Sortie de l'état d'urgence sanitaire — Texte n° 3122

Amendement N° CL8 (Rejeté)

(1 amendement identique : CL1 )

Publié le 25 juin 2020 par : Mme Obono, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.

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Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

Ce projet de loi est un état d'urgence qui ne dit pas son nom. L'urgence est à tracer les contours d'un Etat à la hauteur du moment. Ce n'est pourtant pas ce qui se concrétise à travers ce projet de loi de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Ce projet de loi est liberticide en tous points. Voilà la raison de cet amendement de suppression de l'article 1er.

L’Etat d’urgence sanitaire, mis en place le 23 mars, avait été prolongé le 11 mai pour une durée de deux mois. Nous avions adressé de nombreuses critiques : aucune mesure sociale alors que la crise économique bat son plein et que près de 500 000 emplois ont été supprimés au 1er trimestre. Incapable de planifier le déconfinement, le gouvernement a organisé le confinement des libertés. Le gouvernement a décidé de ne pas prolonger officiellement au-delà du 10 juillet l’état d’urgence sanitaire, sauf pour Mayotte et la Guyane, territoires une nouvelle fois stigmatisés. Mais ce projet de loi doit permettre au 1er ministre, hors état d’urgence sanitaire, de restreindre les libertés au-delà du 10 juillet, jusqu'au 30 octobre.

Quel intérêt à créer ce nouveau régime alors qu’il existe déjà dans le droit commun l’article L3131-1 du code de la santé publique qui offre des pouvoirs extrêmement larges au ministre de la santé en cas de circonstances exceptionnelles ? En cas de deuxième vague, il aurait suffi d'un décret pour les réactiver. Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public à l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense estime qu'il s'agit de la création d'une zone grise entre état d'urgence et droit commun. Selon elle, ce texte « enrichit la grammaire des droits d’exception d’un nouveau régime dérogatoire. Il ajoute une troisième corde. En plus du droit commun et de l’état d’exception, il y a désormais la “sortie”, une sorte de zone grise dans laquelle on ne sait pas vraiment si on est dans ou en dehors de l’état d’urgence. »

Pourquoi créer cet « entre-deux » si ce n'est pour permettre de restreindre la circulation des personnes et empêcher des rassemblements ? Par cet article 1er, ne sont prolongées hors état d'urgence que les mesures de restrictions des libertés, normalement mobilisables seulement en cas d’état d’urgence. Si le Sénat a modifié la disposition relative aux manifestations, le premier ministre pourra toujours, par décret, hors état d'urgence, conserver de nombreux pouvoirs de réglementation attentatoires aux libertés. Dans sa déclaration du 23 juin sur ce projet de loi, la CNCDH« souligne que ces dispositions ne satisfont pas aux exigences de sécurité juridique et d’intelligibilité des normes, constituant pourtant des objectifs de valeur constitutionnelle. Par exemple, elles ne déterminent pas clairement les établissements recevant du public et les lieux de réunion dont l’accès peut être restreint ».En première lecture dans notre Assemblée, la majorité avait voté la possibilité d’interdire les rassemblements sur la voie publique. C'était une habile façon de s'octroyer la possibilité d’interdire les manifestations contre les violences policières. Par contre tout ce qui pouvait être utile pour faire face à la crise économique et sociale (réquisition, encadrement des prix, etc.) n’a pas été retenu.

De cette zone grise d'atteinte aux libertés fondamentales à la pérénnisation de ces mesures dans le droit commun il n'y a qu'un pas : ce fut déjà le cas avec les dispositions de l’état d’urgence sécuritaire pérennisées par la loi SILT !

A l'heure d'une crise économique et sociale majeure, les français ont besoin que l'Etat leur garantisse la possibilité de subvenir à leurs besoins fondamentaux. Voici ce qui devrait constituer les pilliers de toute sortie de l'état d'urgence : des mesures sociales relatives à l'aide alimentaire, à la précarité énergétique, au moratoire sur les loyers et factures, à la gratuité des transports en commun pour les travailleurs. Plus que jamais, dans la crise économique, le moment est celui de la justice sociale : de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. Des mesures pour protéger les individus de la crise devraient être déployées : taxe exceptionnelle sur les profiteurs de crise, conditions sociales et environnementales strictes aux aides versées aux entreprises, interdiction des licenciements, etc.

Le gouvernement a eu l'occasion de nombreux projets de loi depuis le début de la pandémie pour prendre la mesure de l'urgence avec gravité. A chaque fois, nos propositions ont été rejetées. Rien de tout cela n'est dans ce projet de loi, qui passe à nouveau à côté de l'essentiel.

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