Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du mardi 18 juillet 2017 à 21h30
Ordonnances relatives à l'élaboration des décisions ayant une incidence sur l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Nous le disons avec force : il a fallu un mort pour que soient prises en compte les mobilisations populaires contre les projets inutiles et les revendications de ceux qui n'en peuvent plus qu'on saccage tout. Ce n'est pas acceptable !

Soyons à la hauteur de l'urgence écologique. Où est la protection des lanceurs d'alerte dans ce texte qui doit permettre l'information des citoyens ? Quelles sont les garanties d'une information et d'une réelle participation du public et non d'un enfumage médiatique ?

Je vais briser le consensus et l'unanimité, mais le groupe de la France insoumise ne votera pas le projet de loi dans sa version actuelle, et ce pour plusieurs raisons.

La première raison, que nous avons été plusieurs à évoquer en commission, est le seuil de 500 000 citoyens nécessaire pour saisir la Commission nationale du débat public. Ce seuil trop élevé rend l'effectivité de ce droit citoyen plus qu'hypothétique. À quoi sert-il de créer des droits que nous ne pourrions pas exercer ?

S'agissant des seuils, la CNDP elle-même avait préconisé d'abaisser le seuil fixé à 10 millions d'euros pour les projets pour lesquels les citoyens peuvent demander l'organisation d'une concertation. Elle soulignait la nécessité d'empêcher les maîtres d'ouvrage de se soustraire à leurs obligations et au débat public, en sous-estimant l'impact, l'ampleur ou le coût de leurs projets ou en les saucissonnant.

À cet instant, je ne peux pas passer sous silence la discussion qui a eu lieu au sein de la commission du développement durable : alors qu'un relatif consensus s'établissait sur la question des seuils, le secrétaire d'État, M. Lecornu, a souligné le risque d'un trop fort afflux de projets étudiés devant la CNDP, et l'impossibilité matérielle d'y faire face au regard des moyens dont cette structure dispose.

Pour vous l'expliquer plus clairement et peut-être plus directement, le Gouvernement accepte que les citoyens s'occupent d'environnement, mais il refuse d'y allouer un sou de plus ! Vous comprenez que nous contestions cette logique : il faut des moyens, faute de quoi ce dispositif deviendra une commission factice.

Deuxième raison pour laquelle nous nous opposons à ce texte en l'état, les grands projets inutiles déjà en cours, tels l'enfouissement des déchets nucléaires à Bure, l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, dont les impacts sociaux et environnementaux sont pourtant très importants, ne sont pas visés.

Enfin, troisième raison, les ordonnances augmentent le nombre de projets soumis à évaluation environnementale au cas par cas, et non de manière systématique.

L'urgence écologique impose des mesures sérieuses, et non une logique de « pas vu, pas pris » qui vise à diminuer le niveau de contrôle des chantiers.

Je voulais vous donner l'exemple d'un dossier d'information de la CNDP de juin 2016 sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui montre bien les insuffisances que je viens d'évoquer. Ce dossier comportait seize pages mettant face à face les arguments des opposants et des partisans au projet, résumés en six points chacun, mais il ne contenait aucune étude indépendante – ce que la Commission regrettait. Elle déclarait ne pas avoir eu accès aux annexes du contrat de concession du nouvel aéroport – est-ce cela, l'information ? – et avoir égaré un document de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement allant dans le sens des opposants.

Enfin, le rapport de la CNDP ne mentionne pas le soupçon de conflit d'intérêts visant le préfet de Loire-Atlantique qui avait autorisé le projet avant de partir travailler pour Vinci, principal intéressé du projet.

À l'heure où le climat change cent soixante-dix fois plus vite à cause de l'activité humaine, ces ordonnances ne sont pas à la hauteur des enjeux.

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