Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mardi 5 mars 2024 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures deux.

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Nous poursuivons notre cycle d'auditions consacrées à la défense globale en accueillant M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Merci, Monsieur le ministre, d'avoir répondu rapidement à notre invitation. Nous y sommes d'autant plus sensibles que chacun connaît la charge de travail qui est la vôtre depuis plusieurs mois. C'est peut-être la première fois qu'un ministre de l'agriculture est auditionné par notre commission. Cela étant, il s'agit de réparer une anomalie. En effet, cette commission, qui n'est pas seulement celle des forces armées mais aussi celle de la défense nationale, est par nature interministérielle – et, oui, l'agriculture étant pourvoyeuse de souveraineté alimentaire, elle est une composante clé de la défense de chaque pays : « pas de pays sans paysans ! » À l'échelle internationale, il n'est d'ailleurs pas de grande puissance militaire qui ne soit pas aussi une grande puissance agricole, car la guerre est l'affrontement des volontés – et l'on peut imposer sa volonté par la faim.

En 2019, j'avais co-signé avec notre ancien collègue Jean-Baptiste Moreau une tribune – toujours consultable en ligne – intitulée « Paysans et soldats, même combat ! » Cinq ans après, ce constat reste pertinent. Du reste, ce lien entre agriculture et défense est inscrit dans notre code de la défense, qui désigne l'alimentation comme l'un des douze secteurs d'activité d'importance vitale. Aussi peut-on saluer le rôle clé de l'Union européenne en matière agricole. Avec plus de 50 milliards d'euros chaque année, la politique agricole commune (PAC) est son premier budget.

L'importance du sujet alimentaire ressort aussi avec la guerre d'agression de la Russie en Ukraine. Depuis dix ou quinze ans, le réarmement agricole russe a été spectaculaire. Les Russes ont quasiment redressé ce secteur productif pour retrouver une sécurité alimentaire domestique et s'affranchir de certaines dépendances envers des pays qui leur fournissaient des produits agricoles en grande quantité, ce qui les rend moins sensibles aux sanctions. En parallèle, la Russie a utilisé l'arme alimentaire en tentant de bloquer les exportations ukrainiennes de céréales par la mer Noire et la mer d'Azov.

Dans un monde en tension, la préservation de notre souveraineté alimentaire est déterminante pour la résilience de notre pays. Aussi nous a-t-il paru utile de vous entendre, Monsieur le ministre, sur la façon dont elle est intégrée dans notre politique de défense globale.

Comment votre ministère se mobilise-t-il sur ces sujets ? Comment évaluez-vous notre dépendance alimentaire ? Quels sont les dispositifs prévus pour assurer notre souveraineté alimentaire en cas de crise et de guerre et, plus globalement, à quel échelon la penser ? Quelle articulation peut-on trouver entre les territoires – dans lesquels se déploient des plans alimentaires territoriaux –, le niveau national et le niveau européen ?

Je tiens à saluer le travail de nos agriculteurs et des acteurs de notre alimentation, notamment les industries agroalimentaires, qui œuvrent à notre souveraineté en engageant des démarches souvent vertueuses sur le plan environnemental parce qu'elles limitent les dépendances et les transports internationaux. La France a besoin d'une agriculture dynamique, productive et innovante. Nous comptons sur chacun de nos agriculteurs et de nos acteurs des industries agroalimentaires.

Je tiens aussi à dire à nos agriculteurs que la Russie cherche à attiser tous les troubles possibles pour diviser nos démocraties et miner la cohésion nationale. Affaiblir les gouvernements en place permet de les rendre moins aptes à répondre aux menaces et de renforcer des forces plus complaisantes envers les régimes autoritaires. Ces actions sont désormais documentées, grâce à l'action de Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères. Nous auditionnerons demain le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, qui nous permettra d'en savoir plus.

Monsieur le ministre, vous pourrez aussi évoquer l'adhésion de l'Ukraine, même si elle reste lointaine. C'est un sujet de désinformation pour la Russie, qui vise à montrer qu'une telle adhésion aurait des effets négatifs pour notre agriculture.

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Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Je suis heureux de retrouver cette commission, dont j'ai été membre en 2017, lorsque j'étais président de groupe. Je vous remercie de m'accueillir. Il est assez rare que le ministre de l'agriculture soit appelé à dialoguer avec la commission de la défense nationale. Cela montre que quelque chose a changé. Il est vrai que le covid, la guerre en Ukraine, le grand dérèglement géopolitique et le grand dérèglement climatique à venir soulèvent des questions qui relèvent de la défense nationale, de l'intérêt national et de la stratégie nationale.

J'identifie deux sujets, celui de la souveraineté et celui de la résilience, laquelle a été très éprouvée par le covid même si, bon an mal an, elle a trouvé son chemin.

Je commencerai par les sujets de souveraineté, dans un monde singulièrement inquiétant. Déjà en 2017, dans son discours de la Sorbonne, le président de la République avait parlé de « souveraineté alimentaire européenne ». En 2022, les vingt-sept États membres avaient affirmé la nécessité de réduire notre dépendance aux importations. Au-delà des mots, il faudra voir ce que l'on peut faire et ce qui a été fait ou non, en disant les choses comme elles sont.

La France reste le premier producteur agricole de l'Union européenne. Elle exporte toujours beaucoup, même si elle est passée du deuxième au cinquième rang mondial, par une perte nette d'export mais aussi en raison de l'émergence de nouveaux pays comme la Russie, l'Ukraine et plusieurs acteurs du continent américain, dont le Brésil – pays dont les surfaces ne sont en rien comparables aux nôtres. Aux États-Unis, le rendement de blé est de 30 quintaux à l'hectare, contre 60 pour nous. Mais, compte tenu du nombre d'hectares, ils font du volume même sans productivité forte. Les échelles ne sont pas les mêmes quand on parle aux Russes, aux Américains, aux Canadiens ou à d'autres. Lorsque ces puissances se réveillent, font de la productivité et luttent contre le gaspillage, souvent en début de chaîne comme c'était le cas chez les Russes, les effets sont visibles dans le marché mondial.

Notre place est donc plutôt dégradée, y compris du fait de l'émergence d'autres puissances. Nous souffrons aussi d'un certain nombre de dépendances aux importations dans plusieurs domaines, dont celui de l'alimentation animale. Notre dépendance au soja date d'il y a trente ans. Nous payons encore l'ouverture aux produits d'importation venus du continent américain permise par le GATT, l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Cette dépendance est problématique pour l'alimentation animale, mais aussi parce que le soja est parfois issu de la déforestation.

Même si nous sommes en interdépendance et si nous en exportons, nous sommes aussi en situation de dépendance pour les fruits et légumes, la volaille et les engrais azotés. La crise du covid et la guerre en Ukraine ont conduit à une envolée des prix de ces engrais, et mis à mal certaines capacités à produire. Or nous avons besoin d'engrais azotés. C'est un élément de souveraineté. Nous travaillerons cette année à retrouver de la capacité, en ayant des unités qui fabriquent de l'azote et en glissant de l'azote minéral vers l'azote organique.

Il faut encore citer les matières grasses, les additifs pour l'industrie alimentaire et le matériel agricole, même s'il s'agit plutôt d'une dépendance vis-à-vis d'autres pays européens.

Je n'oublie pas l'énergie fossile. La décarbonation est un sujet d'intérêt à la fois climatique et stratégique. Être à ce point dépendants pour le gaz et d'autres produits pétroliers nous place dans une situation de grand risque compte tenu des fluctuations à venir.

Toujours au sujet des vulnérabilités et des risques, le changement climatique entraînera, avec le cumul des sécheresses, des inondations et du stress thermique, une baisse structurelle des rendements. On parle peu du stress thermique, mais il y a des choses qui, à 40 degrés, ne poussent plus. Nous devons donc faire évoluer les variétés et, dans certains territoires, les assolements.

Troisième vulnérabilité, la maladie hémorragique épizootique qui frappe le sud de la France est une maladie du dérèglement climatique. C'est un sujet de grande préoccupation pour le ministère. Au-delà des mesures de court terme, nous devrons nous armer pour l'éviter – même s'il est compliqué d'empêcher les moustiques, qui en sont le vecteur, de voyager. D'autres maladies sanitaires que nous ne connaissions pas ou plus émergeront et feront peser des risques très lourds sur un certain nombre de productions. Cette contrainte sanitaire pourrait désorganiser puissamment plusieurs filières. Il suffit de voir ce qui s'est passé en Chine, en Pologne et en Allemagne avec la peste porcine, qui se trouve aujourd'hui à notre frontière italienne. Je travaille avec mes collègues italiens pour trouver des solutions mais, disons les choses comme elles sont, il est plus facile de barrer la plaine entre la Belgique et la France que de barrer la frontière italienne.

Un autre enjeu est celui du renouvellement des générations. Je ne m'arrête pas, mais c'est un sujet important.

La perte de biodiversité, corollaire du dérèglement climatique, fait également peser un risque à terme sur l'agriculture. Il ne faut pas les opposer : la biodiversité est un auxiliaire important pour l'agriculture. La pollinisation est un élément essentiel de la vie agricole. Nous devrons aussi travailler aux objets de biocontrôle, même si nous ne craignons pas un risque de déstabilisation par ce biais pour l'instant.

