Intervention de Sophie Cluzel

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres de la commission, je suis très heureuse d'être parmi vous.

Je commencerai par un point sur la crise sanitaire pour vous expliquer comment nous accompagnons les personnes en situation de handicap et leurs familles.

Tout d'abord, nous avons prorogé l'ensemble des droits afin d'éviter toute rupture administrative et ne pas surajouter aux difficultés des personnes en situation de handicap. Nous avons prorogé les droits au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), avec lesquelles nous travaillons en étroite collaboration depuis plus d'un an.

Nous avons accordé des dérogations pendant les deux confinements, afin d'éviter toute rupture des soins et de la rééducation, ô combien importants. Ainsi, tous les établissements médico-sociaux pour enfants et adultes et les services de soins et de rééducation sont ouverts. C'était essentiel pour éviter les pertes d'acquis. Nous avons été à leurs côtés.

S'agissant de la stratégie de vaccination, j'ai donné la priorité aux établissements médico-sociaux – foyers d'accueil médicalisés (FAM) et maisons d'accueil spécialisées (MAS) – pour que, dès l'arrivée du vaccin AstraZeneca cette semaine, les moins de 65 ans et l'ensemble des professionnels qui les accompagnent soient vaccinés, évitant un décalage vaccinal à la suite de la rupture d'approvisionnement en doses de vaccin Pfeizer. Nous sommes aux côtés des établissements médico-sociaux. Je serai d'ailleurs demain après‑midi dans une MAS pour assister à la vaccination. Nous observons une très grande adhésion des professionnels, qui ont conscience de la nécessité de protéger les plus vulnérables. Je précise à cette occasion que handicap ne signifie pas forcément vulnérabilité.

Dans le cadre de cette crise, j'ai été très attentive à ce que les personnes handicapées ne soient pas les variables d'ajustement de la crise économique et j'ai lancé un plan inclusif d'envergure de plus de 100 millions d'euros. À cet égard, je souligne la mesure d'aide à l'embauche de 4 000 euros, sans limite d'âge pour les personnes handicapées. Le Premier ministre a souhaité la prolonger jusqu'à la fin du mois de juin, afin de limiter l'impact de la crise pour les personnes handicapées. Nous sommes à 10 % de notre cible ; c'est la raison pour laquelle nous prolongeons cette aide. Certes, le démarrage a été un peu lent, mais le dispositif est bénéfique car, selon les chiffres reçus fin janvier, 60 % des aides distribuées dans ce cadre ont permis à des personnes en situation de handicap d'accéder à des contrats à durée indéterminée (CDI). Par ailleurs, 8 000 euros ont été accordés pour favoriser l'embauche des apprentis.

J'en viens maintenant au cœur des sujets relevant de votre commission. Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le président, l'école inclusive est un enjeu majeur. C'est dans le creuset de l'école que le vivre ensemble sera fabriqué.

Je reviendrai rapidement sur les actions que nous avons engagées depuis 2017. L'école inclusive est une des priorités du Gouvernement. Jean-Michel Blanquer est concerné ; Frédérique Vidal également, car l'enseignement supérieur entre le champ de cette action. Nous défendons ainsi le service public de l'école inclusive – ce qui n'est pas un vain mot. En effet, chaque année connaît une progression de 6 % des élèves scolarisés. Au total, 385 000 élèves en situation de handicap – dont 65 000 de plus à la rentrée 2020 – partagent les bancs de l'école avec leurs camarades. Les avancées sont donc incontestables.

Ces élèves ont désormais un parcours scolaire, ce que nous souhaitons, M. le ministre de l'éducation nationale et moi-même, car il en va de leur qualification future et donc de leur insertion dans l'emploi ou de leur accès à l'enseignement supérieur.

Près de 3,6 milliards d'euros sont consacrés à l'école inclusive au sein de l'éducation nationale. Cette somme recouvre les investissements dans les postes d'enseignants spécialisés et d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), dans divers dispositifs et le maillage en classes spécialisées, notamment pour les élèves autistes.

