Intervention de Annie Podeur

Réunion du jeudi 24 février 2022 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes :

S'agissant du rôle des maisons France Services, le rapport n'entre pas dans un tel détail. Madame la présidente Motin, vous appelez de vos vœux la mise à disposition dans ces lieux d'une information sur la rénovation énergétique alors que nous proposons de supprimer l'emploi du chèque énergie pour financer des travaux de cette nature.

Toutefois, il est vrai qu'une bonne connaissance de la part des agents dans les maisons France Services permettrait de mieux accompagner les bénéficiaires qui doivent se contenter d'appeler l'Agence de services et de paiement (ASP). Pour des personnes peu adeptes des nouvelles technologies, il serait sans doute plus facile d'avoir un interlocuteur en face d'elles dans les maisons France Services. Ce n'est toutefois pas une piste que nous avons explorée.

En revanche, vous vous êtes félicitée de la mention par la Cour des budgets verts. Je vous fais un aveu : quelle n'a pas été notre surprise, lors de l'examen des cotations des dépenses du budget vert, de constater que celles liées au chèque énergie étaient considérées comme favorables aux objectifs environnementaux malgré l'absence de discrimination sur les modes de chauffage et les énergies utilisées.

Loin de nous l'idée de remettre en cause la cotation. Celle-ci est encore assez rustique, comme nous pouvons le constater dans le jaune budgétaire, mais il s'agit d'une démarche très progressive et la Cour aura à cœur d'accompagner au mieux les ministères financiers. Selon nous, cette dépense ne répond pas véritablement aux enjeux de la protection de l'environnement et des crises climatiques, qui sont extrêmement prégnants.

Monsieur le rapporteur général, dans notre rapport nous n'avons pas déterminé le mode d'indexation car nous n'avons pas fait de comparaison, et je ne veux pas vous faire une réponse qui ne serait pas issue des travaux d'instruction. Nous laissons donc ce soin à la direction du budget, qui connaît parfaitement ces mécanismes, même si elle a beaucoup de prévention contre eux. C'est le cas également de la Cour des comptes, mais il nous a semblé que c'était quand même la logique : il faut s'interroger quand, d'une année sur l'autre, on voit 300 000 bénéficiaires sortir du dispositif, parce que leur situation, elle, n'a pas véritablement évolué.

Vous vous êtes également interrogé sur l'imputation des dépenses du chèque énergie. Vous avez émis deux idées : la première est de faire financer la totalité du chèque énergie par les dépenses du service public de l'énergie, c'est-à-dire par le programme 345 Service public de l'énergie. La réponse sera nécessairement négative parce que ce programme concerne les remboursements aux opérateurs de leurs charges de service public ; or le chèque énergie n'est pas supporté par les opérateurs, contrairement aux anciens tarifs sociaux de l'énergie. On ne peut donc pas opter pour cette solution.

Deuxième possibilité : l'imputer exclusivement sur le programme 174. Cela n'est pas possible non plus parce que nous devons apprendre, dans la gestion des dispositifs, à bien distinguer la typologie des programmes et à respecter leur découpage.

Le vrai problème, c'est qu'il y a assez peu de cohérence à maintenir au sein du programme 174 le chèque énergie parce que ce dispositif a avant tout une vocation sociale et que son contenu environnemental est extrêmement faible – il est au mieux neutre. Je comprends bien que l'on préfère afficher un volume extrêmement élevé de dépenses budgétaires consacrées à la transition énergétique et limiter tout ce que l'on consent au service de la cohésion sociale, mais notre travail, à la Cour des comptes, est d'objectiver des réalités et le constat que nous faisons, c'est que cela relève assez peu de préoccupations environnementales.

Votre troisième question portait sur l'accumulation des dispositifs. Je vous renvoie sur ce point à l'annexe 7 du rapport. En 2020, ils étaient quasiment tous actifs, sauf cinq qui avaient été remplacés par d'autres dispositifs et deux qui étaient prévus pour s'éteindre en 2021. On peut donc considérer que quarante-deux dispositifs sont encore actifs. Nous nous sommes concentrés sur le chèque énergie car nous n'avions pas le temps de tous les analyser. Nous dénonçons leur accumulation et affirmons la nécessité d'une rationalisation. J'ai compris que c'était aussi l'une de vos préoccupations : nous sommes donc d'accord sur ce point.

Il est très propre à la France d'accorder des chèques dans différents secteurs. Leur principal avantage est le bénéfice politique apporté à leurs promoteurs, parce qu'ils sont très populaires. Ils présentent toutefois deux inconvénients : le premier est que l'on accroît mécaniquement les coûts de gestion. On se pose quelquefois la question de la productivité de l'administration mais l'accumulation de dispositifs implique d'y affecter plusieurs dizaines de personnes, ce qui a un coût important. Et quand le chèque est confié aux opérateurs, l'ASP passe son temps à gérer les paiements correspondants. Il y a donc une véritable réflexion à mener sur ce sujet.

Le deuxième inconvénient est que c'est assez déresponsabilisant pour les citoyens qui le reçoivent. Toutefois, si on les supprimait, on ne serait pas sûr du ciblage de la dépense. Le point d'équilibre pourrait être de bien dissocier le montant de l'allocation allouée et l'accompagnement proposé aux personnes en difficulté. Ces dernières ne sont pas en mesure de distinguer l'essentiel de l'accessoire pour consentir à leurs dépenses d'énergie, ce qui renvoie au mode d'accompagnement de ces populations. Ce n'est pas en accumulant les chèques que l'on répondra à la question.

J'en viens aux questions de Mme Pires Beaune. Parmi les 800 000 personnes qui passent à côté de cet avantage, il y a deux catégories : celles qui sont éligibles au chèque, qui le reçoivent mais ne l'utilisent pas – ce sont les fameux 20 % de non-usage – et celles qui sont en situation de précarité énergétique et qui restent en dehors du système parce qu'il est fondé exclusivement sur le revenu. La réponse est le troisième scénario que vous avez vous-même évoqué : il peut permettre de raccrocher cette population exclue du dispositif alors qu'elle devrait pouvoir en bénéficier. Il faut donc modifier les critères d'accès.

Votre deuxième question portait sur les revenus pris en compte, déplorant que l'on en soit encore à ceux de l'année n-2. Nous n'avons pas approfondi les moyens de gommer cet inconvénient mais il y a des travaux en cours au sein de la DGFiP à la suite de la suppression de la taxe d'habitation. De plus, le nouveau dispositif de prélèvement à la source et la possibilité pour les contribuables de faire connaître des changements de leur situation fiscale en cours d'année devraient permettre de corriger assez facilement ce défaut.

Enfin, pour les personnes qui sont en EPHAD, le chiffre que vous avez cité ne m'étonne pas. Nous avons, nous aussi, eu beaucoup de mal à obtenir des indications chiffrées sur ce sujet mais cela accrédite le fait que les dispositifs spécifiques pour les résidences sociales sont un peu passés à la trappe. On s'est réveillé un peu tard, on a essayé de bricoler, mais ce n'est pas satisfaisant du tout.

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