que constitue la distribution des médicaments, même quand il existe des protocoles écrits ! Quelle famille n'a pas retrouvé un médicament dans un tiroir ou tombé sous la table du réfectoire ? C'est malheureusement la situation ordinaire dans de nombreux établissements.

Il est normal qu'un protocole de soins soit défini par le médecin, en accord avec le personnel paramédical qui l'appliquera. On rappelle souvent que le malade « participe ». S'il est en capacité de comprendre le protocole, c'est une bonne chose, mais, dans le cas contraire, il convient d'associer la famille pour le définir. Dans la mesure où toutes les familles n'engagent pas des procédures de curatelle ou de tutelle, nombre d'entre elles ont du mal à être informées du dossier médical de leur parent en EHPAD. Certes, le secret médical existe, mais faut-il systématiquement, lorsque les membres d'une famille s'entendent bien, engager des procédures de curatelle ou de tutelle pour qu'ils soient informés ?

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