Intervention de Frédérique Dumas

Réunion du mardi 14 septembre 2021 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur l'enchaînement des événements et des renoncements qui nous ont menés au drame humanitaire et à l'onde de choc géopolitique majeure auxquels nous sommes confrontés. Nous y avons notre part de responsabilité, dès lors qu'a été adoptée en mars 2020, à l'unanimité du Conseil de sécurité de l'ONU, donc avec l'accord de la France, la résolution 2315 entérinant l'accord de paix conclu entre les Américains et l'émirat islamique d'Afghanistan en février 2020. Nous y avons notre part de responsabilité, quoi que vous en disiez, dès lors que la France a cautionné la déclaration du Conseil de l'Atlantique Nord du 14 avril 2021, selon laquelle, à l'issue de plusieurs consultations, les ministres des affaires étrangères et de la défense des pays de l'OTAN, dont fait partie la France, ont décidé d'entamer le retrait des troupes d'Afghanistan. Cette déclaration approuvait le calendrier fixant l'échéance du retrait au 31 août 2021, et précisait que celui-ci serait mené de manière méthodique, coordonnée et réfléchie. Cela signifiait, en toute conscience, que le retrait définitif aurait lieu sans qu'aucune des conditions posées, relatives à la sécurité, au terrorisme et au trafic de drogue, ne serait respectée, ni aucun des engagements pris en matière de droits humains, de droits des femmes et d'accord de paix dit inclusif, contrairement à ce que prévoyait la résolution 2315. Les cinq conditions que vous fixez dans la résolution 2395 sont identiques à celles fixées dans la résolution 2315. Où est passée la première et que vaut la nouvelle, monsieur le ministre ?

Pour l'heure, c'est l'urgence de la situation humanitaire qui s'impose. Vous dites que les talibans s'engageront à laisser partir les personnes les plus menacées – par eux-mêmes – alors qu'ils ont réitéré, lors d'une conférence de presse tenue le 25 août, leur opposition ferme à toute extension des évacuations après le 31 août, date présentée comme une ligne rouge, en accusant les Occidentaux de vider le pays de ses forces vives.

Plus grave : il semble que la France soit indirectement complice de telles demandes. Voici un extrait d'une boucle de discussion WhatsApp : « Attendez, vous charriez, je ne mets pas vos sept copains. Le laissez-passer pour les athlètes, point. La France n'encourage pas la désertion des élus. Je vous bloque, vous êtes toxique ». Il s'agit d'un échange entre le troisième conseiller de l'ambassade de France en Afghanistan, qui était alors dans l'aéroport de Kaboul, et Mme Fahimeh Robiolle, chargée de cours à l'ESSEC ainsi qu'aux universités de Téhéran et de Kaboul, qui, comme de nombreux civils, s'est investie jour et nuit pour rendre possibles les rapatriements. Il date du 21 août dernier et concerne une ancienne députée afghane, précédemment chef de la commission anticorruption, et sa famille, dont l'ambassadeur de France m'avait confirmé qu'ils figuraient bien sur les listes officielles.

Il est prouvé que, jusqu'au 15 août, alors même que la situation sécuritaire le permettait encore, tout n'a pas été fait pour rapatrier les personnels afghans qui ont aidé la France. Le juge des référés a dû, le 20 août dernier, enjoindre au ministre de l'intérieur et à vous-même, monsieur le ministre, de respecter la décision de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 mars 2021 de restituer leur passeport et de délivrer des visas de long séjour à un personnel civil de recrutement local (PCRL) et aux membres de sa famille. À ce jour, 250 PCRL n'ont pas été rapatriés, dont 36 ayant travaillé pour la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). L'important est que les paroles s'accordent aux actes. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire de concret pour que nous respections nos engagements ?

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