La réunion commence à neuf heures trente.
La commission examine la proposition de loi visant à visant à garantir le versement des pensions alimentaires aux enfants majeurs (n° 2128) (M. Vincent Thiébaut, rapporteur).
Nous examinons, ce matin, la proposition de loi visant à garantir le versement des pensions alimentaires aux enfants majeurs, déposée par le groupe Horizons et apparentés. Elle sera discutée en séance publique jeudi prochain dans le cadre de la journée réservée à ce groupe.
Lors du grand débat national de 2019, le Président de la République avait formulé le vœu d'un « système où l'on puisse recouvrer beaucoup plus rapidement l'argent auprès des mauvais payeurs » pour mettre fin à l'injustice subie par de nombreux parents – très majoritairement des mères – qui peinent à recevoir la pension alimentaire qui leur est due.
Dans leur rapport préfigurant la création de l'Agence de recouvrement pour les impayés de pension alimentaire (Aripa), l'Inspection générale des affaires sociales, l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des services judiciaires estimaient, en 2016, le taux d'impayés à 35 % – soit 315 000 personnes sur 900 000 parents créanciers. Grâce à la succession des réformes entreprises depuis lors, ce taux avoisine désormais 25 %. C'est une amélioration incontestable, mais ce n'est pas suffisant.
En effet, rappelons que la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, plus couramment nommée pension alimentaire, est un droit, clairement affirmé à l'article 371-2 du code civil, que le parent créancier est fondé à demander au parent débiteur.
La mise en place de l'Aripa, le 1er janvier 2017, a marqué une étape décisive dans l'amélioration du recouvrement des créances et le versement, le cas échéant, des aides sociales adaptées à la situation du parent créancier. Dans une optique de prévention des impayés, et non plus seulement de simples recouvrements, la constitution d'un véritable service public d'intermédiation financière des pensions alimentaires, le 1er juin 2020, a conforté cette avancée.
Néanmoins, étant donné qu'une intermédiation fondée uniquement sur la base du volontariat des parents ne permettait pas une montée en charge suffisamment puissante pour pallier les défaillances des parents débiteurs, nous avons mis en place, depuis le 1er janvier 2023, une intermédiation financière systématique pour la partie en numéraire des pensions alimentaires.
Concrètement, toute pension alimentaire fixée par un titre exécutoire – c'est-à-dire une décision judiciaire ou une convention entre les parents, homologuée par un juge ou par l'organisme débiteur des prestations familiales – est versée automatiquement, par l'intermédiaire de la caisse d'allocations familiales (CAF) ou de la Mutualité sociale agricole (MSA), selon la situation des parents.
Le principe de l'intermédiation est donc désormais la norme, sous réserve de deux exceptions : en cas de refus des deux parents, exprimé dans le titre exécutoire et pouvant intervenir à tout moment ; et, à titre exceptionnel, lorsque le juge estime, par décision spécialement motivée, le cas échéant d'office, que la situation de l'une des parties ou les modalités d'exécution de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant sont incompatibles avec sa mise en place.
Lorsque le parent débiteur a fait l'objet d'une plainte ou d'une condamnation pour des faits de menaces ou de violences volontaires sur le parent créancier ou l'enfant, l'intermédiation financière est automatique, même en cas de refus du parent violent.
S'il est évidemment prématuré de dresser le bilan de ce dispositif récent, tous les acteurs auditionnés lors des travaux préparatoires ont témoigné de sa très forte montée en puissance. Ils appellent désormais à une consolidation et à une appropriation de l'outil par les différentes parties prenantes, qu'il s'agisse des parents eux-mêmes ou des avocats.
Le dispositif que je vous présente aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de ces différentes réformes. Il vise à répondre à une situation que nous peinons à quantifier mais qui n'en demeure pas moins réelle : celle des enfants majeurs percevant directement la pension alimentaire de la part du parent débiteur.
Il est difficile d'évaluer le nombre d'enfants majeurs qui perçoivent directement la pension alimentaire puisque ce versement intervient, dans bien des cas, de manière informelle, par un accord oral entre les deux parents, dès lors que le jeune quitte le foyer familial du parent qui en a la charge pour suivre ses études.
Néanmoins, les travaux préparatoires à l'examen de ce texte ont permis d'évaluer que 5 % des cas de médiation familiale assurée par les CAF concernent les relations entre parents et enfants adolescents ou jeunes majeurs. Ces médiations n'ont certes pas toutes pour objet le versement des pensions alimentaires, mais ce chiffre donne, malgré tout, un ordre de grandeur.
Si, dans la majorité des cas, le versement de la pension à l'enfant est donc informel, cette possibilité est toutefois expressément prévue par la loi puisque l'article 373-2-5 du code civil dispose que « le juge peut décider ou les parents convenir que la contribution sera versée en tout ou partie entre les mains de l'enfant », notamment majeur.
Dans cette situation, le versement de la pension alimentaire reste un droit dû au parent créancier et non à l'enfant majeur, qui ne peut d'ailleurs pas solliciter ce versement auprès du juge aux affaires familiales. Par conséquent, en cas de difficulté de versement, c'est toujours le parent qui a la charge principale de l'enfant qui doit engager une procédure pour le recouvrement de la créance puisque la décision qui fixe la pension alimentaire crée une obligation entre les deux parents et non envers l'enfant.
