Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du mardi 18 juillet 2017 à 21h30
Ordonnances relatives à l'élaboration des décisions ayant une incidence sur l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, que je remercie pour l'amabilité de ses propos, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les applaudissements qui ont ponctué les différentes interventions donnent le sentiment d'un climat amical et consensuel. Même le président Jean-Marie Sermier a été salué !

J'en viens à mon propos et je ne vous cacherai pas, monsieur le secrétaire d'État, qu'il m'a semblé dans un premier temps pour le moins incongru, voire provocateur, de passer par une ratification d'ordonnances pour mettre en oeuvre le dialogue environnemental.

Mais après réflexion, et passé ce premier réflexe défensif, je reconnais bien volontiers que ce texte est le fruit d'un vrai travail de concertation que je ne peux que saluer.

De surcroît, les deux ordonnances concernées trouvent leur source dans un long dialogue avec l'ensemble des parties prenantes, ce qui leur confère un caractère abouti.

Nous nous réjouissons d'observer que le dialogue environnemental tend enfin à acquérir ses lettres de noblesse, même si d'innombrables progrès restent à faire dans de très nombreux domaines. J'y reviendrai.

Ces progrès, réalisés ou à venir, sont nés de la méfiance de nos concitoyens, mais aussi de l'élévation du niveau de formation et d'information. C'est un nouvel enjeu démocratique, managérial et social, tant la concertation permet de retisser le lien social qui a été perdu dans notre société. Ces démarches sont également le fruit d'un long processus, sans cesse ravivé par de grands projets incompris et sources d'importantes polémiques, voire de graves accidents.

Les débats publics ont pris racine dans un climat de contestation : ce sont les oppositions, notamment au TGV Méditerranée qui, en leur temps, ont conduit à leur institutionnalisation.

Si les réflexions autour du dialogue environnemental sont amorcées depuis une vingtaine d'années – le Grenelle de l'Environnement en représente une étape majeure – il n'en demeure pas moins que le travail plus spécifiquement lié à la modernisation de ce dialogue, et qui a préfiguré les ordonnances que nous examinons aujourd'hui, prend directement sa source dans le drame de Sivens.

Cet événement tragique a conduit à la création d'une commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique – CNTE –, présidée par le sénateur Alain Richard, et chargée de réfléchir à la démocratisation du dialogue environnemental. Cette commission, s'appuyant sur l'audition, durant plusieurs mois, de nombreux acteurs, a réalisé un très bon travail qui s'est conclu par la remise d'un rapport intitulé Démocratie environnementale : débattre et décider, en juin 2015.

Il y aura donc inéluctablement, tant dans la mémoire collective qu'au niveau de nos procédures environnementales, un avant et un après Sivens.

L'avant Sivens, c'est un droit de la participation atrophié sur des sujets environnementaux, marqué par l'absence de dispositifs de participation en amont pour les plans et programmes ainsi que pour les projets de moindre envergure ou pour les grands projets, par l'absence de concertation, par la longueur des délais au niveau du débat public comme de l'enquête publique, qui pouvait durer plusieurs années – Notre-Dame-des-Landes en est un exemple éloquent, parmi tant d'autres ? On pouvait aussi déplorer l'absence de dispositifs pour les processus de médiation et de conciliation. La concertation était bien sûr possible, mais, en l'absence de garants ou de professionnels, il n'était pas possible d'avancer en étant juge et partie.

L'après Sivens représente donc un grand pas en avant pour la démocratie participative grâce aux ordonnances du 3 août 2016.

Un droit d'initiative citoyenne est créé, tant pour les projets d'équipements que pour un certain nombre de projets de réforme de politique publique. La CNDP est obligatoirement saisie pour les plans et programmes nationaux. Un dispositif de conciliation lui est confié pour éviter les conflits. Une liste nationale de garants de la concertation est constituée pour développer la participation du public tout au long du processus de décision. Enfin, la généralisation de la dématérialisation de l'enquête publique permet de moderniser les procédures. Ce n'est pas tout, mais le geste compte.

