La séance est ouverte à 21 heures 35.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La commission poursuit l'examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (n° 1855) (M. Florent Boudié, rapporteur général ; Mme Elodie Jacquier-Laforge, M. Ludovic Mendes, M. Philippe Pradal, M. Olivier Serva, rapporteurs)
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Après l'article 1er
Amendement CL652 de M. Thomas Portes
Nous demandons que les formations linguistiques soient adaptées pour répondre aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap.
Votre amendement est satisfait dans les faits. L'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration) prend en compte les situations individuelles. C'est d'ailleurs pour cela qu'un entretien individualisé, qui évalue globalement la situation de chaque personne, est mené en début de parcours. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Vous ne répondez pas vraiment à ma question. Des enseignants spécialisés sont-ils prévus ? On lit que l'enseignement sera prodigué par des associations, mais toutes n'en disposent pas.
L'accompagnement individualisé permet d'orienter les personnes qui ont des besoins spécifiques.
Nous partageons votre souhait de pouvoir offrir aux personnes porteuses de handicap l'accès à l'enseignement du français. J'ai une grande confiance dans la capacité d'adaptation. Il faudra accepter d'apprendre à marcher en avançant. Les gens qui dispensent ces formations et les associations sauront très certainement proposer des adaptations.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1469 de M. Aurélien Taché
L'amendement vise à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient équitablement de l'accès à l'apprentissage de la langue française.
Le but de l'article 1er est de renforcer la formation linguistique des étrangers signataires d'un CIR (contrat d'intégration républicaine). Or ne peuvent le signer que les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire, mais pas les personnes ayant seulement déposé une demande d'asile. Il n'est donc pas pertinent que des personnes qui ne peuvent pas signer le CIR bénéficient de l'une de ses composantes. Avis défavorable.
En quoi serait-il embêtant que quelqu'un qui demande l'asile commence à apprendre le français ? Au pire, il parlera mieux français ! Peut-être même que cela lui permettra de mieux faire ses démarches. Je ne comprends pas votre sectarisme : vous faites entrer les gens dans des cases pour leur donner l'accès à la langue française qui serait pourtant, à vous écouter, un préalable. On a l'impression qu'à force de dédales administratifs vous faites tout pour que le moins de gens possible remplissent les critères nécessaires, y compris de langue. On va finir par croire que vous êtes xénophobes !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1470 de M. Aurélien Taché
La présentation à la certification en fin de cursus doit être réinstaurée et prise en charge par l'État.
Elle est déjà prise en charge. Je me permets de vous renvoyer à l'avant-dernier alinéa de l'article R. 413-13 du Ceseda (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : « Lorsque l'étranger obtient au test mentionné à l'article R. 413-9 des résultats supérieurs au niveau déterminé par l'arrêté mentionné au même article, ou qu'il est constaté lors de l'évaluation intermédiaire ou au terme de sa formation qu'il a atteint le niveau linguistique visé, il lui est proposé de faire certifier son niveau de français. Les frais de cette certification sont à la charge de l'État. » Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je serais tenté de dire que vous ne manquez pas d'air ! Si je ne dis pas de bêtise, « R. » c'est pour « réglementaire ». Il faut inscrire cette prise en charge au niveau législatif pour éviter qu'un ministre ne décide brusquement de modifier le dispositif. Déjà que le Gouvernement n'applique pas toujours la loi, alors le règlement…
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1302 de Mme Jean-Claude Raux
L'amendement vise à dispenser du contrat d'intégration républicaine les majeurs étrangers ayant effectué une année de scolarité, au lieu des trois années actuelles. Ne pas l'adopter reviendrait à considérer que l'école n'a aucune valeur d'intégration et de transmission.
Bien évidemment que l'école a une valeur d'intégration ! Mais un an d'études suffit rarement à offrir une maîtrise linguistique nécessaire à une intégration complète. Les trois années offrent une perspective plus réaliste. Par ailleurs, trois ans d'études dans un environnement francophone permettent de s'immerger dans notre culture et nos valeurs. Enfin, dans le cadre européen commun de référence pour les langues, atteindre un niveau de compétence linguistique adéquat nécessite généralement plus d'un an d'apprentissage. Avis défavorable.
Si après une année d'études la personne ne parle pas français, comment font nos élèves en Erasmus ou en année de césure ? Leur année ne servirait à rien ?
L'amendement ne nous paraît pas raisonnable. Son exposé des motifs mentionne la transmission des valeurs. Mais est-ce qu'une année suffit à les assimiler ? On ne peut pas transiger sur les précautions à adopter au regard de l'explosion du nombre d'atteintes à la laïcité. Cette augmentation est constante depuis l'assassinat de Samuel Paty. Rien que pour l'année scolaire 2022-2023, on a atteint un record avec 4 710 atteintes à la laïcité. Pour assurer une meilleure intégration républicaine, ainsi qu'une meilleure familiarisation avec nos codes culturels, et éviter tout séparatisme, il ne faut pas assouplir le dispositif.
Madame Diaz, vous passez en dix-huit secondes à peu près de l'apprentissage du français à l'assassinat de Samuel Paty, ce qui constitue un raccourci mental assez significatif.
La personne n'a pas l'obligation d'apprendre le français pendant trois ans ; si elle l'a acquis avant, tant mieux. Nous parlons bien de l'enseignement secondaire français, alors que vos exemples étaient tirés de l'enseignement supérieur. Pour l'enseignement supérieur, la règle habituelle est d'un an. Cela me semble assez équilibré.
J'entends bien ce que vous dites, monsieur le rapporteur général, mais la réalité est complètement différente. Un grand nombre d'étudiants ne peuvent s'inscrire qu'en cours d'année, parce qu'ils n'ont pas leurs papiers.
Madame Karamanli, si vous avez souvent raison, le sujet ici concerne la signature du contrat d'intégration républicaine et pas du tout l'attribution d'un titre de séjour.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL651 de M. Thomas Portes.
Article 1er bis (nouveau) (Art. L. 433-1-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Limitation à trois renouvellements consécutifs des cartes de séjour temporaires portant une mention identique
Amendements de suppression CL1689 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, CL1614 de M. Sacha Houlié, CL44 de M. Benjamin Lucas, CL622 de M. Michel Castellani, CL675 de M. Thomas Portes, CL877 de M. Boris Vallaud, CL1161 de M. Davy Rimane, CL1269 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert, CL1273 de Mme Blandine Brocard et CL1550 de Mme Marie Guévenoux
L'article limite à trois renouvellements consécutifs les cartes de séjour temporaire portant une mention identique, ce qui est fortement attentatoire au droit au séjour. C'est un facteur d'insécurité juridique injuste pour les étrangers, en contradiction avec nos objectifs d'intégration. Il crée artificiellement des barrières supplémentaires à leur intégration, à rebours des intentions du projet de loi. Une telle mesure risque, par ailleurs, d'accroître significativement la charge de travail des préfectures, les étrangers concernés devant engager des procédures alternatives pour maintenir leur statut légal en France.
On avait entendu dire qu'il s'agissait d'être gentil avec les gentils, méchant avec les méchants. Cet article revient quand même à être méchant avec les gentils et pas réglo avec les réguliers.
Aux arguments humanitaires qui ne semblent pas émouvoir grand monde, je vais préférer l'argument utilitariste. Beaucoup parmi vous prétendent défendre les intérêts des petites entreprises – pas du CAC40, encore qu'un camp les défende bien ; mais l'article leur poserait problème. Les vignerons, par exemple, nous disent que des gens veulent venir faire les vendanges mais qu'ils ont du mal à régulariser leur situation.
Alors que le projet de loi prétend améliorer l'intégration, jusque-là on l'a plutôt dégradée, et cet article porterait quasiment le coup fatal, en introduisant une nouvelle insécurité juridique. Il consisterait à dire à ces étrangers : « On vous soumet à des épreuves supplémentaires et, si vous échouez, vous perdez votre droit au séjour. »
Je rejoins la Défenseure des droits et la rapporteure : cet article aux exigences disproportionnées représenterait une attaque inédite contre le droit au séjour, bien loin de la belle ambition de notre pays de partager nos valeurs et d'intégrer des gens venus d'ailleurs.
Cet ajout du Sénat est malheureusement en cohérence avec beaucoup d'autres. Il stigmatise les étrangers présents sur notre territoire.
Si nous sommes un certain nombre à partager la même volonté d'intégration, il faut qu'elle fonctionne et donc prendre en compte tous les facteurs. Les étrangers en territoire rural, par exemple, doivent faire de nombreux kilomètres pour accéder aux cours de français. Nous devons donner les moyens pour que tous les étrangers y aient accès, où qu'ils se situent.
En réalité, nous ne comprenons pas très bien la logique de l'article. Un étranger qui disposerait d'un titre de séjour de travail ne pourrait pas le renouveler plus de trois fois et devrait soit demander une carte de séjour pluriannuelle, ce qui n'est pas forcément son choix, soit trouver un autre motif de présence, soit être dans l'irrégularité.
Replaçons les choses dans leur contexte ! En 2022, 316 174 premiers titres de séjour ont été accordés à des immigrés extra-européens – un record. Vous caricaturez les choses. En réalité, cette mesure permet de limiter l'installation prolongée des étrangers qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour permanent, ce qui veut bien dire qu'ils n'ont pas vocation à rester sur le territoire national. Vous piétinez la volonté des Français, qui réclament la diminution de l'immigration en France.
