Intervention de Olivier de Mazières

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 15h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Olivier de Mazières, préfet de police des Bouches-du-Rhône :

Je n'ai pas le sentiment que cela ait véritablement modifié les instruments, les habitudes de travail, les priorités, les cibles ou encore les objectifs, qui étaient les nôtres. En revanche, cela a eu des effets sur l'analyse des attaques terroristes contre notre territoire et sur la réflexion en matière de gestion de notre travail au quotidien et d'adaptation des outils – notamment le FSPRT. J'ai hélas été aux premières loges en ce domaine et je peux en témoigner. Le 3 octobre 2017, un attentat terroriste a été perpétré sur le parvis de la gare Saint-Charles, à Marseille : deux jeunes filles ont été massacrées par un terroriste. Dans les semaines qui ont suivi, la coordination nationale du renseignement a organisé à Paris un échange entre le préfet de police qui avait été aux premières loges et l'ensemble des services de renseignement et de lutte antiterroriste. Nous avons procédé à un retour d'expérience (RETEX) – ainsi que cela a été fait par le coordonnateur national pour toute une série d'attentats terroristes perpétrés sur le territoire –, qui a conduit ultérieurement à une adaptation majeure du FSPRT, à savoir la suppression de plusieurs statuts d'enregistrement des individus, qui étaient très utilisés, notamment le statut « en veille ». Ce statut correspondait à des individus qui n'étaient plus suivis, mais qui étaient néanmoins maintenus dans la base ; nous nous réservions le droit de rouvrir leur dossier pour prendre connaissance d'une éventuelle évolution majeure, avant de le clore, le cas échéant, définitivement. Ces différents statuts ont été abandonnés au profit d'une cotation des risques de niveau 1, 2, et 3. Cette cotation, qui était une première, avait d'abord été écartée, lors de la création du FSPRT, car nous craignions que les services soient trop sélectifs dans le choix des individus à inscrire, sachant que l'objectif premier de cette base de données consistait avant tout à intégrer la masse des signalements recueillis jusqu'alors, avec cette idée que le passage d'un signal faible à un signal fort pouvait être très rapide ; ce constat demeure vrai.

En matière de lutte contre la radicalisation en effet, le sujet est davantage celui du suivi des signaux faibles et moyens que celui du suivi du signal fort, qui relève de techniques de renseignement et de pratiques antiterroristes plus classiques. Or, en dépassant le seuil de 20 000 inscrits au FSPRT, nous nous sommes aperçus que nous n'avions pas les moyens de tous les suivre avec la même efficacité – j'en fais l'expérience dans les Bouches-du-Rhône. Il fallait donc être plus sélectif quant aux individus inscrits au FSPRT et s'appuyer sur une cotation à trois niveaux, du niveau 1 le plus dangereux, au niveau 3, le moins dangereux. Cette cotation nous a permis de mieux répartir nos efforts et de rationaliser le FSPRT. Aujourd'hui, le nombre d'inscrits est plutôt en baisse par rapport au niveau constaté il y a quelques années.

Cette évolution est certainement le fruit d'une réflexion menée par le coordonnateur national en lien avec l'ensemble des services et des autorités politiques concernées, mais il existe bien évidemment des intermédiaires entre le coordonnateur national du renseignement et le préfet et, lorsque nous recevons des instructions concernant des modifications d'organisation ou de procédures, nous ne savons pas toujours qui est à l'origine de la décision, qui peut provenir du coordonnateur comme d'autres autorités.

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