J'en viens au contexte particulier de la guerre en Ukraine. Alors que la crise du covid avait montré le dérèglement des chaînes de production et la dépendance aux facteurs extérieurs de production quand plus rien ne circule, la guerre en Ukraine met en exergue la stratégie russe, fondée sur l'énergie et l'agriculture. Tout le monde s'en était initialement moqué, considérant que le pétrole et les céréales étaient des objets du passé, mais la vérité oblige à reconnaître que cette stratégie n'était pas complètement erronée. Dans un monde marqué par le changement climatique et qui a 9 milliards d'habitants à nourrir, rendre les autres pays énergétiquement dépendants constitue un levier puissant de dérèglement.

Avec l'invasion en Ukraine, il ne faut pas sous-estimer les effets à venir du minage de territoires entiers de production agricole. Rendus impropres à la production, ces territoires ne seront plus cultivables avant leur déminage – situation que nous avons connue il y a quelques dizaines d'années. C'est une opération structurelle pour empêcher les agriculteurs ukrainiens d'y revenir : rien ne sera possible sans travaux, d'où les initiatives prises par l'Europe et par la France sur le sujet.

Par ailleurs, l'initiative initiale de Vladimir Poutine pour bloquer les voies d'exportation des céréales ukrainiennes par la mer Noire a donné lieu à l'instauration de corridors de solidarité, l'idée étant de stocker ces céréales sur le continent européen avant de les ressortir. Force est de constater qu'il est difficile de les faire ressortir, ne serait-ce que parce que les opérations de chargement et déchargement entraînent une hausse des coûts : les céréales ukrainiennes ont donc perdu en compétitivité.

Depuis, le corridor de la mer Noire s'est rouvert mais dans l'intervalle, le pouvoir russe a appliqué une stratégie de saturation par ses propres productions des marchés naturels de l'Ukraine, en particulier sur le continent africain, voire en Asie. Cette stratégie a abouti à une profonde désorganisation des marchés et aussi à des phénomènes opportunistes, en particulier dans le secteur de la volaille. Du même coup, la France a perdu plusieurs des marchés qu'elle avait sur le continent africain. En effet, sous couvert d'aide alimentaire, la Russie donne même des céréales pour saturer les marchés. Cependant, ces pays savent que, pour se nourrir, mieux vaut ne pas se retrouver dans la main d'un seul, a fortiori s'il peut être instable géopolitiquement. Sans doute y a-t-il donc des initiatives européennes à prendre pour réinstaurer des couloirs commerciaux. Bref, nous avons tout intérêt à permettre à l'Ukraine de retrouver ses voies commerciales naturelles.

Il convient également de savoir ce que l'on fait de l'Ukraine dans l'espace européen. C'est l'équivalent du Brésil, sur le continent européen. Autrement dit, avec l'Ukraine, nous avons le Brésil à nos portes. Elle compte des structures d'exploitation immenses et hypercompétitives, implantées sur un sol riche. Ces « terres noires », de 15 à 20 mètres d'épaisseur, ne s'useront pas avant longtemps. Notre stratégie doit donc être claire : l'Ukraine ne doit pas entrer dans l'espace européen tant qu'elle ne correspondra pas à nos standards de production, environnementaux et d'exploitation.

Dans ce pays, un petit agriculteur exploite 15 000 hectares ! Ces grands espaces ne sont pas le produit d'un affreux capitalisme mais de l'histoire, puisqu'ils se sont constitués après le massacre des populations agricoles par Staline : les structures agricoles ont été privatisées après la chute du régime soviétique, mais elles existaient déjà ; c'est la famine organisée de l'Ukraine qui a fait disparaître la classe paysanne dans ce pays. Les structures de 100 ou 150 hectares vont se trouver en difficulté – elles sont déjà plus atteintes par la guerre que les autres.

Quoi qu'il en soit, dans les conditions actuelles, l'Ukraine ne peut pas entrer dans l'espace européen. Mais elle sera toujours à côté de nous, produisant du blé, des céréales, des oléoprotéagineux, de la volaille à des prix compétitifs. Il me semble donc que, dans une stratégie bien pensée, nous devrions en faire un allié, pas pour venir sur notre marché mais pour être notre fer de lance dans la bataille mondiale de l'alimentation. Si l'on pense ce partenariat ainsi, il devient moins important que l'Ukraine soit dans l'espace européen ou en dehors, dès lors qu'on n'en fait pas un opérateur à elle seule de notre souveraineté nationale ou européenne. L'Ukraine est une puissance agricole, c'est un fait. La question est de savoir ce que l'on fait de cette puissance agricole dans l'espace européen. Si elle y entrait en revanche, il ne faudrait pas que certaines exploitations de 10 000 à 40 000 hectares perçoivent la PAC dans les conditions que nous connaissons !

En somme, en matière de souveraineté, nous avons besoin de travailler sur plusieurs sujets. D'abord, il faut réfléchir à ce que sont les éléments de souveraineté. Outre le plan de souveraineté pour les engrais, j'ai décidé d'en lancer un pour le blé dur. Le blé dur ne représente pas de grandes surfaces, mais il est hyperstratégique dans notre dialogue avec les Italiens et les Espagnols. Nous sommes une terre qui peut faire du blé dur, et elles sont peu nombreuses dans le monde. Il y en a un peu chez les Canadiens et les Américains, et bien sûr chez les Russes et les Ukrainiens. Or le blé dur est un aliment de base, y compris sur la rive sud de la Méditerranée. Il vaut donc mieux que ce soit nous qui le produisions plutôt que d'autres. Il en va de même avec les protéines végétales, qui présentent un intérêt environnemental, climatique et de souveraineté, ainsi qu'avec les fruits et légumes.

S'agissant de la PAC, son fondement n'a pas évolué : première politique intégrée européenne, elle a été conçue pour assurer l'approvisionnement en quantité puis, progressivement, en qualité à des prix rémunérateurs et maîtrisables. Mais il lui manque deux dimensions. La première est stratégique : l'alimentation étant désormais une arme, il faut se comporter en conséquence. Cela implique de sortir de la naïveté qui a prévalu dans les accords de libre-échange et dans la politique commerciale traditionnelle de l'Union, consistant à considérer que l'agriculture était une économie de pays pauvres et que nous pouvions produire de la haute technologie et des voitures et laisser d'autres nous nourrir. Ne sous-estimons pas ce qui s'est passé pendant trente ou quarante ans. Mais, dès lors que l'on considère que l'agriculture est une économie de souveraineté et la première des libertés, la PAC doit servir l'objectif stratégique de nourrir la population européenne et de penser son environnement. Si M. Poutine ou un autre décidait de mettre tel ou tel pays sous son joug alimentaire puis de le retirer, et si nous n'avions plus de capacités de production, d'immenses flux migratoires s'organiseraient. Quoi que l'on dise, les flux migratoires commencent souvent par la faim. L'agriculture est donc aussi une question de souveraineté à nos frontières.

Par ailleurs, nous sommes obligés de penser le monde avec une population croissante, une désorganisation géopolitique et un dérèglement climatique. L'an dernier, le continent européen a importé 20 millions de tonnes supplémentaires de céréales, en partie d'Ukraine et de Russie, en raison de la sécheresse suivie d'inondations en Italie et de l'intense sécheresse en Espagne. Nous devons disposer d'un système qui ne nous mette pas en tension au point de devoir importer 40 millions de tonnes de céréales en tout ! Cela ne nous concerne pas directement, nous Français, puisque nous sommes largement exportateurs. Mais nous devons y travailler, et la PAC doit penser ses objectifs dans une logique de dérèglement climatique.

Enfin, nous devons travailler à tous les échelons dans une démarche d'innovation – c'est l'objectif du plan France 2030 – et de planification. Nous devons faire évoluer nos modèles. Nous devons identifier les objets stratégiques en matière d'alimentation, étant entendu que gérer de l'interdépendance n'est pas la même chose que subir de la dépendance. En l'occurrence, les céréales sont une matière première agricole structurellement et historiquement d'une grande importance. Les engrais aussi. C'est d'eux que découle le reste.

J'en viens à la résilience. Le ministère de l'agriculture était peu rompu à l'exercice. C'est normal, puisque nous avons vécu quatre-vingts années sans nous poser la question d'une rupture de chaîne alimentaire ou de l'équivalent d'une grippe espagnole. Des cellules interministérielles de crise et de soutien ont été activées lors de la crise du covid, certes imparfaitement, et nous avons commencé à élaborer une stratégie nationale de résilience. Ces travaux viennent de démarrer, donc je ne pourrai pas encore en dire grand-chose.

Nous avons également besoin de réfléchir à ce qui se passera en cas de nouveau covid, de conflit, d'événement climatique majeur comme la crue de 1910 – car elle viendra. En effet, nous serons confrontés dans le futur à un problème de niveau d'eau. Nous avons fait des réserves d'eau en amont de la Seine, dans la Forêt d'Orient. Sans ces réserves artificielles, classées en Natura 2000, nous aurions déjà connu des épisodes compliqués. Nous n'en sommes pas passés loin en 2016. Faire face à un épisode majeur requerra de la souplesse et de l'agilité, y compris dans nos règles. Nous sommes en train de mener un travail de simplification pour rendre les procédures plus agiles. Par exemple, il est un peu dommage que les agriculteurs du Pas-de-Calais aient besoin de remplir un formulaire pour déclarer qu'ils ont été inondés : il y a assez de satellites pour documenter les inondations !