Cette situation peut être délicate pour le jeune majeur devenu autonome qui ne souhaite pas forcément ouvrir un conflit entre ses deux parents mais a néanmoins besoin de sa pension alimentaire mensuelle pour vivre. Je rappelle, en effet, que la pension alimentaire n'est pas qu'une simple obligation alimentaire couvrant les besoins vitaux, telle que définie aux articles 205 et 207 du code civil. Nous parlons bien ici d'un montant suffisamment élevé pour couvrir les besoins d'entretien et d'éducation de l'enfant, comme les frais de scolarité par exemple.
Dans un contexte de soutien au pouvoir d'achat de ces jeunes qui vivent souvent dans la précarité, je souhaite, par cette proposition de loi, leur ouvrir la possibilité de bénéficier de l'intermédiation financière afin de prévenir les situations d'impayés.
L'article 1er de la proposition de loi complète, d'une part, les dispositions du code civil relatives à la situation de l'enfant majeur percevant la pension alimentaire en précisant que l'intermédiation financière, prévue depuis le 1er janvier 2023 pour les parents, est mise en place lorsque la contribution est directement versée à l'enfant majeur. Dans le respect de la notion d'autorité parentale, telle qu'elle est conçue par notre droit, cette intermédiation ne pourra pas être sollicitée directement par l'enfant mais nécessitera l'accord des deux parents ou une décision du juge.
D'autre part, les dispositions relatives au rôle des organismes débiteurs des prestations familiales dans l'intermédiation financière, définies à l'article L.582-1 du code de la sécurité sociale, sont étendues à la situation de l'enfant majeur.
Un décret en Conseil d'État viendra préciser les modalités pratiques d'extension de ce dispositif aux jeunes majeurs afin de préserver, notamment, la spécificité des droits ouverts aux parents débiteurs qui ne pourront pas l'être aux enfants majeurs.
Je vous proposerai, par ailleurs, de différer l'entrée en vigueur du dispositif afin que toutes les parties prenantes puissent s'en saisir et déployer les moyens nécessaires à sa mise en œuvre opérationnelle.
L'article 2 prévoit, de manière assez habituelle, la compensation financière de la charge que devront supporter les organismes débiteurs des prestations familiales pour financer et déployer, notamment, un nouveau système d'information.
Pour conclure, je tiens à remercier mon amie Anne Reymann, qui m'a inspiré cette proposition de loi. Travaillant à l'université de Strasbourg, elle voit trop souvent, malheureusement, des étudiants en situation de grande précarité.
Notre code civil prévoit une obligation alimentaire réciproque entre les parents et leurs enfants. Derrière le langage de prétoire, c'est l'un des fondements de notre conception de la famille qui se fait jour : la solidarité entre les individus qui la composent, qui perdure par-delà les évolutions que peuvent lui faire subir les épreuves de la vie. Ainsi, même en cas de séparation, les parents demeurent tenus de contribuer à l'entretien et à l'éducation de leurs enfants par le biais d'une pension alimentaire versée à celui ou celle qui en assume la charge.
Néanmoins, d'aucuns refusent parfois de se soumettre à ce devoir, tandis que d'autres peinent à y obéir, malgré leur bonne volonté. L'un comme l'autre de ces écueils sont susceptibles de porter préjudice au parent créancier de la pension ainsi qu'à l'enfant. C'est pour pallier cette difficulté qu'ont été créés l'Aripa et le service public d'intermédiation financière des pensions alimentaires qui propose, outre le recouvrement des impayés, conseil et accompagnement aux parents séparés ou en cours de séparation.
Depuis sa création, et sous l'impulsion de la majorité présidentielle, l'Aripa a vu ses missions s'étoffer, notamment par la systématisation de son intervention en matière d'intermédiation et par l'extension de son périmètre d'action à toutes les décisions de justice fixant une pension alimentaire ainsi qu'au divorce par consentement mutuel.
Le texte que nous examinons s'inscrit dans le prolongement de ces réformes en permettant à l'Aripa d'intervenir dans les situations où le parent débiteur de la pension verserait directement celle-ci entre les mains de son enfant majeur. Cette situation peut en effet se présenter dans certaines circonstances, qui restent pour le moment hors du champ d'action de l'Aripa car l'intermédiation ne peut intervenir qu'entre le parent débiteur et le parent créancier.
Nous partageons votre objectif et nous savons que vous échangez actuellement avec le Gouvernement afin de rendre le dispositif aussi efficace que possible. Nous soutiendrons donc votre proposition de loi.
Je salue cette initiative qui vise à garantir le versement des pensions alimentaires aux enfants majeurs. C'est un sujet important qui mérite toute notre attention et tout notre engagement.
Au nom du groupe Rassemblement National, je tiens à exprimer notre soutien à l'article 1er : il est fondamental de garantir que les enfants majeurs qui dépendent encore financièrement de leurs parents ne soient pas laissés dans une situation de précarité en cas de non-versement de la pension alimentaire.
Nous constatons trop souvent que les enfants majeurs encore en formation, et dépendants de leurs parents, se retrouvent dans une situation précaire lorsque ces pensions ne sont pas versées. Cela peut compromettre leurs études, leur accès à un logement décent, voire leur capacité à subvenir à leurs besoins essentiels et donc à se construire.
Nous saluons l'effort qui vise à ouvrir à ces enfants l'accès au service public d'intermédiation financière des pensions alimentaires, ce qui leur assurera une sécurité financière essentielle. En favorisant leur autonomie et leur insertion sociale, nous investissons dans l'avenir de notre société et nous réduisons le risque de marginalisation.
