Intervention de Jean-Marc Zulesi

Séance en hémicycle du mardi 18 juillet 2017 à 21h30
Ordonnances relatives à l'élaboration des décisions ayant une incidence sur l'environnement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Zulesi, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

L'ordonnance 2016-1060 donne une nouvelle définition des finalités de la participation des citoyens à l'élaboration des décisions publiques, sur le fondement de l'article 7 de la Charte de l'environnement. Quatre objectifs sont fixés : améliorer la qualité de la décision publique et contribuer à sa légitimité démocratique ; assurer la préservation d'un environnement sain pour les générations actuelles et futures ; sensibiliser le public à la protection de l'environnement ; améliorer et diversifier l'information environnementale.

L'ordonnance 2016-1060 modifie la compétence de la CNDP en étendant son champ aux plans et programmes de niveau national ; elle redéfinit les objectifs du débat public ou de la concertation préalable que peut organiser la commission nationale.

Cette ordonnance cite explicitement l'option dite « option zéro » : il est clairement fait obligation au maître d'ouvrage de présenter les « solutions alternatives, y compris l'absence de mise en oeuvre du projet ». Chers collègues, c'est une avancée majeure !

Par ailleurs, l'ordonnance 2016-1060 réforme les modalités de saisine de la CNDP : désormais, 10 000 ressortissants de l'Union européenne résidant en France peuvent la saisir. Cela constitue aussi un progrès en termes de participation citoyenne.

L'ordonnance définit et encadre la procédure de concertation préalable. Distincte du débat public, celle-ci concerne les projets, plans et programmes de moindre envergure. Cette procédure, jusqu'alors trop rapidement traitée dans le code de l'environnement, est désormais bien définie et sa durée comprise entre quinze jours et trois mois. La concertation préalable peut être mise en oeuvre sur une base volontaire par le maître d'ouvrage ou être imposée par l'autorité compétente pour autoriser un projet.

Point essentiel, l'ordonnance met en place un nouveau droit d'initiative, qui est ouvert au public pour demander au représentant de l'État l'organisation d'une concertation préalable sur un projet, plan ou programme soumis à évaluation environnementale, lorsqu'aucune concertation n'est prévue par la CNDP, le maître d'ouvrage ou l'autorité publique.

Dans le texte qui nous était soumis par le Gouvernement, cette procédure ne concernait que les projets dépassant un seuil de dépenses publiques ou de subventions publiques de 10 millions d'euros. En commission, nous avons abaissé ce seuil à 5 millions d'euros, élargissant ainsi et de façon sensible l'accès à ce droit nouveau. Je ne doute pas qu'avec un tel seuil, le projet du barrage de Sivens aurait fait l'objet de concertations approfondies, lesquelles auraient sans doute permis d'apaiser les oppositions.

Ce droit d'initiative est ouvert à 20 % de la population recensée des communes concernées dans la déclaration d'intention, à 10 % de la population recensée du département ou de la région concernée, à une collectivité territoriale ou aux associations agréées nationales, régionales ou départementales.

Les travaux de la commission ont permis d'allonger de deux mois le délai au cours duquel les citoyens peuvent se saisir de ce droit d'initiative. Il paraissait quasi impossible de réunir autant de citoyens dans un délai de deux mois suivant la publication de la déclaration d'intention. Nous aurions ainsi consacré un droit que nos compatriotes n'auraient pu exercer. Un délai de quatre mois nous a paru plus pertinent dans les cas où l'initiative est portée par les citoyens. Le Gouvernement a exprimé son accord sur ce point.

Afin de garantir la transparence et la pertinence des décisions publiques autorisant les projets ayant un impact sur l'environnement, la commission a porté à six mois le délai pendant lequel il est possible de contester une procédure de participation du public pour vice de forme ou de procédure. Le droit de l'environnement s'aligne ainsi sur ce qui prévaut en matière d'urbanisme pour la contestation des schémas de cohérence territoriale – SCOT – ou des plans locaux d'urbanisme – PLU.

Cette ordonnance permet par ailleurs de définir le rôle du garant. La commission, dans ses travaux, a veillé à le préciser encore davantage pour tendre vers une plus grande indépendance de ce dernier et une meilleure diffusion des informations. Nous nous sommes attachés à ce que le choix des garants ne puisse se faire qu'au sein de la liste nationale des garants, établie et publiée par la CNDP, laquelle se charge de les rémunérer. La CNDP sera habilitée à radier de cette liste tout garant qui aurait manqué à ses obligations. Elle assumera la charge financière des éventuelles expertises complémentaires demandées par elle-même ou par le garant.

En ce qui concerne les expertises complémentaires, la commission s'est assurée que le garant ait l'obligation de veiller à la diffusion de l'ensemble des expertises présentées par les parties prenantes. Enfin, lorsque le garant est saisi d'une demande de réalisation d'une étude technique ou d'une expertise complémentaire, il reste libre de ne pas transmettre cette demande à la CNDP, mais doit motiver son choix.

Cette ordonnance élargit les possibilités de saisine de la CNDP lorsqu'il est question d'une réforme relative à une politique publique ayant un effet important sur l'environnement. Le Gouvernement, 60 députés, 60 sénateurs ou encore 500 000 ressortissants de l'Union européenne résidant en France peuvent la saisir. Si cela constitue une avancée, je considère que ce dernier seuil reste trop élevé. Par comparaison, l'initiative citoyenne européenne, qui permet d'inviter la Commission européenne à présenter une proposition législative, doit être soutenue par 1 million de citoyens européens, issus d'au moins 7 des 28 pays que compte l'Union. Les signatures doivent être recueillies en moins d'un an. Voilà des conditions plus souples dont le Gouvernement pourrait s'inspirer. En effet, lui seul est habilité à abaisser ce seuil, les députés ne pouvant aggraver une charge publique.

L'ordonnance 2016-1058 se place dans le cadre d'une procédure précontentieuse, engagée contre la France par la Commission européenne, celle-ci reprochant aux autorités françaises de ne pas avoir achevé la transposition d'une directive de 2011, dite « directive projets ».

L'ordonnance comporte des avancées notables, notamment une consultation systématique des collectivités locales, en plus de l'autorité environnementale, et des mesures de simplification des procédures. Simplifier et clarifier les règles applicables, tout en rendant celles-ci plus conformes au droit européen et en conservant un haut niveau de protection de l'environnement, tels sont les objectifs de cette ordonnance.

Là encore, les travaux de la commission ont permis une avancée décisive sur un point qui, je le sais, inquiétait nombre d'entre nous. Nos amendements ont en effet permis de rétablir dans l'ordonnance la séquence « éviter, réduire, compenser » de façon aussi exigeante que dans la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité. De manière plus ambitieuse que le droit européen, le droit français établit ainsi clairement que la compensation des atteintes à l'environnement est une réponse qui ne doit être envisagée qu'après la mise en place de mesures d'évitement, puis de réduction. Nous pouvons nous en féliciter.

C'est donc un texte respectueux des droits des citoyens, de l'environnement, mais aussi du nécessaire développement des projets et des investissements – un texte équilibré, en somme – qui est proposé à votre ratification.

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