Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mardi 7 mai 2024 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 16 heures 30.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission examine les articles du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (n° 2424) (M. Nicolas Metzdorf, rapporteur).

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La discussion générale ayant eu lieu la semaine dernière en présence du ministre de l'intérieur et des outre-mer, nous passons directement aux amendements.

Avant l'article 1er

Amendement CL31 de M. Bastien Lachaud

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La Nouvelle-Calédonie est dans un processus de décolonisation reconnu par l'Organisation des Nations unies et par le peuple français. La question du corps électoral pour les élections territoriales ne peut être comprise en dehors de ce cadre, parce que le droit à l'autodétermination des peuples doit être garanti. Les conditions d'organisation du troisième référendum ont été contraires au principe d'émancipation prévue par l'accord de Nouméa. Peut-on considérer valable le vote d'autodétermination d'un peuple en l'absence même de ce peuple ?

Le projet de loi qui nous est soumis est un nouveau coup de force du Gouvernement, qui sape les conditions d'une discussion apaisée sur l'avenir institutionnel du territoire. C'est totalement irresponsable, parce que le Gouvernement attise les braises d'un incendie que personne ne souhaite et qui nous ferait revenir quarante ans en arrière.

Après le maintien du troisième référendum et la nomination d'une loyaliste au Gouvernement, ce dernier sort, une nouvelle fois, du rôle impartial qu'il devrait tenir en prenant fait et cause pour les non-indépendantistes. Ce projet de loi est un outil utilisé par l'État pour établir un rapport de force au détriment des tenants de l'indépendance.

Nous demandons donc, avec cet amendement, que le processus d'émancipation de la Nouvelle-Calédonie soit garanti par la tenue d'un référendum dont le contenu doit être déterminé par un accord des parties prenantes, dans l'esprit de paix et de consensus de la poignée de main. C'est là l'enjeu de notre débat parlementaire mais, alors que nous devons réaffirmer la primauté d'un accord des parties, le projet de loi constitutionnelle va à l'encontre de cet objectif.

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Monsieur Lachaud, merci de vous être rendu en Nouvelle-Calédonie. Vous vous proposez avec cet amendement de garantir le processus d'émancipation, mais la Nouvelle-Calédonie a déjà tranché cette question. L'accord de Matignon et l'accord de Nouméa ont abouti, en effet, à trois référendums successifs, en 2018, 2020 et 2021, dont seul le premier était obligatoire. Le troisième, que vous dénoncez, a été organisé à la demande des indépendantistes mêmes, qui n'en ont pas contesté les résultats au niveau international.

Le peuple concerné par le droit à l'autodétermination en Nouvelle-Calédonie est le peuple calédonien dans sa diversité, qui s'est mobilisé par trois fois et a voté trois fois « non » à l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Si vous voulez inscrire dans un projet de loi constitutionnelle un amendement visant à dire que la Nouvelle-Calédonie doit continuer à s'émanciper alors qu'elle vient de le refuser et d'acter son maintien dans la République, je ne peux que donner un avis défavorable.

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Essayons d'avoir une discussion sereine et apaisée. L'indépendance n'est pas l'émancipation. Ce que les Calédoniens ont refusé par trois fois, c'est l'indépendance et, la troisième fois, le peuple premier n'a pas pris part au vote. Vous pouvez parler ainsi du peuple calédonien parce que le peuple premier, parce que les Kanaks ont accepté, à Nainville-les-Roches, en 1983, que ceux qu'ils appellent les « victimes de l'histoire » participent au processus d'autodétermination. C'est un fait unique dans l'histoire de la colonisation qu'un peuple colonisé accepte que les colons participent au processus d'autodétermination.

C'est bien cette volonté, notamment de la part de Jean-Marie Tjibaou, qui a permis les accords de Nouméa. Or ces accords ne sont pas terminés : ils prévoient que, lorsque trois référendums ont eu lieu, les responsables politiques se réunissent et analysent la situation. Rien n'impose de modifier aujourd'hui les accords de Nouméa car ils existent et s'appliquent.

Ce qui importe maintenant, c'est de travailler à cet accord global, c'est-à-dire travailler sur le corps électoral, sur la citoyenneté calédonienne et sur le processus d'émancipation. Faire l'un sans l'autre, c'est rompre avec les accords de Nouméa, accords de décolonisation qui ont suivi les accords de Matignon qui étaient, quant à eux, des accords de paix. Renier les accords de Nouméa, c'est renier le processus de décolonisation, et c'est inacceptable. Il importe, dès lors qu'un texte constitutionnel porte sur le corps électoral, d'y inscrire l'objectif d'émancipation de la Calédonie.

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La question est consubstantielle à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et l'exercice du droit à l'autodétermination devra faire l'objet de discussions dans la perspective d'un accord que nous sommes nombreux à vouloir.

L'amendement excède toutefois l'objet du texte, qui ne porte que sur le dégel du corps électoral, en proposant d'une manière un peu abrupte d'inscrire dans nos débats l'émancipation – terme qui ne me paraît du reste pas être le plus approprié. Le droit à l'autodétermination future soulève de nombreuses questions – faudra-t-il se fixer sur une question binaire ou sur un projet, faudra-t-il des majorités qualifiées ? Ce sera tout l'objet de nos discussions, et l'on ne saurait se satisfaire de l'annonce de référendums sur une trajectoire d'émancipation. En outre, le Gouvernement a d'emblée bien précisé que la seule question qui devait être abordée était celle du dégel du corps électoral, afin de ne pas aller au-delà de ce qui a été annoncé aux acteurs politiques calédoniens.

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Les non-indépendantistes ont toujours refusé ce qui avait été décidé à Nainville-les-Roches par les seuls indépendantistes. Nous n'avons pas besoin d'être acceptés chez nous. Vous nous traitez de colons et dites que des Calédoniens qui sont là depuis cinq, six ou sept générations ont besoin de se faire accepter par un peuple premier pour pouvoir voter. C'est une contradiction étrange avec votre doctrine au niveau métropolitain.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL20 de M. Arthur Delaporte

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Reprenant un principe des accords de Matignon-Oudinot, dont le texte n° 1 s'intitule « La condition d'une paix durable – L'État impartial et au service de tous », cet amendement vise à compléter l'avant-dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée : « Pour assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par l'accord mentionné à l'article 76 de la Constitution, l'État préserve les conditions du dialogue et de l'émergence d'un consensus par le respect d'une stricte posture d'impartialité. »

Du point de vue de certains acteurs en effet – et c'est ce qui bloque avec cette réforme constitutionnelle –, l'État a pu, ces dernières années, volontairement ou non, paraître partial. Adopter cet amendement restaurerait l'esprit de l'accord de Nouméa, qui garantit l'absence de tout parti pris et la stricte impartialité qui doit prévaloir pour que l'État soit le médiateur utile et le facilitateur de l'accord.

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Il ne faut pas confondre impartialité et neutralité. Au football, l'arbitre est impartial, mais quand une équipe gagne par trois buts à zéro, il est bien obligé de reconnaître qu'elle a gagné. Si l'impartialité de l'État, c'est donner aux indépendantistes ce qu'ils n'ont pas obtenu dans les urnes, il y a un problème. L'État impartial doit faire appliquer le choix souverain des Calédoniens exprimé par trois référendums. Avis défavorable.

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La comparaison n'a pas grand sens et nous parlons de choses sérieuses. L'impartialité de l'État est un impératif. Il ne s'agit pas ici des trois référendums : l'objet du texte est de définir un corps électoral spécial pour élire les membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie aux élections provinciales. Ce qui est reproché à l'État, c'est d'avoir donné l'impression qu'il n'écoutait pas tout le monde et, surtout, qu'il avait pris une position. Il faut entendre ce reproche, car même s'il n'y a que l'apparence d'un problème de neutralité, cela devrait suffire à nous faire inscrire dans la Constitution ce principe fondamental de l'un des accords les plus importants de l'histoire récente de la République.

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Si nous allons sur ce terrain, alors c'est avec ce texte constitutionnel que l'État redevient impartial, car il était partial dans le processus de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie. L'accord de Nouméa prévoyait en effet un corps électoral glissant ; ce corps électoral a été gelé unilatéralement en 2007. Et l'accord de Nouméa prévoyait que le résultat d'un seul référendum suffisait pour donner l'indépendance à la Nouvelle-Calédonie, alors qu'il en fallait trois pour pouvoir envisager qu'elle reste dans la République : c'était de la partialité en faveur de l'indépendance.

Vous vous asseyez un peu vite sur ces trois référendums. Les Calédoniens ont choisi trois fois de rester français, et l'on interdit à des Français présents depuis vingt-cinq ans et à leurs enfants de voter. En les réintégrant dans le corps électoral, on acte le choix des Calédoniens. Avis défavorable.

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Monsieur le rapporteur, ne tordez pas l'histoire. Le corps électoral issu de l'accord de Nouméa n'a été un corps glissant que pour dix ans, afin d'intégrer les personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie entre les accords de Matignon de 1988 et l'accord de Nouméa de 1998. Il était prévu dès le début que le corps électoral soit gelé à cette échéance. Comment expliquer, sinon, que le président Chirac décide unilatéralement de le geler et que Jacques Lafleur, alors sénateur, s'abstienne ? Le corps électoral a été gelé jusqu'à la fin des accords de Nouméa et ces accords ne seront terminés que lorsqu'il y aura un accord global, que vous le vouliez ou non. Des personnes qui sont en Nouvelle-Calédonie depuis cinq générations, même si elles n'ont pas colonisé elles-mêmes, et qu'elles aient choisi d'y aller ou non, comme les bagnards, sont les héritières d'un système colonial.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL21 et CL34 de M. Arthur Delaporte, CL16 de Mme Mathilde Panot et CL17 de M. Bastien Lachaud (discussion commune)

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Il s'agit ici de mettre en place les conditions de la suite. L'un des éléments cardinaux de ce qui a fonctionné jusqu'à présent est la mission de dialogue créée en 1988, après les événements tragiques de la grotte d'Ouvéa, par Michel Rocard, qui s'est saisi de ce dossier au moment même où il devenait Premier ministre : comprenant que la situation était inextricable, il a mobilisé des acteurs qui, par leur posture d'impartialité, leur capacité à parler à l'ensemble des acteurs et leur caractère transpartisan, étaient en mesure de négocier avec toutes les parties pour retrouver le chemin d'un dialogue jusqu'alors considéré comme impossible.

