Intervention de Sarah El Haïry

Séance en hémicycle du jeudi 30 novembre 2017 à 21h30
Résidence de l'enfant en cas de séparation des parents — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah El Haïry :

Monsieur le président, madame la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale, mes chers collègues, les sujets de société, dans cette assemblée, sont par nature délicats à traiter. Dès lors qu'on traite de l'humain, de sa sensibilité, de son vécu, voire de sa culture, de son éducation, on ne peut éviter l'écueil de la passion.

Aussi ne fait-il aucun doute qu'un tel texte, qui porte sur un sujet aussi sensible que l'intérêt de l'enfant, ne saurait faire l'unanimité dans nos rangs. Le devrait-il, d'ailleurs ? Rien n'est moins sûr, tant je sais qu'en la matière nous devons tous avancer avec prudence, modestie, et tolérance. Pour paraphraser une célèbre maxime, je dirai que nous allons vers un sujet difficile, mais avec des principes clairs.

Au premier rang de ces principes se trouve celui qui forge notre mouvement politique : l'idéal de progrès. Cela a été dit maintes fois : ce qui fait la vertu d'une loi, c'est sa capacité à accompagner les mouvements naturels d'une société. L'évolution de la loi est un signal fort qui traduit les mutations de la société. Elle ouvre en même temps de nouvelles possibilités. Le législateur se doit d'être à l'écoute pour en épouser les aspirations.

En 2017, il faut tenir compte d'une réalité : un couple sur trois divorce, se sépare. Dans la moitié des cas, il y a des enfants au milieu. Aujourd'hui, nous devons donc faire évoluer notre droit en la matière, parce que la société évolue. Si je peux me permettre ce terme, il y a alors une seule obsession : l'intérêt de l'enfant, toujours l'intérêt de l'enfant, et rien que l'intérêt de l'enfant. C'est cela, et uniquement cela qui a guidé toute la réflexion sur ce texte.

Nous avons entendu les opinions exprimées par les uns et les autres, consulté les multiples études, contradictoires parfois, écouté les interventions des spécialistes – psychiatres, juges, avocats. Le but de ce texte n'est pas de déterminer qui a raison ou qui a tort. Il est simplement de poser de manière dépassionnée trois objectifs.

Le premier objectif est de préserver l'intérêt de l'enfant, en consacrant son droit à maintenir un lien avec ses deux parents. De nombreux pédopsychiatres, psychologues et professeurs de sciences de l'éducation soulignent ainsi la présence nécessaire des deux parents, la permanence du lien avec eux afin de préserver l'équilibre de l'enfant. En posant le principe de la double résidence de l'enfant, la proposition de loi permet donc d'appliquer pleinement la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France le 7 août 1990, et dont les articles 5, 9 et 18 reconnaissent le droit de l'enfant à être élevé par ses parents de manière à favoriser son développement.

Le deuxième objectif de ce texte est de mieux traduire la symbolique de l'égalité des parents. Il convient qu'un parent ne se sente pas supérieur à l'autre, ni n'exclue l'autre. La réforme proposée s'inscrit donc dans la continuité de la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, qui pose les principes de coparentalité et de coresponsabilité. La double résidence permet en effet aux parents de prendre conscience qu'ils ont la même responsabilité et les mêmes devoirs vis-à-vis de leur enfant, confirmant ainsi l'égalité de chacun des parents quant à leurs droits et, surtout, à leurs devoirs à l'égard de l'enfant. Si le couple conjugal disparaît, le couple parental demeure.

Le troisième objectif de ce texte est de faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents. Malgré une augmentation, lente mais constante, des hypothèses de résidence alternée – 17 % des décisions de justice – et de résidence chez le père – 12 % – , la charge quotidienne des enfants pèse encore très majoritairement sur les femmes. Certains choix peuvent ainsi être difficiles à faire compte tenu de la pression sociale, comme le fait, pour la mère, de renoncer à la demande de garde majoritaire. Aussi, en posant le principe de la double résidence, la proposition de loi a pour objectif de faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents et de favoriser ainsi l'égalité entre les femmes et les hommes.

La plupart de nos voisins européens se sont dotés de lois fondant la résidence alternée des enfants comme principe en cas de séparation parentale. Dans les pays scandinaves, notamment en Suède, une loi de cette nature a été votée en 1983, de sorte qu'aujourd'hui 88 % des enfants sont en résidence alternée.

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