Je tiens à souligner l'esprit d'avancée du groupe Rassemblement National sur cette question : il est essentiel de travailler ensemble pour trouver des solutions à même de protéger les intérêts des enfants et de soutenir les familles.
Dans son rapport sur les inégalités en France, l'Observatoire des inégalités indique que le taux de pauvreté des 18-29 ans est passé de 8,2 % en 2002 à 12,5 % en 2018 – soit une progression de 50 %, avant même la crise sanitaire.
Face aux impayés des pensions alimentaires dues aux enfants majeurs, il est indispensable d'améliorer le recouvrement des pensions. Aussi la proposition de loi vise-t-elle à permettre aux enfants majeurs de bénéficier du service d'intermédiation pour percevoir la pension sans avoir recours au parent créancier. Cela constitue une avancée.
Toutefois, ces jeunes seront, comme leurs mères avant eux, placés en position de demandeurs et confrontés aux défaillances des recouvrements. Certes, ils n'auront plus à passer par le parent créancier, mais ils supporteront, comme leurs mères, une charge mentale. Combien seront-ils à hésiter à lancer une procédure ?
C'est pourquoi, si nous voterons ce texte, nous défendrons néanmoins un amendement qui prévoit la remise d'un rapport évaluant l'effectivité des dispositifs de recouvrement en cas d'impayé de pension alimentaire.
Nous continuerons également à défendre la nécessité de passer d'une solidarité reposant sur la famille à une solidarité nationale afin d'assurer l'émancipation des jeunes. Sur ce point, nous regrettons votre refus d'instaurer une garantie d'autonomie, laquelle constitue pourtant une première étape essentielle vers l'autonomie de la jeunesse.
Les impayés de pension alimentaire demeurent un phénomène trop récurrent, contre lequel nous devons lutter ; nous partageons tous, je crois, cette volonté. À cet égard, la création par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 d'un service public d'intermédiation financière des pensions alimentaires a constitué une avancée largement saluée. Ce service ne s'applique cependant pas aux enfants majeurs ; c'est tout le sens de cette proposition de loi, qui prévoit d'en étendre le bénéfice aux enfants majeurs qui ne sont pas encore autonomes financièrement.
Une telle évolution est-elle nécessaire ? Aujourd'hui, une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant est prévue par le code civil en cas de séparation. Cette contribution prend souvent la forme d'une pension versée par le parent qui n'a pas la garde au parent qui l'a. Or, son versement ne s'arrête pas nécessairement à la majorité de l'enfant. En effet, lorsque celui-ci ne peut subvenir seul à ses besoins à ses 18 ans, elle continue d'être versée au parent qui a la charge de l'enfant majeur ou directement entre les mains de l'enfant.
Cette continuation du versement se comprend bien, à l'heure où de nombreux jeunes font des études de plusieurs années. Autrement dit, il s'agit d'éviter que, aux 18 ans de l'enfant, la charge de ses années de formation académique et professionnelle incombe exclusivement à l'un de ses deux parents,
En toute logique, les phénomènes d'impayés de pension, que l'Inspection générale des affaires sociales estimait compris entre 20 % et 40 % en 2016, ne disparaissent pas par magie lorsqu'un enfant atteint 18 ans. Dès lors, les protections attachées au paiement de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant devraient être les mêmes tout au long de son versement, avant comme après 18 ans.
C'est précisément l'objet de cette proposition de bon sens. C'est pourquoi, le groupe Les Républicains soutiendra pleinement son adoption.
Grâce à ce texte, notre commission a l'occasion de supprimer un angle mort de la politique familiale. Certains parents n'honorent pas la pension alimentaire due à leurs enfants majeurs. Il est donc proposé de rendre éligibles ces enfants au service public d'intermédiation financière des pensions alimentaires, créés par notre majorité en 2020. Je remercie le groupe Horizons d'avoir inscrit cette proposition de loi dans sa niche parlementaire.
En rendant éligibles les enfants majeurs au service public des pensions alimentaires, ce texte permet de faire respecter l'obligation de soutien financier dont un parent, même séparé, doit s'acquitter envers ses enfants, qu'ils soient mineurs ou majeurs. Constituant bien plus qu'une simple obligation alimentaire, la solidarité entre parents et enfants ne cesse pas à la majorité : les deux parents doivent assurer les dépenses d'entretien et d'éducation indispensables pour que chaque enfant réussisse à s'établir sereinement dans la vie.
Alors que notre législation protège désormais les familles monoparentales – en grande majorité des mères – contre les impayés de pension alimentaire, il est primordial que les enfants majeurs puissent également l'être. C'est d'autant plus nécessaire que les enfants de ces foyers monoparentaux sont particulièrement exposés au risque de précarité et que près d'une famille sur quatre ne compte qu'un seul parent.
Être parent, c'est aussi donner à ses enfants les moyens de s'émanciper, notamment financièrement. Dans cet accompagnement vers l'indépendance, la solidarité financière familiale est indispensable. Elle est d'ailleurs la base qui fonde et unit notre société. Le groupe Démocrate votera donc résolument en faveur de cette proposition de loi.
Ce texte s'inscrit dans la continuité des politiques menées en la matière depuis plusieurs décennies : après avoir formalisé le système des pensions alimentaires, notre pays s'est doté d'un arsenal assez complet pour garantir aux enfants ou à un parent leur versement.
