Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 18 mai 2021 à 17h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

Je suis très heureuse de m'exprimer devant votre commission – ce qui n'est pas habituel mais qui s'explique par la situation exceptionnelle que nous vivons depuis plus d'un an et par la réponse inédite, les moyens exceptionnels que nous avons mobilisés dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ».

Comme l'a annoncé le Président de la République, nous entrons demain dans une nouvelle étape importante avec la réouverture des commerces : l'horizon s'éclaircira donc pour les jeunes, qui pourront ainsi renouer avec les rencontres, qui font le sel de la vie – surtout à leur âge ! –, et avec tout ce qui fait notre art de vivre : les verres en terrasse, les visites dans les musées, les sorties au cinéma ou au théâtre redeviendront possibles et, avec eux, les petits boulots, qui constituent une aide souvent importante pour les jeunes. Le 9 juin, les salles de café et de restaurants rouvriront, de même que les salles de sport. Nous devrons alors vivre avec le virus tout en maintenant notre vigilance.

Les jeunes ont consenti beaucoup de sacrifices pour protéger leurs aînés mais, dans le même temps, jamais on n'aura fait autant pour les aider à surmonter la crise et préparer leur avenir. Jamais un Président de la République n'aura autant placé la jeunesse au cœur de son projet en mobilisant tous les leviers de l'action publique.

Votre commission a consacré de nombreux travaux à ces défis ; je pense en particulier à la commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, présidée par Sandrine Mörch et dont Marie-George Buffet était la rapporteure. Je tiens également à saluer l'implication de la députée Sylvie Charrière, dans la continuité de sa mission sur l'obligation de formation des 16-18 ans.

Dès juillet 2020, nous avons donc lancé le plan « 1 jeune, 1 solution » afin de répondre à la diversité des situations de la jeunesse. Nous avons voulu donner à chaque jeune une solution adaptée à son parcours et à ses difficultés pour n'en laisser aucun sur le bord du chemin. Plus de 9 milliards d'euros sont mobilisés par le Gouvernement pour les aider à trouver un emploi, un apprentissage, une formation ou un accompagnement. Cet effort sans précédent porte ses fruits et a permis de réduire les conséquences de la crise : entre août 2020 et mars 2021, plus d'1,5 million de jeunes de moins de 26 ans ont été embauchés en CDI ou en CDD de plus de trois mois, soit quasiment autant qu'avant la crise pendant la même période.

Selon une évaluation publiée la semaine dernière, l'aide à l'embauche des jeunes a permis d'éviter l'effondrement des recrutements mais aussi d'orienter les embauches vers des contrats plus longs. Cette aide a généré entre 50 000 et 60 000 recrutements de plus en CDI ou en CDD de plus de trois mois. Alors qu'elles avaient chuté de 20 % depuis le début de l'année, les offres de Pôle emploi se redressent sensiblement depuis la mi-avril et atteignent désormais le même niveau qu'en 2019.

Cette aide s'arrêtera en effet, monsieur le président, à la fin du mois, mais de nombreux dispositifs sont maintenus afin d'accompagner au mieux les jeunes, en ciblant peut-être davantage les moyens mobilisés.

Le déploiement de l'apprentissage est encore plus net puisque plus de 516 000 jeunes ont signé un contrat d'apprentissage en 2020, malgré la crise, soit un niveau inégalé dans notre pays. Nous avons décidé de prolonger à l'identique les aides exceptionnelles à l'alternance – 5 000 euros pour les entreprises qui engagent un apprenti mineur et 8 000 euros pour celles qui engagent un majeur – jusqu'à la fin de l'année pour réussir la rentrée 2021 et faire en sorte que 2020 ne soit pas une année exceptionnelle mais qu'elle devienne la norme.

L'apprentissage est en train de gagner ses lettres de noblesse aux yeux des familles, des chefs d'entreprise et des jeunes qui, enfin, le voient tel qu'il est, c'est-à-dire garantissant une insertion professionnelle rapide et durable.

Enfin, depuis le début de l'année, plus de 300 000 jeunes éloignés de l'emploi ont rejoint un parcours d'accompagnement ou d'insertion. Au total, ils seront 1 million à bénéficier d'un tel accompagnement en 2021.

Dans ce cadre, nous avons notamment prévu de doubler le nombre de places en Garantie jeunes pour atteindre un total de 200 000 en 2021 grâce à un budget inégalé de près de 500 millions d'euros attribué aux missions locales cette année. Parallèlement, afin de donner aux jeunes peu ou pas qualifiés les compétences répondant aux besoins des entreprises, nous ouvrons 100 000 formations supplémentaires aux métiers d'avenir en 2021 et 2022, ce qui représente un effort supplémentaire de 700 millions d'euros. Cela s'ajoute à l'engagement sans précédent de l'État dans la formation des jeunes et des demandeurs d'emploi pendant le quinquennat, à hauteur de 13,8 milliards d'euros, dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences, le PIC.

Par ailleurs, pour permettre aux décrocheurs de l'éducation nationale de découvrir des métiers et de se remobiliser, nous avons lancé un programme d'accompagnement spécifique, la Promo 16.18, dans le cadre de l'obligation de formation. J'ai eu l'occasion d'échanger récemment avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, à propos des 35 000 places prévues pour celles et ceux qui n'ont pas trouvé leur voie dans un cursus scolaire et à qui mon ministère va s'efforcer de donner une deuxième chance.

Le plan « 1 jeune, 1 solution » fonctionne car nous l'avons ajusté en permanence et régulièrement enrichi de nouvelles aides. Il se situe à présent au cœur de toute l'action du Gouvernement en faveur de la jeunesse.

Afin qu'aucun jeune ne renonce à un parcours vers l'emploi par manque de ressources, nous avons doté tous les parcours d'accompagnement qui n'en disposaient pas d'une rémunération pouvant aller jusqu'à 500 euros. Pour la première fois depuis plus de trente ans, nous avons revalorisé la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle en la faisant passer, grosso modo, de 300 à 500 euros pour les jeunes de 18 à 25 ans. Le décret prévoyant cette revalorisation a été publié fin avril et elle est en vigueur depuis le début du mois de mai. C'est cela, l'égalité des chances en acte !

Le déploiement de ce plan s'appuie sur un site internet, 1jeune1solution.gouv.fr, qui rencontre un très grand succès et qui a vocation à devenir le site de référence pour l'emploi des jeunes. Pour eux, c'est un moyen simple et efficace d'accéder à l'ensemble des solutions qui leur sont proposées et, le cas échéant, d'être rappelés par la mission locale la plus proche. C'est également une vitrine pour les offres d'emploi des entreprises puisque plus de 230 000 offres d'embauches sont ainsi relayées.

Fin mars, le Président de la République a également souhaité enrichir le site d'un nouveau service, « 1 jeune, 1 mentor », afin d'aider les jeunes à acquérir des savoir-être et à développer leurs réseaux. Un premier appel à projets a été lancé fin mars à destination des associations de mentorat avec l'objectif que 100 000 jeunes puissent bénéficier du dispositif en 2021, leur nombre devant atteindre 200 000 en 2022. Je vous encourage vivement à le faire connaître et à promouvoir ces rencontres, très inspirantes, dans vos circonscriptions.

Par ailleurs, pour renforcer le recours des jeunes aux aides disponibles, le site s'est enrichi fin avril d'un simulateur d'aides permettant de leur faire connaître l'ensemble des soutiens dont ils peuvent bénéficier, qu'il s'agisse d'accès à l'emploi, à l'insertion, aux études, à la santé, au logement, à la mobilité ou à la culture. S'ils sont ex-boursiers diplômés en recherche d'un premier emploi, ils peuvent accéder à une aide financière exceptionnelle pendant quatre mois. Si les jeunes travaillent et perçoivent des revenus modestes, ils peuvent notamment accéder à la prime d'activité, revalorisée par la majorité le 1er janvier 2019. S'ils ont l'habitude de vivre d'emplois saisonniers ou intérimaires, ils peuvent accéder au revenu minimum garanti pour les « permittents », que nous avons prolongé jusqu'à la fin août. Sur près de 600 000 bénéficiaires, près d'un quart a moins de 25 ans. S'ils sont encore étudiants, ils peuvent accéder à une bourse de stage en ligne, avec près de 20 000 nouvelles offres disponibles réparties sur tout le territoire.