Vous vous méprenez sur les intentions du Sénat. Dans l'article 1er, nous avons adopté des dispositions visant à permettre aux étrangers de maîtriser la langue française, qui est un facteur majeur d'intégration – point sur lequel, par extraordinaire, nous étions à peu près tous d'accord. Ne pas permettre d'aller au-delà de trois cartes de séjour temporaire a pour but d'encourager l'étranger à obtenir une carte pluriannuelle et, pour ce faire, à maîtriser la langue française, ce qui lui laisse quatre ans. S'il ne remplit pas cette condition, il peut solliciter la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour un autre motif.
La rapporteure ne suit malheureusement pas la Défenseure des droits sur la totalité de ses avis… L'octroi des cartes de séjour temporaire serait limité et les critères pour obtenir des cartes pluriannuelles durcis. Notre collègue disait que, si l'on ne peut accéder à une carte pluriannuelle, il n'y a pas de raison d'obtenir une carte temporaire. Mais c'est le raisonnement exactement inverse qu'il faut avoir : c'est parce qu'on ne leur délivre pas de cartes pluriannuelles que les gens sont obligés de faire faire des cartes chaque année. Vous règleriez un grand problème d'engorgement des préfectures en facilitant l'accès à la carte pluriannuelle.
Madame Genevard, notre objectif est d'éloigner celles et ceux qui ne respectent pas nos principes et nos règles et de punir celles et ceux qui exploitent l'immigration à des fins capitalistiques – les marchands de sommeil, les employeurs voyous –, pas de multiplier les situations d'irrégularité pour les personnes en situation régulière. Si l'article entre en vigueur, soit la personne devra repartir dans son pays, alors qu'elle pourrait rester, parce que le motif de son séjour sera le même, soit elle devra basculer dans l'irrégularité. Et nous devrions alors la « récupérer » par le biais de la circulaire Valls ou de l'article 4 bis ?
Monsieur Coulomme, le titre de séjour saisonnier n'est pas concerné par la disposition.
Mme Genevard disait que nous nous méprenions sur ce qu'avait voulu faire le Sénat. La vraie méprise, me semble-t-il, concerne, tant à gauche qu'à droite, le volume des titres concernés par la politique migratoire. Il y a 3,5 millions de titres de séjour mais seulement 380 000 titres de moins d'un an, soit 10 % de l'ensemble. Nous donnons bien des titres pluriannuels, monsieur Saintoul : 350 000, soit un chiffre proche de celui des titres de moins d'un an.
À l'article 1er, nous avons conditionné l'obtention du titre pluriannuel à un examen de français. La question est de savoir si l'on doit refuser des titres de court séjour au-delà d'un certain nombre. Je vous donnerai des chiffres plus précis en séance, mais, à ma connaissance, le taux de titres d'un an renouvelés plus de trois fois ne dépasse pas 20 % des 10 % du total.
J'entends l'argument du Sénat, mais je ne pense pas qu'il faille inscrire sa proposition dans la loi. Dans la mesure où le mécanisme change et que l'obtention du titre pluriannuel dépend de l'examen de français, est-ce que ceux qui ne l'ont pas ont raté l'examen trois fois ou n'ont pas pris de cours ou est-ce parce qu'ils veulent des titres de court séjour et ne pas forcément faire venir leur famille ? Une parenthèse : privilégier le titre pluriannuel, c'est inciter au regroupement familial. Le Sénat a voulu dire que les gens qui veulent rester longtemps sur le territoire national ne doivent pas déroger à l'esprit du législateur en multipliant les titres de court séjour sans passer l'examen de français. Mais on ne va pas refuser par principe des titres de court séjour à des gens qui ne veulent pas s'installer durablement, parce qu'ils ont une mission ou un projet précis.
Soit on récrit l'article, soit je m'engage à prendre au banc une disposition d'instruction pour distinguer les différents cas. Je soutiens donc la suppression de l'article, dont j'avais dit au Sénat que je comprenais l'esprit mais qui me paraissait mal rédigé.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 1er bis est supprimé et les amendements CL624 de M. Bertrand Pancher et CL306 de Mme Stéphanie Galzy tombent.
Article 1er ter (nouveau) (Art. L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Légalisation des actes publics et décisions de justice étrangers relatifs à l'état civil
Amendements de suppression CL183 de M. Benjamin Lucas, CL680 de Mme Danièle Obono, CL878 de M. Boris Vallaud, CL1162 de M. Davy Rimane et CL1276 de Mme Mathilde Desjonquères
Notre groupe s'oppose à l'exclusion de la présomption de validité des actes publics étrangers en cas de non-légalisation desdits actes. Cette mesure va compliquer encore plus les démarches administratives des étrangers et limiter encore plus l'accès au séjour des personnes les plus précaires, comme l'a rappelé la Défenseure des Droits, à l'occasion de son audition par notre commission.
Nous souhaitons supprimer l'obligation de légalisation des actes publics étrangers relatifs à l'état civil. Comme d'habitude, l'étranger est considéré comme fraudeur a priori. De surcroît, ça n'est pas si simple : il faut des traducteurs habilités. Et s'il y a en plus une exigence de double légalisation, qui contraint à passer par les autorités françaises dans le pays d'origine, cela devient extrêmement compliqué. C'est comme sur la question de la langue : un point plus un point, ça finit par faire une ligne. En additionnant les exigences, on crée les conditions pour que les étrangers ne puissent ni séjourner ni s'installer dans le pays.
Il convient en effet de supprimer l'article 1er ter, introduit par un amendement du Gouvernement lors de l'examen du texte au Sénat, afin de lutter contre la fraude documentaire dans les demandes de regroupement familial. Cette mesure remet en cause une jurisprudence constante, puisque le juge admet toujours la force probante des actes d'état civil étrangers, même lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'une légalisation. Injuste, elle compliquera encore la vie des étrangers dans notre pays.
J'ajoute que notre droit régit déjà la validité des actes étrangers, notamment dans le code civil. La légalisation n'est pas toujours obligatoire pour les faire valoir ; il s'agit d'une procédure longue de plus de trois mois, qui demande d'engager des frais de traduction. Introduire cette obligation vise uniquement à allonger les délais et à compliquer encore les démarches des étrangers.
Encore une fois, l'avis de la Défenseure des droits nous invite à supprimer cet article.
Le Sénat a introduit une disposition qui exclut la validité des actes d'état civils étrangers non légalisés.
Dans son avis du 21 juin 2022, le Conseil d'État affirme que même lorsque la légalisation est obligatoire, son absence ne fait pas obstacle à la présentation d'un document aux autorités administratives pour qu'elles prennent en considération les énonciations qu'il contient, en particulier relatives à l'identité et à l'âge.
Cette disposition est donc superfétatoire.
L'article 1er ter conditionne l'opposabilité des documents d'état civil à leur légalisation. Cette disposition a été introduite par un amendement du Gouvernement lors de l'examen du texte au Sénat, en séance publique. Je laisse donc le ministre répondre sur le fond.
Le droit prévoit que les actes publics étrangers sont présumés valides, toutefois les administrations sont confrontées à des fraudes à l'état civil. Pour les combattre, l'obligation de légalisation, certes contraignante, apparaît proportionnée et justifiée.
J'émets donc un avis défavorable sur les amendements de suppression, mais je ferai de même sur les amendements visant à renforcer encore le dispositif.
Le Gouvernement a souhaité introduire cette disposition, déjà présente dans le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Dans son avis consultatif du 3 mai 2023, le Conseil d'État a considéré que « s'il est loisible au législateur de qualifier la valeur probante d'une production devant un juge [ou devant l'autorité préfectorale], il ne peut, à moins de méconnaitre les règles de valeur constitutionnelle gouvernant le déroulement du procès équitable, interdire la production de quelque pièce que ce soit devant une autorité juridictionnelle. » Il s'agit donc de limiter le dispositif à l'instruction préfectorale, sans remettre en cause le principe de validité dont disposent par principe les actes d'état civil en droit français, en vertu de l'article 47 du code civil.
On observe de nombreux cas de fraude à l'état civil dans le cadre de procédures de regroupement familial : 5 900 requêtes concernaient des fraudes, sur 12 000 à 14 000 demandes. S'agissant de certains pays, la proportion de faux documents en circulation est énorme, en raison d'un état civil défectueux ou corrompu : l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) estime que 90 % des documents en provenance de Guinée sont frauduleux. Cela empêche d'accorder aux documents concernés une présomption de validité. Il faut pouvoir recourir à cet outil pour les documents en provenance d'états civils disparus, dans des pays en guerre, ou corrompus.
La disposition est proportionnée, et suffisamment ferme : il est inutile d'en élargir le champ d'application.
Je m'étonne qu'on veuille supprimer cet article : il ne s'agit que de demander la preuve de l'authenticité des documents. Continuer à fonder des procédures sur des documents en provenance d'États défaillants reviendrait à considérer la défaillance de l'État comme un motif d'asile. Cet article est bienvenu.
Les auteurs des amendements de suppression affirment que le dispositif ferait obstacle au séjour des personnes les plus précaires. La légalisation est un instrument de lutte contre la fraude à l'état civil, qui est massive. Les acteurs de terrain la réclament depuis longtemps. Certes, les députés d'extrême gauche sont pro-immigration, mais de là à être pro-fraude…
M. le ministre nous explique qu'il faut vérifier les actes de certains pays, parce que leur état civil est moins développé que le nôtre. Il est difficile d'y obtenir des actes, justement parce que l'état civil est défaillant, qu'il manque de personnel, parfois parce que le bureau concerné a brûlé. Dans ce cadre, la légalisation est une mission impossible. Je suis élue de La Réunion : même si le demandeur est de bonne foi, il faut parfois attendre un an pour obtenir un acte délivré par un petit bureau d'état civil au fin fond de Madagascar. Il arrive que les mentions apposées sur le document présenté ne soient pas celles attendues, mais on sait qu'on a affaire à une personne étrangère. Si elle était française, elle produirait son titre d'identité français. On met des bâtons dans les roues à des gens qui n'ont déjà pas les moyens de fournir les documents demandés.