C'est cet esprit que l'amendement tend à transposer. Le rapport d'étape de la mission d'information sur l'avenir institutionnel des outre-mer préconise lui aussi la création d'une mission impartiale, possiblement à l'initiative du Parlement – mais la voie est ouverte à d'autres options. La restauration d'une mission du dialogue n'a rien d'abscons ni d'impossible. Les trois anciens Premiers ministres que nous avons auditionnés la semaine dernière nous ont d'ailleurs dit qu'elle était non seulement utile, mais également nécessaire.

L'amendement CL34, plus précis, reprend les préconisations formulées la semaine dernière par M. Jean-Marc Ayrault : selon lui, une mission de dialogue devrait proposer les lignes d'un compromis politique sur les aspects institutionnels, économiques et internationaux du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République, le respect de l'identité kanak et les mécanismes de l'autodétermination. Cela permettrait de prendre en compte les résultats des trois référendums, même si le fait que les conditions de tenue du troisième soient contestées pose un vrai problème.

Comme le souhaitent l'ensemble des parlementaires présents, il faut restaurer le dialogue, que l'adoption du présent projet de loi constitutionnelle pourrait menacer.

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Notre responsabilité, historique, est de préserver la paix civile en Nouvelle-Calédonie, qu'ont permise les accords de Matignon-Oudinot puis de Nouméa. Cette paix, qui dure depuis plusieurs décennies, est précieuse et fragile. Gardons-nous d'attiser les braises de la division et de la haine et d'ouvrir de nouvelles blessures sur les vieilles cicatrices des années 1980, qui n'ont pas fini de se refermer.

En 1988, après le massacre de la grotte d'Ouvéa, une mission de dialogue avait créé les conditions pour l'élaboration des accords. Envoyons une nouvelle mission.

Le principe d'impartialité commande au minimum à l'État de ne pas prendre parti pour un camp – il ne l'a jamais fait depuis les années 1980, malgré les différences de couleur des gouvernements successifs. Or ce minimum n'est plus garanti depuis la reprise en main de la question au ministère des outre-mer par Sébastien Lecornu, puis par Gérald Darmanin à l'intérieur.

Le principe d'impartialité commandant à l'État de créer les conditions du dialogue et du consensus, il est indispensable qu'une mission de dialogue se rende sur place pour réunir tout le monde autour d'une même table. Nous devons aboutir à un accord global pour construire un destin commun aux citoyens et citoyennes calédoniens, et cela avant l'adoption du présent texte.

La composition de la mission de dialogue devrait être confiée au Sénat et à l'Assemblée nationale, comme le prévoit l'amendement CL16 ; elle pourrait à défaut être décidée librement par le Gouvernement, comme le prévoit l'amendement de repli CL17.

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Le dialogue en Nouvelle-Calédonie n'a pas besoin d'une mission : il se poursuit depuis trois ans, sans se résumer à la question du corps électoral. Il prend du temps, comme c'est normal pour des sujets importants.

Par ailleurs, il ne serait pas pertinent sur le plan juridique d'inscrire la création d'une telle mission de dialogue dans la Constitution de la République. Avis défavorable.

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Au terme des trois référendums, le processus des accords de Nouméa et de Matignon est mort, mais leur esprit ne l'est pas pour autant : il nous réunit aujourd'hui et nous avons bien conscience qu'il faudra continuer à vivre ensemble sur ce territoire.

La période coloniale avait sa part d'ombre, mais aussi de lumière, pour reprendre l'image gravée dans le marbre de l'accord de Nouméa. Je m'inscris en faux contre la représentation qu'en a donnée M. Lachaud : non, les descendants d'un bagnard arrivé sur l'île il y a cinq générations ne sont pas les héritiers du système colonial ! (Exclamations.) Les indépendantistes eux-mêmes ont reconnu que les deux parties comptaient des victimes. Ne niez pas la réalité de l'histoire.

Pour moi, comme je l'ai dit la semaine dernière dans le cadre de la délégation aux outre-mer, peut-être faut-il envisager de changer de négociateur et d'instituer une mission impartiale ; mais en aucun cas, contrairement aux signataires des amendements, je n'en fais un préalable à la modification du corps électoral.

Enfin, ces amendements entrent dans un niveau de détail qui n'a pas sa place dans un projet de réforme constitutionnelle.

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Le rapporteur nous dit que les discussions se poursuivent depuis trois ans en Nouvelle-Calédonie, mais nous y avons passé une semaine et ce n'est pas ce qui nous est apparu. Les partis indépendantistes comme les partis autonomistes demandent la création d'une mission afin de renouer un dialogue serein et apaisé. Cette demande est largement majoritaire et me semble nécessaire.

Monsieur Gosselin, on peut reconnaître à la fois l'héritage colonial et la volonté de vivre ensemble sur l'île, l'un n'empêche pas l'autre. Je rappelle que l'intégration des territoires d'outre-mer dans la République résulte du fait colonial. On ne saurait nier cet héritage colonial, qui perdure à différents niveaux, mais il ne faut pas pour autant opposer deux populations du même territoire. Trouvons un point médian, pour permettre à ce territoire d'avancer sereinement.

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Le rapporteur prétend, en substance, que l'accord de Nouméa est mort. Pourtant, l'accord ne prendra fin que lorsque nous serons entrés dans l'étape d'après, donc parvenus à un consensus sur la suite. Or les discussions ont été interrompues, notamment à cause de la présentation du projet de loi constitutionnelle.

Dès lors que le consensus n'est pas réuni et qu'une des parties prenantes demande l'intervention d'un tiers, une mission de dialogue devient nécessaire. La délégation transpartisane qui s'est rendue sur place attend également que vous écoutiez cette demande. Votre rôle, monsieur le rapporteur, implique de rapporter les demandes des différentes parties prenantes.

M. Gosselin doute que cette disposition ait sa place dans la Constitution, mais est-ce le cas du reste du texte ? Il contient tout de même des choses un peu baroques, et les modalités de cette réforme sont inédites. Des articles ont déjà été introduits dans la Constitution qui n'y avaient pas forcément leur place : ils y ont été placés pour signaler leur importance. En outre, les notions d'impartialité et de dialogue sont déjà centrales dans les articles relatifs à la Nouvelle-Calédonie insérés dans la Constitution ces trente dernières années.

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Monsieur Delaporte, il y a beaucoup de choses inédites dans la Constitution pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie. Mais il est un fait que le processus de Nouméa est arrivé à son terme, et qu'une révision constitutionnelle est nécessaire.

Je vous rappelle en outre que les deux chambres ont déjà créé un groupe de contact concernant la Nouvelle-Calédonie et que nous n'avons pas pour coutume d'inscrire la création d'une mission dans la Constitution.

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Tout le monde demande le dialogue. Vous-même, Monsieur Lachaud, soulignez le besoin d'apaisement, mais depuis le début de la discussion vous ne cessez de jeter de l'huile sur le feu et d'opposer les uns aux autres. Un tel sujet ne devrait pas faire l'objet d'une telle instrumentalisation politique. La Nouvelle-Calédonie mérite mieux.

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Oui, la Nouvelle-Calédonie mérite un débat de meilleure qualité que celui que vous lui offrez.

J'ai commencé par évoquer la table ronde de Nainville-les-Roches car elle a fondé tous les accords qui ont suivi. Les Kanaks, les indépendantistes, ont alors accepté que les personnes issues de la colonisation pouvaient avoir le statut de « victimes de l'histoire ». C'est unique à l'échelle mondiale : un peuple premier a ainsi inclus les colons et leurs descendants dans le processus de décolonisation. Nous devons préserver cette volonté. Votre projet de loi et votre refus d'y inscrire une mission de dialogue nous en empêchent.

Enfin, monsieur le rapporteur, monsieur Gosselin, si vous aviez lu les amendements de La France insoumise, vous sauriez que nous ne demandons pas l'inscription de la mission dans la Constitution, mais dans le projet de loi.

La commission rejette successivement les amendements .

Article 1er : (art. 77 et art. 77-1[nouveau] de la Constitution) : Redéfinition du corps électoral et prise de décrets en Conseil d'État sur les mesures nécessaires à l'organisation des élections

Amendements de suppression CL18 de M. Arthur Delaporte et CL8 Mme Mathilde Panot

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Les membres du groupe Socialiste sont hostiles à cette réforme constitutionnelle. Les accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa ont permis de construire un processus de façon patiente, durable, avec l'ensemble des parties prenantes. La présente réforme constitutionnelle rompt avec cette logique qui prévalait depuis trente-cinq ans : elle résulte d'une initiative unilatérale de l'État, à laquelle les indépendantistes sont particulièrement hostiles. Nous demandons donc de supprimer cet article et déposerons la semaine prochaine une motion de rejet préalable sur ce texte.

Vous prévoyez ici de dégeler le corps électoral. Si tout le monde convient qu'une réflexion sur son élargissement est légitime, la réforme ne peut pas passer avant l'accord global : ce serait faire passer la charrue avant les bœufs. Il nous reste du temps ; profitons-en pour faire advenir le dialogue.

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Nous demandons le retrait pur et simple de ce texte inacceptable, qui constitue un passage en force du Gouvernement. La fin de la période ouverte par l'accord de Nouméa avait déjà été viciée par le maintien coûte que coûte du troisième référendum en 2021, alors que l'État s'était engagé à le reporter à 2022, par la voix d'Édouard Philippe, alors Premier ministre.

