Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 17h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Depuis longtemps, les Européens s'étonnent que des zones comme le Sahel se déstabilisent davantage et que nos opérations ne donnent pas les résultats attendus. Soyons honnêtes, les failles de notre politique de sécurité commune sont profondes. Nous restons incapables de déployer nos moyens de défense militaires et civils pour répondre aux crises. L'Union est souvent une simple spectatrice des grandes puissances, que ce soit en Ukraine ou au Sahel récemment.

Pourquoi cet échec ? Pour commencer, vous le rappelez, nos intérêts stratégiques divergent avec ceux de l'Allemagne et des pays de l'Est, le rapprochement se faisant à petits pas. Prenons par exemple l'accord de coalition du nouveau Gouvernement allemand dans lequel on trouve encore une fois des mots prometteurs : « accroître la souveraineté stratégique de l'Europe », « remplacer le vote à l'unanimité au sein du Conseil des ministres par le vote à la majorité qualifiée », « travail sur la boussole stratégique européenne ». Paroles ou avancées en perspective ? Dans le même temps, l'armée allemande se rapproche toujours davantage de l'armée américaine. Pensez-vous qu'après tant d'années un rapprochement de nos positions aurait-il enfin lieu ? Quel sera l'impact concret de la boussole stratégique ?

De plus, il ne faut pas s'étonner de l'impossibilité de construire une défense commune alors que nous maintenons une industrie de défense guidée par la concurrence et le profit. Tant que l'OTAN existera, l'Union européenne ne développera jamais une industrie de défense commune. Nous resterons dépendants des États-Unis, incapables d'adopter nos propres points de vue. Il y aura toujours des excuses pour ne pas agir en tant qu'Union.

En outre, nos opérations ne tiennent pas suffisamment compte des causes des conflits. Nous formons les forces de sécurité, nous luttons contre le terrorisme. Ne devrions‑nous pas investir davantage et plutôt dans les institutions publiques, éducatives des pays en crise ?

Trop souvent l'Union ne protège que ses intérêts économiques dans une démarche considérée comme néo-colonialiste par les peuples. Les interventions militaires civiles et l'aide au développement ne sont trop souvent qu'un outil de pouvoir des entreprises européennes et américaines pour contrôler les ressources et les richesses et maintenir au pouvoir des dirigeants contestés voire corrompus. Ces interventions servent trop peu les populations civiles. Si ces dernières avaient leur quotidien amélioré, si elles pouvaient avoir confiance en leurs institutions, ne seraient-elles pas moins vulnérables au terrorisme et aux coups d'État ?

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