Intervention de Jean-Luc Fugit

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Fugit, président du Conseil national de l'air :

Pour évaluer la situation globale, le suivi et les résultats diffèrent selon le polluant étudié. Sur les vingt dernières années, les trois principaux polluants de l'air – l'ozone, l'oxyde d'azote et les particules PM10 – ne sont pas présents partout ni en même temps. Ils présentent au contraire une grande diversité de comportement. L'ozone est particulièrement présent en été, du fait de l'ensoleillement et de la chaleur. De plus, il s'agit d'un polluant secondaire car il n'est pas émis par l'activité humaine mais est le fruit de transformations où, bien souvent, la formation l'emporte sur la destruction et alors la concentration dans l'air augmente.

En revanche, l'oxyde d'azote et les particules fines sont directement émis par les activités humaines. Cependant, leur présence diminue depuis vingt ans. Toutefois, il convient aujourd'hui de s'intéresser davantage aux particules plus fines comme les PM2.5 et aux particules ultrafines, selon les recommandations récentes de l'Anses.

De fait, la pollution globale de l'air en France s'améliore mais demeure élevée, ce pour quoi nous avons des contentieux, concernant notamment l'oxyde d'azote, dans certaines zones. Or la source principale de pollution à l'oxyde d'azote est le moteur à énergie fossile et particulièrement le moteur diesel.

La source principale d'émission de particules fines est en revanche le chauffage au bois non-performant, devant les transports et l'industrie. Cette vérité dérange car nous avons tendance à jeter la faute sur le transport routier à énergie fossile.

La pollution à l'oxyde d'azote reste très élevée dans certains territoires. Puisque nous savons qu'elle est principalement dégagée par le transport routier, la loi d'orientation des mobilités a décidé de mettre en place des zones à faible émission (ZFE) mobilité. J'ai personnellement insisté pour y accoler le terme « mobilité » car je souhaitais montrer qu'agir sur la mobilité routière, à énergie fossile, permettait de réduire la pollution à l'oxyde d'azote. Toutefois, il ne s'agit pas du seul moyen de lutter contre la pollution de l'air. Nous devons aussi nous interroger sur les émissions du monde agricole, du monde industriel et du monde résidentiel.

Bien que la situation globale se soit améliorée, nous devons continuer d'agir car la pollution de l'air est encore supérieure aux normes dans certaines zones. La pollution aux particules fines est plus diffuse que celle à l'oxyde d'azote. La pollution à l'ozone touche à la fois les villes et les champs. J'avais démontré pourquoi dans mes travaux de doctorat, ce gaz étant le produit d'une série de réactions chimiques.

Le premier confinement a eu un effet immédiat sur les teneurs en oxyde d'azote, de 30 % à 70 % de moins selon les agglomérations, du fait de la réduction drastique du trafic routier. En revanche, aucune baisse n'a été observée concernant la pollution aux particules fines. Selon moi, ce constat s'explique par le moindre rôle des transports dans cette pollution, par la hausse du chauffage domestique à cause du climat sec et froid du mois d'avril, et par les épandages agricoles habituels en cette saison. Je l'explique plus en détails dans mes travaux du mois de mai.

Dans ces travaux, j'ai étudié avec des scientifiques l'interaction de ces pollutions avec l'épidémie de covid-19 et leur implication dans la transmission de cette maladie. Il convient de distinguer le rôle de la pollution de l'air dans le degré de résistance au virus et le rôle des particules fines dans le transport du virus. Plusieurs études montrent que la pollution de l'air ambiant détériore effectivement les capacités de résistance au virus. Toutefois, je reste prudent car en tant qu'enseignant-chercheur, je sais que les travaux de recherche doivent toujours être comparés à des études contradictoires et étudiés par d'autres chercheurs. L'analyse scientifique demande du temps. Pour cette raison, j'ai conclu mes travaux de mai en invitant à refaire un point sur la situation en début 2021 et à consulter les acteurs de la recherche sur les différents mécanismes d'interaction.

En revanche, le rôle des particules fines dans la transmission du covid-19 n'a pas été démontré à ce jour. Un point sera bientôt effectué avec des chercheurs pour en débattre au vu des dernières études. Cependant, il est prématuré d'écrire que le transport du covid-19 par les particules fines est assuré. Nous pouvons le supposer, mais nous ne l'avons pas encore démontré scientifiquement.

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