L'accord de Nouméa prévoit qu'en cas de réponse négative au troisième référendum, « les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ». Nous devrions en être là, mais le Gouvernement enchaîne les coups de semonce, en imposant son calendrier. La recherche du consensus nécessite du temps et un dialogue apaisé. Tout au contraire, ce projet de loi cherche à déséquilibrer le corps électoral par un élargissement massif. Qui accepterait une hausse de 14 % du nombre d'électeurs, juste avant une élection, en dépit du désaccord des forces politiques ? Personne.

Nous ne défendons pas un gel perpétuel du corps électoral, qui conduirait d'ailleurs à son extinction. Nous demandons simplement que le dégel se fasse dans le cadre d'un accord global entre les acteurs calédoniens.

Ce projet de loi engage les conditions de la paix civile en Nouvelle-Calédonie. Personne ne veut revenir quarante ans en arrière. Je reviens de Nouméa, où j'ai rencontré des femmes et des hommes inquiets, des responsables politiques et coutumiers qui craignent que l'adoption du présent texte n'allume un incendie que personne ne saura éteindre. Nous avons la responsabilité d'œuvrer pour la paix. Or, pour trouver un accord, il faut donner du temps au temps. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

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Je suis très marqué par cet amendement. Ce que vous voulez supprimer, c'est l'article 1er qui permettra à des Calédoniens installés depuis vingt-cinq ans de voter. C'est rejeter les valeurs fondamentales de la République française.

À vous écouter, on croirait que les 14 % de nouveaux électeurs seraient des gens arrivés tout droit de métropole, qui ne connaissent rien à la Nouvelle-Calédonie. Or il s'agit de citoyens qui résident sur place depuis plus de dix ans, qui travaillent, paient leurs impôts, sont investis dans la vie culturelle et associative. Vous leur refusez le droit de voter aux élections locales. (Exclamations.) Vous avez l'outrecuidance de demander à priver des milliers de Calédoniens de droit de vote. C'est inadmissible. Avis défavorable.

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Sur place, le dialogue se poursuit depuis 2021. Vous y êtes allé une journée. Moi, c'est sur ma famille qui est installée là-bas depuis plus de trente ans que je compte pour savoir ce qui s'y passe.

Vous faites fi de l'avis du Conseil d'État, qui rappelle que le maintien des restrictions du corps électoral risque d'être incompatible avec les engagements internationaux de la France. La situation actuelle constitue un déni de démocratie. Aujourd'hui, un électeur sur cinq ne peut pas voter ; ce sont pourtant des gens qui résident depuis plus de dix ans en Nouvelle-Calédonie, qui travaillent, qui paient des impôts, qui sont intégrés à la vie calédonienne. Faisons confiance aux Calédoniens, quelles que soient leurs idées, pour construire ensemble un consensus qui permettra la stabilité et la sérénité.

Enfin, la situation économique non plus ne permet pas de repousser le dégel du corps électoral. Les inquiétudes sont fortes, de nombreux emplois sont supprimés, des entreprises sont liquidées ; le secteur du nickel est confronté à des difficultés. N'exportons donc pas les conflits qui agitent la métropole en Nouvelle-Calédonie.

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Sur place, l'inquiétude est en effet palpable. Le territoire connaît des difficultés économiques et sociales dramatiques, amplifiées par l'exode de la population et la chute démographique.

Nous parlions tout à l'heure de détails techniques qui n'avaient pas leur place dans la Constitution. Mais ici, nous sommes en train de débattre de droits fondamentaux, de la capacité de citoyens français à s'exprimer dans des élections locales et nationales. Dans son avis rendu en décembre dernier, le Conseil d'État précise que 19,28 % du corps électoral est privé de son droit de vote. Cela ne peut pas continuer ; on ne peut pas envisager de nouvelles élections provinciales sans un dégel du corps électoral. Peut-être aurait-il fallu faire autrement, mais le processus est maintenant engagé et il faut le mener à son terme.

En parallèle, il faut absolument poursuivre les efforts en faveur d'un accord global, incluant aussi les questions économiques, sociales et démographiques.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL1 de M. Tematai Le Gayic, CL29 de M. Bastien Lachaud et CL30 de Mme Mathilde Panot (discussion commune)

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Le 16 novembre 2023, le Gouvernement interrogeait le Conseil d'État : « Le Gouvernement estime nécessaire de moderniser les règles électorales pour répondre aux exigences démocratiques élémentaires, notamment au regard des obligations conventionnelles de la France. Dans cet esprit, les évolutions démographiques et notamment celle du poids relatif de la population des trois provinces appellent-elles des évolutions de la composition du corps électoral ou du cadre électoral en vigueur ? »

L'enjeu de ce texte est donc le respect par la France de ses obligations conventionnelles. Or les Nations unies, dont la France est un membre fondateur, indiquent dans leur résolution du 11 décembre 1980 que les États ayant des territoires colonisés doivent prendre les mesures nécessaires pour « décourager ou prévenir l'afflux systématique dans les territoires sous domination coloniale d'immigrants et de colons venus de l'extérieur, qui bouleverse la composition démographique de ces territoires et peut être un obstacle majeur à l'exercice véritable du droit à l'autodétermination et à l'indépendance par les habitants de ces territoires. »

Quelqu'un a dit que le peuple calédonien avait voté. Qui est le peuple calédonien aujourd'hui, dans le contexte actuel de décolonisation ? Ensuite, j'entends parler d'un droit fondamental. Mais alors, pourquoi ne dégelez-vous pas totalement le corps électoral ? Comme pour tout citoyen français, six mois de résidence devraient suffire pour pouvoir voter. Si ce n'est fait pas aujourd'hui, c'est parce qu'il faut respecter le processus de décolonisation !

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L'amendement de repli CL29 propose une sortie par le haut de la crise politique provoquée par le Gouvernement. Il vise à ouvrir le corps électoral des élections territoriales – soit 180 000 électeurs – aux natifs de Nouvelle-Calédonie, soit un peu plus de 10 000 personnes. Cette proposition pourrait être acceptée aussi bien par les indépendantistes que par les non-indépendantistes comme un premier pas vers la construction d'un code de la citoyenneté pouvant être négocié par les acteurs calédoniens dans le cadre d'un accord global. Si la citoyenneté calédonienne avait été annoncée dans l'accord de Nouméa, rien n'a été fait depuis pour la définir juridiquement. Or ce n'est pas à nous, qui sommes à 22 000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie, de le faire.

Rendez-vous compte qu'accepter d'inscrire les natifs sur les listes des élections territoriales, c'est déjà beaucoup – non pas seulement en raison de leur nombre, mais parce que c'est reconnaître un droit du sol pour la citoyenneté calédonienne. Cela n'a jamais existé, puisque les votants actuels sont ceux qui étaient résidents au moment de l'accord, quelle que soit leur origine.

L'amendement CL30 vise le même objectif mais ne mentionne pas le code de la citoyenneté.

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Je constate que la doctrine politique de La France insoumise change en fonction de l'hémisphère. En métropole, elle demande que les étrangers puissent voter mais en Nouvelle-Calédonie, nous devrions nous satisfaire accepter que les résidents présents depuis plus de dix ans, qui sont Français comme les Calédoniens, ne puissent pas voter ? Dans l'autre hémisphère, on ne marche pas sur la tête ! Avis défavorable.

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Nous n'avancerons pas tant que le rapporteur n'acceptera pas l'existence du fait colonial en Nouvelle-Calédonie. La France n'a jamais connu de colonisation : on ne peut donc pas comparer les deux situations. Lorsqu'elle a pris possession du territoire, en 1853, il y avait entre 800 000 et 1 million de Kanaks. Soixante-dix ans après, ils n'étaient plus que 20 000 ! Dès lors que l'on refuse de voir le fait colonial, pourtant indubitable, on ne peut rien comprendre à la situation.

Les amendements CL29 et CL30 pourraient faire consensus et permettre d'avancer vers l'accord global sans lequel il ne pourra pas y avoir de solution pacifique.

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J'aimerais connaître la source du chiffre de 800 000 à 1 million de Kanaks que vous avancez. Pour le reste, je suis quant à moi opposé à la préférence nationale en toutes circonstances.

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Attention monsieur Lachaud, le repli sur soi est dangereux. Le double discours que vous tenez est hallucinant : en métropole, vous voudriez donner le droit de vote à tous les étrangers, tandis qu'en Nouvelle-Calédonie, des résidents domiciliés depuis plus de dix ans, dont la famille est parfois présente depuis plusieurs générations, n'y auraient pas droit. Ce n'est pas la première fois que La France insoumise est prise la main dans le sac à ce sujet : certains députés ici présents ne tiennent d'ailleurs pas le même discours dans leur circonscription qu'à l'Assemblée.

Votre position sur le droit de vote des étrangers vous donne au moins un point commun avec le président Houlié !

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Vous oubliez de dire qu'en ce qui me concerne, je suis favorable au dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie.

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La liberté d'amendement des parlementaires n'est pas une outrecuidance, monsieur le rapporteur : ayez un peu de respect pour vos collègues qui travaillent.

Ce que nous contestons, ce n'est pas le principe, mais la méthode employée : réformer le corps électoral en l'absence d'un accord global. Vous nous accusez, assez facilement, de nous opposer à ce que des natifs puissent voter. Ce n'est pas vrai !

Quant à vous, vous refusez de reconnaître qu'il y a une raison à la coexistence de trois corps électoraux différents : celui qui est lié à la citoyenneté française classique, donnant accès aux élections municipales et législatives, et les deux corps électoraux spéciaux pour les élections référendaires d'autodétermination et les élections provinciales. Lorsqu'elle a été décidée, cette organisation faisait consensus car elle s'inscrivait dans un contexte de décolonisation. Or celui-ci n'a pas subitement disparu et, contrairement à ce que vous avez affirmé la semaine dernière, monsieur le rapporteur, la décolonisation n'est pas achevée. C'est un processus de long terme, et il persiste aujourd'hui des inégalités criantes.

Il existe, c'est vrai, une volonté partagée de faire évoluer le corps électoral, mais cela ne peut pas se faire dans le cadre qui nous est proposé.