Cependant, l'intermédiation financière du versement des pensions alimentaires aux enfants majeurs reste une zone grise dans la loi. Ce cas de figure existe pour différentes raisons, propres à chaque famille. Parfois, les parents sont d'accord pour verser la pension alimentaire ; d'autres fois, ils ne le sont pas. Ce texte trouve toute son utilité dans cette dernière hypothèse en permettant l'application de facto de la décision du juge. C'est pourquoi, le groupe socialiste le soutiendra.
Nous avons cependant repéré un éventuel dysfonctionnement sur lequel nous voulons alerter : il ne faudrait pas que cette bonne initiative prive certains enfants de prestations sociales auxquelles ils auraient droit. La pension alimentaire entrant dans le revenu imposable, son versement pourrait en effet entraîner la diminution ou la suppression de ces prestations à ce titre, je défendrai un unique amendement afin d'évaluer, dans dix-huit mois, la pertinence du dispositif et son impact sur la perception des prestations sociales par les enfants majeurs. Je vous invite à le soutenir et à voter ce texte.
Cette proposition de loi sert une noble cause : étendre le rôle de l'Aripa aux pensions destinées aux enfants majeurs, souvent oubliés dans le débat sur les pensions alimentaires.
La réalité est là, implacable : de nombreux jeunes adultes, au milieu de leurs études ou de leur insertion professionnelle, vivent dans la précarité financière en raison de l'absence de versement d'une pension alimentaire. Cette proposition a pour but de pallier ce manque en sécurisant l'apport financier indispensable à leur éducation et à leur bien-être.
Il est essentiel de rappeler que la pension alimentaire est un droit issu de l'obligation des parents d'entretenir et d'éduquer leurs enfants, même majeurs. Cette initiative législative cherche à renforcer ce droit en rendant le versement de ces pensions plus fiable et moins sujet aux aléas des relations familiales.
Ce texte, déposé par le groupe Horizons dans le cadre de sa niche, s'inscrit dans le prolongement de l'action qu'ont menée la majorité et le Gouvernement, depuis 2019, pour permettre aux familles de faire valoir leur droit au paiement d'une pension alimentaire. Nous cherchons, cette fois-ci, à offrir un soutien concret aux jeunes adultes et à consolider notre modèle social. Pour ces raisons, je vous invite à voter en faveur de cette proposition de loi.
Vous nous proposez un texte qui ouvre aux enfants majeurs le bénéfice de la procédure d'intermédiation financière créée par la LFSS 2020. Géré par l'Aripa, le dispositif permet de lutter contre les impayés et de protéger le parent créancier en cas de tensions avec le parent débiteur, en effaçant le lien direct entre eux. Les chiffres montrent son efficacité : au niveau national, le taux de recouvrement des pensions alimentaires est passé de 63 % en 2008 à 73 % en 2021. La systématisation du dispositif, effective depuis le 1er mars 2023, permet de protéger les femmes face à la précarisation.
L'écrasante majorité des parents créanciers sont en effet des femmes. Après une séparation, ce sont les mères qui héritent des charges de la parentalité : dans 75 % des cas, la résidence principale des enfants est fixée chez la mère, et 84 % des familles monoparentales ont une femme à leur tête. Pourtant, le père aura, dans la plupart des cas, des ressources supérieures à celles de la mère. Le versement de la pension alimentaire est donc vital pour ces femmes et leurs enfants.
Le versement de la pension peut être source de tensions – les cas de violences conjugales et intrafamiliales sont récurrents. La violence économique peut s'exercer par le biais des enfants lorsque le versement de la pension devient un outil de chantage. Ces jeunes sont donc exposés de façon accrue à la précarité, au stress et à l'angoisse. Aussi, nous saluons le dispositif que vous nous présentez, qui vise à les protéger.
Nous vous alertons néanmoins sur la nécessité d'allouer des moyens aux services chargés de le mettre en œuvre. Comme la direction de la sécurité sociale l'a fait remarquer lors des auditions, le délai de versement des pensions alimentaires par le service d'intermédiation est aujourd'hui de 12,8 jours au lieu des sept jours habituels. Pour que les services soient en mesure d'absorber sereinement cette montée en charge, il est donc crucial de leur attribuer les ressources nécessaires à leur travail.
Sous cette réserve, le groupe écologiste votera en faveur du texte.
L'intermédiation permet en effet de sécuriser le versement de la pension alimentaire en prévenant le risque d'impayé et de retard de paiement. Elle a également pour but d'apaiser les tensions liées aux questions financières entre parents séparés.
C'est un beau rôle pour les CAF, si tant est qu'elles en aient les moyens. Nous devons être vigilants sur ce point : confier de nouvelles missions utiles à l'Aripa n'est pas un problème, pourvu qu'elle puisse les remplir dans de bonnes conditions et que les agents soient rémunérés correctement, notamment dans un souci d'attractivité. Nous avons reçu un certain nombre d'alertes sur ce sujet.
La présente proposition de loi vise à rendre obligatoire l'intermédiation financière dans le cas où un enfant majeur bénéficie directement d'une contribution à son entretien et à son éducation. Elle paraît juste, en ce qu'elle permettrait de favoriser la lutte contre les impayés et de neutraliser la question financière entre un parent et son enfant majeur. L'accord des deux parents, prévu par le texte, s'explique par le fait qu'il est important que les deux parents s'entendent sur la capacité de l'enfant à percevoir directement sa pension.