Notre prise de conscience est progressive, trop lente à mon goût. Il n'est pas anodin que le ministère ait la souveraineté alimentaire dans son titre. Cela m'oblige à rendre beaucoup de comptes sur le sujet alors que nous démarrons, mais ce n'est pas grave ! Nous avancerons. La souveraineté est longue à reconquérir. Pour retrouver une souveraineté en matière de fruits et légumes, il faut planter des arbres, transformer, former, trouver de la main-d'œuvre. S'agissant du blé dur, cela nécessite de la recherche, de l'innovation, de l'accès à l'eau et des agriculteurs qui croient à nouveau à cette filière. Tout cela requiert du temps. Cela dit, il faut bien commencer ! C'est ce que nous essayons de faire.

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Merci pour cette présentation dynamique et complète, avec une bonne hauteur de vue géographique et historique. La France dispose d'atouts historiques en matière d'agriculture, liés à sa stratégie de puissance. Nous avons besoin de les protéger autant que de réactiver certaines organisations et certains réflexes, notamment ceux que nous avions pendant la guerre froide.

La parole est aux orateurs des groupes.

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Il n'est pas courant pour notre commission d'entendre un ministre de l'agriculture, mais il est clair que dans le contexte actuel nos deux domaines sont étroitement liés. Il y a une prise de conscience stratégique de l'Europe sur sa politique agricole, ce secteur demeurant un enjeu de souveraineté pour elle et de stabilité pour le monde. Lors d'une récente interview, le Premier ministre Gabriel Attal s'est montré favorable au développement du secteur de l'agriculture en France, plaçant cette dernière au rang des intérêts fondamentaux de la France au même titre que la sécurité, la défense et l'énergie.

La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont rappelé l'importance stratégique de notre agriculture. Ainsi, si l'insécurité alimentaire s'est accrue lors de la pandémie de covid-19, la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine a engendré une hausse des prix mondiaux des denrées alimentaires. En s'en prenant à la sécurité alimentaire, notamment en fixant des prix zéro aux pays africains, les Russes ont fait de l'alimentation une véritable arme de guerre. Cette ingérence délibérée met en lumière les enjeux complexes liés à la disponibilité et à l'accès aux ressources alimentaires à l'échelle mondiale.

Avec la multiplication des conflits aux portes de l'Europe, il est impératif que les tendances évoluent. Il ne s'agit plus uniquement de s'assurer de la sécurité du cheminement des produits alimentaires, mais d'aller à la quête d'une souveraineté alimentaire. Cela signifie produire plus, protéger mieux et franciser les chaînes d'approvisionnement.

Après deux ans de conflit, quelles sont les conséquences de la guerre en Ukraine pour le monde agricole en France ? Comment protéger les agriculteurs français sans se désolidariser des agriculteurs ukrainiens ?

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Marc Fesneau, ministre

Les conséquences pour le monde agricole, ce sont des importations plus élevées de volaille, d'œufs et de sucre, même si pour ce dernier, les difficultés ont été masquées par des cours historiquement hauts. Compte tenu de la sensibilité de ces marchés, j'avais demandé, il y a un an, que les mesures – ouverture, abaissement des droits de douane, etc. – prévoient des clauses de revoyure régulières. De fait, j'avais déjà le sentiment qu'il faudrait faire face à une désorganisation. Sans compter que, pour la filière volaille, une brèche s'était ouverte avec la grippe aviaire, laquelle a entraîné une baisse de production. Même si nous l'avons puissamment accompagnée, cette filière a été affaiblie par ce cumul d'événements. Les importations sont parfois passées du simple au triple, ce qui a déstabilisé nos marchés, qui sont toutefois devenus plus compétitifs d'un certain point de vue.

La situation est plus inquiétante concernant le marché des céréales, qui connaît à la fois des effets volume et des effets prix. La désorganisation du marché, l'existence de positions attentistes, le fait que les Russes multiplient les prix cassés favorisent une réorganisation lourde, qui nous conduira à demander l'activation de clauses de contingentement.

Le marché des céréales était libéralisé depuis 2019, avant la guerre. Il n'y avait pas de compétition : les Ukrainiens allaient sur leurs marchés, nous allions sur les nôtres et les Russes ne semaient pas la pagaille. Globalement, le marché des céréales était plutôt dynamique en volume et correct en prix. Mais en raison du blocage de la mer Noire et de l'offensive russe sur les marchés africains et asiatiques, les Ukrainiens ne trouvent plus leurs débouchés ; ils viennent sur le marché européen, et les prix s'effondrent en partie.

Un règlement de 2015 permettra d'activer donc des mesures de contingentement. Mais si nous voulons aller au bout de la logique et éviter un effondrement des prix ou une désorganisation, nous devons réfléchir à ce que deviendront les céréales ukrainiennes et à une politique active de reconquête de certains marchés par l'Union européenne à vingt-sept et les Ukrainiens.

D'autres filières sont-elles en risque ? Peut-être celle des oléoprotéagineux, encore qu'elle ne connaisse pas de difficultés majeures.

Enfin, j'identifie un point de vigilance : dès lors que nous aurons envoyé le signal que nous contingenterons à partir du mois de juin, que se passera-t-il ? Il ne faudrait pas que des opérateurs malintentionnés se précipitent pour inonder nos marchés avant cette date. Nous sommes en train d'y réfléchir avec la Commission européenne.

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La crise agricole majeure que traverse la France trouve largement sa source dans les décisions calamiteuses des gouvernements successifs et dans les normes désastreuses imposées par l'Union européenne. La guerre en Ukraine joue également un rôle important dans les difficultés que rencontrent nos agriculteurs. Outre les difficultés d'approvisionnement en matières premières et de la hausse du coût de production, la concurrence des volailles ukrainiennes écoulées sur le marché européen est dénoncée par les producteurs français. Elle perturbe un marché français qui a connu plusieurs crises ces dernières années et peine à retrouver des couleurs. Nous entendons le besoin de soutenir le secteur agroalimentaire ukrainien, central dans l'alimentation et la stabilité mondiales, mais cela ne doit pas se faire au détriment de nos producteurs français. Comment comptez-vous donc conjuguer ces deux impératifs ?

Plus largement, les répercussions de ce conflit sont très lourdes à l'échelle mondiale. Le grenier à blé de la planète qu'était l'Ukraine a perdu en capacités d'exploitation. Plus de 10 % des terres ukrainiennes seraient minées et un quart seraient sous contrôle russe, ce qui réduit aussi les capacités de production. Dans ce contexte, les difficultés d'alimentation des populations renforcent l'instabilité de certains pays. Nombre d'entre eux sont déjà en crise ou en situation de famine, notamment ceux du continent africain. Votre ministère est-il engagé dans une démarche de sauvegarde de la stabilité de ces pays, et dans quelle mesure ?

Enfin, je me réjouis que l'on utilise désormais très largement le terme de souveraineté alimentaire, que mon mouvement politique défend depuis des décennies – je regrette qu'à l'époque, cela nous ait valu d'être ringardisés. Nous attendons désormais les propositions que fera le Gouvernement en la matière.

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Marc Fesneau, ministre

Comme vous êtes taquin, je vais commencer par la fin. Nous commençons collectivement à partager ce qu'est le concept de souveraineté. Bien que n'étant pas un historien de votre formation politique, il me semble qu'il y avait chez lui quelque chose qui tendait à l'autarcie. Or dans la situation que je viens de décrire, l'idée de ramener la souveraineté à un « je produis français, je mange français » est tragique. Il faut accepter que la souveraineté s'exerce aussi au travers de la capacité exportatrice et de l'acceptation de l'importation.

Par ailleurs, la crise ukrainienne perturbe à la fois nos marchés et les marchés mondiaux. J'ai essayé de décrire la stratégie de Poutine – elle est lisible, au moins ! On ne peut pas lui reprocher d'en avoir une, l'important étant que nous ayons une contre-stratégie, surtout sur le continent africain. Car M. Poutine, avec sa politique de chantage ou de bas prix, n'a pas seulement expulsé l'Ukraine de ses marchés africain : l'Union européenne elle-même en a perdu un certain nombre.

C'est pourquoi je continue à explorer plusieurs territoires et pays – faire à ce point de la diplomatie, et l'expliquer en commission de la défense, est un travail assez loin des habitudes pour le ministre de l'agriculture. Je retournerai ainsi au Maroc fin avril, j'étais allé en Ukraine pour le même motif, j'irai sur le continent africain. Nous avons besoin de renouer un dialogue de coopération avec ces pays. Ils sont d'ailleurs habitués à une agriculture résiliente et ont des choses à nous apprendre. Les Marocains sont largement en avance sur nous dans la résilience à l'égard de l'eau. Les Africains aussi, dans certains systèmes. En outre, tous les pays se posent la question de leur souveraineté dans le dérèglement climatique et tout le monde voit le jeu international dans ce domaine. J'ai donc bien l'intention d'étudier ce que nous pouvons faire en matière de coopération réciproque.