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D'abord, c'est sur le corps électoral référendaire – qui n'est pas celui qui nous occupe aujourd'hui – que repose la détermination de la population qui, en vertu du droit international, pourra se prononcer sur l'autodétermination et l'avenir institutionnel du territoire.

S'agissant du corps électoral provincial dont nous discutons, le Conseil d'État a estimé dans son avis de décembre qu'en l'absence de rectification de ses modalités de définition, il existait un risque très important que soit annulé le décret de convocation des électeurs. Or une telle situation mettrait en cause le fonctionnement des institutions : la liste électorale provinciale élit les élus provinciaux composant le Congrès, lequel élit ensuite le gouvernement calédonien.

Vos amendements sont une autre façon de dire que l'article 1er ne devrait pas exister en l'absence d'accord. Nous sommes nombreux à considérer, en Nouvelle-Calédonie, qu'il faut poursuivre les discussions dans la perspective d'un accord global, dont ce sujet pourrait faire partie. Cependant, les élections de la fin d'année ne pourront être organisées avec le corps électoral prévu par la loi organique ; il faut donc procéder a minima aux modifications prévues dans le cadre des discussions intervenues en 2023.

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Si la Nouvelle-Calédonie n'est pas décolonisée, monsieur Delaporte, je ne sais pas ce qui le sera un jour ! Elle est, de loin, le territoire le plus autonome de la République française. On a gelé le corps électoral, c'est-à-dire que l'on a interdit à des Français de voter. On a transféré toutes les compétences possibles. On a organisé trois consultations référendaires sur l'indépendance.

Le principe VI de l'annexe qui complète la résolution 1541 de l'Assemblée générale des Nations unies précise que la décolonisation consiste, au choix, en l'indépendance – que nous n'avons pas choisie –, la libre association ou l'intégration. Nous discutons de ces deux dernières options. La décolonisation de la Nouvelle-Calédonie est donc bien allée à son terme. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CL9 de M. Bastien Lachaud et CL22 de M. Arthur Delaporte

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Cet amendement de repli, inspiré du sénateur Philippe Bas, vise à dégeler le corps électoral uniquement pour les prochaines élections provinciales.

Vous ne pouvez pas dire, monsieur le rapporteur, que la Nouvelle-Calédonie est décolonisée quand il n'y a pas un seul médecin kanak, ni avocat, ni juge depuis que le dernier est décédé la semaine dernière ; quand il n'y a aucun Kanak à un poste à responsabilité ; quand 90 % de la population carcérale de Camp Est est kanak. Le fait colonial est indissociable de ces données : non, la Nouvelle-Calédonie n'est pas décolonisée.

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Cet amendement, qui reprend celui défendu au Sénat par Philippe Bas, vise donc à ce que le corps électoral ne soit dégelé que pour les prochaines élections provinciales, qui auront lieu théoriquement avant la fin de l'année, même si nous aurions préféré que soit respecté le report de dix-huit mois préconisé par le Conseil d'État.

Oui, il faut que le corps électoral évolue d'ici les prochaines élections provinciales, mais il faut aussi qu'elles soient précédées d'un accord. Or il est clair que le texte dont nous discutons aujourd'hui empêche la survenance d'un accord et l'avènement de la Nouvelle-Calédonie de demain, qu'il faut arriver à inventer de la façon la plus pacifique possible. Comme le disait très justement Édouard Philippe lors de son audition la semaine dernière, la seule question à se poser est celle-ci : cette réforme constitutionnelle favorise-t-elle un accord global ? Nous considérons que ce n'est pas le cas.

Proposer que le dégel puisse s'appliquer une seule fois, c'est laisser la porte ouverte aux discussions qui suivront.

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On peut être pour ou contre le dégel du corps électoral ; mais comment imaginer que certains Calédoniens puissent voter lors d'une élection, puis se voir retirer leur droit de vote ?

Pour en revenir à la décolonisation, car c'est un sujet important, vous dites, monsieur Lachaud, qu'il n'y a pas assez d'élites kanak. Mais il n'y a pas non plus assez, en Nouvelle-Calédonie, d'élites caldoches, wallisiennes et futuniennes ou polynésiennes ! N'oublions pas tous les autres citoyens calédoniens.

Il se trouve que la compétence en matière d'enseignement, de formation, de santé, de développement économique – bref, tout ce qui pourrait contribuer à réduire ces inégalités – est exercée par la Nouvelle-Calédonie. Les inégalités ne peuvent donc pas être d'origine coloniale : elles relèvent de notre responsabilité d'élus calédoniens – dont je suis –, et non de l'Assemblée nationale. Parmi les lois que je vote ici, 95 % ne concernent pas la Nouvelle-Calédonie : qu'y a-t-il de colonial là-dedans ?

Avis défavorable.

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Cette proposition, monsieur Lachaud, monsieur Delaporte, s'inspire d'un amendement du sénateur Bas. Or celui-ci a largement modifié le texte du Gouvernement. Pourquoi selon vous n'a-t-il pas tenu à ce que cet amendement figure dans le texte adopté au Sénat, sinon parce qu'il a obtenu gain de cause sur l'ensemble des autres dispositions sujettes à notre appréciation aujourd'hui ?

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Vous avez raison, monsieur le rapporteur : les compétences que vous citez sont calédoniennes. Qu'ont donc fait les partis loyalistes pendant vingt ans au pouvoir pour faire appliquer l'accord de Nouméa et revenir sur les inégalités issues du système colonial ? L'un des premiers objectifs était la formation de 400 cadres kanaks. Où sont-ils ? Les mesures qui devaient permettre la constitution d'un peuple calédonien n'ont pas été mises en œuvre. C'est un terrible échec dont est responsable, en effet, le gouvernement calédonien.

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Une fois de plus, monsieur le rapporteur, vous nous faites dire ce que nous n'avons pas dit. Vous affirmez qu'avec ces amendements, nous reviendrons après les élections à la situation antérieure, mais ce n'est pas le cas.

Notre objectif est de parvenir à un accord global permettant une révision du corps électoral qui soit durable et acceptée par l'ensemble des acteurs concernés. Pour l'heure, une telle révision ne fait pas l'objet d'un consensus, car elle ne s'inscrit pas dans le cadre d'un accord global. L'intérêt d'une réforme temporaire est donc de permettre la reprise des discussions à la suite de l'échéance électorale. Les règles pourraient alors être revues afin d'assurer la participation de tous à l'exercice la citoyenneté calédonienne. Tel est l'objectif – le seul – de toutes les personnes ici présentes et de toutes celles qui participent à la vie du territoire.

J'espère que vous m'aurez compris et que je n'aurai pas à entendre encore dix fois que nous sommes opposés au dégel du corps électoral. Je n'y suis pas opposé par principe : je suis contre la méthode que vous employez.

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Je n'ai pas de difficulté à dire que le système qui prévaut depuis vingt-cinq ou trente ans est loin d'être parfait et que nous ne sommes pas encore au bout du processus. En revanche, il est archi-faux d'insinuer qu'il représente un échec. Le rapport conduit par l'État sur ces vingt-cinq dernières années – rapport validé et reconnu par les différents intéressés – indique que les 400 cadres ont bien été formés. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais ils sont bel et bien là, et dans plusieurs domaines la situation est même meilleure que prévu. Le territoire compte des acteurs économiques, une classe politique s'est constituée, une classe moyenne s'est même développée depuis dix ans. S'il reste beaucoup de chemin à parcourir, nous n'en sommes plus au point de départ et tout n'a pas été un échec.

Rappelons en outre que l'Université française du Pacifique est à mettre au crédit des accords de Matignon et de Nouméa. Son existence permet à des jeunes de tous horizons de se former sur place. La Nouvelle-Calédonie est un territoire exemplaire et même si le processus reste en cours, nous ne pouvons pas rester silencieux face à la présentation binaire qui en est faite. Ce n'est pas oui ou non, ni bien ou mal : il y a des ombres et des lumières.

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Les premiers amendements défendus à l'article 1er visaient à s'opposer au dégel du corps électoral, les suivants à en limiter le bénéfice aux seuls natifs ou à la seule élection à venir. Ces différents dispositifs imaginés par les mêmes auteurs montrent en creux que l'élément important n'est pas le texte lui-même, mais l'environnement général en Nouvelle-Calédonie, celui que nous appelons tous de nos vœux et qui n'est pas encore présent. Le projet de loi constitutionnelle, que nous devons adopter, fera partie de cet environnement.

Monsieur Lachaud, la Nouvelle-Calédonie est un territoire compliqué. Moi qui y suis né, je ne suis pas certain d'avoir tout compris. Embrasser tout l'accord de Nouméa, qui remonte à vingt-cinq ans, et affirmer qu'il est un échec à plusieurs égards manque un peu de modération. Et considérer que le territoire n'a été dirigé que par une seule tendance politique, c'est méconnaître le fait que le gouvernement calédonien est le seul au monde – est-ce une chance ? – à être proportionnel, collégial et solidaire, et que l'essentiel des textes adoptés par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le sont à la majorité, toutes sensibilités confondues, à l'instar de ce qui se fait ailleurs.

Comme l'indiquait le rapporteur, la difficulté est que c'est nous, élus du territoire, qui sommes aux responsabilités sur tous les sujets déterminants. Il faut donc prendre notre part dans la situation. Mais ne tombons pas dans la facilité en considérant qu'une tendance politique n'a pas bien mené sa barque et l'autre oui : les choses sont plus compliquées que cela. Nous faisons face à des enjeux locaux, d'ailleurs souvent communs à toutes les collectivités ultramarines – je le dis devant le président de la délégation aux outre-mer. Nous ne sommes pas encore parvenus à tout faire, mais essayons de ne pas essentialiser le débat sur la question qui nous occupe.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL2 de M. Tematai Le Gayic

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Cet amendement tend à réaffirmer la nécessité d'inclure le projet de dégel du corps électoral au sein d'un accord global.