C'est le bon sens : si on n'est pas étranger, on fournit un document prouvant la nationalité française. Le dispositif est absurde. La faiblesse d'un État, son incapacité à organiser un état civil compétent, est précisément une cause d'exil. On fait porter la responsabilité de cette défaillance aux personnes qui cherchent à faire valoir leurs droits en France. C'est injuste : les ressortissants d'un pays dont l'état civil fonctionne bien n'ont pas de raison de le quitter.
Les membres du groupe Renaissance voteront contre la suppression de l'article car celui-ci crée un outil utile pour lutter contre les nombreuses fraudes à l'état civil. Le droit confère une présomption de validité aux actes d'état civil, y compris lorsqu'ils émanent d'États notoirement défaillants, comme la Guinée. Mme Karamanli a fait état de la jurisprudence constante du Conseil d'État, mais la mesure est fondée sur la dernière décision de la Cour de cassation.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL124 de M. Éric Pauget
Cet article va dans le bon sens, étant donné le nombre de fraudes à l'état civil. Le présent amendement tend à sécuriser encore la procédure, en faisant authentifier les documents concernés, par exemple par un commissaire de justice. Cela facilitera le travail des administrations.
Je ne suis pas favorable à l'élargissement du dispositif, que l'administration ne demande pas. Pour être légalisés, les actes administratifs étrangers doivent déjà être traduits par un traducteur habilité. Enfin, la mesure que vous proposez serait très contraignante et difficile à appliquer.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CL106 de Mme Marine Hamelet.
La commission adopte l'article 1er ter non modifié.
Article 2 (art. L. 6321-1, L. 6321-3 [nouveau] et L. 6323-17 du code du travail) : Contribution des employeurs à la formation en français des travailleurs étrangers allophones
Amendement de suppression CL368 de Mme Edwige Diaz
L'article 2 prévoit que les employeurs devront prendre en charge la formation en français de leurs salariés étrangers qui ne parlent pas notre langue. Dans le contexte économique que subissent nos entreprises, c'est inacceptable, et complètement déconnecté de la réalité. Les chefs des TPE et PME (très petites, petites et moyennes entreprises) notamment expriment leur désarroi : les normes explosent, les charges et l'inflation les écrasent, comme le coût exorbitant de l'électricité, que vous ne voulez pas réduire. Ils n'ont pas assez de trésorerie pour augmenter leurs salariés. Entre juillet 2021 et juin 2022, 33 000 entreprises ont fait faillite ; 50 000 entre 2022 et 2023. Pour protéger leur compétitivité, il faut alléger leurs charges, non les alourdir.
L'article organise la contribution des employeurs à la formation linguistique des travailleurs étrangers allophones, afin de favoriser leur insertion.
Une étude de l'Insee parue en 2016 montre que la maîtrise du français n'est pas indispensable pour obtenir un premier emploi mais que la méconnaissance de la langue est un obstacle à l'obtention d'un poste en adéquation avec le profil des personnes. Nous devons donc trouver des remèdes justes et efficaces à cette difficulté.
Dans le cadre du plan de développement des compétences, les employeurs pourront proposer à tous les salariés allophones des formations en français langue étrangère (FLE). Ceux qui signeront un contrat d'intégration républicaine (CIR) pourront comptabiliser le temps de formation comme du temps de travail effectif. Les formations seront suivies sur le temps de travail, avec un maintien de la rémunération. Enfin, l'autorisation d'absence sera de droit. Un décret déterminera le plafond du nombre d'heures concernées.
Le Sénat avait supprimé cet article lors de son examen en commission, craignant de trop alourdir les charges, en particulier des plus petites entreprises ; il l'a rétabli en séance publique.
Pour les entreprises de moins de cinquante salariés, il existe un fonds mutualisé pour financer le plan de développement des compétences. En revanche, la rédaction n'est pas adaptée pour l'emploi à domicile et les particuliers employeurs ; je défendrai un amendement visant à y remédier.
Ainsi, l'article 2 renforcera notre politique d'intégration.
Selon nous, l'employeur qui fait venir une personne étrangère en France ne peut en avoir une vision uniquement capitalistique. Il est responsable des conséquences pour la société : cette personne va se loger, se déplacer, assister au culte, organiser sa vie de famille, inscrire ses enfants à l'école. Je m'étonne que le groupe Rassemblement national accepte l'idée que les entreprises concernées restent libres de toute contrainte.
Les entreprises qui emploient des personnes étrangères versent une contribution à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii). C'est la solution habituelle : on laisse la puissance publique organiser les cours de français et la formation aux valeurs de la République, et on applique une taxe.
Or c'est une astuce de garçon de bains : l'étranger qu'une entreprise fait venir pour occuper un emploi pénible, alors qu'il ne parle pas français et n'est pas intégré, a une heure ou une heure et demie de transport pour aller travailler : il est illusoire de penser qu'à quatorze heures, il aura le temps d'aller à la préfecture suivre un cours de français.
Nous avons donc inventé le 1 % intégration, sur le modèle du 1 % logement. Le temps de travail doit permettre l'épanouissement du salarié. Nous donnons des obligations supplémentaires à ceux qui embauchent des étrangers qui ne parlent pas français, et nous rendons ce choix moins compétitif que celui d'employer un Français ou un étranger qui dispose d'une autorisation de travail, puisque le salarié devra suivre 600 heures de formation sur son temps de travail.
À moins d'être ultralibéral, on ne peut être opposé à ce dispositif, social et patriote, qui imposera aux entreprises d'intégrer les personnes qu'elles font venir. Les petites entreprises disposeront des opérateurs de compétences (Opco). La mesure gêne aux entournures une partie du patronat, raison pour laquelle sans doute la commission des lois du Sénat avait supprimé l'article. Dans sa grande sagesse, le Sénat l'a rétabli quasiment à l'unanimité après avoir entendu nos arguments. Je ne vois pas comment le groupe Rassemblement national pourrait s'y opposer, sauf pour ne pas résoudre les problèmes.
Je reste dubitative. Si certains employeurs ne parviennent pas à recruter, la solution ne consiste pas à aller chercher du personnel à l'étranger. Notre pays compte 5 millions de chômeurs, qui ne sont pas 5 millions de feignants. Les chefs d'entreprise nous l'ont dit lors des auditions : on peut aller chercher les jeunes éloignés de l'emploi, les bénéficiaires du RSA et des seniors, puisque vous les obligez à travailler jusqu'à 64 ans.
Vos arguments sont douteux, mais vous expliquez que l'article vise à dissuader d'embaucher des travailleurs étrangers : nous allons vous faire confiance.
L'amendement est retiré.
Peut-être aussi le retirez-vous parce que vous admettez que l'article impose de nouvelles obligations aux employeurs qui embauchent des salariés étrangers ; il contraindra ceux qui parfois ont longtemps exploité les travailleurs étrangers à les humaniser. En tout cas, je vous en remercie.
Amendements identiques CL803 de Mme Annie Genevard et CL819 de Mme Sandra Regol, et amendement CL686 de M. Thomas Portes (discussion commune)
Il faut rendre cette formation obligatoire : les entreprises de moins de cinquante salariés et les particuliers employeurs en sont exonérés alors qu'elle est essentielle pour les salariés : la maîtrise de la langue est indispensable pour progresser professionnellement.
Il s'agit d'un devoir moral pour les entreprises. C'est encore plus vrai pour les salariés qui sont parents : il est primordial que les enfants entendent parler français à la maison. Beaucoup de salariés allophones vivent depuis longtemps dans notre pays mais ne pratiquent pas sa langue, donc leur femme et leurs enfants ne la pratiquent pas non plus.
Inspiré par le Conseil national des barreaux (CNB), il est similaire. Dans leur grande sagesse, les sénateurs ont réintégré l'article 2, à la faveur d'un amendement de Mme Mélanie Vogel, du groupe Écologiste.
Faire de cette mesure une simple possibilité peut créer des inégalités.
Madame Diaz, les emplois concernés ne sont pris à personne : ils sont à prendre. Les employeurs vont chercher les compétences là où elles se trouvent, en France ou ailleurs – il n'y a pas d'opposition.
Il vise également à garantir que les employeurs organiseront les formations à la langue française. Les obligations de la maîtriser croissent ; les moyens mis à disposition des étrangers pour l'apprendre doivent suivre. Nous proposons d'en faire porter la responsabilité aux entreprises.
Pour le groupe Rassemblement national, seuls les individus doivent supporter des obligations, jamais les entreprises.
J'ajoute qu'il y va de la sécurité au travail.
Enfin, je suis taquin : Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer d'où vient l'expression « astuce de garçon de bains ». Je ne suis pas certain qu'elle soit attestée, or nous débattons de la langue française !
Avis favorable aux amendements CL803 et CL819, dont l'adoption favorisera l'intégration par le travail.
La mesure est intéressante. S'agit-il d'une obligation pour les employeurs ? Si c'est une simple possibilité, à combien estimez-vous le nombre d'étrangers qui se verront proposer des cours de français – plus ou moins de 1 % ?
