Intervention de Bernard Squarcini

Réunion du mardi 28 janvier 2020 à 17h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Bernard Squarcini, ancien directeur central du renseignement intérieur :

Il y a eu les Fractions armées révolutionnaires libanaises, qui ont commis des assassinats, notamment celui de Barsimentov, ce qui a conduit à l'arrestation de Georges Ibrahim Abdallah. On pourrait citer aussi l'attentat à l'ambassade d'Iran. Il y avait tout un contexte moyen-oriental, mais le terrorisme était soutenu par les États : voilà la différence avec ce que l'on observe à l'heure actuelle. En plus, bien sûr, pendant ce temps-là, nous pratiquions le contre-espionnage. Là encore, les RG ont apporté leur pierre à l'édifice.

Par la suite, une légère dérive s'est produite, avec le suivi de personnalités, notamment politiques. C'était une époque particulière – avant l'alternance, dirais-je pour résumer. Charles Pasqua mit fin au suivi politique et électoral effectué par les RG – lesquels étaient, il est vrai, de véritables baromètres de l'opinion – après l'histoire malheureuse du pasteur Doucé et les soupçons entourant la PP, ou encore les écoutes effectuées à Villepinte, dans une cabine, pour savoir qui allait être le premier secrétaire fédéral du Parti socialiste – des choses que, dorénavant, on apprend par l'Agence France-Presse (AFP), ou sur lesquelles on est alerté. Pourquoi employer des gens avec un statut particulier et touchant une indemnité de sujétions spéciales pour faire du mauvais journalisme, alors qu'il existe des experts ? C'en fut ainsi terminé de la dimension politique, mais aussi financière, des activités des RG. Il leur restait alors le social, le terrorisme et la protection des personnalités, sans oublier les courses et jeux – domaine très particulier, qu'ils finirent par abandonner. Dans le cadre d'une réforme de la direction centrale de la police territoriale, une expérience éphémère, qui n'a duré que deux ans, a eu lieu : la sécurité publique a coiffé notamment la police de l'air et des frontières (PAF) et les RG. Cela n'a pas marché.

J'en reviens aux attentats de 1995. Les RG ont donc abandonné la dimension politique et les courses et jeux. Ils se concentrent désormais sur la partie ordre public, le renseignement en milieu ouvert et en milieu fermé, autrement dit le terrorisme. Survient l'affaire Djamel Beghal. Celui-ci a été arrêté aux Émirats arabes unis par les Américains. Ces derniers réunissent alors nos différents services – DST, DGSE et RG – boulevard Mortier et demandent ce que nous avons sur Beghal. Les RG suivaient la cellule d'Évry, qui devait assurer la logistique d'un attentat contre l'ambassade des États-Unis à la Concorde, la DGSE avait une autre partie et la DST en avait une troisième. Autrement dit, ce sont les Américains qui nous ont coordonnés. Je me suis dit : « Voilà une excellente idée ». Nous ne nous coordonnions pas entre nous ; il a fallu que ce soient les étrangers qui le fassent. De là est née l'idée de Jacques Fournet, qui avait été préfet de la Nièvre, directeur des RG puis de la DST, de proposer à Charles Pasqua la création d'un pôle équivalent à la DGSE, mais pour l'intérieur. L'objectif était d'éviter les doublons, mais aussi certaines dérives. C'est là que se trouve l'origine de la DCRI. Le projet n'a pas pu être réalisé sous la présidence de Jacques Chirac, mais il l'a été après l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Élysée. L'idée en était donc ancienne.

Pour en revenir aux critiques que vous évoquiez, qu'est-ce qui a été perdu avec la disparition des RG ? La sous-direction du terrorisme a été entièrement absorbé par la DCRI ; tous les dossiers y ont été transférés, sans la moindre perte. Ce sont les mêmes agents qui ont continué à travailler, par exemple, sur les réseaux de Safé Bourada, composés de multirécidivistes. Quant au renseignement territorial, qui relevait auparavant de la direction centrale de la police territoriale (DCPT), il a été récupéré par la direction centrale de la sécurité publique (DCSP). Je vous accorde qu'il y a eu une lenteur au démarrage. La DCSP avait cru qu'elle recevrait un apport d'effectifs correspondant exactement à ceux de l'ancienne direction, ce qui n'était pas exactement le cas. Elle a fini par le comprendre. Au bout de trois ans, le tour de chauffe était terminé. Les gendarmes ont intégré également cette partie du renseignement. La PP, quant à elle, est restée dans son splendide isolement. Quoi qu'il en soit, je le répète, on n'a rien perdu au moment de la suppression des RG.

Soit dit en passant, Nicolas Sarkozy, quand il était devenu ministre de l'Intérieur, avait demandé à Yves Bertrand d'arrêter de faire des notes blanches sur les histoires intimes des uns et des autres. Il est vrai qu'il avait une activité personnelle assez développée dans ce domaine. Je dis les choses très clairement, puisque nous sommes à huis clos – et je précise que, pour ma part, je n'ai pas de carnets !

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