En tout état de cause, le passage à la majorité ne doit pas être un moment de fragilité, ni de fragilisation. Il faut accompagner cette prise d'autonomie. Votre proposition, dont ce n'était certes pas l'objet, ne fait pas le tour des questions que soulève la situation des enfants majeurs, en premier lieu la question du salaire des parents, qui conditionne le versement d'une pension adéquate – nous avons, pour notre part, proposé un revenu étudiant. Quoiqu'ils soient liés, ces sujets n'obèrent pas la question que vous posez. Nous soutiendrons ce dispositif, en prévoyant d'évaluer son efficacité.
La séparation est le premier motif d'appauvrissement en France. Aujourd'hui, près d'un million de familles touchent une pension alimentaire, qui représente en moyenne un cinquième de leurs revenus. Ainsi, en cas de non-paiement, les conséquences pour les familles, et en premier lieu pour les enfants, sont immenses.
À cet égard, la mise en place du système d'intermédiation financière des pensions financières, avec la création de l'Aripa, a constitué une avancée, aussi bien pour garantir le versement en temps et en heure des pensions que pour éviter les tensions entre les parents. À l'époque, il était estimé que 30 % des pensions alimentaires n'étaient pas payées ou l'étaient irrégulièrement. Faute de signalement, les procédures de recouvrement prenaient du temps, quand elles existaient. Le montant des sommes recouvrées a depuis augmenté de moitié et les procédures ont été allégées.
Toutefois, ce dispositif présente quelques lacunes qui pourraient être facilement comblées. C'est l'objectif de cette proposition de loi, qui vise à rendre les enfants majeurs éligibles au service d'intermédiation financière des pensions alimentaires. La majorité ne signe pas la fin du droit à la pension alimentaire. Notre groupe soutiendra donc le texte.
Plus largement, il faut rappeler que les familles monoparentales sont confrontées à de plus forts taux de pauvreté et de précarité, et à de plus grandes difficultés dans l'accès à l'emploi ou au logement. Les femmes sont surreprésentées parmi ces familles et les enfants sont les premiers à en souffrir. Il nous faut donc nous saisir davantage de la situation des familles monoparentales, qui représentent une famille sur quatre et pour lesquelles tous les obstacles se superposent.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, les jeunes qui se trouvent en situation de précarité, et votre proposition de loi vient combler un vide juridique. Malheureusement, la réalité déborde très largement le cadre de ce texte. Quelle vision portez-vous pour sortir les jeunes de la précarité en général ?
Aujourd'hui, la moitié des pauvres ont moins de trente ans ; 20 % des jeunes sont en situation de pauvreté, soit trois fois plus que les plus de 65 ans ; la moitié des bénéficiaires des Restos du Cœur ont moins de 30 ans. La pauvreté de la jeunesse s'est donc enkystée dans la société.
Il existe certes une solidarité familiale, que votre proposition de loi vient renforcer. Mais cette forme de solidarité est très injuste. Les 10 % les plus riches versent 8 % de leurs revenus à leurs enfants, ce qui représente plus de 7 000 euros par an. Les 10 % les plus pauvres versent, quant à eux, davantage en proportion de leur revenu, soit 13 %, mais cela ne représente que 1 000 euros par an. Or, avec 100 euros par mois, il n'y a pas de quoi vivre, ni s'émanciper du foyer.
Je pense qu'il y a un saut à faire, à l'exemple de ce qui a été accompli au profit des personnes âgées dans l'après-guerre. Alors que l'on considérait comme naturel que les personnes âgées – quand elles avaient la chance, en milieu populaire, d'arriver jusque-là – vivent aux crochets de leurs enfants ou de la charité, on a changé le système : on est passé d'une solidarité familiale à une solidarité sociale et nationale ; cela a permis de diviser par quatre le taux de pauvreté.
Le même effort doit être fait aujourd'hui pour la jeunesse : nous devons passer d'une solidarité familiale – laquelle existe et continuera d'exister, mais reste très injuste – à une solidarité sociale nationale.
Je souscris à cette approche. Une allocation pour la jeunesse est nécessaire, notamment celle qui est en difficulté, qu'elle fasse ou non des études, faute de percevoir le revenu de solidarité active (RSA), qui n'est accessible qu'à partir de 25 ans. Il faut faire sauter deux verrous, qui peuvent s'additionner. Il faut instituer une allocation pour les jeunes âgés de 18 à 25 ans.
Un tel filet de sécurité est un enjeu de solidarité nationale – les retraités en ont un. Ces jeunes sont dans un no man's land. S'ils n'ont pas de parents pour les aider, s'ils ont du mal à trouver un emploi, s'ils veulent faire des études mais n'en ont pas les moyens, ils sont dans la précarité la plus totale. C'est une injustice crasse.
Par ailleurs, j'aimerais poser à M. le rapporteur, dont j'imagine qu'il a mené des auditions et réfléchi au sujet, une question à prendre au premier degré. Dans les familles monoparentales, la pension alimentaire, si elle est versée, sert notamment à financer un logement pour accueillir les enfants devenus majeurs. Si ceux-ci la perçoivent, quid de cet équilibre ? Il ne faut pas mettre en difficulté les femmes qui aident leurs enfants majeurs.
Je souscris à l'esprit et à la lettre de la proposition de loi, qui permet de combler un trou dans la raquette. Plusieurs années après sa mise en œuvre, l'Aripa a atteint les objectifs que lui ont fixés Najat Vallaud-Belkacem, Laurence Rossignol, Marisol Touraine qui, lorsqu'elles étaient au Gouvernement, ont présidé à sa création.