Trois grandes priorités sont définies. La première concerne le déploiement des dispositifs spécifiques au plus près des besoins des élèves. C'est le cas, en particulier, pour les unités d'enseignement externalisées, désormais ouvertes aux élèves polyhandicapés. Cela permettra d'ouvrir les écoles de la République à la grande différence. J'insiste sur cette avancée majeure qui permettra de porter un regard différent sur les capacités d'apprentissage de ces enfants, fussent-elles infimes comparées à celles de leurs camarades de classe. Il est possible pour ces élèves d'apprendre ensemble, grâce à des moyens de communication extrêmement variés.

Par ailleurs, 360 unités localisées d'inclusion scolaire (ULIS) ont été ouvertes à la rentrée 2020, de même que 71 nouvelles classes spécialisées pour les élèves autistes, auxquelles viendront s'en ajouter 85 supplémentaires à la prochaine rentrée. Les classes autisme sont plébiscitées par les familles car l'enfant est à l'école à plein temps, à l'instar de sa fratrie : la rééducation se déroule, elle aussi, au cœur de l'école. Le dispositif est pris en charge pour 1 euro par l'Éducation nationale et pour 7 euros par le secteur médico-social. L'enfant est donc puissamment soutenu par des professionnels ; inclus dans l'école, il entre progressivement dans les apprentissages. Les familles sont satisfaites que leurs enfants bénéficient enfin d'un regard croisé. Ils ne sont plus écartelés par des prises en charge extérieures à l'école. Nous voulons développer ce système en nous appuyant sur des unités d'enseignement externalisées au niveau élémentaire, au plus près des besoins des territoires.

Les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL), qui constituent notre deuxième priorité, sont une autre grande innovation. Ils couvrent plus de 80 % des départements, l'objectif étant d'atteindre 100 % à la rentrée 2021. Ces pôles, qui rassemblent des équipes pédagogiques et éducatives, sont surtout en mesure d'organiser les moyens au plus près du terrain, ce qui était notre ambition première.

La troisième priorité consiste à améliorer la coopération médico-sociale dans l'école, avec des PIAL renforcés et des équipes éducatives mobiles, se déplaçant dans les écoles. Elles comprennent des psychologues, des éducateurs ou des éducateurs spécialisés, qui viennent renforcer l'observation et l'accompagnement des élèves en situation de handicap.

Je sais les attentes – celles des acteurs de terrain et des familles, ainsi que les vôtres – s'agissant des AESH. La demande est en progression de façon structurelle. Ces accompagnants sont l'un des enjeux de l'école inclusive. Toutefois, tous les enfants n'ont pas besoin d'un accompagnement : certains ont simplement besoin d'aménagements pédagogiques ou de matériel. Pour d'autres, en revanche, l'accompagnement est une condition de leur réussite, même s'il n'est pas une condition de la scolarisation.

Nous avons recruté 8 000 AESH supplémentaires à la rentrée 2020, ce qui porte leur nombre à près de 110 000. Tous sont sous contrat de l'éducation nationale. Plus aucun n'est employé en contrat aidé, à la différence de ce qui existait en 2017 : 60 % des AESH étaient alors en contrats aidés, ce qui signifiait à la fois des ruptures de parcours de l'accompagnement en cours d'année scolaire et une très grande précarisation de ces personnels. Ils sont dorénavant employés en contrats à durée déterminée (CDD) ou en contrats à durée indéterminée (CDI). Je précise que pour accéder à un CDI, il faut avoir été employé au préalable pendant six ans en CDD, quels que soient la fonction ou le métier.

Depuis la rentrée 2020, des AESH référents sont chargés d'accompagner les AESH. Ils touchent pour cela une prime annuelle de 600 euros. Cette mesure est en cours de déploiement. À Amiens, où je me suis rendue la semaine dernière, quatre d'entre eux ont pris leurs fonctions. Il s'agit là d'une mesure majeure pour l'équipe éducative, pour les AESH eux-mêmes mais aussi pour les familles.

