La séance est ouverte à dix heures trente
La commission auditionne des dirigeants de NRJ Group.
Dans le cadre des auditions de notre commission d'enquête, nous recevons les dirigeants des groupes audiovisuels actifs sur la télévision numérique terrestre (TNT), en l'occurrence ce matin ceux de NRJ Group : M. Baudecroux, son président-directeur général, Mme Salehi, directrice déléguée à la direction générale, Mme Chanat, directrice générale adjointe en charge des contenus et de la programmation du pôle télévision, M. Hervé Pavard, gérant de NRJ 12 et président de Chérie HD, et M. Philippe Boindrieux, directeur délégué aux finances.
Le groupe dispose de deux autorisations d'émettre sur la TNT : l'une pour NRJ 12, l'une des toutes premières chaînes à avoir été autorisées en 2005 et dont l'autorisation, renouvelée en 2019, arrive à échéance en 2025 ; l'autre pour Chérie 25, retenue en 2012 et reconduite en 2022, arrivera à échéance en 2027.
Je vous remercie, mesdames et messieurs, de nous déclarer tout intérêt public ou privé qui serait de nature à influencer vos déclarations. Je vous rappelle également que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Jean-Paul Baudecroux, Mme Maryam Salehi, Mme Céline Chanat, M. Hervé Pavard et M. Philippe Boindrieux prêtent successivement serment.)
Je vous cède la parole pour nous expliquer la situation et les perspectives du groupe. Nous aborderons par la suite les questions de programmation et de renouvellement de l'autorisation d'émettre.
Votre commission a souhaité nous entendre dans le cadre de son enquête et c'est bien volontiers que nous répondons à cette demande. Coté sur le marché Euronext à Paris, NRJ Group est présent dans le paysage audiovisuel en radio depuis plus de quarante ans, et en télévision depuis l'origine de la TNT, dès 2003. Pour mémoire, il fut même présent dès 1986 avec la chaîne nationale et gratuite TV6, exploitée aux côtés de Gaumont et de Publicis pendant une année.
Voici donc plus de quarante ans que le groupe que j'ai eu l'honneur de créer à partir d'un petit studio d'habitation de 25 mètres carrés aux Buttes-Chaumont – à l'époque effervescente des radios libres –, et que je préside aujourd'hui, trace son sillon dans le secteur de l'audiovisuel en s'inscrivant dans une stratégie de développement à la fois audacieuse et pérenne. Ces atouts nous ont permis de développer un groupe multimédia indépendant. L'histoire d'NRJ Group, c'est celle d'un groupe de médias né avec les radios libres, qui a développé quatre réseaux radiophoniques – NRJ, Chérie FM, Nostalgie et Rire et chansons – et qui s'adresse à des publics très divers, rassemblant chaque jour plus de 10 millions d'auditeurs en France. NRJ est la première marque de radio internationale. Présente dans dix-sept pays, elle fait rayonner nos marques et le savoir-faire français à l'international.
NRJ Group est l'un des pionniers de la TNT avec NRJ 12 lancée en 2005, puis Chérie 25 en 2012, qui réunissent ensemble chaque jour 7 300 000 téléspectateurs – sans compter la chaîne 100 % musicale NRJ Hits, présente dans l'univers du câble et du satellite (cab-sat). Le groupe a par ailleurs contribué avec son opérateur de diffusion TowerCast, qui est aujourd'hui la principale alternative à l'opérateur dominant TDF, à construire le réseau de la TNT et à diffuser les services de télévision sur le territoire national.
Au-delà des enjeux particuliers et sectoriels, la TNT, et plus largement la diffusion dite en broadcast, représente un enjeu de souveraineté nationale dans un secteur bousculé par les plateformes et les géants du numérique, qui ont pu pénétrer le marché français sans aucune barrière à l'entrée. La TNT doit être pérennisée, dès lors qu'elle constitue un rempart pour l'indépendance, le dynamisme et la souveraineté du modèle de l'exception culturelle française. La TNT, mode de diffusion plus écologique, est également garante de gratuité et d'anonymat ; elle propose aux Français une offre télévisuelle régulée, gratuite, riche et plurielle.
Le groupe dispose d'une situation financière solide, sans endettement, fruit d'une gestion prudente. Son chiffre d'affaires s'est élevé en 2022 à 380,4 millions d'euros et son résultat opérationnel courant à 45,8 millions. Pour votre parfaite information, je précise que le chiffre d'affaires de l'année 2023 sera publié ce soir après la clôture de la bourse. Surtout, c'est une force vive de plus de 1 500 collaborateurs, dont plus de 600 en régions et plus de 200 à l'international. Si vous me le permettez, je souhaiterais saluer leur engagement et leur implication ; je suis très fier d'eux. Vous le voyez, NRJ Group, c'est une histoire de réussite à la française, dont nous sommes très fiers.
Hervé Pavard va maintenant vous présenter nos chaînes de télévision, et plus particulièrement la chaîne NRJ 12, sa genèse et son positionnement dans la TNT gratuite.
NRJ 12 a été autorisée le 10 juin 2003 dans le cadre de l'appel à candidatures du 24 juillet 2001. La chaîne a débuté en TNT en 2005 puis elle est passée en haute définition en 2016. De même que pour les autres chaînes autorisées en 2005, son autorisation a été prorogée en 2012 pour cinq ans, en contrepartie d'un engagement de couverture supplémentaire du territoire national. NRJ 12 a ensuite été reconduite par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) hors appel à candidatures le 29 mai 2019, dans le cadre de la procédure prévue par le deuxième alinéa de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le CSA avait expressément relevé à cette occasion qu'aucun manquement ne s'opposait à une telle reconduction. L'autorisation arrivera donc à échéance le 28 février 2025.
Chérie 25 a été autorisée le 3 juillet 2012 dans le cadre de l'appel à candidatures d'octobre 2011. La chaîne a commencé sa diffusion le 12 décembre 2012 sur la TNT. Chérie 25 a ensuite été reconduite par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) hors appel à candidatures le 9 mars 2022, toujours dans le cadre de l'article 28-1 de la loi de 1986. L'Arcom avait alors également relevé à cette occasion qu'aucun manquement ne s'opposait à la reconduction de l'autorisation de Chérie 25. Celle-ci arrivera donc à échéance le 11 décembre 2027.
NRJ 12 est une chaîne axée sur le divertissement, tandis que Chérie 25 est une chaîne dédiée aux femmes.