Certes, il faut garantir des revenus aux ménages qui accueillent un enfant majeur. Mais je m'associe à l'alerte lancée par François Ruffin et par Clémentine Autain. Nous ne pourrons pas laisser en suspens le problème des jeunes âgés de 18 à 25 ans, qui ne sont pas éligibles au RSA et restent ignorés de notre système de protection sociale, sans écarter les objections consistant à dire que toute mesure en ce sens pouvait être une forme de financement de l'oisiveté. Que notre système de protection sociale ignore à ce point la dimension universelle d'un revenu garanti pour la jeunesse et s'en tienne de façon incidente aux autres prestations de sécurité sociale, telles que les allocations familiales et les pensions alimentaires, est un problème qu'il faudra traiter.
Il s'agit d'un enjeu de solidarité, et d'un enjeu de réévaluation – c'est sans doute un point d'achoppement – de la ligne de démarcation entre ce qui relève de la solidarité familiale et ce qui relève de la solidarité nationale. J'espère que nous aurons ce débat, que nous avons tenté d'ouvrir dans le cadre de niches parlementaires par l'examen de propositions de loi relatives à l'instauration d'une garantie jeunes ou d'une allocation d'autonomie universelle d'études. Nous devrons remettre sur le métier notre ouvrage.
Je vous remercie sincèrement, les uns et les autres, de votre soutien à la proposition de loi.
Je souscris aux observations de Pierre Dharréville sur l'Aripa. Le plus souvent, le parent débiteur est pointé du doigt. Il faut se départir de cette forme d'accusation et se demander pourquoi il ne paie pas. Il arrive souvent qu'il ne soit pas en situation de payer. La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a soulevé ce point, auquel nous devrons réfléchir.
François Ruffin, Clémentine Autain et Jérôme Guedj savent que la présente proposition de loi n'est pas l'alpha et l'oméga de la question. Elle m'a été inspirée par une amie travaillant à l'université de Strasbourg, qui est souvent confrontée, dans sa vie personnelle et professionnelle, à des étudiants en difficulté faute de versement d'une pension alimentaire. Il s'agit d'améliorer les choses, non de traiter les problèmes soulevés par la précarité des jeunes dans leur ensemble.
J'ai moi-même passé mon bac en candidat libre. Ma mère, divorcée, avait trois enfants à charge. Sans être dans la précarité, je travaillais de nuit en usine pour subvenir à mes besoins. J'ai bien conscience de ce que peuvent vivre les jeunes.
La jeunesse est la première richesse d'un pays. Sa situation doit donc être examinée dans le détail. L'objet de la présente proposition de loi n'est pas de faire l'épure d'une politique de la jeunesse, d'autant que le peu de temps dont j'ai disposé pour l'élaborer ne m'a pas permis de réunir suffisamment d'éléments statistiques et chiffrés sur la diversité des situations. C'est une vraie question, que nous devons examiner et qui n'est pas encore tranchée.
Donner tous les moyens aux jeunes, cela commence dès le plus jeune âge. Par l'éducation, l'accompagnement et la formation, nous devons leur donner les moyens d'entrer dans la vie active, d'acquérir une autonomie financière et de devenir des citoyens à part entière, intégrés dans la société. Ce débat, nous devrons l'avoir dans un autre cadre, d'autant que je souscris en partie aux observations qui ont été formulées.
La question soulevée par Mme Autain est pertinente. La pension alimentaire est directement versée à l'enfant majeur si les parents en sont d'accord ou si une décision de justice l'impose. Il y a bel et bien un acte fondateur, indépendant du jeune majeur. Nous devrons aussi réfléchir à cet aspect du sujet, comme nous y a invités notre collègue Guichard.
Par ailleurs, nous devrons affiner, d'ici à l'examen du texte en séance publique ou dans le cadre de la navette parlementaire, la notion de parent créancier, qui ne peut s'appliquer qu'à l'un des deux parents. Il faut procéder à un travail légistique fin pour que les dispositions de la présente proposition de loi soient parfaitement opérationnelles.
S'agissant des moyens de l'Aripa, mon amendement AS4 vise à en tenir compte. La question des ressources humaines n'épuise pas le sujet. Il faut aussi, comme l'ont montré les auditions, veiller à l'interopérabilité entre les services concernés. La création de l'Aripa a notamment alourdi le travail des personnels de greffe, qui doivent renseigner les dossiers transmis à la CAF avec des systèmes d'information qui ne sont pas encore pleinement opérationnels. Toutefois, le taux de recouvrement des pensions alimentaires est en nette amélioration.
J'ai donc prévu un délai, conformément à la demande forte des services, notamment de la CNAF, pour leur permettre d'intégrer le dispositif en vigueur dans toutes ses dimensions, mais je lui ai fixé pour échéance le 1er janvier 2026.
Article 1er : Ouvrir le bénéfice de l'intermédiation financière aux enfants majeurs recevant la pension alimentaire
Amendement AS2 de M. Louis Boyard
Monsieur le rapporteur, dans cet intéressant débat de fond sur le rapport entre solidarité familiale et solidarité nationale, vous avez pris pour exemple votre situation lorsque vous passiez votre bac. Il est assez fréquent que les membres de la majorité affirment avoir connu des situations de précarité avant de rappeler qu'ils ont travaillé et réussi.
Il faut faire attention à cet argument. Pour quelques personnes qui siègent à l'Assemblée après avoir connu la précarité, combien n'ont pas réussi et n'en diraient pas autant ? La réussite découle du travail, mais elle peut parfois être due à la chance ou à un événement fortuit. Si nous plaidons en faveur de la solidarité nationale et sociale, c'est parce que nous voyons la jeunesse comme le temps de l'insertion dans la société, qui présente d'énormes inégalités, créées par la précarité, entre les citoyennes et les citoyens de notre pays.
