Intervention de Ludovic Mendes

Séance en hémicycle du lundi 27 novembre 2017 à 21h30
Promotion des symboles de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Mendes :

Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues, l'Union européenne a été conçue sur les cendres de la Seconde guerre mondiale pour rétablir la confiance entre les peuples européens. Protéger ces valeurs reste un objectif primordial de l'Union européenne. En tant que parlementaires, et résolument européens, nous sommes déterminés à concrétiser ces valeurs par l'action législative.

La rectitude politique et les tentatives pour ne pas perdre certains électorats ont abouti à la normalisation d'une rhétorique sans signification, qui ne planifie jamais plus loin que les prochaines élections. La résolution qui nous est proposée ce soir vise à la reconnaissance par l'État français des symboles de l'Union européenne.

Beaucoup de pères fondateurs de l'Union européenne ont été évoqués ce soir. Dans le cadre de nos débats, j'aimerais revenir sur l'action de Richard Coudenhove-Kalergi, qui fut dans l'entre-deux-guerres l'un des premiers et plus fervents défenseurs de l'unité européenne.

Lors d'une conférence intitulée « l'Europe de demain » donnée le 17 mai 1939, Coudenhove-Kalergi présentait les différentes visées de la construction européenne en plusieurs points.

Le premier : préserver la paix, éviter la guerre.

Le deuxième : construire une Europe égale, une Europe unie où peuples et races seraient égaux.

Le troisième : une Europe qui ne soit pas uniquement basée sur une coopération économique et une unité monétaire.

Le quatrième : permettre l'existence d'une vraie force de défense européenne.

Le cinquième : créer une Europe où la science et les techniques réduisent les distances entre les peuples et les hommes et permettent d'avancer vers une union paneuropéenne avec une base d'égalité nationale, de respect de la liberté humaine.

C'est à cette Europe-là, esquissée il y a soixante-dix-huit ans, que nous souhaitons aboutir.

J'admets sans détours, mes chers collègues, que l'objectif n'est pas atteint et que nous devrons redoubler d'efforts, dans une période où le populisme le plus vil remet parfois en cause les acquis de la construction européenne au nom de la tentation nationaliste.

En ce mois de novembre, nous avons commémoré la mémoire de « la génération sacrifiée », tombée à Verdun, dans l'Artois ou au Chemin des Dames. Nous ne pouvons néanmoins oublier que les conditions et les vexations imposées à l'Allemagne vaincue par le traité de Versailles seront le terreau fertile de la rancoeur et de l'esprit de revanche qui aboutiront, vingt ans plus tard, à cinq nouvelles années de folie. Or, l'Union européenne a été bâtie précisément dans l'idée que l'unité bâtie entre les peuples préservera la paix de notre continent, et nous ne pouvons à ce titre que saluer la réussite de ce projet.

L'image de l'Europe que nous avons façonnée depuis des siècles, que les humanistes ont défendue, que la tolérance instaurée par les Droits de l'homme de 1789 a magnifiée, s'effondre sous les coups de boutoir des populistes et des nationalistes. Protéger ces valeurs reste un objectif primordial de l'Union européenne. Nous devons viser et surmonter le populisme et ses conséquences en présentant un choix plus réaliste. Nous avons besoin de symboles pour maintenir l'esprit de Locarno, si cher à Aristide Briand, pour accentuer l'unité et la solidarité de l'Union, pour créer demain « l'identité européenne ».

« L'Europe est le plus morcelé des continents ». C'est en cela que réside sa nouvelle unité et c'est pour cela qu'elle a pu engendrer les Lumières, mais aussi les guerres.

Nous pouvons penser que c'est toujours d'actualité, quand on s'interroge de nos jours sur l'identité de cette Europe. Chaque avancée de l'Europe a fait évoluer son espace et sa pensée. Nous devons nous remémorer l'esprit des Lumières, ces idées qui sont un socle commun dans l'évolution européenne, celle d'autonomie, celle de finalité humaine de nos actes, celle enfin d'universalité.

Unifier les peuples, c'est donner à chacun les moyens de ressentir une appartenance, de se reconnaître et de s'identifier. À ce titre, les symboles ont toujours constitué la base de l'identité commune des peuples et des nations.

Si nous voulons créer un véritable esprit d'appartenance européenne, il apparaît indispensable de reconnaître, à l'intérieur même des États membres, les symboles représentatifs de l'Union européenne. Souvenons-nous de l'esprit de Locarno, car nous avons oublié la cause de l'esprit au profit d'un engagement politique souvent mal conduit. La mission de l'Européen est de toujours insister sur ce qui lie et ce qui unit les peuples, d'affirmer la prépondérance de l'européen sur le national, de l'humanité sur la patrie.

Richard Coudenhove-Kalergi avait bien saisi l'importance de cette symbolique dans l'aboutissement de la construction européenne. Il fut d'ailleurs le premier, en 1929, à militer pour l'adoption de l'Ode à la joie comme hymne européen. En 1930, il appelait de ses voeux l'instauration d'une fête de l'Europe au mois de mai, et fut également un défenseur acharné du drapeau européen.

Mes chers collègues, la volonté qui est la nôtre de voir reconnaître les symboles européens ne signifie en rien que nous plaçons à l'arrière-plan la défense de notre symbolique nationale, la symbolique de notre république, notre Marianne, notre drapeau tricolore, notre Marseillaise. L'imaginaire national se forge à travers un cortège de symboles, de héros nationaux, de récits quasi mythiques reconstruits et recomposés a posteriori. Tout cela façonne donc une représentation mythique de la nation, et nous nous reconnaissons aujourd'hui dans des symboles qui ont pu, jadis, représenter l'antithèse des valeurs de notre république.

J'ai été particulièrement saisi lorsque certains, parmi nos collègues, se sont indignés de la présence dans cet hémicycle du drapeau européen, croyant y voir un étendard confessionnel.

Pourquoi alors ne pas voir dans notre bleu la couleur mariale devenue couleur royale sous Louis VII ?

Le rouge n'est-il pas le même que celui apposé sur le blason de l'abbaye de Saint-Denis par l'abbé Suger ?

Le blanc n'est-il pas historiquement, en France, la couleur de la monarchie ?

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