Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du mardi 18 juillet 2017 à 21h30
Ordonnances relatives à l'élaboration des décisions ayant une incidence sur l'environnement — Présentation

Sébastien Lecornu, secrétaire d'état auprès du ministre d'état, ministre de la transition écologique et solidaire :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter ce soir au nom du Gouvernement le projet de loi ratifiant deux ordonnances prises le 3 août 2016 dans le cadre de la loi dite « Macron », l'une relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et l'autre portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement.

Mardi dernier, lors de leur examen en commission du développement durable, vingt amendements ont été discutés et douze ont été adoptés. Je remercie tous les membres de la commission pour leur travail, ainsi que M. le rapporteur Jean-Marc Zulesi dont la réflexion a permis de faire évoluer positivement le texte. Nous aurons dans un instant l'occasion de prolonger nos débats par l'examen d'une quarantaine d'amendements, ce qui constitue certainement la preuve que, même si le Gouvernement présente parfois des ordonnances, les parlementaires conservent un véritable rôle de co-constructeurs de la loi par le biais du droit d'amendement.

Rentrons sans plus attendre dans le détail de la présentation de ces deux ordonnances. La première est relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes, selon une expression tirée du droit communautaire. Pourquoi ratifier cette ordonnance ? Il s'agit tout d'abord de se conformer au droit européen, grâce à l'ordonnance qui transpose la nouvelle directive 201452UE relative à l'évaluation environnementale des projets.

Celle-ci permet notamment de définir des critères d'évaluation visant à mieux prendre en compte la santé, la biodiversité, le changement climatique ou les incidences visuelles des projets sur le patrimoine culturel et le paysage. Elle permet également de séparer les phases d'instruction et d'évaluation de certaines procédures environnementales à l'échelon local. Surtout, elle procède à une simplification pour les porteurs de projet tout en renforçant la protection de notre environnement. Nous retrouvons là l'esprit qui animait le ministre de l'économie de l'époque, Emmanuel Macron, lors de l'examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Cette simplification et cette protection se déclinent en trois aspects concrets. Le premier réside dans la simplification des procédures d'étude d'impact. Les projets seront désormais appréhendés dans leur ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et de multiplicité des maîtres d'ouvrage. Cela signifie qu'une étude d'impact sera réalisée en une seule fois pour chaque projet et non plus par procédure. On brise là pour la première fois la logique de silo qui ajoutait jusqu'alors du délai au délai au détriment de la vision globale de l'autorité environnementale.

Le deuxième aspect réside dans le développement des procédures dites « au cas par cas » consistant, d'une part, à élever le degré d'exigence environnementale et, d'autre part, à permettre à l'autorité environnementale – souvent les services déconcentrés de l'État, parfois l'administration centrale – de traiter ces demandes dans des délais plus courts. Le troisième aspect réside dans la mise en place d'une nouvelle nomenclature des projets à forte empreinte sur l'environnement pour lesquels un ciblage de l'évaluation environnementale est réalisé par un décret pris en Conseil d'État.

Enfin, le travail effectué en commission a permis de traduire dans l'ordonnance le triptyque « éviter, réduire, compenser » – ERC – cher à Mme Barbara Pompili et consacré par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. La rédaction de l'ordonnance étant antérieure à l'adoption de la loi, il fallait procéder à cette remise à niveau ; c'est chose faite à l'issue des travaux de la commission et je sais que certains amendements similaires ont été déposés sur plusieurs bancs de l'hémicycle.

La seconde ordonnance que nous soumettons à votre vote, mesdames et messieurs les députés, est relative à l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement. Pourquoi ratifier cette ordonnance prise dans le cadre de la loi Macron ? Il s'agissait d'abord d'une réponse du gouvernement de l'époque, reprise par le gouvernement d'Édouard Philippe, à un changement de mentalité dans notre société illustré par le drame de Sivens. Apprendre à perdre du temps en amont d'un projet ou d'une procédure pour ne pas en perdre ensuite : tel est l'esprit de bon sens qui sous-tend la philosophie du texte que nous présentons ce soir. Consulter en amont nos concitoyens permet de lever les inquiétudes, de faire preuve de pédagogie et de dialogue et de répondre éventuellement à leurs doutes et à leurs craintes.

Conformément à l'esprit de la convention d'Aarhus et de l'article 7 de la Charte de l'environnement, cette ordonnance crée des droits nouveaux en réponse à une véritable demande de nos concitoyens qui souhaitent participer davantage et même être associés à l'élaboration des décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement, qu'ils se sentent concernés par sa protection, qu'ils y soient sensibilisés ou même qu'ils adoptent une posture de profonde défiance et doutent de la légitimité ou de l'efficience des procédures prévues par les pouvoirs publics. Il nous incombe donc de veiller à ce que nos concitoyens puissent participer et, surtout, qu'ils le puissent au bon moment de la procédure.

Deuxièmement, il ne s'agit pas seulement de protéger l'environnement, mais aussi de libérer les porteurs de projet, privés comme publics. L'équilibre entre ces deux exigences –protéger et libérer – est un principe cher au gouvernement d'Édouard Philippe et voulu par le chef de l'État. Cette ordonnance offre en effet aux porteurs de projet davantage de visibilité en amont de la procédure et permet d'aller au-devant des problèmes pour les traiter le plus tôt possible. Nous y reviendrons, car cette philosophie respectueuse inspire également le projet de loi relatif au droit à l'erreur qui sera présenté prochainement au Parlement.

Concrètement, cette ordonnance consacre de manière inédite des droits nouveaux pour les citoyens : un droit d'accès aux informations pertinentes visant à rendre la participation de chaque citoyen effective ; un droit de demander l'engagement d'une procédure de participation dans des conditions que nous allons préciser dans un instant ; un droit à disposer de délais raisonnables pour formuler des observations et des propositions ; surtout – et là réside potentiellement la plus grande nouveauté – un droit à disposer d'un véritable suivi de la concertation et d'un retour positif ou négatif sur les observations formulées. Un tel droit, qui n'existait pas, constitue tout simplement une marque de respect vis-à-vis du citoyen contributeur.

Ces nouveaux droits appellent de nouvelles modalités de consultation. Il en résulte une série d'importantes nouveautés qui feront leur apparition dans notre droit si vous en êtes d'accord, mesdames et messieurs les députés. La première nouveauté consiste à prévoir que la CNDP – Commission nationale du débat public – sera obligatoirement saisie sur l'opportunité du débat pour les plans et programmes nationaux soumis à évolution environnementale. Auparavant, seuls les très grands projets, dont le coût dépassait 300 millions d'euros, étaient concernés.

La deuxième nouveauté, c'est l'élargissement de la saisine de la CNDP pour les grands projets, c'est-à-dire ceux dont le coût est compris entre 150 et 300 millions d'euros, actuellement rendus publics par les maîtres d'ouvrage ou par la personne publique responsable du projet qui indiquent leur décision de saisir ou non la CNDP et l'informent ensuite de la participation qu'ils prévoient. Grâce à cette ordonnance, les citoyens ont désormais un droit de saisine de la CNDP sur ces grands projets. Le seuil a été fixé à 10 000 citoyens de l'Union européenne, ce qui constitue une innovation majeure.

La troisième nouveauté, c'est l'ouverture du droit d'initiative citoyenne aux projets sous maîtrise d'ouvrage publique ou privée percevant initialement au moins 10 millions d'euros d'argent public.

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