Le taux de 1 % est celui de la participation de l'entreprise au financement du dispositif. L'article 2 prévoit que l'employeur « peut […] proposer » ; les amendements CL803 et CL819 tendent à écrire « Il propose » : leur adoption rendrait la mesure obligatoire.
Nous allons nous rallier aux amendements de Mme Genevard et de Mme Regol. J'espère que le groupe Renaissance participera à une belle unanimité – on observe des différences dans les votes de la majorité. La langue est au nombre des meilleurs outils pour favoriser l'intégration.
Je voterai contre ces amendements. M. le ministre évoque les flux ; on peut comprendre que les entreprises qui font venir des étrangers financent leur formation, mais la question se pose pour les entreprises qui recruteraient des étrangers en situation irrégulière. Elles le font faute de pouvoir trouver de la main-d'œuvre française, donc dans l'intérêt de l'entreprise, mais aussi de ses autres salariés, qui se trouveraient en difficulté si personne n'était recruté. Le Gouvernement devrait donc prendre sa responsabilité et financer pour partie cette formation, pour qu'elle ne soit pas uniquement à la charge des entreprises.
M. Léaument demande si le rapporteur général, du groupe Renaissance, est d'accord avec la rapporteure, du groupe Démocrate : je le rassure. La majorité Les Républicains du Sénat n'a pas souhaité rendre cette formation obligatoire. Nous considérons au contraire que les amendements de Mme Genevard et de Mme Regol sont opportuns.
Par ailleurs, l'État s'engage en faveur de l'apprentissage du français. La gratuité était acquise dès l'examen au Sénat. Reste la responsabilité de l'employeur : nous sommes à peu près tous convaincus que la mesure peut devenir obligatoire.
Sauf erreur de ma part, l'article 2 a été rétabli au Sénat par l'adoption d'un amendement du Gouvernement, puisqu'il figurait déjà dans le projet de loi initial. Certes, Mme Vogel a recopié l'article du Gouvernement, déposé au Conseil d'État il y a quelques mois, et proposé un amendement identique, mais respectons les droits d'auteur. Il ne vous est pas interdit de dire que le Gouvernement fait parfois bien les choses ; je trouve d'ailleurs formidable que vous défendiez un amendement similaire à un amendement de Mme Genevard.
Monsieur Naegelen, vous soulevez une question différente. La mesure consiste à laisser du temps de travail à des salariés que l'on fait venir de l'étranger, ou qui ne sont pas intégrés, pour qu'ils apprennent le français. Certes, cette obligation pèsera sur l'entreprise, mais nous estimons que celle-ci a également une vocation sociale. Un étranger qu'une entreprise fait venir peut en changer, ou changer de département ; à son arrivée, la société prend en charge une personne supplémentaire : il n'est pas anormal que l'entreprise y contribue. Nous avons choisi de ne pas instaurer une taxe.
Monsieur Saintoul, vous trouverez sur le site mots-surannes.fr l'origine des expressions mettant en scène le garçon de bains, avec des exemples de ses plaisanteries : « on ne peut pas dire que ce roman de Tolstoï ne soit guère épais » ; « [des] plaisanteries que le garçon de bains tire probablement de l'almanach Vermot, ouvrage de référence en matière de calendrier lunaire, horoscope, ornithologie, agriculture et jeux de mots faciles. » L'astuce en dérive, par parallélisme des formes : « La plaisanterie de garçon de bains est en effet à l'esprit léger ce que les gaz du pétomane sont à la parfumerie. »
La commission adopte les amendements identiques CL803 et CL819.
En conséquence, l'amendement CL686 tombe.
Amendement CL997 de M. Benjamin Lucas
Avant d'avoir appris la langue française, on doit pouvoir se faire comprendre et comprendre soi-même ses droits et obligations. Pour garantir l'accueil adéquat des étrangers qui trouvent un emploi dans notre pays, nous souhaitons que le contrat de travail qu'ils s'apprêtent à signer soit traduit dans leur langue maternelle. Cet amendement devrait nous rassembler et nous permettre de coconstruire au moins une petite partie du texte.
Votre amendement est satisfait. Pour le prouver, je ne citerai pas la définition de « garçon de bains », mais, même si c'est moins drôle, l'article L. 1221-3 du code du travail : « Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit, une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier. »
Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
De même que la confiance n'exclut pas le contrôle, la satisfaction n'exclut pas l'inscription dans la loi. Comme on dit chez moi, il y a les diseux et les faiseux ; là, il faut faire. Je maintiens mon amendement.
Ce n'est pas parce que c'est déjà inscrit dans un autre texte qu'il ne faut pas le préciser ici. Ne jetez pas le bébé de M. Lucas avec l'eau du bain !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1702 de Mme Élodie Jacquier-Laforge
Il s'agit d'adapter les dispositions de l'alinéa 3 au secteur des particuliers employeurs en prévoyant un régime particulier fixé par décret.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL1278 de Mme Blandine Brocard
Il s'agit également de la spécificité des particuliers employeurs. Nous proposons une proratisation du maintien de rémunération pendant les cours de langue : si une aide à domicile qui suit des cours le lundi a un employeur le lundi et le mercredi et un autre le mardi et le jeudi, il serait inéquitable que l'employeur du lundi paie l'intégralité de la rémunération due.
Je vous invite à retirer l'amendement, car il est satisfait à la fois par ce qui existe pour les PME et par les amendements que je propose concernant le secteur de l'emploi à domicile. À défaut, défavorable.
L'amendement est retiré.
Amendements CL1734 et CL1733 de Mme Élodie Jacquier-Laforge
Ils complètent mon amendement CL1702 : pour des raisons légistiques, j'ai dû découper en trois l'amendement initial.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement CL703 de Mme Danièle Obono
Encore une complication pour ces gens qui, pleins d'espoir, imaginent pouvoir s'installer chez nous : les formations en langue, indispensables – sur ce point, nous sommes d'accord –, devraient être financées par les salariés eux-mêmes par l'intermédiaire du compte personnel de formation. Mais pour cela, il faut que le CPF soit alimenté. Comment ? Cela suppose que l'on ait travaillé suffisamment longtemps. Et comment fait-on si on n'a pas eu le droit de travailler ?
Vous faites perdre beaucoup de temps au Parlement. Mieux vaudrait trouver une formule simple et ramassée qui signifie que la France est un pays fermé, qu'on ne veut plus être un peuple mélangé, qu'on ne veut plus accueillir personne sauf ceux qui ont la même couleur de peau que nous. Ce serait beaucoup plus simple !
Ce que vous dites est faux : les formations en FLE peuvent aussi être financées par les employeurs. En outre, la rédaction de votre amendement empêcherait en réalité de prendre en compte la formation financée par le CPF dans le temps de travail effectif. J'imagine que ce n'est pas le but recherché.
Avis défavorable.
Je ne comprends pas bien. Cette partie de l'article concerne l'étranger qui fait preuve d'une volonté personnelle de suivre des formations supplémentaires. Pourquoi les auteurs de l'amendement s'opposent-ils à la possibilité de bénéficier d'une autorisation d'absence que nous offrons à ces étrangers particulièrement désireux de s'intégrer ?
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 2 modifié.
Après l'article 2
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CL1473 de M. Aurélien Taché.
Amendement CL696 de M. Thomas Portes
Nous proposons l'instauration d'une procédure de mise en demeure permettant aux employés de solliciter de leurs employeurs des formations en FLE. En cas de non-réponse de l'employeur dans un délai d'un mois, la condition de maîtrise du français ne pourra être opposée au salarié pour lui refuser son titre de séjour ou le renouvellement de celui-ci.
Contrairement à ce que disent certains, nous pensons que l'apprentissage et la maîtrise du français sont importants, mais il est également important de donner aux employés tous les moyens d'y parvenir.
L'article 2 établit une procédure à la fois simple et opérante pour tous les étrangers qui souhaitent s'insérer par le travail et se former. En revanche, je ne suis vraiment pas convaincue par le dispositif que vous présentez, très complexe sur le plan administratif. Si le salarié souhaite une formation en FLE, que son employeur lui dit que ce ne serait pas pertinent, par exemple vu son niveau de français, et refuse de l'inscrire dans le plan de développement des compétences, il pourra toujours la solliciter dans le cadre de son CPF.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 2 bis A (nouveau) (art. 25 du code civil) : Déchéance de nationalité en cas de condamnation pour homicide ou tentative d'homicide sur personne dépositaire de l'autorité publique
Amendements de suppression CL1690 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, CL1616 de M. Sacha Houlié, CL96 de Mme Françoise Buffet, CL182 de M. Benjamin Lucas, CL689 de Mme Élisa Martin, CL879 de M. Boris Vallaud, CL1163 de Mme Emeline K/Bidi, CL1281 de M. Emmanuel Mandon et CL1551 de Mme Marie Guévenoux
L'article 2 bis A porte sur un sujet particulièrement grave : la nationalité française. De nombreux amendements, outre le mien, proposent de le supprimer. J'ai lu avec attention les vôtres, mes chers collègues. D'aucuns dénoncent un amalgame entre immigration et délinquance, d'autres une mesure d'affichage politique. La déchéance de nationalité est une sanction éminemment lourde qui n'a par ailleurs pas sa place dans ce projet de loi. Le sujet mérite un débat apaisé et complet.
J'ai moi aussi déposé un amendement de suppression, car le code de la nationalité n'a rien à voir avec cette partie du projet de loi. L'article est donc un cavalier. Pour la même raison, j'ai déposé des amendements de suppression sur tous les articles qui suivent et qui ont trait au code civil et à l'établissement de l'état civil.