Puisque cette semaine semble être celle des consensus et que nos débats se tiennent plutôt bien, je vous demande, par le biais du présent amendement, d'approuver la remise d'un rapport détaillant le taux de non-recours aux procédures de recouvrement par les parents et les enfants majeurs créanciers dont les pensions alimentaires ont été fixées avant le 1er janvier 2023, le taux de dossiers considérés comme recouvrables et donnant lieu à un remboursement effectif des parents et des enfants majeurs créanciers, et les moyens prévus pour rendre effectives les dispositions de la présente proposition de loi.
S'agissant de l'exemple personnel que j'ai évoqué, je ne l'ai pas présenté comme une solution aux problèmes de la jeunesse, d'autant moins que j'ai précisé ne pas avoir été en situation de précarité. Je sais d'expérience qu'aller en cours à 8 heures du matin après avoir travaillé toute la nuit et rester lucide toute la journée est difficile. Ce n'est pas une solution, c'est un problème. Ne me faites pas dire le contraire de ce que j'ai dit, qui n'est rien d'autre que la nécessité de prendre la mesure de toutes les situations particulières.
Votre amendement très complet excède le champ de la proposition de loi. Par ailleurs, le contrôle et l'évaluation de la loi incombent au Parlement. Plutôt qu'évaluer le recouvrement des pensions alimentaires de façon globale, je propose d'évaluer l'Aripa dans le cadre de la LFSS, qui est celui dans lequel elle a été créée.
Avis défavorable.
En matière de solidarité nationale, 500 millions d'euros ont été débloqués pour les boursiers, qui par ailleurs sont automatiquement éligibles au repas à 1 euro, de même que ceux qui en font la demande dans leur centre régional des œuvres universitaires et scolaires. Je le rappelle à nos collègues qui ont la mémoire courte.
Nous avons peut-être la mémoire courte, mais les files d'étudiants en situation de précarité devant les banques alimentaires ne diminuent pas. Notre rôle, en tant qu'opposition, est de soulever la question. Nous ne disons pas que rien n'a été fait.
Nous soutenons l'amendement, qui tire les conséquences de ce qui a été dit au cours des auditions. Nous savons qu'il y a un besoin, mais nous avons du mal à évaluer le nombre de jeunes concernés. La moindre des choses serait d'obtenir des chiffres, ne serait-ce que pour identifier les moyens nécessaires. Si nous ne pouvons pas prendre la mesure du public concerné par la proposition de loi, nous ne pourrons pas évaluer les moyens supplémentaires qu'il faut allouer aux services concernés pour leur permettre de travailler correctement.
Chers collègues de la majorité, on ne fait pas des lois pour se donner bonne conscience et se dire qu'on a fait des choses. Nous avons instauré le repas à 1 euro, mais encore ? Qu'en est-il de l'augmentation des loyers, des factures d'énergie et du coût des transports ? Vous me répondrez « augmentation des bourses », mais elle est inférieure à l'inflation.
Dès lors que près de sept étudiants sur dix ont un reste à vivre de 100 euros par mois, constatez l'échec de votre politique ! Le peu que vous avez fait ne vous autorise pas à avoir bonne conscience. Depuis que vous êtes au pouvoir, les files d'attente devant les points de distribution alimentaire s'allongent.
S'agissant du rapport demandé, notre commission travaille énormément. Je doute donc qu'elle puisse se pencher sur le sujet sans tarder. Cela nous arrangerait d'obtenir des chiffres.
Être renseigné sur les sujets évoqués dans l'amendement présente un intérêt certain.
J'appelle l'attention, à la suite d'une étude publiée il y a quelques jours, sur la paupérisation à laquelle les séparations exposent les enfants. Elle a des effets sur leur jeunesse. Si la présente proposition de loi n'a pas pour objet de remédier à cette situation, son objet n'est pas sans lien avec elle. Il serait judicieux d'élargir notre approche à l'avenir pour améliorer la situation des enfants de familles monoparentales.
L'amendement ne révolutionnera pas la situation, d'autant que les demandes de rapport que nous adoptons ont au Sénat une espérance de vie très limitée.
Par ailleurs, l'Aripa ayant été créée par une LFSS, le meilleur cadre pour l'évaluer et répondre aux questions soulevées par l'opposition est la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.
Au demeurant, je suis toujours assez étonné, moi qui suis partisan du travail parlementaire, de constater que des collègues demandent des éléments d'information au Gouvernement alors même qu'il ne lui faut aucunement confiance.
Nous voterons contre l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1 de M. Joël Aviragnet
Cet amendement d'appel des députés du groupe Socialistes et apparentés vise à alerter sur l'exclusion de plusieurs prestations sociales dont pourraient être victimes les enfants majeurs bénéficiant de l'intermédiation financière. En effet, les pensions alimentaires versées sont intégrées dans les assiettes de revenus à ne pas dépasser pour bénéficier de certaines aides et prestations sociales.
Les pensions alimentaires sont intégralement prises en compte dans les assiettes des ressources du RSA et de la prime d'activité. Comme elles sont imposables, elles sont intégrées en tant que ressources lors de l'examen de l'éligibilité aux allocations logement et aux prestations familiales.