Nous avons intérêt à ce que ces pays trouvent les voies de leur souveraineté alimentaire, même s'ils ne pourront pas le faire pour la totalité de leurs territoires. L'Égypte, par exemple, ne peut pas nourrir l'ensemble de sa population : l'accès à l'eau et les sols ne le permettent pas. En tout état de cause, nous devons travailler avec certains pays, en particulier sur le sujet de la lutte contre la désertification et de l'autonomie protéique. Tel est l'objet des initiatives prises par le Président de la République, comme le projet de « grande muraille verte ». J'y travaille en Français, mais l'idéal serait de pouvoir le faire en stratégie européenne pour certains secteurs. Nous aurions un intérêt à montrer la puissance et la volonté européennes en la matière.

Avoir désarmé sur la question de la souveraineté agricole a été une erreur collective européenne. Les Américains ne l'ont jamais fait. Lorsqu'on bataillait avec eux au sujet des accords commerciaux il y a trente, quarante ou cinquante ans, ils s'y intéressaient déjà. Ils étaient actifs dans le nucléaire, l'armement, la technologie et tout le reste, mais aussi, sans que l'Europe y prête la moindre attention, dans l'agriculture. Les Chinois non plus ne se sont jamais désintéressés des questions agricoles, et les Indiens s'y intéressent de plus en plus. Pour un continent comme le nôtre, se priver de cette puissance est dommage, et le terme est faible. C'est pour cela que nous avons intérêt à dialoguer avec les autres.

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Ce réveil est salutaire ! Parmi les cinq membres du Conseil de sécurité, seuls les Européens ont baissé la garde à ce sujet. Les Russes ont réarmé leur agriculture de manière massive depuis vingt ans.

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Monsieur le ministre, vous semblez entretenir une confusion entre souveraineté alimentaire, autonomie alimentaire et sécurité alimentaire. Si cette dernière a été définie au sommet mondial de l'alimentation de 1996, la notion de souveraineté alimentaire est plus récente. Définie en 2018 dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, elle désigne le droit des populations, de leurs États ou Unions à définir leur politique agricole et alimentaire sans dumping vis-à-vis des pays tiers. La France a refusé de signer cette déclaration. Pourquoi ?

Vos politiques en matière agricole menacent manifestement notre sécurité alimentaire. Nous constatons l'érosion de notre potentiel productif et la hausse de nos importations de produits agricoles et alimentaires. Pendant ce temps-là, vous concluez des accords de libre-échange sans clause de réciprocité. Alors que les terres agricoles représentent la moitié du territoire national, les investissements étrangers en France sont en hausse.

Pouvez-vous clarifier ce que vous entendez par souveraineté alimentaire, au vu de la confusion qui règne ? Quid de l'application du décret Montebourg en matière de sécurité alimentaire ? Combien de terres agricoles pourraient être concernées ? Les États investisseurs sont-ils de nature à représenter une menace militaire ?

Par ailleurs, nous produisons en France, à Angers, d'excellentes rations de combat individuelles pour nourrir nos forces armées en Opex (opération extérieure) et constituer des réserves en cas d'inondation ou de crise politique à l'étranger. Dans un contexte de crise climatique et d'instabilité politique et militaire dans nombre d'États, pourrions-nous être en pénurie ? Hormis la question logistique, quelle est la part des fournisseurs français de l'établissement spécialisé du commissariat de l'armée de terre (ESCAT) d'Angers ? Font-ils appel à des agriculteurs français et respectent-ils les lois Egalim ?

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Marc Fesneau, ministre

Je sais bien que j'ai à connaître de tous les sujets, y compris des rations de combat et des menus de chaque cantine des écoles de France, mais vous m'en demandez un peu beaucoup. Je vous ne demande pas de bienveillance, j'y ai renoncé depuis longtemps, mais un peu de réalisme : j'ignore ce qu'il y a dans les rations de combat. J'ai fait mon service militaire, mais c'était il y a trente ans, elles ont dû évoluer depuis !

Pour le reste, la définition que vous donnez de la souveraineté alimentaire est celle de Via Campesina. C'est une définition, mais pas « la » définition. On peut en débattre, on peut ne pas être d'accord, ce qui peut justifier que nous n'ayons pas signé. En outre, la souveraineté alimentaire n'est pas seulement la capacité à se nourrir, mais celle à se nourrir dans les grands dérèglements du monde. Et c'est aussi la souveraineté alimentaire des autres. Sur la rive sud de la Méditerranée, certains pays ne pourront pas couvrir à eux seuls les besoins de leurs populations. Il suffit de regarder la géographie, le climat et le reste pour le savoir – et ce n'est pas un grief que je leur fais. Quant à nous, nous pouvons exporter, parce que nous avons des terres, un climat tempéré et des agriculteurs qui produisent depuis des siècles. Tout le monde ne pourra pas produire. C'est une vue de l'esprit.

À cet égard, la carte de la dépendance alimentaire dans le monde est intéressante. Certains pays pourront accéder à une meilleure autosuffisance, mais pas tous, a fortiori en Afrique et en Asie, où la population totale représente 3 à 4 milliards de personnes.

Par ailleurs, la carte de la production de blé dans le monde en 2050 montre que les pays déjà nettement importateurs rencontreront des difficultés. C'est notamment le cas du continent européen, y compris la France – ce qui nécessite de nous adapter. Et si l'on regarde la carte de la production de biomasse, la seule zone qui reste verte est la Russie, qui pourra mettre en culture des terres qui ne pouvaient jusqu'ici pas l'être à cause du froid. C'est ainsi, on n'y peut rien. Je ne m'en félicite pas, mais cette réalité s'imposera à nous.

Nos stratégies européennes et nationales ne peuvent pas penser l'Union européenne à vingt-sept sans garder à l'esprit cette carte mondiale de la souveraineté avec le Brésil, l'Inde ou la Chine. Ce serait une lourde erreur. C'est pour cela que nous avons besoin d'accords de commerce. Je ne sais pas comment faire différemment, sauf à ce que vous sachiez inverser le dérèglement climatique. Voyez la carte de l'Espagne ou du sud-ouest de la France, qui est en partie celle de la crise agricole : c'est celle d'un modèle en butte à ce dérèglement. Nous parlons de 2050, dans une génération : cela va venir vite.

Quant à la captation des terres agricoles par des puissances étrangères, c'est une vue de l'esprit. À ce titre, nous pouvons nous féliciter qu'en France, le droit du fermage et le droit à bail, ultradérogatoires au droit de la propriété, soient extrêmement protecteurs de l'exploitant agricole, y compris dans sa succession. Cela explique à la fois les prix plutôt modérés des terres et des baux, et la difficulté de captation par des puissances étrangères.

En revanche, vous avez raison de noter que des pays qui ont peu de surfaces arables vont en chercher ailleurs, sur le continent africain par exemple, ou d'ailleurs en Ukraine. C'est un sujet géopolitique. Nous pourrions élaborer, pour chaque pays, la carte des territoires qui n'appartiennent pas à ses paysans. En France, ce phénomène est objectivement marginal, grâce au droit au bail mais aussi au contrôle des investissements étrangers. Ce n'est donc pas un risque national.

Cela étant, il faut faire attention à la financiarisation du système agricole. Certes, le bail, l'exploitation familiale et le GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun) sont assez protecteurs. Mais avec la montée du prix des terres, certains pourraient vouloir spéculer davantage que par le passé. Il en ira de même pour la forêt. Compte tenu des enjeux géopolitiques et des cartes que je viens d'évoquer, les terres en production seront rares. Leur valeur sera plus puissante, y compris au-delà de la seule production agricole – je pense à la production de biomasse ou au stockage de carbone, par exemple. Il faudra donc que nous sachions à qui appartiennent nos millions d'hectares de terres agricoles.

Mais encore une fois, la question des investissements étrangers, celle des pays qui ne disposent pas de terres arables et qui vont chercher leur souveraineté chez les autres, ne se pose pas pour les terres françaises.

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Vous avez indiqué que la souveraineté prend du temps à construire, et qu'elle touche aussi à la capacité exportatrice et à la capacité à se nourrir, surtout en cas de dérèglement climatique.

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Marc Fesneau, ministre

En cas de dérèglement tout court.

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Si vous voulez. Mais alors, pourquoi surtranspose-t-on depuis 2017 ? Pourquoi permet-on à des organismes comme les Soulèvements de la Terre de participer au Salon de l'agriculture ? C'est une réflexion, qui n'appelle pas particulièrement de réponse.

Depuis 1982, des protocoles sont signés entre le ministère de la défense et celui de l'éducation nationale pour développer le lien entre la jeunesse et la défense. Depuis mai 2016, le protocole intègre le ministère de l'agriculture – car les 190 000 élèves et étudiants de l'enseignement agricole constituent une forte communauté éducative. C'est un bel enjeu. L'action conjuguée et inédite de ces trois ministères contribue à renforcer le lien entre la jeunesse et la défense, dans un contexte national marqué par la nécessité d'accroître la cohésion républicaine et citoyenne.