Ces deux ordonnances ont le mérite de participer pleinement à la sécurisation des projets en accroissant leur acceptabilité. On ne peut donc que se féliciter que le texte examiné aujourd'hui ancre dans le marbre l'information du public et son intégration, dans des délais raisonnables, en amont comme en aval, au processus de décision. La crédibilité et l'avenir de nombre de nos projets d'infrastructure en dépendent.

Ce texte a été co-construit avec l'ensemble des acteurs concernés. Or il n'est pas possible de saluer la co-construction d'un texte tout en déposant des rafales d'amendements. Soit l'on fait confiance au dialogue en s'assurant qu'il se poursuive jusqu'à son terme, et l'on se contente de prendre acte de la décision qui en découle, soit l'on n'est pas d'accord et l'on dépose des amendements. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Les ordonnances ont permis d'atteindre un équilibre entre des positions divergentes, ce qui n'était pas évident.

Divers acteurs ont d'ores et déjà anticipé la mise en oeuvre de ces ordonnances en engageant des démarches d'appropriation. Or toutes les modifications qui pourraient intervenir risquent de complexifier le travail déjà mis en oeuvre. Plusieurs dispositifs issus de ces ordonnances sont en effet déjà opérationnels. C'est notamment le cas de celui des « garants ». Le vivier est constitué, les premiers garants ont été formés et des concertations ont été lancées. Ce serait une erreur de les remettre en cause.

Enfin, toute modification des ordonnances entraînerait des retards dans le lancement des projets concernés. Veut-on prendre ce risque ?

Monsieur le secrétaire d'État, plutôt que de modifier aujourd'hui ce texte, notre groupe, Les Constructifs, vous a soumis quelques propositions, auxquelles vous avez en partie répondu.

Ainsi, il serait bon de prendre du recul et d'évaluer la mise en oeuvre de ces ordonnances dans deux ans. Le temps sera alors venu d'étudier les améliorations à apporter à ces dispositifs.

De même, il conviendrait de travailler à moyen terme à une harmonisation des codes de l'environnement et de l'urbanisme. Il s'avère en effet que la simplification en matière de participation passe, non pas par un abaissement du standard en matière de dialogue environnemental, mais par une extension de celui-ci au code de l'urbanisme.

La finalité est d'alléger au maximum les procédures à venir pour aboutir à une application rapide et efficace des dispositifs prévus par ces ordonnances.

Par-delà ce texte, reconnaissons-le, il y a loin de la coupe aux lèvres quant à la nécessité d'associer nos concitoyens et leurs organisations à l'ensemble de nos processus de décision. Biberonnés par un système de monarchie républicaine et drogués par une société de consommation effrénée, les habitants de notre pays veulent se réfugier derrière un État autoritaire et efficace, tout en refusant d'être mis devant le fait établi. Le baromètre Harris interactive de 2017 montre combien les attentes en termes de concertation sont élevées.

Nous devons donc aller plus vite et plus loin : la territorialisation de l'ensemble des initiatives de consultation menées sur le plan national fait partie de ces exigences : hier la conférence nationale des territoires, demain les états généraux de l'alimentation, en septembre les assises de la mobilité.

L'association des publics concernés à l'évolution des grands services publics locaux – maternités, collèges – ainsi que les grands enjeux de société, devra être systématique. Les exemples du « mieux faire » sont légion. En l'absence d'un ministre chargé de la participation, monsieur le secrétaire d'État, je m'adresse à vous, qui avez préempté une partie du sujet.

Monsieur le secrétaire d'État, espérons que le quinquennat, comme l'a laissé entendre le Président de la République, s'attelle à ce chantier colossal, auquel notre groupe est attaché.

En attendant, le groupe Les Constructifs votera bien évidemment ce projet de loi tout en restant particulièrement vigilant quant à la manière dont vous assurerez son suivi, tant au niveau de son évaluation que de son évolution.

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