Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du lundi 29 mars 2021 à 21h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Les 2 milliards d'euros d'aides aux particuliers sur deux ans pour la rénovation de leur logement représentent moins que le montant du crédit d'impôt transition énergétique. Quant aux 4 milliards d'euros sur deux ans pour rénover les bâtiments publics comme les écoles, il s'agit du seul point positif du plan de relance.

Évoquons maintenant le deuxième tiers, celui des transports. Que ce soit pour le transport aérien comme pour celui des marchandises, les principales mesures du projet de loi sont des rapports, et elles sont en pratique renvoyées à la prochaine législature. Le projet de loi initial ne contenait aucune mesure sur le transport ferroviaire pas plus que sur le transport fluvial ; et vous avez déclaré irrecevables nos amendements sur ces sujets. Vous faites l'impasse sur des domaines structurants, où l'action contribuerait pourtant à diminuer les émissions de CO2 et à améliorer le quotidien de nos concitoyens.

Ainsi, sur les véhicules particuliers, vous avancez deux propositions : imposer de nouvelles restrictions à travers l'extension du dispositif des zones à faibles émissions mobilité et rendre obligatoire à titre expérimental pour une durée de trois ans la mise en place de voies réservées aux véhicules de transport en commun. Nous soutenons cette expérimentation prévue à l'article 28.

Hormis ces deux mesures, il n'y a rien. Rien sur les voitures électriques sur lesquelles l'Allemagne met le paquet. J'aime bien parler de chiffres, en voici : votre plan de relance prévoit 205 millions d'euros pour « accélérer le déploiement des bornes de recharge électriques ». En somme, vous faites les choses à moitié : vous voulez accélérer le déploiement mais vous ne voulez pas le faire. Qu'en est-il de nos amis allemands ? Ils investissent 3 milliards d'euros – à rapporter à nos 205 millions d'euros – pour installer 1 million de bornes sur la base d'un plan concerté avec l'ensemble des constructeurs automobiles du pays. L'Allemagne affiche une vraie ambition pour les voitures électriques et donne une impulsion à la création d'un écosystème complet. Rien de tel dans votre plan de relance, rien de tel dans votre projet de loi.

Sur le fret, nous émettons depuis de nombreuses années le souhait d'un report modal du transport des marchandises de la route vers les voies fluviales. Il ne suffit pas de l'appeler de ses voeux : avec 8 500 des 38 000 kilomètres de voies navigables en Europe, la France possède le plus long réseau du continent mais elle est l'un des pays qui utilise le moins ses ressources en la matière. Le transport fluvial représente en effet moins de 3 % des tonnes-kilomètres transportées, principalement des céréales et des matériaux lourds. Votre projet de loi fait totalement l'impasse sur cet enjeu majeur, dont la prise en compte pourrait avoir un fort impact sur les émissions de gaz à effet de serre.

Sur les ports, votre silence est coupable. Les ports français sont en concurrence avec de grands ports européens. Le port de Rotterdam émet, à lui seul, 20 % des gaz à effet de serre de son pays du fait du raffinage du pétrole et de la production de substances pétrochimiques, mais une réflexion sur le captage du CO2 est conduite afin de réduire les émissions de moitié d'ici à 2030. Ces inventions sont motivantes et ambitieuses : si nous ne nous positionnons pas en développant une politique publique, les ports français seront concurrencés et ne pourront plus afficher un bon bilan carbone au moment où les inévitables normes plus contraignantes entreront en vigueur. Là aussi, vous ne dites ni ne proposez rien.

Ce texte ne comporte aucune nouvelle mesure pour soutenir les investissements dans le transport ferroviaire, notamment pour la régénération du réseau ferré, sa modernisation et le renouvellement du matériel roulant. Nous aurions besoin d'un plan d'au moins 3 milliards d'euros par an. Rappelons que sur les 4,75 milliards d'euros annoncés pour le ferroviaire dans le plan de relance, seuls 650 millions d'euros correspondent à de l'argent frais quand il en faudrait au moins 3 milliards. Vous n'avez aucune chance de relancer le train avec si peu de moyens, l'Allemagne faisant, là encore, un choix opposé au vôtre.

Mon collègue David Habib a évoqué le transport aérien, mais permettez-moi d'y revenir à mon tour. Vous proposez que les vols intérieurs d'une durée inférieure à deux heures et demie soient interdits lorsque le train offre une solution : nous soutenons cette position. Il aurait toutefois été intelligent d'avoir une réflexion pour l'avenir. L'industrie aéronautique emploie 200 000 personnes en France, soit le tiers des emplois du secteur en Europe ; elle réalise plus de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 85 % à l'exportation. Elle est l'une des rares filières à présenter un solde commercial positif – autour de 35 milliards d'euros, ce qui est loin d'être négligeable.

Je ne rappelle pas ces chiffres parce que je suis d'Occitanie, région où nous soutenons évidemment l'aviation, mais parce que l'expression « transition écologique » contient le mot « transition », qui vient du latin transire qui signifie « aller au-delà ». Il s'agit donc d'une dynamique et pas seulement d'un point d'arrivée comme vous le pensez.

Cette transition passe par l'avion vert et par des expérimentations comme celle lancée par Airbus le 18 mars dernier. Airbus a effectué un vol avec un carburant 100 % durable grâce à un moteur imaginé avec Rolls-Royce. C'est cette dynamique-là qu'il faut enclencher et valoriser, mais votre projet de loi n'en souffle pas un mot !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.