Madame la rapporteure, il est difficile d'avoir un débat apaisé sur ce sujet. Je me réjouis des amendements de suppression déposés par le président de la commission des lois et par vous-même.
M. Retailleau s'est sans doute pris pour une sorte de François Hollande discount en voulant remettre la déchéance de nationalité au cœur du débat public ; je lui souhaite le même destin électoral et démocratique que son modèle.
Plus sérieusement, nous avons des lois, qui prévoient des punitions. La déchéance de nationalité est un symbole, et plus que cela, qui abîme les valeurs de la République. Le précédent auquel je viens de faire allusion avait suscité beaucoup d'émotion, à juste titre. Un tel article abîmerait aussi notre image dans le monde, celle de la patrie des droits de l'homme. Vous revendiquez l'universalisme, mais si on se soucie de l'universel, on défend certaines valeurs fondamentales et on ne propose pas la déchéance de nationalité.
J'ajouterai simplement que la déchéance de nationalité est une sanction qui ne permet pas la réparation, contrairement à l'objectif que visent les magistrats en prononçant une peine.
Outre que la déchéance de nationalité est une sanction très lourde, il y a derrière cet article l'idée qu'il faut lier l'immigration et la délinquance ou la criminalité. Nous soutenons les mesures de lutte contre la criminalité lorsqu'elles sont pertinentes, légitimes, argumentées et bien pesées et lorsqu'elles respectent les droits et libertés constitutionnels. Mais cet affichage politique du lien supposé entre immigration et délinquance ou criminalité nous déplaît fortement.
Cet article est l'un des ajouts les plus honteux du Sénat au texte de loi, et pourtant, il y a le choix ! Après avoir tenté d'introduire dans le débat public l'idée qu'il y aurait des Français de souche, droite et extrême droite essayent désormais d'y intégrer le concept d'étranger de souche. C'est une attaque contre nos principes fondamentaux, notamment contre le droit du sol. On retrouve là les vieilles rengaines racistes et xénophobes. Ces propositions faisaient partie du programme de Jean-Marie Le Pen en 2007 ; elles ont malheureusement été reprises par Sarkozy en 2010 et, encore plus malheureusement, ont réapparu sous d'autres formes pendant l'ère Hollande. Il faut lutter contre ces amalgames et cette suspicion. Pas plus que les étrangers ou les Français ayant acquis leur nationalité par le droit du sol, les binationaux ne sont des suspects par nature.
Pour le groupe Démocrate, les dispositions portant sur le droit de la nationalité n'ont pas leur place dans le projet de loi. Une telle réforme ne peut être abordée au détour d'un texte, mais doit être traitée pour elle-même. Il faut savoir circonscrire nos débats parlementaires. Il s'agit tout simplement de cavaliers législatifs.
Le groupe Renaissance a lui aussi déposé un amendement de suppression de cet article, qui est à l'évidence un cavalier législatif et pose en outre des problèmes de constitutionnalité.
Les articles qui concernent le code de la nationalité – en fait, le code civil, puisque le code de la nationalité a été fondu dans le code civil par Pierre Méhaignerie en 1993 – n'ont rien à faire dans ce texte. Je l'ai redit au Sénat, et le président de la commission des lois du Sénat l'a lui-même admis. Le but, de la part de la droite sénatoriale, était uniquement de créer ce débat. Ces dispositions seraient, à coup sûr, censurées par le Conseil constitutionnel. Nous avons choisi le code des étrangers et non le code civil. D'ailleurs, aucun texte sur les étrangers, y compris lorsque la droite gouvernait, n'a jamais porté en même temps sur le code de la nationalité et sur le code des étrangers : il faut toujours distinguer les deux, à la demande du Conseil d'État. Cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas procéder ici ou là à des modifications concernant la nationalité ; mais, je le répète, elles n'ont rien à faire dans le présent texte.
Sur le fond, l'article 2 bis A est totalement inutile. Depuis 1996, ainsi qu'en a décidé le gouvernement de Jacques Chirac à la suite des attentats de 1995, le ministre de l'intérieur peut, sous le contrôle du Conseil d'État, prononcer une déchéance de nationalité en raison d'actes de terrorisme ou d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, comme les actions au profit d'un État étranger. Et c'est ce que je fais lorsqu'on attente à la vie des policiers ou des gendarmes.
Pour tous les articles touchant au code de la nationalité ou au code civil, qui ne peuvent relever que d'un autre texte, mon avis sera défavorable dans le cadre du présent projet de loi.
Je voudrais répondre aux accusations de suspicion envers les étrangers. Il ne s'agit pas ici de suspects, mais de personnes qui ont été reconnues coupables à la suite d'un jugement. Et à ceux qui ont regretté que ces préoccupations soient réapparues du temps de Hollande, je répondrai que c'était le temps où il y avait une gauche de gouvernement, qui savait faire preuve de bon sens.
Comme Marine Le Pen l'a dit à plusieurs reprises, nous assumerons les erreurs de nos prédécesseurs ; nous souhaitons donc conserver le caractère exceptionnel de la déchéance de nationalité.
Je suis néanmoins surpris de l'exposé sommaire de votre amendement, monsieur le président : vous y expliquez que si vous êtes contre cette mesure pour les personnes binationales condamnées pour homicide ou tentative d'homicide contre un policier ou un gendarme, c'est parce qu'il s'agirait d'« une sanction particulièrement grave ». Mais attenter à la vie d'un policier, d'un gendarme, d'une personne dépositaire de l'autorité publique est un acte particulièrement grave qui doit être condamné de la manière la plus ferme.
Je lis dans ce texte la marque de la soumission de la Macronie à La France insoumise, à l'extrême gauche, à la pensée mélenchoniste selon laquelle la police tue et qui ne cesse de salir l'image de nos forces de l'ordre dans le pays. J'en suis très choqué. Il est possible que la disposition en discussion soit un cavalier ou qu'elle soit déjà satisfaite ; mais, sur le fond, cela en dit long sur votre position vis-à-vis des forces de l'ordre.
Je veux soutenir le président de la commission contre ces accusations ignobles. Ce n'est pas parce que l'on rappelle les principes de l'état de droit et parce que l'on est attaché à la justice que l'on déteste les fonctionnaires de police ou les gendarmes. Je me réjouis que, sur ce sujet, la digue républicaine soit rétablie face à vous, qui avez malheureusement absorbé une droite radicalisée que l'on pourra bientôt qualifier d'extrême droite. Cela nous protège de la division et de la haine, principal projet du Front national.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 2 bis A est supprimé et les amendements CL558 et CL557 de M. Éric Pauget tombent.
Article 2 bis (nouveau) (art. 21-7 du code civil) : Restriction des critères d'obtention de la nationalité par le droit du sol
Amendements de suppression CL1691 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, CL1617 de M. Sacha Houlié, CL708 de Mme Élisa Martin, CL880 de M. Boris Vallaud, CL1062 de Mme Francesca Pasquini, CL1164 de Mme Emeline K/Bidi, CL1284 de Mme Blandine Brocard et CL1552 de Mme Marie Guévenoux
Nous en arrivons aux dispositions qui concernent le droit du sol. Elles ne figuraient pas dans le texte initial ; c'est le Sénat qui les a introduites, en commission puis en séance. Elles constituent une remise en cause inédite de notre droit du sol ; leurs implications sont telles qu'elles méritent un débat apaisé – je me réjouis que nous puissions l'avoir ce soir. Le présent projet de loi n'est pas le véhicule législatif adéquat pour ces mesures, qui sont donc des cavaliers.
Sur le fond, il s'agit de subordonner la naturalisation par droit du sol à une manifestation effective de volonté de la part des enfants étrangers nés en France. L'article créerait ainsi de la complexité et une incertitude majeure pour ces jeunes. La nécessité de manifester activement sa volonté pourrait créer des obstacles administratifs nouveaux et susciter l'incompréhension de ceux qui, à ce moment-là, n'auraient pas pleinement conscience de cette exigence et de ses implications.
Par ailleurs, l'article contrevient à l'objectif d'intégration des enfants nés sur notre territoire, qui est l'honneur de notre modèle républicain.
Prenons un garçon de 14 ou 15 ans, né en France. Prenons un autre garçon du même âge dont les parents se sont installés en France il y a quelques années. Qu'est-ce qui les différencie ? Rien du tout. Pourquoi ? Parce que la République reconnaît chacun des deux comme son enfant. Leur égalité de droits en est la marque. En théorie – bien sûr, cela dépend de qui dirige le pays –, ils sont traités de la même manière. Pourquoi dégrader encore le droit du sol ?
Nous saluons l'unanimité, sur les bancs républicains, de l'opposition à une mesure qui dégrade l'automaticité du droit du sol et n'est confortée par aucun motif sérieux. C'est, en outre, un cavalier législatif.
Tout a été dit, qu'il s'agisse de l'inégalité que crée l'article entre les personnes informées et celles qui ne le seraient pas, de la difficulté à informer un jeune public ou du danger dont le dispositif proposé est porteur. J'espère que nous serons très nombreux à vouloir exclure du texte tous les articles issus du Sénat qui n'ont rien à y faire.
On est passé d'un droit qui s'acquiert à un droit qui se mérite, puis qui se demande. En outre, le délai prévu, entre les âges de 16 et 18 ans, est bien trop bref. À cet âge-là, connaît-on suffisamment notre droit ? A-t-on les clés pour comprendre ce que tout cela représente ? Si on voulait supprimer le droit du sol, on ne s'y prendrait pas autrement.
