Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 18 mai 2021 à 17h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

élisabeth Borne, ministre :

Mmes Tolmont, Faucillon et Ressiguier partent d'un diagnostic erroné lorsqu'elles affirment que le taux de chômage des jeunes aurait bondi. Il est important de revenir aux faits : le chômage des jeunes a augmenté de l'ordre de 9 % depuis le début de la crise. Évidemment, je ne m'en satisfais pas, et c'est bien pour cela que nous allons continuer à agir pour faciliter l'accès à l'emploi de tous les jeunes. Mais je voudrais que chacun ait à l'esprit qu'après la crise de 2008-2009, le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A âgés de 18 à 25 ans avait augmenté de 30 %.

On peut parler de « mesurettes » ou de rafistolage ; je crois, pour ma part, que notre plan a été efficace. Il a permis de contenir l'augmentation du chômage en général, particulièrement celui des jeunes. Il faut être sérieux : nous avons mobilisé 9 milliards d'euros – ce ne sont pas des « mesurettes » ! Si 1,5 million de jeunes ont été embauchés entre le mois d'août 2020 et la fin mars 2021, soit un niveau comparable à celui d'avant la crise, c'est grâce aux aides exceptionnelles mises en œuvre par ce gouvernement. Nous avons mobilisé 1 million d'aides à l'embauche des jeunes ou d'aides à l'alternance, soutenu un nombre historique de contrats d'apprentissage, et 600 000 jeunes ont pu bénéficier d'un parcours d'insertion vers l'emploi au cours de l'année 2021.

De fait, madame Faucillon, nous ne partageons pas la même vision. Vous voulez remédier aux problèmes d'emploi des jeunes sans les entreprises. Je pense, quant à moi, que si on veut permettre aux jeunes d'accéder à l'emploi, il faut parler avec les entreprises et soutenir leurs projets de les embaucher. Je ne crois pas souhaitable de leur proposer un avenir dans lequel ils vivraient d'une allocation. Ils souhaitent, j'en suis convaincue, gagner leur autonomie – et je peux vous assurer que je les écoute, ainsi que leurs représentants, particulièrement le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ) et sa commission de l'insertion. Or, gagner son autonomie implique d'accéder à un emploi durable.

Cela suppose qu'on les aide à réaliser leur projet professionnel. C'est pourquoi, au cours de l'année 2021, nous allons doubler le nombre de places en Garantie jeunes. Ce dispositif, qui leur offre un accompagnement collectif, la participation à des ateliers, un coaching et une immersion en entreprise – car c'est là que se trouvent les emplois, madame Faucillon – a fait ses preuves, les chiffres le montrent : il permet aux jeunes d'accéder durablement à l'emploi.

J'ai bien entendu été très attentive aux recommandations du COJ, dont nous avons d'ores et déjà mis en œuvre un certain nombre de préconisations – notamment celles qui ont été présentées par Antoine Dulin, à qui je veux rendre hommage –, qu'il s'agisse de l'assouplissement des critères de rémunération, de la possibilité de rester rattaché au foyer fiscal des parents tout en bénéficiant de la Garantie jeunes ou de celle d'en moduler la durée.

Pour la suite, notre objectif est bien de prendre en compte les jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, les NEET, mais aussi ceux qui ont des emplois précaires. Ces jeunes sont au nombre d'1,4 million, soit environ 12 % des 18-25 ans. Il n'est évidemment pas acceptable que, depuis des années, tant de jeunes de cette classe d'âge se trouvent dans de telles situations.

Encore une fois, 1 million de jeunes bénéficieront d'un accompagnement vers l'emploi au cours de l'année 2021, et j'ai veillé à ce que les parcours d'accompagnement dans lesquels ils ne disposaient pas jusqu'à présent d'une aide financière en soient dotés. Ils peuvent ainsi avoir accès à cette aide dans le cadre du parcours d'accompagnement contractualisé vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) des missions locales, de l'accompagnement intensif des jeunes de Pôle emploi ou de l'accompagnement réalisé par l'Association pour l'emploi des cadres (APEC).

Notre objectif – c'est le sens du travail en cours sur la Garantie jeunes universelle –, est que tous les jeunes puissent bénéficier d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi. Celui-ci peut inclure des formations – notamment celles que nous mettons en œuvre avec les régions pour qu'ils aient accès aux métiers des secteurs qui recrutent, tels la transition écologique, le numérique et le soin – et une allocation. Aucun jeune ne doit renoncer à un accompagnement vers l'emploi ou à une formation en raison de difficultés financières.

Ce travail, madame Charrière, doit mobiliser l'ensemble des acteurs dans les territoires. Nous avons en effet besoin des régions, compétentes en matière de formation professionnelle, des départements, notamment pour ne pas perdre les jeunes qui sortent du champ de l'aide sociale à l'enfance, des communes, qui sont les plus à même d'apprécier finement la situation de ceux qui ne se tournent pas spontanément vers les missions locales ou vers le service public de l'emploi, et des intercommunalités, compétentes en matière d'accès à la mobilité, au logement, à la culture et au sport. Il s'agit donc d'un travail partenarial, dans l'esprit du SPIE auquel nous travaillons avec Brigitte Klinkert. Collectivités et réseaux associatifs doivent tous se mobiliser pour offrir aux jeunes l'accompagnement le plus global possible.

S'agissant de l'obligation de formation pour les jeunes de 16 à 18 ans, qui vous est chère, madame Charrière, nous devons progresser. Nous avons échangé à ce sujet avec Jean-Michel Blanquer : l'information doit être fluide entre l'éducation nationale et les missions locales pour que celles-ci disposent plus rapidement de la liste des décrocheurs. Lorsqu'un jeune a décroché, elles ne peuvent pas attendre plusieurs mois avant de pouvoir lui proposer un accompagnement.

Je crois beaucoup au type d'accompagnement proposé notamment par l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) dans le cadre de la Promo 16.18. Il est en effet très important de faire découvrir des métiers auxquels ils n'avaient pas pensé à des jeunes qui n'ont pas réussi dans les formations académiques, qui peuvent avoir perdu confiance en eux et avoir du mal à se projeter dans l'avenir. D'autres structures proposent aussi une ouverture vers des métiers très divers, comme les maisons familiales rurales ou les Compagnons du devoir. Le rôle de tels dispositifs est de redonner confiance à un jeune en situation d'échec, de l'aider à se projeter, à découvrir la diversité des métiers qui s'offrent à lui et à choisir et réaliser son projet professionnel.

Au début de l'année, nous avons discuté avec les organisations patronales et syndicales de l'évolution des dispositifs d'aide à l'embauche des jeunes. De façon unanime, les représentants de ces organisations ont donné la priorité à l'aide à l'alternance, donc au maintien et à la prolongation jusqu'à la fin de l'année des aides à l'embauche des apprentis et aux contrats de professionnalisation, pour lesquels les aides se montent à 5 000 et 8 000 euros. Pour ceux qui pensent que nous prenons des mesures ponctuelles, je souligne que nous mobilisons 2,5 milliards d'euros pour proroger ce dispositif jusqu'à la fin de 2021. Cela en vaut la peine, car notre objectif est de réussir la rentrée 2021 de l'apprentissage en atteignant le même niveau que lors de la rentrée 2020. Il s'agit de permettre à des jeunes d'accéder à des formations et de découvrir le monde de l'entreprise en bénéficiant d'une insertion dans l'emploi puisque ce dispositif est, à cet égard, l'un des plus efficaces.

Nous n'allons pas pour autant en rester là.

Je citerai notamment les contrats initiative emploi (CIE). Ces emplois aidés peuvent contribuer à la reprise, notamment, madame Thill, dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, qui habituellement recourt largement à ce type de contrat. Tout comme j'ai discuté avec les responsables de ce secteur des formations de réentraînement, je vais le faire pour adapter la formation des demandeurs d'emploi aux besoins exprimés. Quand un secteur annonce qu'il doit recruter 100 000 salariés, c'est une bonne nouvelle, et il faut tout mettre en œuvre pour l'aider à trouver les compétences dont il a besoin. Les formations de réentraînement des salariés et de remobilisation des demandeurs d'emploi ayant démarré la semaine dernière, je ne peux pas vous fournir le nombre de leurs bénéficiaires, mais je vous le communiquerai dès que possible. En tout cas, dans les semaines qui viennent, les CIE, qui représentent une aide très significative pour les entreprises qui y recourent, pourront être utilisés par le secteur des hôtels, cafés et restaurants.

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