À cet égard, nous avons fait évoluer la relation entre l'AESH et les familles. Chacune d'elles bénéficie d'un entretien en début d'année qui lui permet de rencontrer l'accompagnant qui lui a été attribué. C'était une demande forte de la part des familles. En effet, il était très anxiogène pour les familles de ne pas connaître l'adulte qui serait à leurs côtés au cours de l'année. À cela s'ajoute le numéro d'appui.

Toutefois, du chemin reste à parcourir. Nous devons travailler sur l'adaptation et outiller les enseignants. La plateforme numérique « Cap école inclusive » a été mise en open data pendant le confinement. Nous avons immédiatement capitalisé sur cet outil, en l'ouvrant à l'ensemble des acteurs qui travaillent autour de l'enfant, y compris les professionnels du secteur médico-social. C'est par le partage des connaissances que l'on progresse ensemble.

À la rentrée 2021, la formation des enseignants de vingt-cinq heures à l'école inclusive sera obligatoire. Enfin ! Nous y travaillions depuis des années. C'est une avancée majeure qui rassurera les enseignants quant à la manière d'adapter la pédagogie, et ancrera l'idée selon laquelle l'école inclusive est l'affaire de tous les enseignants. La formation continue proposait déjà un temps de formation ; un grand pas est fait également s'agissant de la formation initiale.

Le partage des informations avec les MDPH et les équipes pédagogiques est un axe fort du développement que nous conduisons avec Jean-Michel Blanquer. Nous travaillons à la réalisation du livret numérique « Parcours inclusif », outil innovant qui regroupera l'ensemble des adaptations nécessaires aux enfants et qui surtout les suivra année après année. Nous ne connaîtrons pas de déperdition des adaptations dont ils auront fait l'objet. Ce partage se fera en dialogue avec les parents dès la rentrée prochaine.

Vous l'aurez compris : l'école inclusive est un véritable projet de société et une ambition en faveur de laquelle nous déployons les moyens nécessaires.

Monsieur le président, vous avez souligné notre réactivité, en liaison avec la délégation interministérielle à l'autisme, pour faire évoluer le contenu des manuels. C'est un combat de longue date ; beaucoup de fausses informations continuent de circuler, notamment sur l'autisme. Nous travaillons avec les éditions Belin. J'ai souhaité que les associations participent à cette réflexion pour changer la donne. Il faut faire feu de tout bois, retenir les lignes éditoriales les plus scientifiques et incontestables possibles pour éviter toute polémique et combattre les idées fausses qui circulent.

Depuis 2017, le budget de l'éducation nationale pour les élèves en situation de handicap et, au-delà, pour leur accès à l'enseignement supérieur a enregistré une progression de près de 60 %.

S'agissant de l'autisme, les actions entreprises se déploient autour de cinq grands axes.

Le premier vise l'intervention précoce, afin d'intégrer les enfants dans l'apprentissage, en développant des plateformes d'intervention précoce. Avec la crise sanitaire et la mobilisation des agences régionales de santé (ARS) pour y faire face, nous avons pris un peu de retard, mais j'ai fait en sorte que le déploiement des plateformes d'intervention précoce pour les 0-6 ans soit prioritaire. Nous n'abandonnons pas notre ambition visant la détection des 7-12 ans. À cet égard, nous développerons des pôles expérimentaux d'ici à la fin 2021. Cette action nécessite un large travail d'articulation avec l'éducation nationale, mais nous le devons à tous ces enfants. La stratégie concernant l'autisme mobilise plus de 340 millions d'euros, dont 40 millions spécifiquement dédiés aux plateformes d'intervention précoce.