Le diagnostic de 2016 était bon, et reste pertinent huit ans après. Après le coup d'éclat des étudiants d'AgroParisTech en mai 2022, estimant que leurs métiers sont destructeurs, quel bilan tirez-vous de ce protocole ? Est-il prévu d'en signer un nouveau ?

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Pouvez-vous aussi aborder le sujet des lycées agricoles, privés et publics, dont vous êtes le ministre de tutelle ?

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Marc Fesneau, ministre

C'est une spécificité française dont il faut se féliciter. Non pas que je veuille garder mon pré carré ! Mais, comme tous les ministres de l'agriculture, je tiens à notre enseignement agricole, observé à travers le monde. D'abord, il est directement lié à son ministère. D'autre part, c'est l'un des rares enseignements dont les effectifs sont stables et même en légère augmentation, malgré la baisse démographique. C'est aussi l'un de ceux dans lesquels le taux d'internat est très élevé et qui intègre le plus de jeunes dans des situations sociales désespérées, à qui il permet, grâce aux nombreux métiers auquel il forme, de trouver leur chemin.

C'est vrai, le protocole de 2016 était une bonne idée. Il mérite d'être relancé. Nous avons besoin de travailler avec les écoles pour renforcer le lien entre l'armée, la défense, la nation et la souveraineté. Nous avons également besoin, en particulier dans les écoles supérieures, de retrouver le fil de l'exploitation agricole et de la production. Il est important que les étudiants qui se forment à l'agriculture voient, un jour, un exploitant agricole – ce n'est pas une offense ! Pour connaître un certain nombre d'ingénieurs agronomes, je considère que le stage d'un mois en immersion dans une exploitation laitière, porcine ou céréalière n'est pas inutile ou mauvais pour la santé.

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Il faut le faire sans idéologie. C'est la difficulté.

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Marc Fesneau, ministre

Ce n'est pas une question d'idéologie, aller dans une exploitation ! Par ailleurs, vous ne m'avez pas entendu dire qu'il fallait en rabattre sur les questions de dérèglement climatique ou de biodiversité. Jamais. Ce n'est pas une question d'idéologie, mais de nécessité.

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Marc Fesneau, ministre

J'ai bien entendu que ce n'est pas moi que vous mettiez en cause. En tout cas, je combattrai toujours une idéologie qui consiste, alors qu'on est formé pour aider l'agriculture, à la pointer du doigt. C'est quand même curieux, c'est comme si les médecins vilipendaient leurs malades ! J'ai besoin d'ingénieurs agronomes et de techniciens qui accompagnent les agriculteurs face aux difficultés, par exemple pour trouver un système résilient s'il n'y a plus assez d'eau dans les Pyrénées-Orientales, plutôt que de leur seriner qu'il faut arrêter de cultiver du maïs alors qu'ils n'en ont jamais fait.

La dimension de la souveraineté ne doit pas concerner les seules écoles supérieures, mais aussi les lycées agricoles. Or la souveraineté passe aussi par la résilience des systèmes. Nous avons besoin de travailler sur ce sujet.

Il faut aussi travailler le lien entre l'armée et la nation. La première fois que j'ai été invité à aborder les sujets qui nous occupent aujourd'hui, c'était d'ailleurs par le chef d'état-major de la marine, l'an dernier, au Salon de l'agriculture puis à l'Institut des hautes études de défense nationale. Nous avons besoin de le faire avec les établissements d'enseignement supérieur, en renforçant le protocole, mais aussi dans les lycées agricoles, et même à l'école primaire. C'est l'objet du pacte et de la loi d'orientation et d'avenir agricoles. Il est indispensable d'ancrer dans nos inconscients collectifs que l'agriculture est un objet de souveraineté aussi puissant que bien d'autres.

Lorsque j'étais enfant, j'ai appris à l'école qu'il y avait l'économie primaire, l'économie secondaire et l'économie tertiaire. On nous enseignait que l'économie primaire était résiduelle et allait disparaître, que la secondaire était bonne pour les pays pauvres et qu'à la fin, nous vivrions dans le monde heureux de l'économie de service. Une quarantaine d'années plus tard, nous en sommes revenus. Il n'y a pas de reproche à faire aux enseignants : la logique collective estimait simplement que l'agriculture pouvait rester résiduelle. Les guerres et les désordres géopolitiques nous obligent à revoir cette idée et il faut maintenant restaurer la question agricole comme un enjeu, et cela au-delà des établissements d'enseignement agricole.

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Ce débat est intéressant en ce qu'il montre que l'alimentation et l'agriculture sont une arme ou peuvent le devenir. D'ailleurs, M. Poutine s'en sert pour déstabiliser les marchés. Envisage-t-on une stratégie en cas de victoire de ce dernier ? Certes, le Président de la République affirme que M. Poutine ne doit pas gagner, mais s'il gagnait, il y aurait aussi des répercussions dans le domaine agricole. Je pense que le niveau de déstabilisation de nos agriculteurs serait très puissant.

Par ailleurs, j'ai bien compris que nous n'en sommes qu'au départ de l'élaboration d'une stratégie de résilience, mais c'est un sujet majeur de sécurité pour notre pays. Les agriculteurs seront en première ligne en la matière. Devront-ils changer de mode de culture, et de cultures ? L'industrie agroalimentaire devra-t-elle évoluer, pour assurer sa part de la résilience ? Nos concitoyens devront-ils changer d'alimentation ?

Un champ passionnant est à étudier, et potentiellement à structurer. En cas de conflit majeur, la résilience doit-elle être régionale, nationale, européenne ? Cette réflexion, essentielle dans notre XXIe siècle perturbé, s'impose à nous. Il faut protéger les populations, la faim étant l'un des dangers majeurs que peuvent courir un pays et sa population.

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Marc Fesneau, ministre

L'échelle de la souveraineté et de la sécurité alimentaire est un bon sujet de réflexion.

Oui, l'alimentation est devenue une arme. Elle l'a d'ailleurs toujours été, d'une certaine façon, et des empires et des puissances l'ont toujours considérée comme un élément central de leur stratégie de souveraineté et d'indépendance.

Je suis frappé de constater à quel point nous avons besoin de coopération, face aux dérèglements climatiques, pour assurer la résilience des systèmes agricoles. En France, nous avons différents organismes, comme le Cirad, (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), l'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) et d'autres, qui peuvent être des vecteurs de cette volonté de coopération, paradoxale dans un monde pourtant « décoopératif ». La raison devra l'emporter. Si le monde reste décoopératif, des questions d'alimentation se poseront dans des continents entiers, qui déstabiliseront l'ensemble de la planète. En stratégie française et européenne, nous pourrions être ceux qui affirment vouloir de la coopération : que le continent africain puisse se nourrir, cela nous intéresse.

Par ailleurs, la résilience touche à de nombreux domaines, à commencer par les facteurs de production : produits phytosanitaires, engrais, semences. Nous avons des leaders mondiaux de semences, qu'il serait utile de conforter en réfléchissant à leurs moyens de production, mais aussi à leur accès à l'eau. Limagrain a besoin d'eau pour développer des semences. Perdre des opérateurs de ce type serait tragique. En effet, il y aura toujours des leaders mondiaux de semence et je préfère qu'ils soient sur le continent européen et, mieux encore, en France. En l'occurrence, notre expertise de recherche et d'innovation est reconnue dans le monde.

Nous avons aussi besoin des nouvelles techniques génomiques, certes avec des balises. Cessons de croire que le continent européen est une île déserte. Les nouvelles techniques génomiques sont un outil puissant de résilience face aux dérèglements climatiques et de réduction des produits phytosanitaires.

Nous devons construire la résilience des systèmes. Dans certains territoires, la production agroalimentaire évoluera, du fait notamment du dérèglement climatique. Cela pose plusieurs questions : quelles productions peut-on développer, quels facteurs de production peut-on asseoir pour assurer un minimum d'agriculture ? Sans accès minimum à l'eau dans les Pyrénées-Orientales, il n'y aura rien. Il faut de l'eau pour que la vigne ne meure pas. Une vigne qui ne meurt pas, c'est de la résilience. Il ne s'agit pas de gérer l'eau dans une logique productiviste, comme certains le caricaturent, mais dans une logique de résilience du système – car si un pied de vigne ne résiste pas à la sécheresse, je ne vois pas bien ce qui y résistera. Nous devons donc réfléchir à l'organisation des systèmes et des outils de production. C'est du temps long, mais indispensable pour préparer la suite, une fois que nous serons sortis de l'urgence de la crise agricole.

Par exemple, pour les Pyrénées-Orientales, qui avaient une vocation d'arbomaraîchage, que peut-on maintenir, qu'est-ce qui doit évoluer ? Quelle sera la place de l'élevage, que pourra-t-on faire ou pas dans les zones de montagne, comment pourra-t-on réutiliser l'eau ? J'ai la volonté de construire sur ce territoire un modèle plus résilient – tout en prenant garde à ne pas construire des modèles sur des châteaux de sable.