Aux termes de sa convention, et plus particulièrement de son article 3-1-1, NRJ 12 offre une large variété de programmes dont une majorité consacrée au divertissement. Cela fait partie de l'ADN de la marque NRJ et, depuis son origine, la chaîne s'inscrit durablement dans cette ligne éditoriale. Elle propose ainsi une offre de programmes diversifiés, comprenant principalement des divertissements, des œuvres cinématographiques, des fictions télévisuelles mais aussi des magazines et des documentaires. La nouvelle convention faisant suite au renouvellement de son autorisation, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, marque un renforcement des stipulations relatives à la représentation de la diversité de la société française, à une meilleure représentation des femmes à l'antenne, ainsi qu'à une accessibilité améliorée des programmes aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles et malvoyantes – valeurs auxquelles le groupe a toujours attaché la plus grande importance. Dans le respect de sa convention, NRJ 12 a su s'imposer, avec une marque forte, comme une chaîne singulière dont le ton et l'approche la distinguent des autres chaînes de la TNT. C'est la chaîne des rendez-vous divertissants, proposant une programmation dont les maîtres-mots sont détente, humour, valeurs positives et rassembleuses.
À titre d'illustration, NRJ 12 propose beaucoup de fictions françaises fédératrices comme Clem, Fais pas ci, fais pas ça, Parents mode d'emploi, mais aussi une programmation cinématographique variée pour tous les publics. Parmi les dernières comédies que nous avons diffusées figuraient Safari, Jusqu'ici tout va bien ou encore Premières vacances. Parmi les films d'action ou policiers, je citerai Le Guetteur, avec Daniel Auteuil et Mathieu Kassovitz, Go Fast avec Roschdy Zem ou Le Nouveau Protocole, avec Clovis Cornillac. Nous diffusons aussi des productions originales telles que « Les masters du rire », qui donne carte blanche à des talents humoristes naissants ou confirmés sur la scène de l'Apollo Théâtre. NRJ 12 propose aussi de l'humour, avec une offre généreuse de spectacle vivant – François-Xavier Demaison, Les Coquettes, Arnaud Tsamère, Baptiste Lecaplain. Nous diffusons aussi des portraits documentaires mettant à l'honneur des artistes populaires, notamment francophones, qu'ils soient musiciens – Jenifer, Matt Pokora, Soprano – ou acteurs – Leïla Bekhti, Omar Sy, Florence Foresti, Jean Dujardin.
C'est grâce à cette programmation diversifiée que NRJ 12 se situe parmi les chaînes dont le profil téléspectateur est le troisième plus jeune – très proche du second – de l'ensemble de la TNT en France. NRJ 12 rassemble chaque jour près de 5 millions de téléspectateurs. Le pôle télévision repose sur NRJ 12 et Chérie 25, deux chaînes complémentaires qui constituent un écosystème vertueux pour notre groupe. En 2022, le pôle télévision a réalisé un chiffre d'affaires de 79,9 millions d'euros.
Nous contribuons aussi, au titre d'obligations mutualisées, à la vitalité de la production et de la création françaises. Ces obligations sont de deux ordres : elles concernent la diffusion d'une part – ce que l'on appelle les quotas – et la production d'autre part.
Aux termes de la réglementation, NRJ 12 doit diffuser 60 % d'œuvres audiovisuelles européennes et 40 % d'œuvres d'expression originale française. Ces quotas sont appréciés annuellement par l'Arcom à l'échelle d'une année, mais aussi sur les heures de grande écoute – de dix-huit à vingt-trois heures tous les jours et de quatorze à vingt-trois heures le mercredi. Sur l'ensemble de ses œuvres cinématographiques, NRJ 12 doit également diffuser 60 % d'œuvres européennes et 40 % d'œuvres d'expression originale française. Là encore, ces quotas s'apprécient annuellement mais aussi sur la tranche de grande écoute, en l'occurrence de vingt heures trente à vingt-deux heures trente. Aux termes de sa convention, NRJ 12 doit consacrer au moins la moitié de son temps total de diffusion au divertissement au sens large : divertissement, œuvres cinématographiques, fictions audiovisuelles, animation, spectacles, concerts. Tant le CSA que l'Arcom aujourd'hui ont expressément constaté que NRJ 12 avait parfaitement satisfait à l'ensemble de ses obligations de diffusion sur les cinq dernières années.
NRJ 12 a aussi des obligations de production. Au 1er janvier 2023, celles-ci étaient mutualisées avec celles de Chérie 25. Nous avons l'obligation d'investir 15 % de notre chiffre d'affaires net de l'année précédente dans la production audiovisuelle – dont 70 % de production indépendante – et 8,5 % dans les œuvres patrimoniales plus spécifiquement – dont 75 % de production indépendante. Par production indépendante, on entend une production qui n'est ni détenue ni contrôlée majoritairement par la chaîne et dont les droits de diffusion qu'elle nous cède sont limités à quarante-deux mois. NRJ 12 doit également consacrer 25 % du montant de son obligation à la production des programmes inédits. Tant le CSA que l'Arcom ont constaté que NRJ 12 avait parfaitement satisfait à ses obligations sur les cinq dernières années.
Le 20 novembre 2023, nous avons signé avec les sociétés, les représentants de la filière et les auteurs un nouvel accord relatif à la production, visant à renforcer nos engagements sur quelques points par rapport à l'accord précédent. Il permettra notamment aux chaînes du groupe d'acquérir des droits linéaires et non linéaires plus étendus pour l'ensemble des œuvres, afin d'accompagner l'évolution des usages. Dans le cadre de cet accord, l'objectif de 15 % ne change pas, mais ce sont désormais 9 % du chiffre d'affaires net et non plus 8,5 % que nous devrons investir dans la production audiovisuelle patrimoniale. Ce sont aussi 72,5 % de notre obligation générale, et non plus 70 %, qui doivent être consacrés à la production indépendante. Cet accord renforce aussi l'engagement du groupe, sur NRJ 12 et Chérie 25, dans la production d'inédits. L'Arcom en vérifiera en 2024 la bonne exécution.
NRJ 12 doit aussi consacrer 3,2 % de son chiffre d'affaires annuel net à la production d'œuvres cinématographiques, et plus particulièrement 2,5 % à la production d'œuvres d'expression originale française.