Il convient donc de prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que les enfants majeurs qui percevront leur pension alimentaire grâce à l'article 1er de la présente proposition de loi ne perdront pas le bénéfice de ces prestations sociales. Contraints par les règles de recevabilité financière prévues à l'article 40 de la Constitution, les députés du groupe Socialistes et apparentés tiennent à souligner qu'ils préféreraient modifier directement les dispositions juridiques applicables au calcul des prestations sociales plutôt que demander un rapport au Gouvernement.
Cet amendement rappelle à juste titre que le versement de la pension alimentaire et le maintien de certaines allocations et aides sociales ne sont pas décorrélés. Toute la difficulté est là. Un jeune étudiant demandant le bénéfice de l'aide personnalisée au logement (APL) ou d'une autre prestation sociale doit déclarer les revenus de ses parents, qui sont pris en compte. La solidarité nationale ne s'exerce pas indépendamment de la solidarité familiale, qui reste la base.
Inclure les jeunes majeurs dans l'intermédiation financière ne change rien pour ceux qui perçoivent des aides et prestations sociales, dans la mesure où leur calcul intègre d'ores et déjà le montant de la pension alimentaire et les revenus de leurs parents, tout en permettant de s'assurer que la pension alimentaire est versée.
S'agissant d'un amendement d'appel, j'en suggère le retrait et émets à défaut un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit que la jeunesse était notre richesse, ce qui fait sans doute consensus entre nous. Or, en pratique, elle est écrasée. La proportion de jeunes en dépression ou ayant connu un épisode dépressif au cours de l'année est de 20 %, contre 10 % avant la crise du covid, dont on pouvait espérer que les effets seraient temporaires. Par ailleurs, un étudiant sur deux déclare sauter des repas pour des raisons financières.
Mme Guichard rappelle le déblocage de 500 millions d'euros et la mise en œuvre du repas à 1 euro, mais cette aumône n'est pas à la hauteur des besoins de la jeunesse ni de l'écrasement qu'elle subit. Ce dernier n'est pas uniquement matériel : il est aussi matériel.
Je tire la sonnette d'alarme. Quiconque pense sincèrement que la jeunesse est notre richesse doit admettre qu'elle n'est pas traitée comme devraient l'être les producteurs de demain, ceux qui demain tiendront l'hôpital, l'école et le pays en général. Le compte n'y est pas, ni matériellement ni spirituellement.
Notre jeunesse est malmenée. Notre société doit collectivement mieux la protéger, la choyer, la chérir et lui permettre de se projeter dans l'avenir. Il est urgent de relever ce défi. La présente proposition de loi aidera certains jeunes majeurs, mais elle ne résoudra pas le problème.
S'agissant des demandes de rapport, je pense, et le bureau de la commission avec moi, qu'il faut augmenter notre capacité à produire des rapports d'information, à mener à bien notre mission de contrôle et à effectuer notre travail. Nous devrions être en mesure de faire plus. Mais les membres de la commission ne sont pas responsables de cette situation.
Parfois, des données nous manquent – M. le rapporteur l'a rappelé en présentant le texte. Or les administrations sont à la disposition du Parlement pour lui en fournir. Nous avons besoin d'elles pour mener nos investigations. Tel est le sens de certaines demandes de rapport.
Au demeurant, il arrive que le Gouvernement ne remette pas un rapport exigé par le Parlement, ou qu'il le réécrive, selon sa convenance. Ainsi, nourrir des doutes sur la politique menée par le Gouvernement n'empêche pas de demander des rapports à des institutions indépendantes telles que la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, dont les données et les études nous sont utiles.
Le calcul des APL tient compte des pensions alimentaires, mais pas des revenus des parents. Eu égard à la situation de grande précarité des étudiants, il serait bon de se pencher sur la question de près. Nous avons l'occasion de leur offrir un coup de pouce supplémentaire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS4 de M. Thiébaut
Il s'agit de fixer une échéance au décret d'entrée en vigueur du texte. L'Aripa monte en puissance. La mise en relation de la CAF, des familles et des greffes gagne en fluidité. Dès lors que nous introduisons une nouvelle disposition, il faut veiller à ne pas perturber cette évolution.
En inscrivant dans le texte l'échéance du 1er janvier 2026, nous rassurons les services en leur montrant que nous tenons compte de leur demande, tout en garantissant que le décret sera publié dès que possible avant cette date.
Outre le fait que nous ne pouvons pas contraindre à ce point l'ordre du jour du Sénat, cette échéance a été unanimement demandée, lors des auditions, par les services concernés, de la CNAF aux greffes en passant par la direction de la sécurité sociale. Je tenais notamment à prendre en compte la situation des greffes, dont je soutiens le combat pour obtenir davantage de moyens, d'autant qu'ils sont en phase de recrutement, et que douze mois ne seront pas de trop pour former tout le monde.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 : Compensation financière
La commission adopte l'article 2 non modifié.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
La réunion s'achève à dix heures trente.
Présences en réunion
Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Clémentine Autain, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, Mme Chantal Bouloux, M. Louis Boyard, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Ingrid Dordain, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, M. Thierry Frappé, M. Philippe Frei, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Monique Iborra, M. Philippe Juvin, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Laurent Panifous, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. François Ruffin, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Vincent Thiébaut, Mme Annie Vidal, M. Alexandre Vincendet
Excusés. – M. Elie Califer, Mme Justine Gruet, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, M. Mansour Kamardine, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Isabelle Valentin, M. Stéphane Viry
Assistaient également à la réunion. – M. Christophe Naegelen, M. Benjamin Saint-Huile, M. Philippe Vigier