Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Il m'a semblé que Bruno Le Maire me tendait la perche tout à l'heure : j'ai bien des arguments à lui opposer, même si deux minutes, c'est un peu court pour faire le bilan d'un quinquennat. En tout cas, puisqu'Éric Woerth parlait d'une fin de cycle, il est à souhaiter que ce soit la fin du cycle de la politique de l'offre qui a été la vôtre.

Vous présentez des chiffres meilleurs que prévu. C'est dû avant tout à la sous-estimation de la croissance, qui explique notamment les recettes supplémentaires. Ces dernières proviennent surtout de l'impôt sur les sociétés. Car le profit des très grandes entreprises a augmenté – mais elles en ont profité pour distribuer 60 milliards de dividendes, soit une hausse bien supérieure à celle des recettes de l'IS.

Par ailleurs, le surplus de recettes, estimé à 20 milliards, est dérisoire par rapport aux aides sans contrepartie et aux cadeaux fiscaux que vous avez faits – 11 milliards rien que pour l'IS, 10 milliards par an pour la baisse des impôts de production ou 20 pour la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi en baisse de cotisations. L'État a donc davantage perdu que gagné, au nom de l'argument d'une pression fiscale très importante. Or, contrairement aux idées reçues, l'IS pèse peu en France. Selon l'Observatoire de la justice fiscale, il représentait 2,2 % du PIB en 2019, contre 3,1 % en moyenne dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Par ailleurs, la baisse de l'IS est captée principalement par les grandes entreprises. D'après l'Institut des politiques publiques, leur taux d'imposition effectif est de 15,8 %, contre 22,1 % pour les PME, ce qui pose problème.

Vous avez indiqué que ces 20 milliards supplémentaires devaient servir à rembourser la dette supplémentaire engendrée par l'épidémie de covid. Je m'inquiète que ce soit votre préoccupation première, qui nous mène jusqu'en 2042, alors que l'INSEE annonce une baisse du pouvoir d'achat de 0,5 % au premier semestre 2022. Cela inviterait plutôt à doper la consommation populaire, notamment en ciblant la très grande pauvreté. Sans compter les investissements qui, vous l'avez dit, sont nécessaires – car les dépenses publiques sont aussi des recettes pour l'économie. Il n'est donc pas certain que la préoccupation première soit de rembourser immédiatement la dette covid, qui appartient grosso modo à la Banque de France ; nous proposons plutôt de l'annuler en la transformant en dette perpétuelle.

Je peux vous rejoindre sur la nécessité d'investir dans l'industrie, même s'il vaudrait mieux éviter que les entreprises délocalisent. Je suis toutefois perplexe quand de l'argent est donné aux entreprises sans fléchage ni contrainte. La Cour des comptes a noté que le facteur de l'IS intervient plutôt en bout de chaîne, sur la question des investissements. Peut-on justifier une baisse d'impôt supplémentaire pour les entreprises, comme vous comptez le faire si vous restez au pouvoir – ce que je ne souhaite pas, malgré le respect que je vous dois ?

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