Je voudrais vous dire en conclusion que NRJ Group croit pleinement au modèle de la TNT gratuite, qui est toujours largement plébiscité par les Français et dans lequel NRJ 12 et Chérie 25 ont toute leur place, participant pleinement au pluralisme et au financement de la création. Depuis l'origine, ces deux chaînes ont déclaré, au titre de leurs obligations, 178 millions d'euros d'investissements dans la production. Votre commission ayant auditionné des producteurs, sans doute avez-vous pu noter l'importance qu'ils attachent à la diversité des éditeurs dans ce domaine.
Dans un paysage marqué ces dernières années par le développement des plateformes, la TNT conserve toute son importance : elle apporte une offre audiovisuelle équilibrée, tant en termes de diversité que de thématiques, et régulée. La TNT conserve son attractivité, offrant la réception gratuite et anonyme de nombreuses chaînes sur l'ensemble du territoire. Nous nous réjouissons de constater qu'un large consensus existe aujourd'hui sur la nécessité d'accompagner les éditeurs de la TNT dans la modernisation de leurs offres, afin qu'ils puissent répondre aux défis qui se présentent et continuer à apporter une offre de télévision gratuite de référence, dans un contexte d'évolution et de digitalisation des usages.
C'est à cet égard que l'Arcom a lancé une réflexion sur la visibilité et la définition des services d'intérêt général pour la télévision. Pour nous, ces services sont fondamentaux pour garantir la visibilité des services de la TNT dans un environnement numérique. NRJ Group considère que doivent être déclarés services d'intérêt général tous les services autorisés en TNT nationale gratuite. Ces derniers ont en effet été sélectionnés au terme d'appels à candidatures ayant permis d'établir de manière objective et proportionnée leur contribution au pluralisme et à la diversité culturelle.
Je voudrais que nous abordions dans un premier temps le modèle économique de la TNT, notamment de vos chaînes, avant d'en venir aux contenus. M. Boudecroux a évoqué le chiffre d'affaires et le résultat opérationnel courant du groupe, mais qu'en est-il pour vos chaînes NRJ 12 et Chérie 25 ? Confirmez-vous qu'elles demeurent déficitaires à ce jour ? Comment expliquez-vous que vous n'ayez jamais pu atteindre – vous n'êtes pas les seuls – l'objectif de rentabilité ? Pourriez-vous détailler la structuration de vos coûts, entre coûts de diffusion, coûts des programmes et masse salariale ? Comment concilier, selon vous, l'objectif de rentabilité économique avec celui de qualité des programmes ?
Comme l'a dit le président Baudecroux, le chiffre d'affaires du groupe sera publié ce soir. Quant au résultat complet pour 2023, il sera publié le 20 mars prochain. Je vais donc me référer, pour répondre à vos questions, aux chiffres publiés au titre de l'année 2022.
En 2022, le pôle télévision était encore légèrement déficitaire, enregistrant 4,5 millions d'euros de pertes pour un chiffre d'affaires de 79,9 millions. Ces chiffres, néanmoins, doivent être inscrits dans une perspective : en l'espace de six ans, les pertes sont passées de 28,5 à 4,5 millions d'euros. Nous pensons aujourd'hui avoir trouvé, après des années de pertes, les fondamentaux qui nous permettent de viabiliser notre structure économique. Grâce à un type de programmes, à une audience ciblée et à la monétisation de celle-ci, nous allons pouvoir nous éloigner des pertes que le pôle télévision a connues par le passé.
Le coût des programmes représentait, en 2022, 47 % des charges du pôle télévision, les coûts de diffusion 16 % – la couverture quasi universelle du territoire métropolitain en TNT, à laquelle nous sommes favorables, a un coût – et les charges de personnel 11 %. Les redevances versées aux organismes de gestion collective des auteurs et compositeurs – que nous n'intégrons pas au coût de grille, dans la mesure où cet argent n'est pas versé à des producteurs – représentaient 5 % de nos coûts. Les charges intragroupe – 7 % de nos coûts – sont les services mutualisés comme l'informatique, la comptabilité ou les bâtiments. Les taxes représentaient 4 % de nos coûts et nous avions aussi, à hauteur de 10 %, des charges diverses liées au fonctionnement normal d'une entreprise.
Comme faire, à l'avenir, avec cette base ? Je le répète : aujourd'hui, nous sommes parvenus à maîtriser notre coût de grille. Nous avons réussi à augmenter notre audience, en particulier sur le public jeune pour NRJ 12, à et maintenir un leadership très fort sur le public féminin pour Chérie 25. Cela nous a permis, en 2022, d'atteindre un chiffre d'affaires qui compense quasiment nos charges, et nous pensons pouvoir maintenir ces fondamentaux.
Vous confirmez donc que le modèle économique de la TNT impose aux différents éditeurs de tenter de réunir un public le plus large possible, et donc d'aller vers des chaînes plus généralistes et moins thématiques.
Non, pas tout à fait. Nous pensons au contraire qu'une chaîne comme NRJ 12 ne doit pas se lancer dans une course à l'audience sur la catégorie des 4 ans et plus car, compte tenu de notre coût de grille, nous n'atteindrions jamais le seuil de rentabilité. Nous cherchons à faire croître nos audiences sur certaines catégories plutôt que nos audiences générales. Au cours des deux dernières années, notre audience sur la catégorie des 4 ans et plus s'est ainsi stabilisée tandis qu'elle augmentait progressivement sur la catégorie des téléspectateurs de 25 à 49 ans et sur celle des femmes responsables des achats âgées de moins de 50 ans – une expression que je n'apprécie guère, mais qui est connue dans le marché de la publicité. Je le répète : une course à l'audience sur le public de 4 ans et plus ne serait pas une bonne stratégie en termes de rentabilisation.
Avez-vous envisagé par le passé de vendre les chaînes NRJ 12 ou Chérie 25 ? Avez-vous pensé à vous retirer de la TNT ?
Oui, nous avons toujours cherché à optimiser notre développement, en radio comme en télévision. Il est assez habituel dans notre secteur, comme dans d'autres secteurs de l'économie, de regarder les différentes options. Nous avons été approchés et avons reçu à plusieurs reprises des marques d'intérêt non engageantes de la part de différents groupes. Nous avions même demandé à la banque d'affaires Lazard Frères de nous aider à les examiner, sur le plan financier notamment. Nous avons donc, effectivement, envisagé les différentes solutions. Il est vrai qu'au départ, les pertes atteignaient près de 30 millions d'euros par an. Même si notre groupe est prospère, ce niveau nous interpellait.
Depuis deux ou trois ans cependant, nous voyons chaque année se rapprocher la zone verte et nous sommes confiants. Nous n'avons donc pas donné suite aux différentes propositions qui nous ont été faites.