Si le ministère de l'éducation nationale, le ministère de l'enseignement supérieur et mon ministère ont veillé à assouplir les obligations de stages nécessaires à la validation des diplômes, il importait de mobiliser les entreprises et c'est ce que nous avons fait avec l'appui de Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises. Ces accompagnements consacrés aux étudiants interviennent en complément des mesures prises par ma collègue Frédérique Vidal, comme le repas universitaire à 1 euro ou l'accompagnement psychologique des étudiants et toutes les autres aides de droit commun accessibles sur le site « 1 jeune, 1 solution ».

Nous avons l'ambition de transformer et d'améliorer l'accompagnement des jeunes. À la demande du Président de la République, je soutiens le projet d'une Garantie jeunes universelle visant à permettre à chaque jeune de bénéficier d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi, assorti d'une allocation allant jusqu'à 500 euros par mois s'il en a besoin.

Nous devons également pouvoir chercher tous les jeunes « invisibles ». Lors de chaque échange avec les jeunes et ceux qui les accompagnent – récemment, à l'agence Pôle emploi de Château-Thierry ou à la mission locale d'Étampes-sur-Marne –, je mesure les bienfaits du modèle de la Garantie jeunes, qui allie allocation et immersion en entreprise ou formation.

En réduisant significativement les petits boulots, la crise a entraîné une dépendance accrue à l'aide parentale ou familiale mais aussi un malaise que la commission d'enquête a mis en évidence. Notre objectif est de redonner confiance aux jeunes, en leur avenir et en nos institutions, en leur donnant accès à un véritable accompagnement vers l'emploi. Nous voulons qu'ils puissent accéder à une émancipation réelle et pas seulement qu'ils dépendent des aides sociales, comme le proposent les partisans du RSA (revenu de solidarité active) jeune, qui, selon moi, est une fausse bonne idée.

Comme je l'ai dit la semaine dernière devant les commissaires à la lutte contre la pauvreté, c'est aussi pour améliorer l'accompagnement des jeunes sur le terrain que nous déployons le nouveau service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE). Le mois dernier, avec Olivier Véran et Brigitte Klinkert, j'ai annoncé la liste des 31 territoires qui auront pour mission d'installer ce service dès cette année. Celui-ci vise à garantir un parcours sans couture et un accompagnement personnalisé et global vers l'emploi, en coordonnant l'ensemble des acteurs de l'insertion sociale et professionnelle sur le terrain.

Dans le monde de demain, formation et mobilité devront aller de pair. Nous savons que 43 % des 18-24 ans déclarent avoir renoncé à un entretien d'embauche faute de pouvoir s'y rendre et que 46 % d'entre eux, pour la même raison, ont refusé un travail ou une formation. Parce que la mobilité est l'un des critères déterminants pour accéder à un emploi ou à une formation, nous proposons de nombreuses solutions afin de lutter contre l'assignation à résidence, en combinant mobilité géographique et mobilité sociale. Je pourrais citer la loi d'orientation des mobilités, que j'ai défendue en tant que ministre des transports, visant à proposer des solutions de mobilité dans tous les territoires, mais aussi l'aide que proposent les centres de formation d'apprentis (CFA) pour que ces derniers puissent passer leur permis de conduire ou encore l'appel à projets que nous avons lancé avec Brigitte Klinkert afin de développer les structures d'insertion par l'activité économique dans le champ de la mobilité solidaire, comme les garages solidaires ou les plateformes mobilité.

Parce que tous les métiers s'internationalisent, il est temps qu'Erasmus s'ouvre vraiment à tous les jeunes : apprentis, jeunes en formation ou en insertion professionnelle. Lors du sommet social de Porto, auquel le Président de la République et moi-même avons participé, nous nous sommes engagés à renforcer la mobilité de tous les jeunes Européens. C'est un bel horizon que nous travaillons ainsi à offrir à notre jeunesse pour l'aider à se projeter au-delà de la crise.

Vous l'aurez compris, notre ambition pour la jeunesse est immense. Au-delà des moyens exceptionnels qui sont déployés, nous sommes attentifs au caractère concret de nos mesures et nous veillons à ce que les jeunes y recourent effectivement. Parce que nous voulons lutter efficacement contre l'assignation sous toutes ses formes, nous voulons renforcer la qualité de l'accompagnement des jeunes, depuis l'accessibilité des aides en ligne jusqu'au suivi sur le terrain de leur parcours vers l'emploi. C'est en assurant un véritable droit à l'accompagnement vers l'emploi et en le plaçant au cœur de nos dispositifs que nous les aiderons à accéder à l'autonomie et à des emplois durables, de qualité.

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