Il conviendrait de ne pas polluer le débat en s'appesantissant sur un sujet qui n'a pas sa place dans ce texte.
Le groupe Renaissance s'oppose à cet article parce qu'il s'agit d'un cavalier et, sur le fond, parce qu'il serait source de complexité et d'incertitude pour les jeunes étrangers nés en France ; il pourrait créer des obstacles administratifs et susciter de l'incompréhension chez ceux qui n'auraient pas pleinement conscience de l'exigence de manifester activement leur volonté d'être français. Cela nuirait à l'objectif d'intégration de ces enfants nés sur notre territoire.
Je suis toujours étonné que des gens qui disent aimer notre pays ne souhaitent pas que des étrangers deviennent français, alors que cela fait grandir notre peuple. Lors du débat sur la réforme des retraites, le Rassemblement national disait qu'il fallait faire des enfants pour financer le système de retraite ; mais quand il s'agit d'enfants étrangers qui deviendraient français, ils ont un problème.
D'où vient cette incohérence ? D'un truc qui s'appelle la xénophobie, la peur des étrangers. Souvent, le Rassemblement national nous dit : « Vous nous accusez d'être racistes, mais vous êtes incapables de le prouver. » Là, il en a fait la démonstration.
Sur le droit du sol, je vous rappelle la position du Rassemblement national : comme 74 % des Français, nous souhaitons qu'il soit supprimé. Face à des délinquants, des casseurs, qui attaquent la police, à des gens qui ne respectent pas les lois de la République, que devrions-nous faire ? Leur accorder la nationalité française ? Certainement pas ! Le fait d'être né en France ne doit pas donner automatiquement la nationalité française. Être français s'hérite ou se mérite.
La réalité parallèle à laquelle vous empruntez ces sondages, est-ce aussi celle dans laquelle vous avez lu l'exposé sommaire de mon amendement tout à l'heure ?
De nombreux enfants étrangers nés en France désirent sincèrement devenir français. Un quart des 110 000 étrangers qui deviennent français chaque année sont nés en France de parents étrangers. Dans cet article, il n'est pas du tout question d'empêcher l'octroi de la nationalité française, seulement de se soucier de la façon dont elle est transmise, acquise et reçue. L'acquisition de la nationalité serait soumise à une manifestation de volonté : cela me semble un minimum pour l'unité de la France et pour notre nationalité, ce bien précieux qu'il ne faut pas brader.
Nous n'avons aucun problème avec le fait d'accueillir dans la nationalité et la citoyenneté – à 18 ans, les deux vont de pair – un nombre important d'étrangers établis ou nés en France. Mais je ne vois pas en quoi leur demander un acte de volonté serait antidémocratique. De nombreux États en Europe, comme outre-Atlantique, appliquent des règles différentes des nôtres en matière de droit de la nationalité, sans être moins démocratiques que nous. Il ne suffit pas de répéter un verdict définitif de xénophobie ou de racisme pour en faire une vérité. Être français est un honneur ; demander à l'être n'est pas un déshonneur. La nation est grande quand elle sait accueillir, mais elle l'est aussi quand elle accueille des gens qui veulent vraiment lui appartenir.
Notre collègue RN a démontré avec brio ce qu'exposait Antoine Léaument au sujet du racisme et de la xénophobie du Front national. Être français s'hérite ou se mérite ? Avec vous, pas grand-monde ne le mérite. Surtout, vous, vous ne méritez pas la France, parce que vous ne l'aimez pas, parce que vous la voyez frileuse, repliée sur elle-même, fermée aux autres, belliqueuse, divisée, oubliant la belle devise Liberté, Égalité, Fraternité. Vous ne la méritez pas quand vous demandez de choisir à des enfants de 16 à 18 ans qui sont peut-être en conflit affectif avec leurs parents, quand vous voulez fermer la porte après 18 ans à des gens qui ont envie de devenir français, de contribuer à rendre notre nation bien plus forte que ce que vous voulez en faire et que ce que vous en dites.
Je voudrais revenir à des arguments plus juridiques. Dans les actions en filiation – un aspect de la construction de l'identité, comme la nationalité –, on a jusqu'à dix ans à compter de sa majorité, donc jusqu'à 28 ans, pour lancer une procédure. Ici, on demande à des jeunes, presque des enfants, de décider entre 16 et 18 ans s'ils veulent être ou ne pas être français. Ce délai beaucoup trop court ne permet pas une décision éclairée. En plus d'être fondé sur de mauvaises raisons et dicté par une idéologie que nous combattons, cet article est juridiquement aberrant.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 2 bis est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 2 ter A (nouveau ) (Art. 21-2 du code civil) : Allongement des délais à partir desquels l'étranger peut acquérir la nationalité française par mariage
Amendements CL1692 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, CL185 de M. Benjamin Lucas, CL713 de M. Andy Kerbrat, CL881 de M. Boris Vallaud, CL1165 de M. Davy Rimane, CL1287 de Mme Blandine Brocard, CL1553 de Mme Marie Guévenoux et CL1618 de M. Sacha Houlié
Cet article, introduit par le Sénat en séance publique, durcit les modalités d'accès à la nationalité par mariage. J'y suis défavorable pour les mêmes raisons que celles qui motivaient la suppression de l'article 2 bis.
Il s'agit ici de l'acquisition de la nationalité par l'amour. Là encore, c'est une histoire profondément républicaine : depuis 1793 et la Constitution de la Première République, un étranger peut devenir français s'il épouse quelqu'un qui possède notre nationalité. C'est encore une fois de notre côté qu'est la défense de la tradition républicaine : celle du droit du sol, celle de la possibilité de devenir français quand on s'aime.
Ce débat révèle une fracture entre deux visions de la France – je parle bien de la France, car il n'y a qu'une vision de la République, celle du droit du sol et de la possibilité de devenir français par les liens affectifs et amoureux. Le Rassemblement national, et le groupe Les Républicains qui porte bien mal son nom, sont sortis de cette tradition. Ils défendent, je suis désolé de le répéter, une logique xénophobe.
Les délais de naturalisation sont déjà très anormalement longs. En cinq ans, plus de 5 000 personnes ont saisi le Défenseur des droits à la suite de difficultés d'accès au service public de naturalisation. Je vois dans mon département l'allongement des délais d'instruction : des dossiers déposés depuis deux ans sont toujours en attente. Ce n'est pas possible !
On a bien compris dans quelle société vous voulez nous faire vivre : une société où il n'y a plus de frontières, où les gens font ce qu'ils veulent, où tout est open bar, où l'on acquiert la nationalité française très rapidement. Et pourquoi pas sans délai ? Allons-y !
Il n'est pas xénophobe de dire que la nationalité française se mérite. Elle n'a pas à être dévaluée ni dévalorisée, ce que vous ne cessez de faire : manifestement, la nationalité française n'est rien à vos yeux. L'arc républicain que nous représentons est très attaché à la nationalité française, et que cela vous plaise ou non nous continuerons à la défendre.
C'est incroyable ! Je viens de vous parler de la Première République de notre pays, celle de 1792-1793, en rappelant les règles qu'elle avait instaurées. C'est nous qui défendons une République désuète, celle du drapeau tricolore, de La Marseillaise et de la devise Liberté, égalité, fraternité !
Je suis assez content qu'il demeure des digues républicaines entre ceux qui défendent le droit du sol et vous, qui défendez une politique xénophobe.
Quant aux frontières, non seulement nous n'avons jamais dit que nous voulions les faire disparaître, mais nous sommes ceux qui proposons un protectionnisme solidaire. Nous souhaitons contrôler davantage les marchandises et les capitaux, mais aussi accueillir plus dignement les gens qui arrivent dans notre pays.
Il est difficile de ne pas réagir : vous parlez, madame Bordes, comme si toutes les personnes qui ne reprennent pas la phraséologie et la mythologie de l'extrême droite devenaient des anti-France. La France est riche de ses diversités, de ses accents, de ses langues régionales, de ses territoires si différents les uns des autres, de toutes les vagues d'immigration qui l'ont composée : vous détestez cette vraie France. Vous voulez imposer une vision normée, normalisante, de la France quand le pays tout entier vous renvoie l'inverse et quand les grandes heures de notre pays ont été celles où nous avons accueilli le plus de monde. Un pays qui est grand, qui est sûr, qu'on aime, c'est un pays qui n'a pas peur d'être contaminé parce qu'il sait que sa culture s'étend. Je suis fière de parler français, j'ai envie que beaucoup de gens parlent ma langue ; j'ai l'impression que vous voulez au contraire garder cette langue et ce pays seulement pour vous, enfermés entre les quatre murs de votre petit parti – et ça commence à bien faire.
En tant qu'ultramarine, portant un nom à forte consonance bretonne et avec du sang d'esclave, je veux dire qu'il n'y a pas qu'une seule conception de ce qu'est un Français. Les notions de Français de souche, de Français historiquement français n'ont pas de sens : on pourrait faire des prises de sang à tout le monde ici, je ne suis pas sûre que beaucoup auraient la nationalité.
En revanche, il y a un droit de la nationalité et nous estimons qu'il est suffisamment contraignant. Les règles ne permettent certainement pas de donner la nationalité à tout le monde, et surtout pas dans des délais très brefs. Ce droit ne doit pas être encore alourdi. Nous ne sommes pas pour un monde sans frontières ; nous vivons dans un monde difficile, nous en sommes tout à fait conscients, mais nous ne sommes pas d'accord pour construire le monde tel que vous le souhaitez.
