La séance est ouverte à 21 heures 30.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (n° 1855) (M. Florent Boudié, rapporteur général ; Mme Elodie Jacquier-Laforge, M. Ludovic Mendes, M. Philippe Pradal, M. Olivier Serva, rapporteurs).
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Article 1er A (nouveau) (suite)
Amendement CL1007 de M. Benjamin Lucas
La liste des métiers en tension est contestable, car de nombreux corps de métiers n'y figurent pas, alors que les professionnels concernés se plaignent de ne pouvoir recruter. Dès la version initiale de votre projet de loi, cette pseudo-compensation humaniste à sa brutalité ne nous paraissait pas satisfaisante.
L'amendement vise à évaluer l'impact qu'aurait l'inscription de nouveaux métiers sur cette liste, tant sur le secteur économique que sur l'accueil des étrangers en France.
Je ne vois pas l'intérêt d'ajouter ces indications dans le rapport. En revanche, nous aurons sur l'article 4 bis un débat qui sera, je l'espère, long et approfondi et pour lequel j'ai déposé un amendement. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1008 de M. Benjamin Lucas
Il vise à appeler l'attention du Gouvernement sur le manque criant de moyens octroyés aux préfectures pour le traitement des demandes qu'elles doivent instruire – c'est une réalité que nous connaissons tous – en intégrant ces données dans un rapport destiné à soutenir une réflexion globale sur la politique migratoire de la France. Il faut en effet savoir si nous avons les moyens d'appliquer une telle politique.
Cette critique de M. Lucas est essentielle. De fait, la légère augmentation du nombre de fonctionnaires à la faveur de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) n'est pas suffisante par rapport aux besoins des services publics. Un autre moyen serait de libéraliser le traitement de l'octroi des titres de séjour au nom du droit d'asile.
À côté de la logique de simplification – terme qui plaît beaucoup à M. le ministre –, il faut aussi tenir compte d'une logique de service public, qui est vraiment mise à mal. Le grand défi du XXIe siècle consiste à réinvestir intégralement le service public, mais 400 fonctionnaires supplémentaires n'y suffiront pas : peut-être faudrait-il rétablir les 4 000 qui ont été supprimés à l'époque de M. Hollande – ce dont, il est vrai, vous n'êtes pas comptables.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1009 de M. Benjamin Lucas
S'il est – pour employer une expression qu'utilisent souvent nos collègues du Rassemblement national – un « grand remplacement » qui est bien réel, c'est celui des agents du service public et des fonctionnaires – des êtres humains, en somme – par des machines. Cet amendement vise à ce que le rapport remis au Parlement soit l'occasion d'une réflexion sur les conséquences délétères d'une dématérialisation des démarches de demande de titre de séjour. Tout le monde, en effet, n'a pas un accès stable à une connexion internet, et notre souci fait d'ailleurs écho à l'avis émis par notamment par la Défenseure des droits à propos de la dématérialisation. « L'humain d'abord », formule chère à Mme Faucillon, pourrait être aussi un beau slogan pour le service public et pour éclairer les questions dont nous traitons ce soir.
C'est bien ce que prévoit le droit existant. Il faut à la fois un accompagnement et des solutions alternatives, comme l'a rappelé le Conseil d'État voilà déjà quelques années. L'amendement est donc tout à fait satisfait.
Par ailleurs, le rapport qui sera présenté au Parlement n'est pas un rapport d'évaluation et l'amendement n'a donc pas sa place ici. Avis défavorable.
Pendant des années, j'ai vu, devant la préfecture de mon département des Hauts-de-Seine, très tôt et dans le froid, de longues files d'attente et, dans ces files, des gens qui profitaient de cette misère pour revendre leur place. La dématérialisation a pour une part réglé ces difficultés, mais elle a aussi rendu invisible l'attente de beaucoup de demandeurs et n'a pas effacé pour autant les trafics car, pendant un certain temps, de très nombreuses personnes ont profité de ce système informatique pour continuer à vendre des créneaux de rendez-vous.
Comme le dit la Défenseure des droits, la dématérialisation éloigne les plus vulnérables, et cette procédure les met en grande difficulté. La dématérialisation a des avantages pour un grand nombre de citoyens, mais quand elle devient un désagrément, il faut un accompagnement humain. C'est du reste ce que dit aussi la Défenseure des droits. On nous a annoncé un accueil en préfecture mais, dans mon département, il faut déjà avoir un rendez-vous pour pouvoir accéder à l'informatique et, même alors, on ne vous aide pas dans vos démarches. Finalement, le traitement des étrangers est à l'image de celui que l'on inflige à bon nombre de personnes vivant dans notre pays, en particulier les plus âgés et les plus pauvres.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1015 de M. Benjamin Lucas
Nos collègues du Rassemblement national ont rappelé force chiffres et sondages et, de fait, l'opinion telle qu'on la fabrique semble effectivement adhérer à certains fantasmes et contrevérités sur les questions migratoires. Nous croyons, quant à nous, qu'un débat éclairé, apaisé et fondé, comme le suggérait M. Kerbrat, sur d'excellentes lectures, notamment des travaux de M. François Héran, nourris des réalités statistiques, ferait apparaître les présupposés de ce texte et montrerait aux Français qu'il n'y a pas de « submersion migratoire » et que « l'appel d'air » dont il a beaucoup été question ici n'existe pas.