Je voudrais illustrer mon propos avec un souvenir. Lorsque la concession de la chaîne TV6, que j'avais contribué à créer en 1986, nous a été reprise prématurément, c'est M6, filiale de la Compagnie luxembourgeoise de Télédiffusion (CLT) puis de Bertelsmann, qui a pris la suite. Or, dans un paysage qui ne comptait que quatre chaînes, il a fallu de nombreuses années à M6 pour atteindre l'équilibre. La télévision est un métier de long terme. Les téléspectateurs ne modifient pas rapidement leurs habitudes de consommation, contrairement aux auditeurs de radio. Il faut savoir les attirer – or les programmes les plus attirants sont ceux qui coûtent le plus cher.
Malgré cela cependant, nous parvenons à voir le bout du tunnel, qui est proche, et nous en sommes satisfaits.
Je voudrais préciser les propos d'Hervé Pavard : c'est en cinq ans que les pertes du pôle télévision ont été divisées par six, passant de 28,5 millions en 2017 à 4,5 millions d'euros en 2022. En télévision il faut du temps, comme vient de le souligner notre président. Notre modèle nous a néanmoins permis de réduire le niveau de pertes du pôle télévision de façon extrêmement significative et continue : les pertes ne se sont pas réduites brutalement mais progressivement, en plusieurs années. Cela nous rend confiants quant à la tendance dans laquelle nous nous inscrivons.
Vous confirmez avoir reçu des offres dans le cadre de ces marques d'intérêt. Quel était leur montant ?
Juridiquement, il s'agit de marques d'intérêt, qui sont des offres indicatives, non engageantes et non contraignantes.
Nous vous communiquerons le montant, mais je souligne qu'une offre soumise dans le cadre d'une marque d'intérêt est simplement indicative. Les marques d'intérêt non engageantes que nous avons reçues contenaient des offres s'échelonnant entre 115 et 300 millions d'euros. J'insiste sur le fait qu'il y a une grosse différence entre les valeurs communiquées dans le cadre d'une marque d'intérêt et celles présentées pour une cession.
Je comprends que vous ne souhaitiez pas détailler ici les offres reçues. Pourrez-vous nous communiquer une liste de ces marques d'intérêt afin que nous puissions disposer des montants précis ?
Il est certes difficile d'atteindre la rentabilité, mais, dans son dossier de candidature initial, le projet Chérie HD prévoyait d'atteindre l'équilibre d'exploitation quatre ans après l'autorisation, soit en 2016. Aujourd'hui, cet équilibre n'est toujours pas atteint, même si, selon vous, la réduction des coûts permet d'approcher la zone verte. Quelles étaient les raisons d'un tel optimisme alors que vous saviez déjà à l'époque que les usages des téléspectateurs sont moins labiles que ceux des auditeurs ?
D'abord, je suis un optimiste inguérissable. Surtout, il existe une forte complémentarité entre la télévision et la radio. La radio est encore plus forte lorsque sa régie peut commercialiser des offres télévisuelles. Le groupe propose la première offre commerciale de France pour les 25-49 ans. L'apport de nos chaînes pour ce public contribue à la vente de la radio. C'est très vertueux pour nos stations de radio et pour nos chaînes de télévision. Mais tout cela est très long. La télévision est un métier de coûts variables, alors que la radio est un métier de coûts fixes, et sa rentabilité dépend des sommes investies dans les programmes. Je reste néanmoins très confiant sur l'atteinte du point d'équilibre à brève échéance. Nous sommes sur la bonne voie.
Je rappelle que le dossier de candidature a été déposé en 2011 et que la première émission a eu lieu le 12 décembre 2012. Le contexte était alors extrêmement différent de celui d'aujourd'hui. Nous ne connaissions pas nos concurrents puisque, lors du dépôt de notre candidature, nous ne savions pas à qui allaient être attribuées les six nouvelles chaînes de la TNT. Le marché a par ailleurs connu de très fortes évolutions systémiques. Ainsi, l'offre élargie se limitait alors à Canalsat. C'était avant que l'ADSL et la fibre ne pénètrent dans tous les foyers – ce mouvement avait certes déjà débuté, mais il était difficile d'en imaginer l'ampleur. On a assisté par ailleurs à un mouvement de concentration et certains groupes historiques ont racheté des chaînes qui s'étaient lancées en 2005 sur la TNT. Enfin, les usages de vidéo à la demande ( video on demand ou VOD) et avec abonnement ( subscription video on demand ou SVOD), ont explosé – en 2011, il n'y avait ni Netflix ni Amazon Prime et l'habitude était de louer pour la soirée un film sur un portail. Tous ces éléments ont probablement contribué à dessiner un écosystème moins favorable à l'atteinte de la rentabilité en quatre ans.
J'ajoute que M6 a mis sept ans avant d'atteindre l'équilibre dans un contexte beaucoup plus favorable puisqu'il n'existait que quatre chaînes en clair, pas d'internet et que les plateformes comme Netflix n'existaient pas.
Comprenons-nous bien : mon souci est moins la rentabilité de vos chaînes que de savoir si votre optimisme actuel est plus fondé que celui que vous manifestiez lors de votre candidature en 2011. À l'époque, vous saviez déjà que M6 avait mis sept ans avant d'être rentable et que le paysage était changeant. Les projections sur lesquelles vous aviez appuyé votre candidature auraient donc pu être plus proches de la réalité.
Je suis très confiant. Nous approchons de la zone verte. Cela a certes pris du temps, mais, je l'ai découvert, la télévision est un métier de longue haleine.
La stratégie de rentabilisation des audiences que vous avez annoncée en 2022 repose sur la réduction des charges et notamment sur celle des coûts de grille. Cela aura des conséquences sur les programmes. Comment concilier l'exigence de rentabilité avec la qualité des programmes ?
L'équilibre repose en effet sur des arbitrages permettant la maîtrise du coût de grille. Mais le critère n'est pas qualitatif : nous devons être prudents et ciblés nos programmes sur certaines catégories d'audience. Grâce à ces choix, nous sommes passés, pour la catégorie des 25-49 ans, de 2,4 points d'audience en 2021 à 2,7 points en 2023 et, pour la catégorie des femmes responsables des achats de moins de 50 ans – je vous demande à nouveau de pardonner l'emploi de cette expression –, de 2,8 points à 3 points. Dans le même temps, notre audience parmi les téléspectateurs de 4 ans et plus (audience 4+) a dû stagner, voire légèrement baisser – mais ce chiffre ne nous préoccupe pas au quotidien.