Je suis d'accord avec Philippe Dunoyer : notre débat du jour, intéressant et important, ne porte pas sur la situation réelle issue des accords de Matignon et de Nouméa ainsi que des consultations. Ce qui m'amène à une première question : qu'est-ce que le peuple calédonien, qui, me semble-t-il, n'existe pas en droit français ? Il existe le peuple français, le peuple kanak et les citoyens calédoniens.

Par ailleurs, il ne s'agit pas ici d'être pour ou contre Emmanuel Macron, ou pour ou contre la réforme des retraites, mais pour ou contre l'indépendance d'un pays – objet des trois consultations qui ont été organisées. Restons-en au deuxième référendum, lors duquel le « non » l'a emporté avec 56 % des suffrages. Cela signifie que la moitié des Calédoniens souhaitent rester Français et que l'autre moitié ne le veut pas. Alors, que fait-on ? Que fait-on de 44 % de gens qui ne veulent pas être Français ? Les élections passent et voilà où nous en sommes.

Si vous n'acceptez pas qu'on en discute, alors nous n'avons rien à faire ici cet après-midi. C'est la seule question : comment garantissons-nous à ceux qui souhaitent être Français de le rester et à ceux qui ne le veulent pas de ne plus l'être ?

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Le concept de peuple calédonien est soutenu par tous les non-indépendantistes, par l'ensemble des forces politiques loyalistes, ce qui signifie d'ailleurs que nous sommes plutôt des autonomistes, étant donné que nous nous définissons un peu différemment du peuple français. Le peuple calédonien, c'est la citoyenneté calédonienne.

Deuxièmement, je suis désolé, monsieur Le Gayic, mais la démocratie doit s'imposer. Si, en 2020, les indépendantistes avaient gagné avec 56 % des voix, seriez-vous venu me voir en me disant : « pauvre Nicolas, qu'allons-nous faire de toi ? Tu représentes les 44 % de la population qui souhaitent rester Français, comment va-t-on faire ? » En réalité, la Nouvelle-Calédonie serait devenue indépendante, j'aurais perdu ma nationalité et personne ne se serait soucié de mon avenir.

Les non-indépendantistes, avec un corps électoral gelé, ont gagné. La Nouvelle-Calédonie deviendra indépendante le jour où une majorité de Calédoniens voteront en ce sens, pas avant.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL10 de M. Bastien Lachaud

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Nous souhaitons que la loi organique qui fixera les conditions du dégel du corps électoral recueille un avis conforme, et non un avis simple, du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Ce dernier a été consulté en urgence et a rendu un avis favorable sur le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, mais sans savoir qu'un projet de loi constitutionnelle serait présenté douze jours plus tard. Nous nous opposons à un tel passage en force de la part du Gouvernement, qui a décidé de faire cavalier seul. L'avenir de la Nouvelle-Calédonie ne saurait se décider depuis Paris et contre les Calédoniens.

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Il est totalement erroné d'affirmer que les Calédoniens, et notamment les indépendantistes, ont découvert le projet de loi constitutionnelle douze jours plus tard. Gérald Darmanin a annoncé très tôt qu'en l'absence d'un accord à la date des élections provinciales, celles-ci devraient avoir lieu avec un corps électoral dégelé, ce qui nécessiterait une loi constitutionnelle. Le texte en question a été présenté par Rémi Bastille, le préfet qui était chargé des négociations : il l'a dit lui-même lorsque je l'ai auditionné pour mon rapport. Absolument personne n'a été pris de court par ce projet de loi constitutionnelle.

Prévoir un avis conforme du congrès de la Nouvelle-Calédonie n'est donc pas nécessaire, sachant qu'il serait même quelque peu cavalier sur le plan juridique qu'il ait à se prononcer de cette manière sur une réforme constitutionnelle.

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Ce serait un avis conforme sur un texte organique, non constitutionnel. En quoi serait-ce plus cavalier que de nous faire voter une réforme constitutionnelle qui sera jetée à la poubelle si des partis politiques se mettent d'accord dans un coin du territoire de la République, ce qui est tout de même assez peu respectueux de la Constitution ?

Quant au fait que tout le monde était au courant du projet de loi constitutionnelle, ce n'est pas ce qu'on m'a dit. Il y a donc plusieurs versions. Je ne sais pas où se trouve la vérité, mais si tout était si clair, pourquoi ne pas avoir annoncé les deux projets de loi simultanément ? Cela aurait tout de même été plus simple.

Enfin, n'est-ce pas tordre l'esprit de la loi organique de 1999, qui prévoit que le congrès de la Nouvelle-Calédonie se prononce sur les projets de loi qui le concernent, que de considérer que s'agissant d'un projet de loi constitutionnelle, ce n'est pas nécessaire ?

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL32 de M. Davy Rimane

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Il vise à subordonner toute modification du corps électoral à un accord préalable entre les parties, afin de donner toutes leurs chances aux négociations locales d'aboutir. Une fois un accord conclu, une loi organique sera nécessaire pour entériner les modalités d'inscription sur les listes électorales. Le présent amendement rétablirait donc un peu d'équilibre, étant donné qu'aucun des partis que nous avons rencontrés ne s'oppose à ce que le corps électoral soit revu.

J'ajoute qu'une telle disposition obligerait les uns et les autres à trouver un accord non seulement sur les questions politiques, mais aussi sur les crises économique et sociale que nous avons évoquées. Il serait plus pertinent de procéder à une réforme constitutionnelle globale.

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Personne ne mentionne l'article 2, mais celui-ci prévoit bien que le présent texte devient caduc en cas d'accord politique global, ce dernier devant alors être transcrit dans la loi. Avis défavorable.

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Nous allons à l'envers. Vous dites que si un accord est trouvé, la présente réforme constitutionnelle s'arrêtera. À l'inverse, nous proposons que si un accord est trouvé, il soit automatiquement validé. C'est encore plus simple et cela permettrait aux uns et aux autres de négocier sereinement. Compte tenu de la situation et des tensions en Nouvelle-Calédonie, il me semble qu'un tel fonctionnement procurerait de l'apaisement.

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Certains collègues semblent s'étonner qu'un accord entre les parties puisse mettre un terme à la révision de la Constitution dont nous discutons. Or le processus est totalement dérogatoire au droit commun, depuis le début. C'est particulièrement le cas depuis la révision du titre XIII de la Constitution, mais cela l'était déjà avec les accords de Matignon et de Nouméa : au fond, le Parlement joue le rôle de greffier des accords locaux. Ce n'est pas un problème, et c'est même important, dans la mesure où les partis calédoniens sont directement concernés.

Quant à la formulation proposée par l'amendement CL32, nous n'y sommes pas favorables.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL3 de M. Tematai Le Gayic

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En remplaçant le « ou » par un « et », cet amendement permettrait de limiter l'ouverture du corps électoral, en renforçant la condition d'être natif de la Nouvelle-Calédonie pour en faire partie. Je me réfère ici à un document disponible sur le site du Conseil constitutionnel rappelant ce qu'est un citoyen calédonien – M. le rapporteur nous ayant dit, et je suis d'accord avec lui, que le peuple calédonien, ce sont les citoyens calédoniens.

Quelqu'un est citoyen calédonien par le droit du sang, la personne disposant du statut civil coutumier, ou l'un de ses parents étant né en Nouvelle-Calédonie. Il faut aussi justifier de vingt années de résidence à la date des consultations, et au plus tard le 31 décembre 2024. La citoyenneté calédonienne dépend donc de la résidence, du sang et de la terre – autrement dit la naissance sur le territoire. Puisque nous nous référons à la citoyenneté calédonienne, pourquoi n'intégrons-nous pas ces trois éléments fondamentaux qui la constituent pour fixer les conditions du dégel du corps électoral ? En l'occurrence, de quelle manière le lien à la terre est-il fait ?

Dans sa version actuelle, l'article 1er dispose que les personnes qui peuvent voter sont nées ou sont domiciliées en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans. Cet amendement vise donc à renforcer le droit du sol, ou plutôt le lien à la terre, car c'est ainsi en Océanie et parce que cela permettrait de respecter la citoyenneté calédonienne, comme le prévoient les accords de Matignon et de Nouméa.

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Ce que nous voulons, c'est une Nouvelle-Calédonie ouverte sur le monde, où des gens peuvent venir s'installer et contribuer à son développement ; je crois que votre souhait est le même. Vous avez raison, le lien à la terre est important chez nous, quelle que soit d'ailleurs la communauté à laquelle on appartient. Cela étant, ce lien à la terre est assuré par le fait d'être natif de l'archipel. Et nous souhaitons que tous ceux qui ne sont pas nés sur place et qui sont venus par les hasards de la vie ou parce qu'ils le désiraient puissent un jour décider de qui les représente, voire devenir eux-mêmes des élus de la Nouvelle-Calédonie.

Notre message est donc tout simplement un message d'ouverture. Nous tenons compte de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie, en conditionnant à dix années de présence sur le territoire l'inscription sur les listes électorales. Mais le repli sur soi, pour 250 000 personnes sur une île au milieu de l'océan Pacifique, ce n'est pas ce qui nous rendra plus forts économiquement et socialement.

L'ambition de ce projet de loi constitutionnelle est de trouver un équilibre entre l'histoire du territoire et sa nécessaire ouverture sur le monde.

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Monsieur le rapporteur, notre débat ne porte pas sur le repli sur soi, mais sur la résolution d'un conflit colonial. Tant que vous ne l'accepterez pas, nous ne pourrons pas avancer.

Monsieur Gosselin, je ne me formalise pas du fait que le Parlement joue un rôle de greffier. Le problème est justement que ce n'est pas le cas ! Nous sommes en train de prendre une décision unilatérale, à 22 000 kilomètres de l'archipel et sans accord des partis sur place, ce qui n'a pas eu lieu depuis les accords de Matignon. Ce n'est pas normal. Nous devons attendre qu'un accord global ait été trouvé avant de l'inscrire dans la Constitution. C'est ainsi que nous sommes parvenus à maintenir la paix dans l'archipel depuis 1988.

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Si le Parlement était le « greffier » des accords préexistants, il ne l'est plus : en rupture avec un processus continu depuis 1988, nous anticipons un accord, nous cherchons à le forcer.