La crise sanitaire nous a rappelé douloureusement à quel point la culture est au cœur de nos vies individuelles et collectives. Nous vivons cette privation au quotidien. Avec ma collègue Roselyne Bachelot, nous œuvrons à l'adaptation et à l'accessibilité des expositions à tous les publics handicapés. Je souligne l'implication de tous les établissements culturels, dont le réseau permet de partager les bonnes pratiques en matière de mise en accessibilité. Nous travaillons aussi avec eux à la pratique artistique. C'est là le cœur de notre conception de la société inclusive : celle-ci doit partir du droit commun. Nous réfléchissons ainsi à la façon dont les clubs sportifs, artistiques et culturels peuvent s'ouvrir au handicap. C'est ainsi que nous progresserons dans la durée.

Nous nous attachons à l'accès à la culture des personnes aveugles et malvoyantes, en constituant un portail qui recense l'offre de livres et revues nativement accessibles et l'offre adaptée. C'est un travail d'envergure, mais nous maintenons le cap. Avec Roselyne Bachelot, nous installerons la Commission nationale culture et handicap au cours du premier semestre 2021 pour identifier de nouvelles mesures et favoriser l'accès à la culture en travaillant avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), dont l'une des commissions est très active sur ce thème.

L'accès des personnes en situation de handicap à l'enseignement supérieur forme le quatrième axe. Avec ma collègue Frédérique Vidal, nous lancerons, à la mi-mars, un comité de pilotage de l'enseignement inclusif, au sens large du terme, pour fixer notre feuille de route. Nous voulons faire monter les étudiants en qualification et leur permettre d'être intégrés à la vie sociale. Le grand programme Aspie-friendly se développe pour accompagner à l'université les personnes porteuses du syndrome d'Asperger. L'accompagnement doit être global : logement, vie sociale, etc. C'est essentiel si nous voulons leur donner des conditions d'études optimales.

S'agissant des médias, j'ai réalisé un travail considérable avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Le baromètre de la diversité de la société française, publié chaque année par le Conseil, donne une idée du taux de représentation des personnes handicapées à la télévision. Force est de constater qu'il n'est pas bon : il s'élève à 0,6 %, alors que notre pays compte 12 millions de personnes en situation de handicap. Certes, 80 % des handicaps sont invisibles ; il n'en reste pas moins que l'on peut faire beaucoup mieux. Le CSA est extrêmement motivé. Nous avons installé le comité de rédaction handicap, qui suivra ces grands axes. La première de ses missions sera de s'attacher au sport, ce qui me permet de faire le lien avec la dernière partie de mon propos, consacrée à l'action que nous menons avec Roxana Maracineanu.

Nous lançons une grande stratégie nationale sport et handicap. Le constat est sans appel : 48 % des personnes handicapées ne pratiquent pas d'activité physique ou sportive, contre 34 % dans la population générale.

Le sport à l'école constitue un axe fort, qui fera participer les établissements médico‑sociaux et offrira des possibilités de conventionnement. Des conventions entre l'État et les fédérations sportives ont été signées pour intégrer le « parasport » dans chaque fédération sportive. Ce terme doit devenir générique, pour embarquer tous les sports et toutes les fédérations, y compris bien sûr les fédérations de sport adapté et handisport. L'objectif est de faire entrer le parasport dans le droit commun, de l'école à la pratique quotidienne.

À ce jour, 1 500 structures se sont inscrites sur la plateforme en ligne Handiguide des sports, où elles expliquent leur mise en accessibilité, dans tous les sens du terme : formation des pratiquants, adaptation des bâtiments, éducateurs formés à des pratiques adaptées. Les Jeux paralympiques seront un accélérateur de la pratique sportive.

Notre feuille de route est donc très riche. La société inclusive se construit, parce que mon secrétariat d'État est rattaché au Premier ministre et que chaque ministre est impliqué. Quatre comités interministériels du handicap ont été organisés. Le secrétariat général du comité interministériel du handicap pilote une feuille de route extrêmement ambitieuse, suivie activement par des hauts fonctionnaires dans chaque ministère.

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