Cette stratégie d'audience nous a conduits à retirer certains programmes onéreux destinés à l'audience 4+ pour faire des choix éditoriaux pointus en faveur de certaines catégories d'audience nous permettant de nous différencier. Nous avons ainsi pu réduire notre coût de grille. Nous ne pouvons pas lutter avec les grosses chaînes ou les groupes historiques qui réalisent jusqu'à 30 % sur l'audience 4+. Il faut se concentrer sur l'ADN du groupe, le divertissement et les femmes. Nous sommes ainsi parvenus depuis quelques années à un équilibre et l'année 2022 a été satisfaisante, j'espère que l'année 2023 le sera également. Je le répète : cet équilibre n'a pas demandé de sacrifice qualitatif sur les programmes, mais un ciblage pour atteindre certaines audiences que nous savons monétiser afin de payer les coûts de grille. Les équipes de Mme Chanat recherchent ce ciblage lorsqu'elles achètent des droits sur le marché. Nous ne nous préoccupons pas des chiffres de la concurrence sur l'audience 4+. Peut-être une fois dans l'année un de nos programmes se classe-t-il à la quatrième ou cinquième place dans l'audience 4+, mais ce n'est vraiment pas notre objectif. Notre objectif est d'assurer notre singularité pour les 300 000 téléspectateurs qui regardent nos chaînes tous les soirs. C'est ainsi, nous l'espérons, que nous atteindrons l'équilibre dans un avenir proche.
Je comprends la stratégie. Une observation cependant : comment parler de chaînes thématiques si l'une au moins est censée s'intéresser à la moitié de l'humanité, les femmes ? Les hommes ne s'intéresseraient pas aux femmes…
La synergie entre NRJ 12 et Chérie 25 se traduit par une circulation des programmes. Quelle est la part de rediffusions et de productions inédites dans la composition de leurs grilles, notamment pour les genres dominants ?
La circulation des programmes entre nos deux chaînes existe, mais reste limitée, ainsi qu'en témoignent les chiffres suivants, relatifs à l'année 2022 et ne concernant ni la publicité ni le téléachat : sur NRJ 12, les programmes communs avec Chérie 25 ont représenté 483 heures, soit une heure trente par jour et 5,5 % du temps d'antenne ; sur Chérie 25, ils ont atteint 339 heures, soit trois heures trente par jour et 15,3 % du temps d'antenne. Ces programmes communs sont surtout diffusés à des heures creuses. Chacune de nos chaînes diffuse une programmation singulière dans le cadre d'une ligne éditoriale propre et dans le respect des conventions. L'étude d'impact publiée par l'Arcom au mois de janvier dernier montre que le profil des téléspectateurs de nos deux chaînes est différent : NRJ 12 a un des publics les plus jeunes de la TNT alors que celui de Chérie 25 est plus âgé, mais est le plus féminin de la TNT.
Chérie 25, qui doit respecter une obligation conventionnelle de diffusion de programmes inédits de 365 heures par an, a diffusé 441 heures de programmes inédits en 2022. Dans le cadre de cette obligation, un programme inédit est défini comme un programme diffusé pour la première fois sur l'ensemble des chaînes gratuites de la TNT et le nombre d'heures comprend la durée de la première diffusion ainsi que celle des rediffusions éventuelles pendant un délai de trente jours. NRJ 12 n'est pas soumise à une telle obligation, mais nous avons estimé que la chaîne avait diffusé 2 450 heures de programmes inédits, dont 1 660 heures de divertissement, qui fait la singularité de NRJ 12. Je souligne que ces chiffres ne sont que des estimations et qu'ils ne sont pas publiés dans notre bilan.
Il faut bien défalquer du total de 441 heures de diffusion les éventuels doublons au cas où un programme inédit aurait fait l'objet d'une rediffusion dans un délai de trente jours après sa première diffusion ?
Le nombre d'heures comprend en effet la durée de la première diffusion ainsi que les rediffusions faites dans un délai de trente jours.
Je précise ma question : sur le total de 441 heures de diffusion d'inédits, pouvez-vous décomposer entre la durée des premières diffusions et celle des rediffusions ?
Nous pourrons vous communiquer ces chiffres ultérieurement.
Je précise que les droits de diffusion sont achetés sous forme de multidiffusion, étant entendu qu'une multidiffusion comprend une diffusion et un certain nombre de rediffusions – généralement entre quatre et six – dans un délai de trente jours. L'Arcom nous demande de publier dans le bilan annuel de Chérie 25 les volumes d'heures de la première multidiffusion. Un programme inédit d'une heure rediffusé cinq fois en trente jours représentera donc un volume de diffusion d'inédit de cinq heures.
Comment expliquez-vous que le volume de programmes inédits soit beaucoup plus important sur NRJ 12 que sur Chérie 25 ?
Les définitions sont différentes : il s'agit pour Chérie 25 de la première diffusion sur la TNT – ce qui correspond à la définition conventionnelle – et pour NRJ 12 de la première diffusion sur la chaîne. Nous pouvons vous communiquer le volume d'inédits diffusés sur NRJ 12 en retenant la définition conventionnelle, mais cela nous demanderait plusieurs semaines car nous ne disposons pas dans nos bases de données d'informations relatives à la diffusion de programmes sur d'autres chaînes de la TNT. Cette difficulté ne se pose pas pour Chérie 25 puisque – la chaîne étant soumise à une obligation de diffusion d'inédits – lorsque nous achetons des droits de diffusion pour cette chaîne, le distributeur ou le producteur nous informe des éventuelles diffusions du programme. Dans le cas de NRJ 12, nous n'avons pas d'obligation de diffuser des programmes pour la première fois sur la TNT.
NRJ 12 n'étant pas soumise à cette obligation, nous n'allons pas être plus royalistes que le roi. J'aimerais en revanche savoir pourquoi Chérie 25 est soumise à une telle obligation alors que NRJ 12 ne l'est pas : s'agit-il d'une imposition de l'Arcom ou est-ce le résultat d'une négociation de votre part ?
Je n'étais pas en poste à l'époque. Nous pourrons répondre à votre question après avoir consulté les dossiers de candidature.
Je vous en remercie. L'information sera intéressante.