Madame Bordes, je ne sais pas de quoi vous avez parlé, mais en tout cas pas du projet de loi. Celui-ci réforme le droit des étrangers ; les dispositions ajoutées par le Sénat, outre que ce sont des cavaliers législatifs – si l'on est honnête, il faut donc dire aux Français qu'elles ne seront pas retenues par le Conseil constitutionnel –, alourdissent l'accès à la nationalité. En supprimant cet article, nous ne faisons que nous en tenir au droit existant. Personne, et surtout pas le Gouvernement ni la majorité, ne veut faciliter l'accès à la nationalité ; c'est nous qui, en instaurant des entretiens d'assimilation, avons fait baisser de 30 % à 40 % le nombre de naturalisations par rapport à l'époque des présidents Sarkozy et Hollande.
Nous modifions ici le code des étrangers : le confondre avec le droit civil de la nationalité, c'est créer une confusion, ce que nous voulons éviter. Depuis que la République existe, tous les textes distinguent le droit des étrangers du droit civil.
Peut-être votre intervention visait-elle seulement la NUPES : c'est alors un débat que vous aurez entre vous. Si vous parliez du texte du Gouvernement, vous commettez une grave erreur puisque nous nous en restons au droit existant.
Le droit des étrangers est assez compliqué pour provoquer des discussions fortes : tenons-nous-en à ce sujet.
La commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 2 ter A est supprimé.
Article 2 ter B (nouveau) (Article 21-11-1 [nouveau] du code civil) : Opposition à l'acquisition de la nationalité par le droit du sol en cas de défaut d'assimilation à la communauté française
Amendements de suppression CL1693 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, CL1619 de M. Sacha Houlié, CL714 de Mme Andrée Taurinya, CL882 de M. Philippe Brun, CL1063 de Mme Francesca Pasquini, CL1166 de M. Davy Rimane, CL1289 de Mme Blandine Brocard et CL1554 de Mme Marie Guévenoux
Là encore, cet article ajouté par le Sénat en séance publique constitue une remise en cause inédite du droit du sol. Il manque en outre de clarté et de précision ; la notion d'« assimilation manifeste » est vague et subjective. La Défenseure des droits estime qu'il pourrait contrevenir à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
Plus symboliquement, cette disposition représenterait une entrave à l'intégration des jeunes étrangers nés en France.
L'assimilation oblige l'étranger à abandonner complètement sa culture : c'est une vision dans laquelle se complaisent la droite et l'extrême droite, une vision colonialiste, raciste et xénophobe – il n'y a pas d'autres mots. Nous croyons au contraire possible de faire République, de faire nation avec toutes nos différences et avec toutes les cultures.
Nous demandons également la suppression de cet article. L'assimilation n'a jamais été une condition de l'accès à la nationalité – je peux en parler personnellement. L'intégration a toujours été considérée comme l'élément essentiel pour accorder la nationalité à des gens qui ont choisi de vivre ici, d'y étudier, de s'y marier, d'y fonder une famille, d'y travailler.
J'ajoute à ces propos, auxquels je souscris évidemment, que l'expression « manifestement pas assimilé à la communauté française » est intéressante : que veut-elle dire ? Qui détermine ce qu'est l'assimilation ? Je mange à la fois du très bon foie gras de chez M. Vallaud dans les Landes et le tikourbabine de ma grand-mère par alliance, donc un plat landais et un plat kabyle, dans la même journée quand j'ai de la chance : suis-je convenablement assimilé ? J'ai cité Michel Sardou, j'aurais pu citer Khaled : la musique que j'écoute me permet-elle d'être convenablement assimilé ?
Ces questions montrent par l'absurde que le concept d'assimilation à la culture française est risible. J'aimerais que l'on aille voir comment vous vivez et si vous êtes vraiment assimilés à la culture française que vous prétendez défendre.
Au-delà de ces arguments, il y a un problème de sécurité juridique : ces notions n'ont aucun ancrage juridique et mettraient l'administration dans des situations très compliquées. Je ne suis même pas sûre que cet article passe la censure du Conseil constitutionnel.
Comme les précédents, cet article n'a pas sa place dans ce texte. Inutile de perdre notre temps en nous demandant ce qu'est l'assimilation ; concentrons-nous sur le sujet du texte.
Le texte issu du Sénat est très mou. Et lorsque les sénateurs proposent que l'étranger perde le droit de devenir français s'il n'est pas assimilé à la communauté française, vous rejetez cette disposition la main dans la main ! C'est hallucinant. Nous avons proposé de durcir le droit du sol et les modalités du regroupement familial, mais nous voudrions surtout supprimer ces dispositions. Il y a aujourd'hui des individus qui sont devenus français mais qui ne respectent ni la communauté française ni ses valeurs. Certains jeunes étrangers, arrivés à l'âge adulte, sont physiquement d'ici, incontestablement, mais leur âme est malheureusement d'ailleurs, pour paraphraser Max Gallo.
Comme on pouvait s'y attendre, le Rassemblement national se dévoile petit à petit et montre qu'il ne connaît ni notre pays, ni notre histoire.
Notre drapeau est né d'une grève antiraciste de marins bretons qui ont, en 1790, refusé de se rendre en Haïti pour mater des révoltes d'esclaves, au nom de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ces marins bretons refusaient aussi le drapeau blanc qu'arboraient leurs bateaux. Cette histoire a fait tellement de bruit qu'elle a fini par arriver à l'Assemblée nationale ; c'est Mirabeau qui, défendant le drapeau tricolore, proclame qu'il est temps de remplacer le drapeau de la gloire par la guerre par celui qui sera « celui de la sainte confraternité des amis de la liberté sur toute la Terre, et comme la terreur des conspirateurs et des tyrans ». L'Assemblée nationale, le 21 septembre 1790, décide pour la première fois de faire du drapeau rouge, blanc, bleu – dans cet ordre à l'époque – celui des navires français.
L'histoire de notre drapeau, celui d'un pays que vous dites tant chérir mais que vous ne connaissez pas, est celle d'une grève antiraciste. Avalez-vous-le, c'est l'histoire de la France !
Notre collègue du Rassemblement national dit que les gens sont ici mais que leur âme est ailleurs. Je ne sais pas où est votre âme, ni même si vous en avez une, mais je sais que vos sous sont chez M. Poutine, qui finance abondamment vos campagnes électorales, que les ballerines de Mme Le Pen quand elle danse avec un néonazi sont à Vienne, et que vos fondateurs étaient à Sigmaringen !
La commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 2 ter B est supprimé.
Article 2 ter C (nouveau) (Art. 2493 et 2535, 2536, 2537, 2544, 2545 et 2546 [nouveaux] du code civil) : Restriction des conditions d'acquisition de la nationalité par le droit du sol dans certains territoires ultramarins
Amendements de suppression CL1694 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, CL716 de Mme Élisa Martin, CL883 de M. Boris Vallaud, CL1229 de M. Davy Rimane et CL1291 de Mme Blandine Brocard
Je propose de supprimer cet article pour le déplacer au sein du titre consacré à l'outre-mer.
Les propos du Rassemblement national font écho à ceux de M. Darmanin qui reprochait à Mme Le Pen d'être trop molle en matière d'immigration.
Nous demandons la suppression de cet article car nous refusons ces dérogations au droit du sol en Guyane et à Saint-Martin. La République reconnaît tous ses enfants : le droit du sol doit valoir sur l'ensemble du territoire.
Cet article rend plus difficile l'acquisition de la nationalité pour les mineurs étrangers nés dans certains territoires ultramarins de parents étrangers. Ces dispositions visent notamment à appliquer à Saint-Martin le régime juridique d'acquisition de la nationalité actuellement en vigueur à Mayotte.
Cet article qui porte atteinte au droit du sol n'a pas sa place dans cette loi.
Avis favorable. Nous en reparlerons lors de la discussion du volet consacré aux outre-mer, dont M. Serva est le rapporteur.
Nous comprenons les raisons de cet amendement de suppression. Néanmoins, son adoption fera tomber un amendement de Mme Youssouffa, CL1069, tendant à modifier les règles en vigueur à Mayotte : il s'agit de prévoir que les deux parents, et non un seul comme c'est le cas aujourd'hui, doivent vivre régulièrement depuis trois mois à Mayotte pour que l'enfant puisse prétendre au bénéfice du droit du sol. En outre, l'article 2 ter C porte ce délai à un an. Ces dispositions sont essentielles aux yeux de nos collègues mahorais.
Le groupe Renaissance suivra la rapporteure, tout en se montrant très attentif aux demandes du groupe LIOT concernant Mayotte.
La commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 2 ter C est supprimé.
Article 2 ter (nouveau) (Article 21-27 du code civil) : Resserrement des critères d'obtention de la nationalité par le droit du sol
Amendements de suppression CL1697 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, CL1620 de M. Sacha Houlié, CL719 de M. Andy Kerbrat, CL884 de M. Boris Vallaud, CL1167 de Mme Elsa Faucillon, CL1293 de Mme Blandine Brocard et CL1555 de Mme Marie Guévenoux
Cet article rend impossible la naturalisation des mineurs nés en France ayant fait l'objet d'une condamnation pour des infractions graves, d'un arrêté d'expulsion ou d'une interdiction de territoire avant leur majorité. Je suis défavorable à cette remise en cause du droit du sol. Une telle disposition rendrait plus difficile l'intégration des enfants nés sur le territoire français.
Le droit du sol est indépassable. J'ai entendu que la nationalité française se méritait : encore une fois, je ne vois pas de différence entre quelqu'un qui est né en France de parents français ou de parents étrangers. Nous devons tous être traités de la même manière. Un tiers des Français ont au moins un grand-parent qui n'est pas né en France : il faudrait s'interroger sur les conséquences de ce type de disposition si l'on remontait d'une génération. Même au sein de l'Assemblée nationale, nous ne serions peut-être plus très nombreux… Trêve de plaisanteries. Un enfant né ici est un enfant français.
Cet article vise encore à stigmatiser les personnes nées étrangères. Le nombre de personnes concernées par cet article serait dérisoire : il s'agit seulement d'amalgamer étrangers et délinquance. Le droit du sol est un principe qui remonte à plusieurs siècles ; il existait avant même la République. Beaucoup se réclament de l'histoire française et prétendent la défendre, mais on voit combien ils n'en retiennent que ce qui les arrange pour défendre un projet d'exclusion.
Nous demandons la suppression de cet article, mais le groupe Renaissance ne néglige pas les questions liées aux territoires ultramarins.
L'acquisition de la nationalité française ne peut être proposée à ceux, même mineurs, qui ont fait le choix de ne pas respecter nos lois républicaines. Ceux que l'on appelle Français aujourd'hui car l'accès à notre nationalité a été bradé sont surreprésentés parmi les délinquants et les criminels, c'est un fait. Jusqu'à quand les Français vont-ils payer par leur sang cette immigration que vous leur imposez ? Jusqu'à quand allons-nous offrir l'hospitalité à ceux qui bafouent nos lois et qui malgré tout peuvent se voir offrir la nationalité française ? Jusqu'à quand entendez-vous faire de ces individus des Français alors qu'ils ont clairement démontré n'avoir aucun respect pour notre pays ? Avec les étrangers, il faut être clair et leur dire : ne comptez pas devenir Français si vous avez décidé de piétiner nos lois.
Si l'extrême gauche y trouve à redire, c'est certainement par souci électoraliste : ne pouvant pour le moment s'assurer les voix du Hamas dans notre pays, ils s'assurent celles des délinquants qui le chérissent dans les quartiers.
Le principe du droit du sol est d'une beauté splendide. Il postule que, selon les mots de Jean Jaurès, « la République est un grand acte de confiance et un grand acte d'audace ». Nous proposons aux étrangers de faire le choix d'adhérer à la France. La position du Rassemblement national est contraire au génie de notre pays. Le Figaro de Beaumarchais disait des aristocrates qu'ils n'avaient fait que se donner la peine de naître. Eh bien, ces Français du Rassemblement national sont tout pleins de la fierté de s'être donné la peine de naître ; ils se croient de grands génies, pour reprendre les mots de Figaro, et revendiquent le privilège d'être français. Nous considérons, nous, qu'être français est une chance dont nous ne voulons pas priver ceux qui ont eu la chance de naître sur notre sol.
La commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 2 ter est supprimé.
Article 2 quater (nouveau) (Art. 21-17 du code civil) : Allongement du délai de résidence de l'étranger de cinq à dix ans avant de pouvoir solliciter une naturalisation
Amendements de suppression CL1695 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, CL1626 de M. Sacha Houlié, CL720 de Mme Andrée Taurinya, CL885 de M. Philippe Brun, CL1052 de M. Benjamin Lucas, CL1168 de Mme Elsa Faucillon, CL1295 de Mme Blandine Brocard, CL1333 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert et CL1556 de Mme Marie Guévenoux
Cet article allonge les délais à partir desquels un étranger peut solliciter une naturalisation par décret. Cette disposition constitue une barrière injustifiée à l'intégration. Elle est aussi un cavalier législatif, que je vous invite à supprimer.
Nous nous opposons à cet allongement de cinq à dix ans du délai pour demander la naturalisation, et non pour l'obtenir.
Encore un article qui modifie le code civil et n'a aucun lien avec le sujet du texte. Cet allongement de délai n'a aucune justification : dix ans, pourquoi pas cent ?
Nous nous opposons évidemment à ce durcissement de l'accès à la nationalité. C'est une mesure d'affichage, évidemment, mais aussi une façon de plus de tourner le dos à toute ambition d'intégration.
L'instruction des demandes de naturalisation par les préfectures est déjà si longue qu'elle repousse considérablement le moment où l'on peut prétendre à cette naturalisation. Cette mesure est donc disproportionnée et injuste.
Une procédure de naturalisation va bien au-delà d'un critère de durée de résidence. Il faut montrer sa volonté de s'intégrer à la nation française, avec une connaissance approfondie de notre langue, de notre histoire, de notre culture.
Encore une fois, une partie des macronistes et la NUPES s'allient pour assouplir le texte issu du Sénat. Ce qui ne vous plaît pas, c'est que la durée de résidence nécessaire sur le territoire pour solliciter sa naturalisation passe de cinq à dix ans. Mais une naturalisation, ce n'est pas un acte anodin ! Cela change votre vie et celle de vos enfants. Le Rassemblement national est favorable au maintien de ce délai de dix ans : c'est une durée suffisante pour apprécier les liens que l'étranger entretient avec la France. C'est aussi le délai de validité d'une carte de résident, et c'est cohérent avec les règles adoptées par certains de nos voisins européens, comme l'Espagne, dont le gouvernement est socialiste. Il n'y a rien d'affreux dans cette proposition.
Je ne comprends vraiment pas comment on peut, tout en prétendant aimer notre pays, vouloir que des gens qui ont envie de devenir français ne le puissent pas. C'est vraiment sidérant ! Quand on aime son pays et son peuple, le fait que des gens veuillent appartenir à notre nation doit paraître positif : tiens, un Français de plus, bienvenue dans la communauté nationale ! Le délai est aujourd'hui de cinq ans. Le passer à dix ans, ce serait vraiment n'importe quoi. Dans l'histoire républicaine de notre pays, il y a eu des délais de toute sorte : en 1793, c'était un an. En 1848, on a naturalisé les étrangers qui avaient participé à la révolution : vous voyez à quel point vous vous éloignez de l'histoire républicaine de notre pays.
Apprenez l'histoire de France, si vous voulez être utiles à la patrie.
La commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 2 quater est supprimé.
Article 2 quinquies (nouveau) (Art. 958 du code général des impôts) : Augmentation du droit de timbre requis pour le dépôt d'une demande de naturalisation
Amendements de suppression CL1696 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, CL1627 de M. Sacha Houlié, CL722 de M. Thomas Portes, CL886 de M. Boris Vallaud, CL1169 de Mme Emeline K/Bidi, CL1297 de Mme Blandine Brocard et CL1557 de Mme Marie Guévenoux
Je vous propose de supprimer cet article ajouté par le Sénat, qui augmente le droit de timbre des demandes de naturalisation et de réintégration dans la société française.
Sur le fond, la somme demandée représente une barrière financière. Sur la forme, cette disposition est, comme les précédentes, un cavalier législatif.
Le Sénat a imaginé toutes les barrières possibles, nous en arrivons à celle de l'argent, avec une multiplication des frais par presque cinq. Nous suivrons la rapporteure.
Ce droit de timbre requis dans le cadre d'une demande de naturalisation passerait de 55 à 250 euros : belle inflation. On comprend mal l'intérêt d'une telle mesure qui discrimine sur le fondement de l'aisance financière : la somme de 250 euros peut être dissuasive pour un grand nombre de personnes qui désirent acquérir la nationalité française.
Le Sénat voulait restreindre la nationalité à ceux qui la méritaient, à ceux qui en faisaient expressément la demande… Voilà maintenant qu'il faut en outre avoir les moyens de payer un timbre de 250 euros !
Il est rare de voir arriver des textes comportant autant de cavaliers législatifs, qui plus est aussi incroyables.
Acquérir la nationalité française ne doit jamais être une question financière. Il y va des valeurs de la République.
Il serait vraiment dommage de limiter l'intégration pour des raisons de timbre fiscal ! Cela n'a aucun sens.
Le passage de 55 à 250 euros est sans doute trop brutal. Je signale néanmoins que ce prix n'a pas changé depuis 2011, alors que le timbre fiscal pour un passeport est récemment passé de 60 à 86 euros. Une revalorisation cohérente ne serait pas forcément inutile.
J'avoue que c'est l'article qui m'a fait le plus rire. Il n'y avait que la droite pour inventer un truc pareil ! Il y a longtemps, la droite avait inventé le suffrage censitaire : il fallait avoir du fric pour voter. Maintenant, ils inventent la nationalité censitaire ! Heureusement que nous allons repousser cette horreur.
La commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 2 quinquies est supprimé.
La séance est levée à minuit.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, M. Michel Castellani, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Christine Decodts, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, Mme Annie Genevard, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, Mme Emeline K/Bidi, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, M. Laurent Marcangeli, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, M. Christophe Naegelen, M. Éric Pauget, M. Emmanuel Pellerin, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Aurélien Saintoul, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Andrée Taurinya, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, M. Guillaume Vuilletet, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Éric Ciotti, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Davy Rimane, M. Olivier Serva, M. Jean Terlier
Assistaient également à la réunion. - M. Mickaël Bouloux, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Stella Dupont, M. Grégoire de Fournas, Mme Stéphanie Galzy, Mme Julie Lechanteux, M. François Piquemal, M. Benjamin Saint-Huile, M. Roger Vicot, Mme Estelle Youssouffa