Intervention de Jean-Baptiste Djebbari

Séance en hémicycle du mardi 18 juillet 2017 à 21h30
Ordonnances relatives à l'élaboration des décisions ayant une incidence sur l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Djebbari :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner un texte qui a trait à deux priorités majeures du Gouvernement et de la majorité : la démocratie participative locale et l'environnement. Ce projet de loi vise en effet à ratifier deux ordonnances. La première est relative à l'information et à la participation des citoyens aux décisions qui les concernent. La seconde vise à améliorer l'évaluation environnementale des projets.

Dès 1995, notre pays s'est doté de règles en la matière avec la loi Barnier, qui a notamment institué la Commission nationale du débat public. Ces règles ont été renforcées en 2002, avant d'être entérinées dans la Charte de l'environnement, qui a été adossée à la Constitution en 2005. Si la loi du 27 décembre 2012 prévoyait l'application des dispositions de la Charte, nous devons reconnaître aujourd'hui la difficulté de réaliser certains grands projets d'infrastructures.

Bien souvent, c'est la qualité du débat en amont qui est mise en cause. Plusieurs projets en ont récemment été l'illustration. Nous pensons, comme d'autres orateurs avant moi, au barrage de Sivens, à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et à bien d'autres projets encore, qui, bien que conformes aux procédures de consultation, demeurent difficilement acceptables sur le plan social et ont pu entraîner des drames humains. Ces procédures créent également de l'imprévisibilité pour les porteurs de projets, ce qui pèse, in fine, sur l'emploi et l'attractivité de notre pays.

Face à ces difficultés, il est apparu indispensable d'améliorer, d'une part, l'organisation des débats et, d'autre part, les modalités de participation des citoyens. C'est, en substance, l'apport des deux ordonnances que nous examinons aujourd'hui.

La première ordonnance vise à améliorer l'information et la participation du public. Le texte traite d'abord du dispositif en amont de la décision publique. Il réaffirme le principe de saisine systématique de la CNDP pour les grands projets – supérieurs à 300 millions d'euros – et améliore le dispositif en prévoyant la présentation par le maître d'ouvrage de toutes les solutions alternatives, y compris l'absence de mise en oeuvre du projet, appelée « option zéro ».

Pour les grands projets d'un coût compris entre 150 millions et 300 millions d'euros, le texte aménage la possibilité d'une saisine citoyenne de la CNDP par l'intermédiaire de 10 000 ressortissants majeurs de l'Union européenne résidant en France. Pour les projets, programmes et plans de moindre ampleur – supérieurs à 10 millions d'euros –, le texte innove avec l'initiative citoyenne, qui permet aux citoyens du territoire intéressé de demander à débattre sur le projet.

L'ordonnance donne également la compétence de conciliation à la CNDP et crée un fonds de concours pour financer les expertises supplémentaires.

Le texte aménage, enfin, en amont de la décision, une saisine citoyenne pour les projets de réforme de politique publique ayant un effet important sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. Le seuil requis est, en l'état, de 500 000 ressortissants de l'Union européenne résidant en France.

En aval de la décision publique, l'ordonnance améliore également l'enquête publique, d'abord en la simplifiant. La voie électronique devient ainsi le mode de participation par défaut. Il est également possible de procéder à une enquête unique pour les projets multiples, ce qui en réduit la durée.

Le texte permet par ailleurs une meilleure information, en garantissant l'affichage local en complément de l'information électronique.

Pour les plans, programmes et projets qui ne sont pas soumis à enquête publique, la participation des citoyens est préservée, avec le dépôt en ligne des observations et des propositions.

Enfin, pour les schémas d'aménagement et de gestion de l'eau, le texte procède à un élargissement des documents soumis à la consultation et crée une commission locale de l'eau, sous le contrôle du préfet. Le texte permet ici une déconcentration et une simplification du processus, dans un objectif d'efficacité.

La seconde ordonnance concerne l'évaluation environnementale. Elle propose d'agir dans une logique de projet, et non d'autorisations successives. L'ordonnance renforce le processus d'évaluation, en enrichissant le contenu des études d'impact. Elle simplifie les règles applicables en les rendant conformes au droit européen. L'ordonnance impose également la transmission de l'évaluation environnementale aux collectivités territoriales intéressées, ce qui représente une avancée considérable du droit.

De façon transversale, le texte prévoit une simplification pour les projets qui nécessitent des autorisations multiples, avec la production d'une seule évaluation, dont les critères sont alignés par le haut.

Enfin, le texte permet le contrôle du respect des prescriptions « éviter, réduire, compenser » – la fameuse séquence ERC –, en renforçant la capacité de sanction du préfet.

S'agissant du travail en commission, nous avons retenu deux priorités. Nous avons d'abord voulu que les droits créés par les ordonnances soient effectifs. Nous avons ainsi veillé à ce que les critères de la concertation préalable, qui permet aux citoyens de demander un débat sur les petits projets, soient suffisamment ouverts pour être opérants.

Nous nous sommes également assurés que la norme nouvellement établie permettra aux maîtres d'ouvrage de réaliser leurs projets ; en d'autres termes, que les dispositions des textes à l'étude ne génèrent pas un surcroît disproportionné de contraintes administratives et financières.

Ces priorités se sont traduites par l'adoption de plusieurs amendements. Nous avons d'abord abaissé le seuil de dépenses publiques de 10 à 5 millions d'euros pour l'initiation d'une concertation préalable. Concrètement, cela permettra aux citoyens, aux exécutifs territoriaux ou aux associations de protection agréées de l'environnement de demander une concertation, le plus souvent au préfet, pour des projets de 5 millions d'euros et plus.

Nous avons également allongé le délai du droit d'initiative citoyenne de deux à quatre mois pour permettre le temps de la mobilisation. Dans le même esprit, le délai pendant lequel l'illégalité pour vice de forme ou de procédure peut être invoquée a été porté à six mois, de manière à être conforme au droit de l'urbanisme.

Le rôle du garant a, par ailleurs, été renforcé, en rendant obligatoire sa nomination dans le vivier de la Commission nationale du débat public. Le texte initial permettait en effet au maître d'ouvrage de choisir et de rémunérer son garant, ce qui nous est paru contraire aux principes de transparence et d'indépendance recherchés. Notons d'ailleurs que la CNDP a été précurseur en la matière en sélectionnant puis en formant plus de 200 garants habilités au cours de l'été.

Enfin, nous avons souhaité aligner la rédaction de la démarche « éviter, réduire, compenser » sur la définition, plus ambitieuse à nos yeux, de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016.

Mes chers collègues, je crois que notre travail en commission aura permis d'enrichir ce texte et de trouver un juste équilibre entre participation des citoyens aux décisions qui les concernent et sécurité pour les porteurs de projets. Le groupe La République en marche soutient ces dispositions qui doivent permettent d'améliorer la qualité de la décision publique et sa légitimité démocratique. Les décisions qui en sont issues doivent être respectées.

Pour finir, j'emprunterai cette phrase à Grégoire Lacroix : « Élever très haut le débat », et, j'ajoute ici, le rendre distant du citoyen, « est souvent une façon élégante de le perdre de vue ». Vous aurez compris que notre ambition est tout autre. Et nous sommes heureux de pouvoir en débattre ici avec vous.

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