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La gauche avait moins d'états d'âme en 2007, quand le corps électoral a été gelé unilatéralement. Où voyez-vous un accord politique alors ? Ce n'était pas du tout prévu par l'accord de Nouméa : le Conseil constitutionnel a clairement dit que l'accord prévoyait un corps électoral glissant de dix années. Jacques Chirac l'a gelé unilatéralement en 2007, où était le parti socialiste pour le dénoncer ?

Il y a donc eu un précédent.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL4 de M. Tematai Le Gayic

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Il vise à empêcher l'habilitation du Gouvernement à prendre unilatéralement, par voie réglementaire, des mesures qui relèvent non seulement de la compétence du législateur organique, mais surtout d'un accord global.

La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie connaissent des situations similaires en matière de contexte colonial et de décolonisation. Ce sont les deux seuls territoires de la République dirigés par des indépendantistes. En Polynésie, 80 % des habitants sont Polynésiens : même s'ils n'arrivent pas à s'entendre sur la question de l'indépendance, ils cheminent pour « faire peuple ». En Nouvelle-Calédonie, le dégel du corps électoral ne doit pas être une fracture de plus. La démocratie, c'est bien, que les gens puissent voter est important, mais si chacun se retranche dans ses montagnes sans faire peuple, on n'aura pas réussi. Ce soir, chacun votera pour sa logique politique, mais comment fera-t-on après, pour faire peuple ?

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Comme en Polynésie, arriver à faire peuple en Nouvelle-Calédonie est un vrai défi. Le chemin est escarpé mais toutes les parties ont la volonté d'y arriver.

Je ne crois pas que la question du corps électoral remette en cause l'unité nécessaire des Calédoniens, car chacun est conscient que le dégel doit avoir lieu. L'UNI-Palika (Union nationale pour l'indépendance – Parti de libération kanak) de Jean-Pierre Djaïwé a d'ailleurs défendu publiquement les dix ans glissants.

Quant à votre amendement, il se fonde sur le texte initial du Gouvernement, non sur celui adopté par le Sénat. Avis donc défavorable.

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Examiner les points un à un, en regardant qui peut gagner, clive. Au contraire, un accord global permet d'aller au fond des choses. Dégeler le corps électoral ne réglera rien aux questions posées : les modalités d'exercice du droit à l'autodétermination, la clé de répartition budgétaire entre les provinces, le transfert des compétences… C'est un accord global qui pourra régler tout cela – et si vous passez votre temps à tout détricoter, il n'y en aura jamais !

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La liste électorale référendaire est censée être plus restrictive que la liste provinciale mais, le temps s'étant écoulé, elle est désormais plus large – c'est une bizarrerie à corriger. Vous proposiez tout à l'heure d'ouvrir le corps électoral aux personnes nées en Nouvelle-Calédonie et y ayant résidé au moins dix ans, mais attention : actuellement, l'inscription sur la liste provinciale donne droit à la qualité de citoyen, laquelle confère une priorité dans l'accès à l'emploi local. La citoyenneté calédonienne est définie ainsi, pas moins, pas plus. Il reste à travailler pour faire évoluer le texte.

Dans l'article 2, nous examinerons la panoplie extraordinaire que propose le Gouvernement pour que le texte dont nous discutons puisse ne pas entrer en vigueur, ou devienne caduc, si un accord global est conclu, comme je l'espère. Dans l'idéal, c'est vrai, il faudrait que l'accord préexiste, mais le texte permet du moins de tendre vers cet objectif.

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Monsieur Le Gayic, en Polynésie, il n'y a ni restriction du droit de vote ni corps électoral spécial, et vous essayez aussi de faire peuple !

Il y a des choses pour lesquelles un accord global n'est pas nécessaire. Redonner la possibilité de voter à des gens présents en Nouvelle-Calédonie depuis vingt-cinq ans et à leurs enfants qui y sont nés en est une. Que la Nouvelle-Calédonie soit indépendante ou pas, c'est un principe fondamental de toute démocratie. Le droit de vote des gens nés dans un pays n'a pas besoin d'être négocié. Les non-indépendantistes ont toujours dit que le dégel du corps électoral était une obligation juridique de l'État, à la suite des trois référendums. Le reste – l'exercice des droits à l'autodétermination, les institutions calédoniennes, la clé de répartition – doit faire l'objet d'un accord global, pas le droit de vote.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL11 de M. Bastien Lachaud

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Par cet amendement, nous demandons que le congrès de la Nouvelle-Calédonie rende un avis conforme sur le projet de loi organique visant à détailler les modalités du scrutin des élections provinciales.

Monsieur le rapporteur, vous brandissez le principe démocratique à tout bout de champ, mais vous oubliez le droit tout aussi important à l'autodétermination des peuples, que le droit international et la France reconnaissent. La Nouvelle-Calédonie est inscrite sur la liste des pays à décoloniser de l'ONU, cela n'est pas anodin ! Il faut respecter les règles, et le pays colonisateur n'a pas le droit de modifier le corps électoral d'une manière qui pourrait restreindre le droit à l'autodétermination des peuples.

Dans le numéro 35 des Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, Nicolas Clinchamps indique que le caractère figé du corps électoral se serait imposé lors des négociations précédant le vote de la loi organique de 1999, les rapports parlementaires semblant suivre cette orientation. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'État à l'outre-mer, le confirme devant le Sénat, le 16 février 1999 : « L'accord de Nouméa ne peut en effet être interprété que d'une seule manière. Que ce soit pour les adultes ou pour les jeunes majeurs, il pose une double condition : l'inscription au tableau annexe du 8 novembre 1998 et la résidence depuis dix ans », ce qui correspond à un corps électoral gelé.

En 2007, le président Chirac n'a fait que respecter la parole donnée, en gelant le corps électoral. L'accord de Nouméa, c'était aussi cela : un président de droite qui respecte un accord signé par un Premier ministre de gauche.

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Vous citez des personnalités politiques ; je m'appuie sur le Conseil constitutionnel, qui dit : « Il ressort des dispositions combinées des articles 188 et 189 que doivent notamment participer à l'élection des assemblées de province et du Congrès les personnes qui, à la date de l'élection, figurent au tableau annexe […], quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, même postérieure au 8 novembre 1998 ». En 1998, le corps électoral est glissant ; sinon, on n'aurait pas modifié la Constitution pour le geler.

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Si nous avons à discuter du dégel, c'est qu'à un moment, le constituant s'est prononcé de manière majoritaire, transpartisane, pour le principe d'un gel. En 2007, René Dosière estimait qu'un corps électoral glissant s'arrêtant en 1998 était la « seule solution compatible avec l'accord de Nouméa » car ses principes, qui « étaient déjà ceux des accords de Matignon […] prévoyaient […] que seuls les électeurs ayant leur domicile en Nouvelle-Calédonie en 1988, donc à la date de signature des accords, pourraient voter au référendum qui aurait dû avoir lieu en 1998. Un contrat était en quelque sorte passé, pour toute la durée de l'accord, avec ceux qui étaient présents au moment où il était conclu. » L'accord de Nouméa n'était pas « un accord définitif », mais « un accord conclu entre des partenaires ». Le Parlement a donc pris acte d'un accord conclu ; il n'a fait que respecter la volonté des parties prenantes de 1988 et 1998. C'est pour cela que la réforme a été adoptée avec une majorité aussi large.

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Tout à fait, et tous les constitutionnalistes qui ont analysé la question le disent. Nicolas Clinchamps estime ainsi que « la rédaction de la loi organique sur ce point a manifestement échappé à la volonté du législateur. Pourtant, les rapports parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat relatifs à cette loi et les propos tenus devant le Sénat par Jean-Jack Queyranne […] penchent plutôt en faveur d'un tableau annexe, arrêté en 1998. » En 2006, lors du dépôt du projet de loi constitutionnelle, « la question du gel du corps électoral spécial pour l'élection du Congrès et des assemblées de province ne fit pas l'objet d'une opposition de principe ouvertement déclarée entre le FLNKS et le RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République). Les signataires de l'accord de Nouméa s'étaient apparemment accordés en faveur de cette solution a priori. »

L'avis du Conseil constitutionnel que vous citez porte sur le projet de loi organique, non sur la volonté des législateurs, traduite dans les accords politiques de Nouméa.

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Vous débattez sur l'origine de l'accord de Nouméa et de la révision constitutionnelle de 2007, et notamment sur l'intention des parties en présence à l'époque. Néanmoins, dès lors qu'un document de juin 2023 a été transmis à la commission des lois où le FLNKS se dit favorable au dégel du corps électoral avec un seuil de dix ans, il est un peu surprenant de lui préférer une position qui date de trente ans.

Par ailleurs, je vous demanderai dans vos discussions de rester plus près de l'objet des amendements.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL23, CL24 et CL25 de M. Arthur Delaporte

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Le point 3 de l'annexe sur les « propositions de discussion et de négociation pour ouvrir une étape transitoire et ultime vers la pleine souveraineté de Kanaky-Nouvelle-Calédonie », qui a été communiquée à la commission, indique en effet que le FLNKS ne voit pas d'inconvénient à ce que les 11 000 natifs puissent être intégrés dans le corps électoral provincial. L'idée de ce document est qu'il n'y a pas d'obstacle à une discussion sur la révision du corps électoral – ce que nous disons depuis le début – mais aussi que cette évolution doit s'intégrer à un accord global – ce que prévoit d'ailleurs, d'une certaine manière, l'article 2. Affirmer qu'il doit s'agir d'un préalable, c'est faire dire au document l'inverse de ce qu'il dit.

Il y a un lien, monsieur le président, entre le gel du corps électoral de 2007 et les amendements examinés, puisque c'est ce gel qui rend nécessaire une révision de la Constitution.

L'amendement CL23 vise à repousser d'un an, du 1er octobre 2024 au 1er octobre 2025, l'échéance pour l'adoption de la loi organisant les prochaines élections pour le renouvellement général du congrès et des assemblées de province. Ce serait une manière de donner du temps aux négociations pour aboutir à l'accord que nous souhaitons tous. Il paraît en effet difficile que cela arrive avant la fin de 2024, surtout avec l'agitation que fera naître la présente réforme constitutionnelle. Sans cet amendement, si l'accord intervenait en 2025, une nouvelle loi organique serait nécessaire.

Les deux amendements suivants visent à reporter l'échéance au 1er juillet ou au 1er mars 2025. Donnons-nous le temps de parvenir à un consensus, ces amendements n'empêcheront pas d'aboutir plus vite si c'est possible.

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Comme l'a très justement dit Édouard Philippe lors de son audition, en Nouvelle-Calédonie, on demande toujours plus de temps mais on ne s'en sert jamais… Cela fait trois ans que nous discutons de ces sujets ; je peux en témoigner, j'ai pris part à toutes les négociations – il ne suffit pas de passer trois jours sur l'île pour donner des leçons !

Repousser encore une fois les élections provinciales, ce serait enliser la Nouvelle-Calédonie. Nous sommes en faillite totale, faute d'avoir résolu notre statut institutionnel. Sans visibilité, les gens cessent d'investir ; ils partent. Le nickel est en déroute complète. Nous avons besoin d'écrire un nouveau chapitre de notre histoire, et vous proposez de nous enliser encore davantage : ce n'est pas acceptable. Mon avis est donc défavorable sur les trois amendements.

Et puisque vous me soupçonnez d'être de parti pris, voici ce que dit le leader indépendantiste Jean-Pierre Djaïwé : en proposant dix ans, « nous restons dans la logique de l'accord de Nouméa ». Oui, les dix ans glissants respectent bien l'esprit de l'accord de Nouméa. Nous avons parlé du Conseil constitutionnel, de René Dosière et de Jean-Jack Queyranne ? Je cite maintenant Jean-Pierre Djaïwé. Fin du match.

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Il n'y a pas de match, monsieur le rapporteur.

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« Laissons le temps au temps », plaide M. Delaporte – et en définitive, rien ne se passe. C'est le réflexe typiquement mitterrandien de l'inaction. Voilà trois ans que nous nous donnons le temps ! Le processus a eu le loisir de se dérouler, le temps de l'action et de la réforme est venu.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL5 de M. Tematai Le Gayic

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Quelles modalités d'inscription sur la liste électorale préconise le texte ? En fonction de la réponse, je pourrai retirer mon amendement.

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Le projet de loi ne le précise pas. Nous demanderons une automaticité d'inscription pour tous les Calédoniens, que leur statut les place sous le droit coutumier ou sous le droit commun. Il est vrai que lors des référendums, le principe d'automaticité a mis un grain de sable dans la machine qui nous sert à « faire peuple », pour reprendre vos mots. À l'époque, les personnes qui relevaient du droit coutumier avaient été inscrites automatiquement, tandis que celles qui relevaient du droit commun avaient dû effectuer des démarches pour s'inscrire. Cela a suscité un clivage et beaucoup de racisme.

Avis défavorable à votre amendement, notamment parce qu'il se fonde sur la version initiale du projet de loi, pas sur celle issue du Sénat.

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Je le retire, en espérant toutefois que nous pourrons introduire cette automaticité d'inscription dans le présent texte.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'article 1er non modifié.

Article 2 : Conditions d'entrée en vigueur et de caducité éventuelle de l'article 1er ; conditions d'un nouveau report des élections provinciales

Amendements de suppression CL12 de Mme Mathilde Panot et CL19 de M. Arthur Delaporte

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Nous nous opposons à la méthode qui est employée. Malgré les souplesses introduites par le Sénat, l'article 2 rompt avec la logique de discussion, de consensus et d'impartialité de l'État qui anime l'accord de Nouméa. C'est clairement un ultimatum aux acteurs locaux, un renoncement à la paix de la part du Gouvernement, qui privilégie le bulldozer au dialogue. Plutôt que de retirer son texte, devenu une usine à gaz pleine d'incertitudes juridiques, l'exécutif tente de passer en force et compromet la possibilité d'une solution consensuelle respectant l'ensemble des parties prenantes.

La citation du FLNKS que vous avez lue est tronquée, monsieur le président : dans le document de 2023 auquel vous faites référence, le FLNKS affirme qu'il n'ira jamais en deçà de dix ans, et demande une simulation de ce que cela représenterait. Où est cette simulation ? Combien précisément y a-t-il de natifs et de personnes justifiant de dix ans de résidence ? Combien intégreront la liste électorale année après année ? En 2034, combien de personnes seront inscrites sur les listes électorales ? Peut-on prouver que celles qui y sont inscrites ont résidé pendant dix ans en Nouvelle-Calédonie ? L'inscription n'est pas une preuve de résidence !

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L'article 2 de ce projet de loi constitutionnelle est une bizarrerie, puisque son application sera subordonnée à des facteurs extérieurs à la Constitution. Cela surprend jusqu'aux plus éminents juristes et constitutionnalistes que nous avons auditionnés. Surtout, cela prouve que la réforme constitutionnelle n'est pas nécessaire : un accord suffirait.

Une délégation du FLNKS est en ce moment même à l'Assemblée nationale ; elle se dit prête à poursuivre les discussions, qui sont près d'aboutir. Malheureusement, la réforme vient les bloquer.

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Les discussions n'ont rien de bloqué : elles sont en cours, entre les loyalistes, le Rassemblement, l'Union calédonienne (UC) et le Palika.

Je peine à vous comprendre : vous voudriez inscrire la mission de dialogue dans la Constitution – ça, ce n'est pas une bizarrerie – mais un article prévoyant que la réforme constitutionnelle cessera en cas d'accord global entre les parties, accord que vous souhaitez comme moi, ne serait pas acceptable ? C'est incohérent.

L'article 2 est nécessaire en cas d'accord global. Il faut le maintenir.

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M. Lachaud feint de ne pas connaître les chiffres du corps électoral, mais ils sont très précisément connus – la comptabilisation du Conseil d'État est incontestable, et les listes électorales font foi. De mémoire, quelque 45 000 électeurs sont évincés, et l'on recense près de 12 500 natifs ; 25 000 électeurs seraient réintégrés, et 20 000 resteraient sur la touche. Les indépendantistes de l'UC et du Palika reconnaissent eux-mêmes la validité de ces chiffres. N'essayez pas d'enfoncer un coin ici, il n'y a pas de contestation.

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Le sujet des chiffres est secondaire par rapport à la question centrale : faut-il réformer la Constitution ? Cela nous rapprochera-t-il d'un accord ? Quant à l'opportunité de dégeler le corps électoral, c'est aux Calédoniens avant tout qu'il revient d'en juger – c'est d'ailleurs l'objectif officiel du Gouvernement. Reste à savoir quels seront les effets du dégel : les estimations du Gouvernement et du Conseil d'État sont mises en doute par certains, à la marge, au vu du recensement de 2019 et des phénomènes de mal-inscription, de non-inscription ou de mobilité. Mais les chiffres ne sont pas le point fondamental.

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Les chiffres que vous citez correspondent à la situation actuelle, monsieur Gosselin : on recense 12 500 natifs et presque autant de personnes inscrites sur les listes électorales depuis dix ans. Ces dernières ont-elles nécessairement résidé dix ans en Nouvelle-Calédonie ? Pourront-elles en apporter la preuve ? Nous n'en avons aucune garantie. Il serait intéressant d'en avoir une vision plus fine.

Et, dès lors que le corps électoral sera glissant, il intégrera de nouveaux électeurs tous les ans : combien de personnes cela représentera-t-il, année par année ?

La commission rejette les amendements.

L'amendement CL6 de M. Tematai Le Gayic est retiré.

Amendements CL33 de M. Davy Rimane et CL26 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

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Il s'agit de modifier la date d'entrée en vigueur du projet de loi constitutionnelle : elle interviendrait non pas le 1er juillet 2024, mais au plus tard dix jours avant les prochaines élections des membres du congrès et des assemblées de province. Le Conseil d'État a d'ailleurs affirmé qu'un report des élections provinciales jusqu'en novembre 2025 pouvait être admis. Ce report donnerait le temps aux négociations de se dérouler sereinement.

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Là encore, nous voulons donner du temps au temps. J'ignore s'il s'agit d'une méthode mitterrandienne, monsieur Cazeneuve ; elle a néanmoins prouvé son efficacité et a su produire le meilleur lors de négociations passées.

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Lors de son audition, le préfet Bastille a rappelé que les accords de Matignon avaient été négociés en trois jours, et l'accord de Nouméa en deux semaines. Pour aboutir à un accord, il faut une volonté politique de l'ensemble des parties ; donner du temps n'est pas la solution – la preuve en est que le troisième référendum remonte à novembre 2021. Repousser l'échéance, c'est enliser la Nouvelle-Calédonie et attendre le dernier moment pour conclure un accord, comme à chaque fois. La Nouvelle-Calédonie a besoin d'avancer ; ne l'enlisez pas davantage.

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Je ne peux pas entendre que nous voudrions laisser la Nouvelle-Calédonie s'enliser. Vous n'avez toujours pas montré en quoi le dégel du corps électoral permettrait de redresser la situation économique et sociale de l'île. Nous avons rencontré des Calédoniens : eux-mêmes demandent du temps, et pas seulement les Kanaks et les indépendantistes. La demande vient de tous les bords, y compris du corps économique et social. Pour beaucoup, l'urgence n'est pas le dégel électoral mais le redressement économique et social de l'île, qui implique d'éviter de nouveaux heurts. Nous voulons rassembler et apaiser afin d'aboutir à un consensus.

Donner du temps au temps n'est pas inutile. Les négociations ont effectué des avancées notables et pourraient aboutir à brève échéance.