L'amendement, qui est une sorte d'invitation ou d'appel, vise donc à étudier l'impact qu'aurait sur l'immigration une convention citoyenne, que proposent de nombreuses associations.
Pour l'immigration comme pour d'autres sujets, on peut débattre de l'intérêt d'une convention citoyenne, mais ce n'est pas ce que propose votre amendement, qui demande au Gouvernement de rendre compte des conséquences éventuelles qu'aurait sur le débat parlementaire une telle convention citoyenne sur l'immigration. Qui plus est, cette convention n'existe pas.
Par ailleurs, je rappelle que la convention sur le climat a été créée, à l'initiative du Président de la République, par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), et non pas par le Gouvernement, et je ne pense pas qu'il revienne au Parlement de prévoir qu'un tiers des participants au débat, si légitimes soient-ils, lui soient imposés dans son propre débat préalable. Ce n'est pas très cohérent. Avis défavorable.
Nos collègues de la NUPES sont bien naïfs d'appeler de leurs vœux une convention citoyenne, car nous avons déjà vu que ni la convention citoyenne sur le climat, ni le grand débat n'ont rien donné, et que les rencontres de Saint-Denis ne donnent rien non plus. Plutôt donc que d'invoquer un énième gadget, nous les invitons à soutenir la proposition de Marine Le Pen de proposer aux Français de s'exprimer par référendum à ce propos. Vous aurez déjà un avis sur la question le 9 juin prochain, lorsqu'ils seront consultés à l'occasion des élections européennes : s'ils considèrent qu'il y a trop d'immigration en France, ils voteront pour la liste de Jordan Bardella.
Je suis, moi aussi, très réservée quant à l'appel à cette convention citoyenne, mais permettez-moi surtout de dire à nos collègues de La France insoumise que je trouve assez savoureuse leur invitation à un débat apaisé.
Nous sommes tout à fait apaisés et je ne comprends pas cette provocation inutile.
Monsieur le rapporteur général, vous dites vous-même que mon amendement est très timide, voire timoré. Cela prouve que nous pouvons être constructifs : ma proposition de voir quelles pourraient être les conséquences d'une telle convention est un premier pas. C'est une forme de coconstruction et vous seriez donc bien inspirés de saisir la main qui vous est tendue.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL462 et CL463 de M. Timothée Houssin
L'amendement CL462 propose de comparer le coût moyen d'une demande d'asile, selon qu'elle est déposée à l'étranger ou sur le territoire français. Le droit d'asile, auquel nous sommes attachés, est quelque peu dévoyé et devient une filière d'immigration illégale en raison du nombre des personnes déboutées de leur demande d'asile qui restent sur le territoire français.
Dans la très grande majorité des cas, le traitement des demandes d'asile doit être organisé dans les ambassades et les consulats des pays d'origine ou des pays limitrophes, ce qui nous éviterait un problème important. Les chiffres datent un peu, mais en 2015, la Cour des comptes estimait que 96 % des déboutés du droit d'asile restaient en France, ce qui est considérable.
Quant à l'amendement CL463, il vise à ce que le rapport indique, avec des chiffres actualisés et sur un total de 150 000 demandes d'asile par an, le nombre total des déboutés et, surtout, la proportion de ceux-ci qui quittent effectivement le territoire français. Puisque la Cour des comptes a pu produire ces chiffres en 2015, cela montre bien qu'il y a moyen de les obtenir.
Voilà quelques heures, notre collègue Saulignac s'étonnait de votre totale méconnaissance des phénomènes migratoires. De fait, aucune demande d'asile n'est jamais enregistrée à l'étranger. Le cas échéant, des visas sont délivrés par nos services consulaires pour que les demandeurs puissent venir enregistrer leurs demandes en France, où elles seront analysées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), mais ce que vous décrivez n'existe pas. Avis défavorable.
Une femme afghane qui, sous le régime des talibans, voudrait faire une demande d'asile en France en raison des violences contre les femmes perpétrées en Afghanistan ne le pourrait pas, malgré tout ce que peut nous dire le Rassemblement national. De même, une personne homosexuelle ou LGBTI ne pourrait pas davantage déposer en Iran une demande d'asile pour être protégée en France.
Je le répète, vous n'êtes pas crédibles à propos du droit d'asile quand le président de votre parti, M. Bardella, déclare qu'il ne voit pas quelle plus-value il y aurait à accueillir les femmes afghanes. Il s'agit là de droit international relatif à la protection des personnes, et nous ne gérons pas le droit d'asile en fonction d'une plus-value, mais en fonction d'un régime de protection des droits. La proposition est absurde.
Les demandes d'asile en France doivent être organisées, au moyen de visas. Nous proposerons d'établir des couloirs humanitaires, pratique qui du reste existe déjà, certaines associations étant agréées par le ministère de l'intérieur et les consulats. C'est beaucoup plus logique que d'obliger à déposer des demandes d'asile dans des pays dont les ressortissants doivent précisément faire l'objet des protections offertes.
Nous avons déjà eu ce débat en commission des lois à propos de je ne sais plus quel texte du Rassemblement national, sur lequel vous aviez formulé cette même proposition. