Intervention de Franck Riester

Réunion du mardi 9 novembre 2021 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Franck Riester, ministre délégué :

La question de la propriété intellectuelle ne se pose pas lorsqu'il y a don de vaccins : des États achètent des doses et les offrent, comme il faut le faire et le faire beaucoup. La production locale de vaccins dans des pays qui n'en ont pas pour l'instant suppose non seulement l'accès à la formule gracieusement ou à un prix préférentiel mais aussi le savoir-faire technique permettant une fabrication industrielle. L'idée qui sous-tend la troisième voie est d'accompagner les pays qui le souhaitent dans la création de lignes de production de doses. En ce cas, l'accès à la formule peut se faire de trois manières : en en payant le prix intégral ; en supprimant les droits de propriété intellectuelle qui protègent le brevet pour donner la formule à qui la veut ; en définissant une législation internationale pragmatique fondée sur l'accord ADPIC qui oblige les détenteurs de droits à donner leurs formules en cas de pandémie car, pour l'heure, il est compliqué de faire jouer cette possibilité, dite de licence obligatoire. Voilà ce qu'est la troisième voie : plutôt que de vouloir, par idéologie ou dogmatisme, supprimer les brevets, s'attacher à simplifier l'accès aux formules déjà rendu possible par l'accord ADPIC. On atteint le même objectif, mais de manière plus pragmatique et opérationnelle que ne le proposent l'Inde, l'Afrique du Sud ou même les États-Unis, dont la position est d'ailleurs très floue. La France et l'Union européenne soutiennent cette voie intermédiaire, qui demande aussi que l'on accompagne la création des chaînes de production de vaccins ; c'est ce que nous faisons en Afrique du Sud, au Rwanda et au Sénégal par exemple.

Nous refusons de signer l'accord avec le Mercosur en l'état. Nous avons transmis à la Commission européenne des propositions tendant à instaurer des garanties suffisantes relatives à la déforestation, à la lutte contre le réchauffement climatique ou au respect des normes sanitaires et phytosanitaires, tant pour les pays membres du Mercosur que pour nous, Européens – ainsi de la création d'un instrument de lutte contre la déforestation importée.

Plus largement, nous considérons que les futurs accords de libre-échange devront bien davantage tenir compte de la préoccupation de développement durable. C'est ce que traduiront la révision du plan d'action en quinze points de la Commission européenne et la révision du système de préférences généralisées. Nous souhaitons aussi que le respect de l'Accord de Paris devienne un élément essentiel des accords de libre-échange à l'avenir et qu'au-delà des mesures de protection de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique et la déforestation importée, un règlement européen fondé sur le principe de mesures-miroir soit adopté pour mettre fin à des importations qui entraînent des conséquences pour l'environnement ou la santé. En cette matière, ce qui sera mis en place au début de l'année 2022 pour lutter contre l'utilisation d'antibiotiques comme facteurs de croissance en alimentation animale est un grand progrès.

D'autre part, nous soutenons l'action conduite par Denis Redonnet et son service pour assurer qu'au-delà des bonnes intentions les mesures adoptées sont correctement mises en œuvre – que, par exemple, la protection des indications géographiques est respectée par les pays avec lesquels nous avons un accord commercial. Les accords de libre-échange encadrent des échanges commerciaux avec des partenaires parfois très exigeants quant au respect de certains critères, si bien que ces textes permettent d'être plus efficaces, en matière de développement durable par exemple. Tout dépend des clauses définies : ces accords ne font pas systématiquement obstacle à un commerce plus responsable – ce pourquoi la vigilance s'impose au moment de leur élaboration – et ils sont utiles, dans bien des cas, pour notre économie et notre commerce. J'en prends pour exemple le CETA, qui nous a permis d'augmenter les exportations de 25 % entre 2017 et 2020 ; ensuite, les effets de la pandémie ont quelque peu perturbé les échanges commerciaux. Ce traité a aussi pour conséquence que nos indications géographiques sont mieux protégées et il nous donne des outils juridiques plus puissants pour garantir que le Canada respecte cette propriété intellectuelle. Autrement dit, il ne faut pas caricaturer les accords de libre-échange. S'ils sont ambitieux en matière de développement durable et de respect de nos valeurs, ils font utilement bouger les lignes avec nos partenaires commerciaux et permettent de progresser bien davantage que si nous n'avions pas d'accords avec les pays considérés.

Pour ce qui est des relations avec les États-Unis, nous verrons ce que nous réservera l'avenir. En tout cas, les faits sont là : le veto mis à la nomination de l'actuelle directrice générale de l'OMC a été levé ; des viticulteurs et des entreprises du secteur de l'aéronautique étaient fortement touchés par des droits de douane très durs imposés par Donald Trump, qui ont porté une grave atteinte à leur activité internationale en 2020, et ces taxes n'existent plus ; les taxes qui pénalisent nos exportations d'acier et d'aluminium vers les États-Unis seront levées au début de l'année 2022 dans la limite d'un quota historique de 4,4 millions de tonnes d'acier et de 400 000 tonnes d'aluminium. Enfin, la très forte menace de droits de douane additionnels qui pesait sur les exportations de maroquinerie et de cosmétiques vers les États-Unis est également levée, puisque cette surtaxe avait été imposée par l'administration Trump en réaction à la taxe que nous avions décidée sur les services numériques et que l'accord qui s'est fait à ce sujet entre les pays membres du G20, dont les Américains, se traduira par un accord technique dans le cadre de l'OCDE.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.