Par ailleurs, la résilience se construit à toutes les échelles. Au niveau mondial et européen, nous avons besoin de travailler sur les engrais, sur l'énergie, mais aussi sur un dialogue commercial renouvelé, qui pose la question de l'agriculture comme un élément stratégique du débat – je rêve du jour où les échanges de certains produits évolueront parce qu'on aura fait le choix de défendre le produit agricole. Au niveau européen, nous avons aussi besoin de penser le moyen, dans la stratégie mondiale, d'assurer nos productions et nos voisinages, le tout dans un contexte de dérèglement. Au niveau national, il faut identifier ce que nous pouvons produire nous-mêmes, à des prix et des coûts qui soient dans l'ordre de la compétition européenne. Et nous devrions aussi pouvoir retrouver, au moins en partie, la tradition française des fruits et légumes que nous avons perdue en trente ans.

Un graphique comparatif des taux d'auto-approvisionnement montre que dans de nombreux secteurs, la France n'est pas autosuffisante. C'est ennuyeux s'agissant des fruits et légumes tempérés et de la viande bovine. C'est un problème s'agissant du soja, car cela nous met en dépendance. Je serais donc volontiers favorable, d'un point de vue stratégique, à ce que nous récupérions de la culture de soja. En revanche, nous sommes le leader mondial pour l'orge de brasserie et la poudre de lait écrémé.

En somme, nous avons besoin de penser des plans de reconquête en fixant des objectifs de production, de résilience et d'adaptation au dérèglement climatique, ce qui passe par une stratégie de décarbonation. Quand nous avons une production fortement excédentaire, comme pour la poudre de lait, nous pouvons envisager de faire évoluer notre modèle – rien n'est intangible. D'un autre côté, si nous sommes plutôt meilleurs que les autres dans ce domaine, il serait dommage de ne pas en profiter.

S'agissant du niveau local, autant j'ai du mal à me convertir au localisme, autant je considère qu'il est essentiel de savoir où s'approvisionner en cas de crise – ce que nous avons fait pendant le covid. La concentration urbaine est un fait, qui amène à devoir chercher sa nourriture chez les voisins. Les programmes alimentaires territoriaux présentent un intérêt de valorisation agricole tout en permettant de fournir le système d'ensemble – les cantines, la restauration. Les Bretons, par exemple, fournissent plus qu'ils ne produisent et heureusement, car la terre d'Île-de-France ne peut pas produire suffisamment pour l'ensemble de ses habitants. Aussi devrons-nous accepter d'envisager le localisme dans une version élargie – d'autant que, si l'on veut des pêches, mieux vaut les chercher dans le Languedoc-Roussillon qu'en Bretagne, le dire ne fait offense à personne.

Dans la stratégie de résilience que le ministère travaille à élaborer, la priorité est la construction de la chaîne alimentaire, en envisageant le pire pour l'éviter, ou pour l'anticiper. Le local peut avoir cette vertu, outre celle de mieux valoriser une partie des produits de certains territoires.

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Le budget du Programme alimentaire mondial, qui veut assurer la sécurité alimentaire aux populations qui en ont besoin, représente 10 milliards d'euros par an, contre 6 milliards pour les casques bleus et les opérations de maintien de la paix. L'on dépense donc largement plus d'argent, et c'est heureux, pour aider des personnes à se nourrir partout dans le monde que pour envoyer des casques bleus.

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Monsieur le ministre, je vous remercie de rappeler l'indispensable combat pour notre souveraineté alimentaire. La disponibilité, la gestion et la sécurisation de nos ressources agricoles sont remises en question par l'instabilité géopolitique et par le changement climatique. Il est toujours utile de se l'entendre dire, y compris dans notre commission. L'actualité en Europe de l'Est montre que ces ressources peuvent devenir un enjeu puissant, voire une arme de guerre.

En novembre 2022, lors d'un entretien accordé à Ouest France, notre ministre des armées, Sébastien Lecornu, mettait en exergue un chantage aux matières premières alimentaires. La guerre en Ukraine montre que ces ressources peuvent être instrumentalisées à des fins géopolitiques et militaires. Le non-renouvellement de l'accord céréalier ukrainien par Vladimir Poutine en juillet 2023 en témoigne. La semaine dernière, nous avons aussi évoqué notre vulnérabilité s'agissant des stocks d'engrais.

Comment renforcer la souveraineté alimentaire française et notre autonomie en matière de production agricole ? Une politique nationale de stockage public des denrées alimentaires est-elle envisageable en cas de crise ? Les politiques interministérielles sont-elles renforcées ?

Par ailleurs, sans les dévoiler, pouvez-vous nous indiquer quels types d'opérateurs d'importance vitale sont listés par votre ministère dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture ?

Enfin, la volaille ukrainienne entre en concurrence déloyale avec la production de nos agriculteurs. Comment renforcer le contrôle de qualité des denrées importées à nos frontières, en particulier dans nos ports, qui sont stratégiques en la matière ? Faut-il l'accroître dans les ports français ou directement dans les pays compétiteurs ? Les normes de qualité font partie de notre souveraineté. Envisagez-vous des renforcements de procédure, comme Gabriel Attal s'y était engagé ?

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Marc Fesneau, ministre

Concernant la volaille, notre taux d'auto-approvisionnement était à peu près le même avant la guerre en Ukraine. Le problème, c'est qu'il n'est pas possible de construire des bâtiments d'élevage de volailles dans notre pays : plus personne n'en veut dans son voisinage, pour des raisons esthétiques, d'odeur ou autres. Pourtant, si nous voulons notre souveraineté, il faudra assumer d'en construire. Le plan de reconquête de la souveraineté de l'élevage fixera d'ailleurs des objectifs en la matière, dont un objectif de production, ce qui implique des bâtiments supplémentaires. Nous devons assumer collectivement le fait que cette reconquête de la filière avicole passera par plus d'élevage. En Ukraine, les bâtiments d'élevage comptent jusqu'à plusieurs millions de volailles : cessons de vilipender chez nous les élevages de 15 000 volailles ! Il s'agit d'élevages plutôt petits, qui permettent à des personnes implantées en zone intermédiaire de disposer d'un complément. Il faut sortir des images d'Épinal. Si nous considérons qu'un élevage de 3 000 poulets répartis en quatre bâtiments est industriel, il sera compliqué de reconquérir notre souveraineté en la matière. Il faut être cohérents.

La question des stocks stratégiques est intéressante. C'est un vieux débat européen, On imagine mal qu'elle puisse se régler au niveau national, mais dans le cadre européen, elle a fini par une course à la production qui a coûté une fortune. Il faut commencer par identifier les sites stratégiques. Les sites d'eau en sont, par exemple – si, dans sa guerre contre l'Ukraine, Poutine bombarde les barrages, ce n'est pas seulement pour couper l'alimentation hydroélectrique. Par ailleurs, nous avons des stocks stratégiques de pétrole et de médicaments. La question de leur utilité, qui doit s'envisager du point de vue de la solidarité européenne, doit faire partie de notre travail de résilience.

Je reviens aux poulets ukrainiens. Ils n'arrivent pas dans nos ports, mais plutôt dans les ports néerlandais ou polonais. Le premier sujet est celui de l'« européanisation » de ces volailles : elles entrent en Pologne, elles sont transformées et elles deviennent européennes. Il faut donc mener des contrôles dans les ports, et il me semble souhaitable qu'ils soient effectués par un organisme européen, pour s'assurer que chaque État membre joue la même partition. Environ 1 % des produits contrôlés sont jugés non conformes. Je n'ai pas le sentiment que nous soyons suffisamment opérants. Un corps de contrôle européen doté de moyens suffisants doit pouvoir vérifier qu'un poulet estampillé d'Europe répond bien aux normes européennes. C'est valable pour le miel et bien d'autres produits. Force est de reconnaître qu'il existe des opérateurs indélicats.

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Votre présence dans cette commission illustre aussi bien notre stratégie transpartisane, dans une acception large du concept de défense nationale, que la prise de conscience de la nécessité d'une politique de souveraineté alimentaire et industrielle stratégique, telle que la défend le Président de la République. Avec le covid puis la guerre en Ukraine, nous avons appris deux fois la leçon de notre dépendance aux flux mondiaux et de l'extrême fragilité de ceux-ci.

Où en sont la cartographie et l'identification des fragilités des facteurs de production clés ? Où en sommes-nous de la relocalisation de la production de certains produits, comme les engrais azotés, ou de la construction d'alternatives ? Existe-t-il des outils juridiques de blocage des exportations de certaines matières premières agricoles, en cas de crise ? Avons-nous des plans par filière ?

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Marc Fesneau, ministre

Il y a encore trois ans, nous n'aurions même pas commencé cette conversation. Nous considérions que, même si nous perdions un peu de notre autosuffisance, la question de notre souveraineté n'était pas essentielle.