Les clips musicaux figuraient initialement parmi les genres qui devaient principalement composer l'offre de programmes de NRJ 12. Or la chaîne n'en a plus diffusé à partir d'août 2008, malgré les regrets du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Comment avez-vous obtenu du régulateur qu'il supprime cette exigence dans la convention issue de la reconduction de votre autorisation en 2019 ?
Je me permets de préciser que la convention initiale n'imposait pas la diffusion de ce type de programme. NRJ 12 n'a jamais été conventionnée par le CSA comme une chaîne musicale. Les clips étaient simplement un type de programme pouvant être diffusé sur la chaîne. Je rappelle qu'en 2005, la TNT se développait, mais ne couvrait pas encore 97 % de la population française. À l'époque, diffuser des vidéoclips pour une chaîne s'appelant NRJ 12 avait du sens, mais les usages ont rapidement changé avec la montée en puissance de l'accès à internet qui a d'abord permis la consommation de ces formats courts avant celle des longs métrages, qui n'était pas encore possible pour des raisons économiques et techniques. Les clips, en devant disponibles sur d'autres réseaux, ont donc perdu de leur singularité – en tout état de cause, ils ne génèrent pas une audience très importante. Nous avons donc préféré investir dans la fiction et le divertissement. Lors de la renégociation de la convention en 2020, le CSA a accepté que les clips soient retirés de la liste des programmes diffusés, tout en nous autorisant à les diffuser sous réserve d'un engagement à diffuser au moins 40 % de clips de chansons d'expression française dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions, 60 % d'œuvres européennes.
Toujours concernant NRJ 12, le CSA a regretté, dans ses rapports de 2018 et de 2019 « le manque de diversité du traitement de la vie culturelle et des loisirs [...] et le peu de temps d'antenne accordé à ce sujet. » Quelles suites avez-vous données à ces signalements ? NRJ 12 se présente comme une chaîne de divertissement et on peut penser que la culture, dans sa diversité, participe au divertissement.
Nous avons renforcé nos programmes culturels dans le cadre de la nouvelle convention, applicable depuis le 1er janvier 2020, notamment en donnant une place particulière aux jeunes talents de la musique. La crise sanitaire a eu des répercussions sur les manifestations culturelles, et donc sur notre programmation. NRJ 12 a néanmoins lancé en 2020 « NRJ Instant Live », un programme inédit animé par Double F, qui accueille un jeune talent pour une interview suivie d'une performance en live. Nous y avons notamment reçu Nuit Incolore et Eddy de Pretto. En 2022, nous avons diffusé quarante-six numéros de cette émission en 2022 ; les synergies avec la radio nous permettent de renforcer la place des jeunes talents musicaux.
Nous diffusons également le programme « NRJ 12 Aime », qui traite de l'actualité musicale et cinématographique ainsi que des spectacles d'humour. Nous y avons notamment parlé d'artistes comme Vitaa ou Kyo.
Enfin, depuis 2022, NRJ 12 propose un programme inédit, « Les Masters du Rire ». Ce spectacle vivant donne carte blanche à de jeunes humoristes, débutants ou confirmés, pour un sketch d'une dizaine de minutes sur la scène de l'Apollo Théâtre. Nous avons déjà diffusé quatre éditions de cette émission depuis fin 2022 et nous en préparons deux nouvelles, qui seront diffusées au cours du premier semestre 2024. Le programme permet également à ces jeunes talents de faire connaître leur actualité : Cécile Marx et son spectacle Crue au théâtre Saint-Martin, Alexis le Rossignol en tournée pour son spectacle Le sens de la vie, qu'il avait déjà rodé à l'Européen, Tareek et son spectacle Vérité à l'Apollo Théâtre ou encore Romain Doduik et son spectacle ADOrable au Petit palais des glaces.
De façon plus marginale, nous essayons de coller à l'actualité culturelle. Nous avons ainsi diffusé un documentaire sur Mylène Farmer en première partie de soirée sur NRJ 12 en juin dernier, lors de ses concerts au Stade de France.
Je précise que « Les masters du rire », dont nous sommes très fiers puisque nous choisissons les artistes, est diffusé en première partie de soirée. C'est un programme emblématique de l'ADN du groupe.
J'ajoute que le programme est diffusé en partenariat avec Rire et chansons.
Je ne suis qu'un béotien et je me réfère donc à la presse pour connaître votre grille de diffusion. J'y constate que vos chaînes ne diffusent pas de rendez-vous culturels réguliers, qu'ils soient grand public ou plus pointus. J'y constate en revanche que vous pouvez diffuser huit épisodes d'affilée d'une même série.
La presse ne publie pas toujours notre programmation dans son exhaustivité. « NRJ Instant Live » est diffusé tous les samedis matin à neuf heures trente. Nous aimerions diffuser davantage « Les Masters du Rire », car la promotion de jeunes artistes est importante pour nous, mais c'est un programme qui demande un long travail de préparation – il faut repérer les artistes se produisant dans les nombreux spectacles de stand up à Paris et les convaincre de passer en prime time. Nous préférons mener à bien ce travail de longue haleine afin d'offrir le meilleur programme possible qui, je le rappelle, est diffusé en première partie de soirée, ce que nos concurrents ne font pas toujours pour ce genre de programme.
« NRJ Instant Live » serait donc diffusé le samedi matin à neuf heures trente ? Ce n'est pas ce que je vois dans le programme, mais c'est la chaîne qui fait foi. Vous feriez bien, quand même, d'informer les éditeurs de presse.
La convention de Chérie 25 prévoit que « la programmation est composée majoritairement de magazines et de documentaires ». Cette obligation est respectée, mais la question de la répartition entre magazines et documentaires se pose, puisque les premiers représentent 99,5 % du total de ces deux genres dominants. Ne pensez-vous pas que la formulation « composée majoritairement de magazines et de documentaires » implique qu'il faudrait une parité entre les deux ?
Les chiffres que vous venez d'indiquer concernent l'année 2020. La proportion a fluctué : plus récemment, en 2022, nous étions à 28 % de documentaires et 72 % de magazines.
Autre précision utile, si on acquiert un documentaire mais qu'on le contextualise avec un plateau de lancement, et qu'un présentateur ou un journaliste intervient, ne serait-ce que soixante secondes, l'émission devient, selon la classification en vigueur, un magazine.
Notre quota n'est pas assorti de sous-compartiments, et la classification n'est pas absolue. Certaines années, il est possible que nous ayons considéré un peu trop de programmes comme appartenant à un genre plutôt qu'à l'autre.