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Si l'on a pu avoir l'impression que les accords de Matignon étaient nés spontanément en trois jours, ils ont d'abord été le fruit d'une mission de dialogue qui a duré un mois, jour et nuit, entre des acteurs qui ont été capables de trouver un consensus. Ils interviennent en outre après des incidents extrêmement violents qui ont fait comprendre aux acteurs la nécessité de se mettre autour d'une table pour avancer. Plus loin encore, leurs fondements avaient été posés dès le début des années 1980, grâce aux propositions d'Edgard Pisani et aux longues discussions qui les ont suivies.

Matignon n'est donc pas né en trois jours, et ce n'est pas en trois jours que nous trouverons à notre tour une solution. Des discussions ont lieu depuis trois ans ; le projet de loi constitutionnelle vient en perturber le cours.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL13 de M. Bastien Lachaud

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Cet amendement vise à proposer que le dégel du corps électoral entre en vigueur si, et seulement si le congrès de la Nouvelle-Calédonie l'approuve. Habituellement, avant de légiférer, on attend que les acteurs calédoniens se soient mis d'accord. Le Gouvernement veut inverser les choses et invente un bric-à-brac institutionnel, où la Constitution est soumise à l'accord de partis politiques : c'est une étrange manière de concevoir la souveraineté nationale.

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Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.

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Avec une telle rédaction, vous donnez au Congrès de Nouvelle-Calédonie un pouvoir constituant, ce qui n'est pas possible juridiquement. Il peut déjà voter l'équivalent de lois, les lois du pays, mais il n'a pas encore de pouvoir constituant.

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Monsieur le rapporteur, vous dites que cela fait trois ans que vous discutez, mais les parties que M. Le Gayic, M. Gosselin et moi-même avons rencontrées en Nouvelle-Calédonie affirment, à l'unanimité, que les discussions ont commencé il y a un an seulement.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL14 de Mme Mathilde Panot

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Essayons de ne pas exagérer ! Monsieur Dunoyer, vous me reprochez de demander que le congrès de la Nouvelle-Calédonie ait un pouvoir constituant ? Mais le texte donne à un accord entre partis politiques un pouvoir constituant, c'est encore plus surréaliste ! Dans quel pays autorise-t-on des partis politiques à écrire la Constitution, au-dessus des élus du peuple ?

L'amendement vise à nous assurer que, le cas échéant, l'accord soit constaté par une commission ad hoc représentant l'ensemble des sensibilités politiques présentes au sein du Parlement et pas seulement par le président du Sénat et la présidente de l'Assemblée nationale.

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Il paraît que lorsque l'on veut enterrer un sujet, on crée une commission…

Il n'est pas besoin d'alourdir la procédure. Nous pouvons avoir confiance dans nos deux présidents, qui connaissent suffisamment le sujet pour constater un accord.

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Je suis un peu surprise. On entend souvent dire dans cette commission à quel point l'avis des élus locaux est important et que le Parlement ne peut pas s'imposer comme ça. L'autonomie des collectivités est d'ailleurs consacrée constitutionnellement. Or vous sortez de votre chapeau, d'une manière très partisane, en rupture avec l'accord de Nouméa, un instrument constitutionnel censé tordre le bras à une partie de la Nouvelle-Calédonie, qui passe par-dessus l'avis de ses élus, de sa représentation démocratique. Le peuple autochtone est ainsi doublement bafoué par votre passage en force. Ce n'est pas de la bonne politique. Vous faites dérailler encore plus un processus que nous, parlementaires, devrions nous attacher à remettre sur la voie du compromis et de la paix civile – un objectif que nous partageons tous, je l'espère.

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Ce n'est pas moi qui vous dirai que l'avis des Calédoniens ne compte pas ! Le précédent de l'accord de Nouméa est très instructif : alors qu'il obtenait l'aval unanime des acteurs politiques calédoniens, il ne s'est pas pour autant imposé au pouvoir constituant. Il a fallu qu'à l'Assemblée, au Sénat et à Versailles, la Constitution soit modifiée pour l'intégrer. L'accord seul n'était pas doté du pouvoir de s'imposer.

Continuons de suivre cet exemple : un accord global, que j'appelle de mes vœux, pourra au Sénat, à l'Assemblée nationale puis à Versailles emporter un consensus national. Tout le monde est inquiet et tous espèrent cet accord global. Cependant, les élus locaux ne peuvent pas tout faire tout seuls ; la Nouvelle-Calédonie reste une collectivité. On ne peut pas ne pas connaître le sentiment des élus calédoniens, mais on ne peut pas leur donner ce pouvoir constituant, heureusement. Dès lors qu'un consensus local se dégagera, il faudra qu'un consensus national soit trouvé au sein de nos assemblées, comme cela est arrivé en 1988 et en 1998.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL15 de M. Bastien Lachaud

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Nous proposons d'élargir la liste des personnes autorisées à saisir les deux présidents des chambres pour constater l'accord.

Tout le monde doit se rendre compte des bizarreries constitutionnelles que nous adoptons aujourd'hui. L'alinéa 8 de l'article 1er permet à une loi organique de modifier la Constitution ! Et que dire du fait que la Constitution s'appliquera sur un territoire une fois que le congrès de la Nouvelle-Calédonie aura donné son autorisation ? Il y a un vrai flou dans ce texte. On voit bien que le Gouvernement ne sait pas comment se sortir de la situation dans laquelle il s'est mis. Il aurait fallu qu'il prenne les bonnes initiatives pour aboutir à un accord. Laisser le dossier à M. Darmanin, qui est récusé par la moitié des intervenants, cela pose problème. Laisser le ministre des outre-mer ou celui de l'intérieur gérer la question calédonienne alors qu'elle a toujours été une prérogative de Matignon, cela pose aussi problème. C'est peut-être parce que le Premier ministre n'en est plus responsable que le dossier n'avance plus : il n'y a plus l'impulsion de l'État pour agir. Le Gouvernement laisse la situation s'enliser et nous propose un texte ni fait ni à faire.

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Il n'est jamais bon d'être défiant vis-à-vis d'un ministre de la République qui pilote le dossier depuis trois ans, qui connaît par cœur l'ensemble des interlocuteurs et qui est venu huit fois en Nouvelle-Calédonie pour essayer de trouver un accord. S'il y a bien quelqu'un de légitime, c'est lui. Avis défavorable.

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Adopter cet amendement ajouterait du flou, alors même que vous nous appelez à la clarté et à la cohérence. Vous proposiez dans votre précédent amendement que ce soient les groupes politiques qui constatent l'accord. Nos débats laissent toutefois penser que nous ne serions pas d'accord sur la constatation et qu'il faudrait sans doute prévoir un certain niveau de majorité, que vous ne fixez pas.

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Pourquoi ce texte constitutionnel se présente-t-il maintenant ? Parce que l'on ne souhaite pas que les élections provinciales soient organisées avec le corps électoral actuel. Soit. Le corps électoral est dégelé ; les élections sont convoquées en décembre ; à quel moment pensez-vous que l'accord global interviendra ? Une fois signés, les accords de Matignon ont été soumis à une consultation référendaire nationale et calédonienne. Pour l'accord de Nouméa, seuls les Calédoniens ont été consultés. Allez-vous consulter les Calédoniens cette fois-ci ? La voie du congrès a été exclue, sans la moindre explication. L'accord se fera-t-il après décembre, avec le congrès calédonien nouvellement constitué ? Les enjeux sont clairement électoraux.

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L'article 2 dispose que, si un accord global est trouvé dix jours avant les élections provinciales, la réforme constitutionnelle est caduque. Je ne pense pas que l'on trouvera cet accord aussitôt après le dégel du corps électoral. Aussi devra-t-on très certainement repousser la date des élections provinciales.

Pour revenir sur l'accord de Nouméa, le référendum s'est tenu le 8 novembre 1998, après la réforme de la Constitution, intervenue le 20 juillet. Si les Calédoniens avaient voté contre l'accord de Nouméa, la réforme constitutionnelle n'entrait pas en vigueur.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL7 de M. Tematai Le Gayic

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Je reste dubitatif. Quand nous demandons de laisser du temps au temps, il ne s'agit pas de repousser l'accord d'un an mais de ne pas avoir le couteau sous la gorge quand on négocie. Tout le monde doit pouvoir négocier de manière souveraine et libre.

Le dégel du corps électoral apparaît aujourd'hui comme un objectif électoraliste, parce qu'il intervient juste avant une échéance électorale. Imaginons que le congrès de la Nouvelle-Calédonie demande demain le retrait du texte : accepterez-vous son avis souverain ? Ses membres ont été élus au suffrage universel – non par le corps électoral que vous souhaitez mais par un corps électoral consacré par la Constitution.

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Non, clairement, parce que l'on considère que le corps électoral actuel n'est pas légitime, et parce que les provinces Nord et Îles sont surreprésentées au congrès, ce qui a donné le pouvoir aux indépendantistes alors que les non-indépendantistes sont majoritaires.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'article 2 non modifié.

Elle adopte l'ensemble du projet de loi constitutionnelle non modifié.

La séance est levée à 18 heures 50.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

- M. Pierre Dharréville, rapporteur de la proposition de loi constitutionnelle visant à constitutionnaliser la sécurité sociale (n° 2472) ;

- M. Davy Rimane, rapporteur de la proposition de loi constitutionnelle tendant à la création d'une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer (n° 2471).

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Félix Acquaviva, M. Xavier Breton, M. Pierre Cazeneuve, Mme Émilie Chandler, M. Jean-François Coulomme, M. Laurent Croizier, M. Dominique Da Silva, M. Arthur Delaporte, M. Philippe Dunoyer, M. Luc Geismar, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Sacha Houlié, M. Andy Kerbrat, M. Bastien Lachaud, Mme Amélia Lakrafi, M. Tematai Le Gayic, M. Antoine Léaument, Mme Aude Luquet, Mme Élisa Martin, M. Éric Martineau, M. Denis Masséglia, M. Nicolas Metzdorf, M. Paul Molac, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Sarah Tanzilli, M. Jean Terlier

Excusés. - M. Clément Beaune, M. Ian Boucard, M. Éric Ciotti, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, M. Thomas Ménagé, Mme Naïma Moutchou, M. Rémy Rebeyrotte