Des plans de souveraineté, il en existe. Je vous invite à regarder ce que nous faisons pour la filière fruits et légumes, pour la filière blé dur, pour la filière protéines : des plans, des moyens et, parfois, de la PAC. Nous avons besoin de travailler la question des engrais azotés, qui se pose depuis la crise ukrainienne – car jusqu'à présent, tout le monde se félicitait que les Biélorusses et les Russes nous fournissent en engrais azotés : c'était la théorie des avantages comparatifs ! Un plan de reconquête engrais sera confié à Agnès Pannier-Runacher. Ce qui veut dire que, comme pour les bâtiments d'élevage de volailles, il faudra accepter d'avoir des usines qui produisent des engrais ! Il faudra aussi réfléchir au passage des engrais minéraux vers les engrais organiques. Le sujet est compliqué, dès lors que les zones qui ont besoin d'engrais ne sont pas tout à faire celles d'élevage : avec le coût du transport, la rationalité économique n'est pas encore avérée. Ce qui m'amène à noter que regagner sa souveraineté a un coût, et donc un prix.

La volaille et le porc sont avant tout une question de simplification. La volaille est un bel objet de diversification pour les producteurs qui ont de grandes cultures, notamment dans les zones intermédiaires, je l'ai déjà dit.

Vous le voyez, l'objectif est de continuer à développer des plans de souveraineté filière par filière, avec les moyens de la planification écologique.

Nous avons aussi besoin de construire, territoire par territoire, ce qui changera en raison du dérèglement climatique. En Languedoc-Roussillon, peut-on diversifier, cultiver plus d'oliviers ? C'est marginal, mais si cela permet de couvrir des besoins – car nous ne sommes pas autosuffisants en olives – tout en étant une réponse au dérèglement climatique, il n'est pas inutile d'y réfléchir.

S'agissant des stocks stratégiques, je l'ai dit, s'interroger sur leur utilité est une bonne chose. Quant à chercher des moyens d'empêcher des exportations, ce serait se compliquer la vie. En cas de crise, par exemple si nous risquions de manquer de céréales, nous saurions délibérer aussi rapidement que nous l'avons fait lors de la pandémie de covid. Ne nous faisons pas trop peur. En céréales, en lait, en pomme de terre et en sucre, qui sont autant de produits de base, nous sommes un gros opérateur mondial. Il importe d'ailleurs de penser la résilience à l'échelle européenne, car si nous devions fermer nos frontières pour le sucre, l'orge et d'autres céréales, l'effet s'en ferait sentir dans le monde entier ! Il faudrait une situation de crise dramatique pour décider de sortir du marché.

Bref, le plan de résilience doit déterminer quels sont les produits stratégiques. Cela commence par les céréales, qui sont au début de la chaîne d'alimentation.

Par ailleurs, nous pouvons toujours décider de ne pas délivrer d'agrément d'export, ce n'est pas compliqué. Mais nous n'en sommes pas encore là.

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Nous devrons aussi réfléchir aux stocks que les citoyens eux-mêmes pourraient être appelés à constituer, comme c'est le cas dans d'autres pays. En France, on a toujours tendance à penser que l'État pourvoira…

Nous en venons aux questions des autres députés.

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La filière volaille s'inquiète de l'augmentation des importations de volailles ukrainiennes, qui ont bondi de 180 % avec la libéralisation du marché intérieur décidée en soutien à l'Ukraine. Entre 15 000 et 25 000 tonnes de volailles arrivent chaque mois en Europe. En France, les importations de volailles ont augmenté de 74 % au premier semestre 2023. Bref le marché européen est inondé de poulets ukrainiens, que nous retrouvons dans des produits transformés qui sont au moins deux fois moins chers que ceux produits en France. Notre soutien à l'Ukraine doit rester sans faille et ne se questionne pas. Cependant, il doit s'accompagner de protection pour nos éleveurs français. Quelles mesures comptez-vous prendre pour protéger le marché intérieur ? Comment contrer des productions intensives issues de bâtiments comptant jusqu'à plusieurs millions de poulets dont la qualité est discutable – sans même parler du respect du bien-être animal ? Comme faire, alors qu'il est difficile d'implanter de nouveaux élevages en France ?

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Notre modèle agricole industriel nous rend dépendants des intrants – engrais et pesticides – que nous importons massivement alors que nous pourrions nous en passer. Vous avez dit que vous ne saviez pas faire sans, mais de nombreux chercheurs ne demandent qu'à enseigner de nouvelles façons de procéder. Comment faire de la souveraineté alimentaire une priorité en continuant à prendre des mesures qui vont à l'encontre de la préservation de la biodiversité et du vivant ? Je pense notamment à la suspension du plan Écophyto.

Par ailleurs, est-il prévu d'ouvrir un groupe de réflexion interministériel, comme le préconise l'Observatoire Défense et Climat dans son rapport publié en avril 2023 et intitulé « Les ressources agricoles face aux changements climatiques : enjeux de défense et de sécurité » ? Comment engager une coordination entre le ministère des armées et celui de l'agriculture pour garantir que les questions de sécurité alimentaire soient intégrées à la stratégie française de défense ?

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Nous exprimons depuis longtemps notre préoccupation quant à une potentielle perte de notre souveraineté industrielle et militaire, raison pour laquelle nous avons toujours défendu la production de nos armes et de nos munitions en France, en parallèle d'un soutien massif à nos entreprises du secteur de la défense. Les crises internationales ne sont pas à exclure, comme en témoigne la situation liée à la guerre en Ukraine depuis le 24 février 2022. Nous avons fait face à des tensions concernant nos importations – notamment de munitions de petit calibre, pour lesquelles nous pensions être à l'abri de toute difficulté d'approvisionnement. Le problème est le même pour l'agriculture : nous devons être en mesure de nourrir notre peuple si les soubresauts géopolitiques venaient à entraver nos importations de produits alimentaires.

Monsieur le ministre, vous qui avez défendu des traités de libre-échange avec le monde entier, êtes-vous désormais conscient de la nécessité, pour notre pays, d'atteindre une souveraineté alimentaire en défendant nos agriculteurs et nos pêcheurs ? Ceux-ci ne peuvent plus être confrontés à une concurrence déloyale, qui met en danger non seulement leurs exploitations mais aussi la sécurité alimentaire globale de la France en cas de difficultés d'approvisionnement.

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Les dérèglements climatiques bouleverseront les stratégies de sécurité alimentaire des États, ce qui entraînera des réactions en chaîne dans les écosystèmes et un risque accru de crise fragilisant les systèmes agricoles. En réponse à ces enjeux, on constate un mouvement de protection des souverainetés alimentaires nationales et de hausse des tensions géopolitiques.

L'offensive menée par la Russie contre l'Ukraine a bouleversé la sécurité alimentaire mondiale. En bloquant l'exportation des céréales ukrainiennes, la Russie déstabilise les marchés mondiaux et plonge de nombreux pays dans un risque de crise alimentaire.

Pensez-vous que notre pays soit à l'abri de toute tentative de déstabilisation par une autre puissance géostratégique usant de tactiques alimentaires ? Ce conflit montre les risques que présente une dépendance trop importante aux denrées étrangères. L'autonomie stratégique alimentaire française est-elle assurée ? Dans le cas contraire, de quels pays dépendons-nous le plus sérieusement pour notre approvisionnement alimentaire ?

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Le dérèglement climatique risque d'amoindrir les espaces cultivables en France : les incendies, les sécheresses, les inondations et les pluies torrentielles font de l'agriculture et de l'élevage des activités de plus en plus difficiles dans nombre de nos départements. Avons-nous la capacité de conserver notre souveraineté alimentaire ? Si nos espaces agricoles exploitables étaient conduits à se réduire ou à abaisser leur productivité, comment pourrions-nous compenser ces pertes sans dépendre davantage des importations ?

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Monsieur le ministre, puisque vous m'avez fait le plaisir de citer plusieurs fois les Pyrénées-Orientales et que vous avez pu constater en vous rendant à Terrats et à Perpignan à quel point la sécheresse nous frappait, je vous invite à ne pas oublier nos viticulteurs et nos paysans.

La guerre en Ukraine soulève de nombreux problèmes agricoles, dont un majeur, lié à l'engrais. La Russie étant le deuxième exportateur mondial, le conflit a fait flamber les cours. La Chine, premier exportateur de ce produit de fertilisation, a décidé de ralentir ses exportations pour ne pas appauvrir ses stocks et subir des pénuries, ce qui aggrave les tensions sur le marché. En 2021, le haut-commissariat au plan indiquait que la France importait 60 % des engrais qu'elle consommait. Dans l'hypothèse de l'entrée dans un conflit de haute intensité, comme notre pays se projette-t-il pour garantir suffisamment d'engrais à nos agriculteurs et éviter une crise alimentaire ?

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Marc Fesneau, ministre

Nous avions déjà des volailles ukrainiennes, mais la conjonction de la baisse des droits de douane et de la crise en France a produit la situation que nous connaissons. Il me semble que nous devons réfléchir à l'information du consommateur et à l'étiquetage, européen ou national. Il faut pouvoir vérifier que des produits extérieurs à l'Union à vingt-sept ne sont pas vendus comme étant européens. La transparence a son intérêt.

