Bioéthique — Texte n° 2187

Amendement N° CSBIOETH810 (Rejeté)

Publié le 10 septembre 2019 par : M. Di Filippo, M. Bazin, M. de la Verpillière, M. Viala.

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Supprimer les alinéas 5 à 19.

Exposé sommaire :

Pour l’heure, la congélation d’ovocytes est autorisée en France uniquement pour les femmes dont les traitements anticancéreux menacent la fertilité. Cette congélation permet ainsi à des femmes de ne pas être privées de la possibilité de devenir mère malgré leurs antécédents médicaux. La médecine joue alors son rôle d’aide médicale, en améliorant la vie des femmes atteintes d’un cancer.

Néanmoins, l’autoconservation des ovocytes va être considérablement élargie si ce projet de loi est adopté. Dans cet article, on lit que toute femme qui répond « à des conditions d’âge précisées par décret en Conseil d’État peut bénéficier du recueil, du prélèvement et de la conservation de ses gamètes. »

Cette mesure a pour vocation de permettre à des femmes de pouvoir avoir des enfants plus aisément après 35 ans, car après cet âge la fertilité des femmes baisse considérablement. Elles pourront se faire implanter leurs ovocytes jusqu’à 42 ans.

Or, cette ouverture de la congélation d’ovocytes à toutes les femmes pose de réelles difficultés éthiques.

Cette pratique peut tout d’abord laisser place à des dérives des employeurs et de la science. A titre démonstratif, Facebook et Apple ont inclus dans leur couverture médicale, la prise en charge d’une partie des frais de congélation d’ovocytes pour leurs cadres. L’objectif officiel est de préserver les capacités de reproduction des femmes, qui souhaitent poursuivre leur carrière professionnelle, sans se soucier du déclin de la fertilité lié à l’âge. En réalité, plutôt que de donner une réelle liberté aux femmes, on donne aux employeurs les outils et la possibilité de dicter à des femmes leur vie privée.

Ce soi-disant nouveau droit sera un outil de pression efficace à l’encontre de la femme qui souhaiterait un enfant à un moment qui n’arrange pas son employeur. Celui-ci aura un argument supplémentaire à faire valoir pour l’inciter à repousser son projet de maternité.

De plus, d’un point de vue médical, les grossesses sont systématiquement considérées comme à risques lorsqu’elles surviennent après 38 ans, et pas seulement car les ovocytes seraient vieillissants : après cet âge, et particulièrement au-delà de 40 ans, il y a plus de complications vasculaires, d’hypertension artérielle, plus de diabète et d’accouchements prématurés. Il y a aussi davantage de complications de l’accouchement lui-même, de césariennes.

En encourageant la congélation d’ovocytes pour les femmes jusqu’à 42 ans, on les encourage donc à avoir des grossesses dites à risques pour elles et pour leur bébé.

Au-delà des conséquences sanitaires, ces grossesses représentent aussi un coût non négligeable pour la Sécurité sociale, puisqu’elles nécessitent un suivi plus important en raison des risques pour la mère et l’enfant, et entrainent plus souvent des arrêts maladies. La question de la prise en charge des frais d’intervention puis de conservation des ovocytes congelés se pose également.

Enfin, point non négligeable sur lequel peu de femmes sont réellement et suffisamment informées : les grossesses sont plus difficiles à obtenir à partir d’ovocytes congelés.

Selon l’Inserm, « l’utilisation d’embryons ou de gamètes congelées est associée à des chances de grossesse variant de 10 % à 22 % par tentative »

Après trois tentatives (pas une, mais trois), les chances d’être enceinte sont de 31,5 % pour les femmes qui vitrifient leurs œufs à 25 ans, 25,9 % à 30 ans, 19,3 % à 35 ans, et 14,8 % à 40 ans selon une étude de 2013, parue dans la revue Fertility and Sterility.

Congélation d’ovocytes ou pas, les chances de grossesse des femmes déclinent drastiquement après un certain âge.

 « Beaucoup de femmes ne savent pas qu’après 35 ans cela peut devenir difficile d’avoir un enfant, explique Françoise Merlet, médecin référent pour l’assistance médicale à la procréation (AMP) à l’Agence de la biomédecine. Il faut informer les femmes sur ce déclin de la fertilité. C’est un leurre pour ces femmes de penser qu’elles auront de façon certaine un enfant avec quelques ovocytes conservés. Il ne faut pas penser que la fécondation in vitro est une méthode magique. Vous rajoutez à cela une étape de congélation ovocytaire… Cela ne peut pas être une garantie. »

De plus, le processus médical est lourd (échographies de contrôle, piqûres quotidiennes pendant près de deux semaines, puis ponction sous anesthésie générale).

L’objet de cet amendement est donc de s’opposer à l’extension de la congélation d’ovocytes.

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