Après la remarque formulée par l'Arcom à ce sujet, avez-vous cherché à entrer davantage dans le détail pour mieux distinguer les genres ou avez-vous décidé d'adopter une stratégie qui vous conduit à acquérir plus de documentaires qu'auparavant ?
Il n'y a eu, en aucun cas, une volonté de jouer sur les chiffres. Notre obligation est de diffuser majoritairement des documentaires et des magazines : c'est au sujet de la somme de ces deux genres que l'Arcom pourrait intervenir.
Quand nous faisons une acquisition sur le marché des droits ou, dans une moindre mesure, de la production, nous nous demandons comment nous pourrons l'exposer au mieux. Certains documentaires tiennent debout tout seuls, si vous me passez l'expression ; pour d'autres, en revanche, nous estimons qu'un plateau de lancement, que nous pouvons réaliser nous-mêmes, comme nous l'avons fait pour certaines émissions, permet d'enrichir le programme. Cela dépend très fortement du contenu qu'on achète.
Et qu'en est-il des coûts de production des magazines et des documentaires ? Un genre est-il beaucoup plus cher que l'autre ?
Non, pas forcément. Les prix d'acquisition et de préachat dépendent de plusieurs critères : la durée, le lieu et la complexité du tournage, les intervenants et la présence ou non d'images d'archives. En 2022-2023, la fourchette était de 40 000 à 95 000 euros pour l'acquisition et le préachat de magazines et de documentaires, sachant que les multidiffusions vont de quatre à huit selon qu'il s'agit d'une acquisition ou d'un préachat. Nous produisons directement peu d'émissions : nous faisons appel soit à des producteurs, pour du préachat, soit à des distributeurs, pour des acquisitions, et nous n'avons donc pas nécessairement une vision globale des coûts de production.
Durant les cinq derniers exercices, de 2018 à 2022, le CSA puis l'Arcom sont intervenus à quatre reprises, en avril et mai 2018, en juin 2019 et en mars 2022, au sujet du programme « Crimes », et de ses différentes déclinaisons. La première intervention concernait l'obligation d'honnêteté et de rigueur dans l'utilisation des images. La deuxième fois, il s'agissait du respect des droits de la personne, notamment le droit au respect de la vie privée. En 2019 était en cause le respect des dispositions de l'article 3 de la délibération du 18 avril 2018 du CSA relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent. En mars 2022, c'était du respect des préconisations adressées aux éditeurs en janvier 2013 au sujet de l'évocation des affaires judiciaires qu'il était question. Ce programme a donc fait l'objet d'interventions récurrentes. Quelles dispositions avez-vous prises, et pourquoi ne l'avez-vous pas fait plus tôt, pour que l'Arcom n'ait plus à vous rappeler à l'ordre ?
Les lettres de rappel ou de mise en garde étaient consacrées à « Crimes », et la mise en demeure du 23 mai 2018 à « Crimes et faits divers : la quotidienne », qui était en direct. Cette émission n'existe plus depuis juin 2022. S'agissant du programme « Crimes », nous n'avons plus fait de commandes depuis dix-huit mois ou deux ans : nous diffusons actuellement un stock acquis il y a quelques années. Comme il nous reste des multidiffusions, nous continuons, comme toute entreprise qui a un stock. Nous le faisons sur Chérie 25, mais plus du tout sur NRJ 12.
L'Arcom, vous avez raison, nous a fait des remarques sur ces programmes. Nous nous efforçons, chaque fois, de les prendre en compte avec la plus grande attention. Nous avons transmis toutes ces interventions au producteur – nous n'étions, pour notre part, que le diffuseur – et chaque fois que c'était nécessaire, s'il devait encore y avoir des rediffusions, cela a donné lieu à des modifications du programme.
La dernière intervention de l'Arcom, en mars 2022, ne faisait pas état d'un manquement particulier. Nous avons reçu une lettre de rappel concernant, je crois, la modification d'un prénom qui était cité. Le contenu a été modifié, en lien avec le producteur. Une question s'est également posée au sujet d'un floutage dans des images d'archives que nous avions achetées à une chaîne publique nationale, relatives à une affaire judiciaire. Quelqu'un s'est plaint que le floutage n'était pas suffisant, et il a donc été refait.
Compte tenu de notre repositionnement éditorial, des cibles ou catégories d'audience que nous visons, ce programme a tendance à être moins présent sur nos antennes.
Ces programmes marchent très bien. Je rappelle, en simplifiant un peu, que l'audience est un nombre de personnes multiplié par une durée. Auprès de cibles plus âgées et aux heures auxquelles ils étaient diffusés, ces programmes faisaient de l'audience 4+. L'émission « Crimes et faits divers : la quotidienne », qui était diffusée à douze heures trente, s'adressait à un type de public qui restait une heure ou une heure et demie devant sa télévision, ce qui fait de la puissance. Néanmoins, comme je l'ai dit précédemment, cela ne correspond plus tout à fait à notre stratégie.
Est-ce à dire que vous choisissez de sacrifier un programme qui « fait de la puissance », comme vous dites, au bénéfice d'autres émissions qui vous permettent d'avoir un public plus homogène tout au long de la journée ?
Je ne parlerais pas d'un public plus homogène, mais nous essayons effectivement de développer, étant entendu qu'il s'agit de mouvements longs, en raison des habitudes de consommation et des stocks de contenus, une affinité entre NRJ 12 et des publics jeunes, par notre choix de programmes. NRJ 12 est d'ailleurs une des seules chaînes de la TNT à avoir rajeuni son audience au cours des trois dernières années. Alors que le téléspectateur moyen de la TNT a vieilli de presque deux ans, je crois, celui de NRJ 12 a rajeuni de trois ans. Notre stratégie est validée par le public, dont on voit bien qu'il est jeune.
Il y a deux façons d'avoir une audience plus jeune, soit en perdant les plus anciens, soit au contraire, comme nous avons réussi à le faire, en ramenant des jeunes devant la télévision. C'est important pour nous, car c'est ce qui nous permet de développer notre stratégie de rentabilisation.
S'agissant de Chérie 25, l'objectif est de toujours s'adresser au public le plus féminin possible. Selon l'étude d'impact économique que l'Arcom a publiée en décembre, Chérie 25 a 70 % de public féminin. Nous sommes très loin devant les autres chaînes pour cette cible.
J'en viens à une question qui deviendra peut-être rituelle dans cette commission d'enquête– en tout cas je l'espère. Comment définiriez-vous une télévision idéale ? Qu'est-ce que la qualité en ce qui concerne la télévision ?