J'en profite pour aborder la question du bien-être animal. C'est un sujet légitime de préoccupation, que je partage, contrairement à la caricature qui est faite de mes positions. En revanche, il ne doit pas être avancé pour en rabattre sur la souveraineté et la sécurité alimentaires. Je le dis clairement. Je ne laisserai pas d'autres que nous nourrir l'extérieur de l'Europe au seul motif du bien-être animal. Certains pays demandent des animaux vivants : il est normal d'essayer de travailler à l'amélioration des conditions de transport. Mais il ne faut pas qu'à la fin, Poutine puisse nourrir seul l'extérieur de nos frontières. Certes, nous aurions les mains propres, mais nous n'aurions plus de mains ! C'est l'illustration de la nécessité collective que nous avons de sortir de la naïveté.

S'agissant du modèle agricole, j'aime beaucoup les chercheurs, mais montrez-moi celui qui expliquera qu'il est possible de faire de l'agriculture sans fertilisation. Je vous assure qu'il faut de la fertilisation et des engrais – lesquels peuvent être de différente nature. Il n'y a pas d'agriculture sans fertilisation, il va falloir qu'on se le dise ! Ne nous focalisons pas sur les engrais, qui peuvent être minéraux ou organiques.

De la même façon, je veux bien qu'on fasse les grands soirs sans les produits phytosanitaires, mais on va vite collapser. On a privé les agriculteurs français, et seulement eux, de certains produits. Résultat, on ne produit plus ! Je ne dis pas que nous ne trouverons pas de techniques alternatives, mais pour l'instant, nous ne les avons pas. Nous sommes le gouvernement qui a engagé le plus de moyens dans ce domaine, à hauteur de 250 millions d'euros. Personne ne l'avait fait avant nous. Je suis donc très à l'aise sur ce sujet. Mais, tout comme la recherche médicale cherche depuis cinquante ans des vaccins pour contre certaines maladies, nous devrons arriver à dire en conscience que nous n'avons pas trouvé de solution alternative pour certains engrais. Je comprends l'impatience, mais il y a trois ans, on a affirmé avoir trouvé la solution pour la betterave : au premier aléa, nous avons perdu 40 % de production ! C'est compliqué – mais, oui, il faut chercher des alternatives.

La suspension du plan Écophyto, je le répète, visait à travailler sur l'indicateur. Cela n'a pas raboté les ambitions. Les programmes de recherche n'ont pas été interrompus, ni à l'Inrae, ni dans les instituts techniques, et on dépote ! Mon intérêt est qu'on trouve des stratégies alternatives et qu'on réduise les produits phytosanitaires, en particulier ceux qui causent le plus de risques, puisqu'à terme, ils seront éliminés : mieux vaut préparer les agriculteurs plutôt que les placer au pied du mur.

Oui, nous devons nous coordonner avec nos collègues de la défense, pour de nombreux sujets. Cela fait partie du travail que vous menez et qui nous incitera à réfléchir collectivement à la résilience que l'on veut organiser.

Oui, Monsieur Rancoule, il faut nourrir le peuple. Mais, vous qui êtes d'une terre viticole, si j'ai bonne mémoire, vous savez que le commerce n'est pas à la carte. Si l'Aude refuse les produits qui viennent d'ailleurs…

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Il faut réguler le marché. Nous subissons aussi les importations de vin espagnol.

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Marc Fesneau, ministre

On peut fermer la frontière avec l'Espagne, mais vous me direz ce que l'on fait alors des vaches françaises… Vouloir entrer en conflit au moindre problème, c'est un modèle qui conduit à la mort de l'agriculture française. Nous ne pouvons pas faire la guerre économique avec tout le monde : si nous refusons le vin espagnol, il faudra arrêter d'exporter des céréales, du lait, du vin, des fromages, de l'orge ! Et puis, il faut peut-être s'intéresser aux gens qui, en France, profitent des périodes de crise sur le dos des viticulteurs audois ou français. J'ai à l'œil les opérateurs français qui maximisent leurs profits : tout n'est pas de la faute des Espagnols.

Le jour où nos voisins ne voudront plus de nos bovins ou de notre blé dur, nous n'aurons rien gagné, à part donner à Poutine ce qu'il voulait : la guerre de l'Europe contre elle-même. Et je ne suis pas sûr que les viticulteurs audois y gagneraient. Certes, les accords internationaux doivent envisager les filières qui sont plus en difficulté que d'autres, comme les ovins, ou les bovins parfois. Mais le Ceta (Accord économique et commercial global) est bon pour l'agriculture française. Il permet 200 millions de plus d'exportations françaises, c'est un fait. Ceux qui voteront contre devront expliquer aux producteurs laitiers qu'ils les ont privés de 200 millions d'export. Chacun doit assumer ses positions. Je ne suis pas le tenant d'un libre-échange acharné, mais nous avons besoin de commerce – plus équilibré, certes. L'Aude est un pays d'export. Or le commerce est une affaire d'exportations et d'importations.

Par ailleurs, le sursaut inflationniste actuel est la conséquence de la guerre en Ukraine. Ce n'est pas une surchauffe économique : le fait est que le secteur est très énergivore, et qu'une augmentation des prix du pétrole, du gaz et du reste se répercute nécessairement dans toute la chaîne de production. Nous avons besoin de penser la chaîne de production globale : le prix du gaz en Russie a des effets sur celui de nos bouteilles de vin.

Monsieur Cubertafon, la stratégie russe de déstabilisation des marchés, des territoires et de l'Union européenne requiert la plus grande vigilance. Je n'ai pas salué les mesures unilatérales des Polonais pour fermer leurs frontières parce qu'ils étaient débordés de céréales ukrainiennes, mais l'impératif européen est tout de même que la Commission réponde et ne les laisse pas seuls durant des mois en expliquant qu'à l'échelle macro-européenne, il n'y a pas de problème. La stratégie russe de déstabilisation vis-à-vis des Ukrainiens est claire. Si les Russes avaient gagné la guerre dans les deux premières semaines, leur puissance agricole leur aurait donné la capacité de mettre le feu au monde. On ne peut pas regretter le monopole américain ou chinois et ne pas s'inquiéter d'un monopole russo-ukrainien ! La plus grande vigilance est de mise s'agissant des fertilisants et des céréales, qui sont en début de chaîne de production, y compris pour la viande. C'est ainsi que nous construirons notre autonomie stratégique alimentaire.

M. Bru a soulevé la question des espaces cultivables. L'accaparement des terres arables est un sujet de souveraineté pour les pays qui en seront victimes. Pour la première fois, certains pays vont porter leur puissance agricole au-delà de leurs frontières. Second élément, certaines terres risquent de perdre en productivité. Nous n'en sommes pas tout à fait encore là, mais il faut changer le modèle de certains territoires pour garantir leur résilience. Cela ne signifie pas qu'on ne fera plus d'agriculture, mais plus comme avant. Un troisième risque, qui n'est pas principalement européen, est celui de l'usure et de la perte de fertilité des terres agricoles liées au surpâturage et à la surexploitation – c'est évident en Mongolie, par exemple, avec le surpâturage des chèvres qui donnent le cachemire, principale richesse du pays. Chez nous, la principale question est celle du changement climatique et de l'érosion – un sujet qui va prendre de l'ampleur.

Madame Martinez, je n'ai pas l'impression d'oublier les viticulteurs dans les Pyrénées-Orientales, ni d'ailleurs personne !

S'agissant des engrais, nous devons continuer à identifier les secteurs stratégiques – les engrais sont absolument essentiels, de même que les outils de biocontrôle, les produits phytosanitaires et les semences. Je n'ai aucune intention que des pays autres que les Européens ou la France tiennent les semences. Nous devons aider nos leaders mondiaux, plus que nous leur causons des ennuis. Je préfère qu'on détienne la propriété de la semence chez les Vingt-Sept qu'ailleurs, quel que soit cet ailleurs.

Je vous remercie de votre invitation. Nous devrons approfondir certains sujets. Ces discussions m'invitent aussi à travailler davantage encore avec mon collègue Sébastien Lecornu : quelques processus gagneraient notamment à être accélérés.

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Merci, Monsieur le ministre, pour cette audition éclairante et pour votre hauteur de vue géopolitique. Nous sommes rassurés de constater que vous prenez en compte, dans vos travaux, les sujets de défense. Nous vous encourageons à poursuivre vos efforts. Nous vous proposerons peut-être, dans quelques mois, de vous rencontrer au ministère pour approfondir ces sujets et faire un point de situation. Vous pourrez compter sur chaque député de la commission de la défense pour mettre en avant l'argument de souveraineté afin de soutenir notre agriculture et les transformations qui s'imposent.

La séance est levée à dix-huit heures cinquante-trois

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Christophe Bex, M. Frédéric Boccaletti, M. Vincent Bru, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Thomas Gassilloud, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Gisèle Lelouis, Mme Patricia Lemoine, Mme Murielle Lepvraud, Mme Michèle Martinez, Mme Lysiane Métayer, Mme Josy Poueyto, M. Julien Rancoule, M. Lionel Royer-Perreaut, Mme Nathalie Serre, M. Philippe Sorez, Mme Sabine Thillaye, Mme Mélanie Thomin, Mme Corinne Vignon

Excusés. - M. Julien Bayou, M. Christophe Blanchet, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Martine Etienne, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Anne Genetet, M. Olivier Marleix, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, M. Mikaele Seo

Assistait également à la réunion. - Mme Manon Meunier