Je ne pense pas qu'il y ait une réponse : ce qui fait la richesse de la TNT, c'est sa pluralité. Chaque Français a le droit de répondre lui-même à la question, en fonction de la qualité qui lui va. Je conçois ainsi tout à fait que la qualité puisse être, pour certains, un très beau documentaire sur Arte et, pour d'autres, un bon moment de détente devant la télévision. Je ne me permettrais pas de répondre de façon doctrinaire.
Notre métier est d'offrir à un certain public un bon moment – un divertissement pour les Français qui nous font l'honneur de regarder nos chaînes. Je ne dis pas que c'est en cela que consiste la qualité, ou que la diffusion d'un très beau magazine sur Arte n'est pas de la télévision de qualité. Arte offre une qualité extraordinaire à un public qui en a envie à un moment donné. Il y a autant de définitions de la qualité qu'il y a de personnes qui regardent la télévision en France : chacun a le droit de mettre ce qu'il veut derrière la notion de qualité.
J'ignore si vous avez des enfants, mais supposons que ce soit le cas : les laisseriez-vous regarder les chaînes que vous produisez ? Le cas échéant, combien de temps par jour et à partir de quel âge ?
Oui, même si mes enfants sont aujourd'hui un peu trop âgés pour certains programmes que nous diffusons, je le ferais, et j'en serais même très fier. Comme ce sont désormais de jeunes adultes, ils font leurs choix au sein d'un paysage qui est très divers. Si la question est de savoir si je serais inquiet de mettre mes enfants devant NRJ 12 ou Chérie 25, la réponse est non, en aucun cas. Je ne me dirais à aucun moment, devant aucun des programmes que nous diffusons, pourvu que mes enfants ne le voient pas.
La question du renouvellement des autorisations de diffusion se profile pour l'une de vos deux chaînes. Confirmez-vous qu'en 2011, lorsque votre groupe a déposé trois dossiers de candidature dans le cadre de l'attribution de six fréquences, le CSA a demandé de préciser quel dossier était prioritaire ?
Nous avions effectivement présenté trois projets différents : My NRJ, Nosta la Télé et Chérie HD. Nous avons revu les auditions publiques qui se sont déroulées le 5 mars 2012 pour My NRJ, le 12 mars pour Nosta la Télé et le 14 mars pour Chérie HD, car nous ne nous en souvenions plus. La question de la priorité a effectivement été posée, à trois reprises, par des conseillers du CSA et par le président Michel Boyon. Nous avons répondu que nous croyions beaucoup à nos projets, bien sûr, que nous les aimions tous les trois, mais que nous considérions Chérie HD comme prioritaire, notamment pour des raisons de complémentarité.
Lors de l'audition consacrée à Nosta la Télé, M. Boyon a souligné que le CSA était avant tout guidé par l'intérêt du public, ce qui était à la fois naturel et prévu par la loi. Le président du CSA a ensuite demandé si l'on pouvait déduire de nos réponses précédentes que c'était Chérie HD qui nous paraissait le mieux correspondre non pas seulement à nos perspectives économiques mais aussi à l'intérêt du public. Notre réponse a été que le projet avait un intérêt pour l'entreprise et pour le public : nous pensions, en effet, qu'une chaîne destinée aux femmes manquait dans l'offre de la TNT gratuite et que, du point de vue de l'intérêt général, du pluralisme et de la complémentarité des offres, Chérie HD comblerait un manque.
Il me semble que c'est une piste à suivre pour répondre à la question de la qualité : il faut peut-être prendre en compte l'intérêt du public, plutôt que celui des publics, mais je réserve la suite de ces réflexions au rapport.
Vous avez évoqué tout à l'heure des marques d'intérêt, à une certaine époque, pour les chaînes de votre groupe. La loi de 1986 a été modifiée en 2016 pour ce qui est des éventuels changements de contrôle des chaînes : la revente a été interdite pendant une période de cinq ans, sauf problème de viabilité économique. Faites-vous partie de ceux qui souhaitent un assouplissement de cette disposition ? On pourrait, à la place de cette sanctuarisation, avoir une approche plus positive. Quelle est votre position en la matière ?
Cette disposition a été adoptée à la suite de la revente, au bout de deux ans, de la chaîne Numéro 23. Nous comprenons tout à fait que le législateur ait eu pour objectif de prévenir des velléités spéculatives de la part de certains éditeurs au moment où ils devenaient attributaires de cette ressource rare que sont les fréquences hertziennes. Nous faisons néanmoins partie de ceux qui plaident pour un assouplissement, voire une suppression, de cette disposition. Le Sénat avait parlé, à l'époque, d'une vitrification du secteur, et il nous semble en effet que la loi a une portée trop générale. Elle met sur le même pied, d'une certaine façon, des acteurs qui viennent d'arriver sur la TNT et d'autres qui sont là depuis vingt ans. Par ailleurs, l'Arcom encadre très strictement les changements de contrôle des éditeurs : il faut obtenir son agrément.
Avez-vous l'intention de demander le renouvellement de l'autorisation de diffusion de NRJ 12 ? Dans ce cas, pensez-vous que les obligations auxquelles vous êtes soumis dans le cadre de votre convention devraient évoluer ? Dans quel sens ?
Oui, nous présenterons notre candidature lors de la réattribution des fréquences à partir de 2025. S'agissant de l'évolution de la convention, il est trop tôt pour se prononcer. L'appel à candidatures n'a pas été publié par l'Arcom. Nous nous poserons la question d'une modulation des obligations actuelles lorsque nous préparerons le dossier. Nous n'y avons pas travaillé pour le moment, mais nous le ferons probablement au cours du prochain trimestre ou semestre.
Avez-vous, en revanche, réfléchi à la façon dont la procédure devrait idéalement être conçue ?
Non, au risque de vous surprendre. Nous avons déjà présenté des candidatures et nous y sommes donc habitués. Nous concentrerons notre énergie sur la préparation du dossier.
Y a-t-il une procédure idéale ? Même si nous avions une réponse à cette question, j'ai l'impression qu'elle serait vaine. Nous suivrons la procédure, qui est elle-même encadrée par la loi, et nous ferons de notre mieux, en nous comportant en acteur responsable.
Nous n'en avons pas, monsieur le président.
Vous pourrez de toute façon, si vous le souhaitez, nous apporter par écrit des précisions supplémentaires.
La séance s'achève à onze heures cinquante-cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Jean-Jacques Gaultier, M. Aurélien Saintoul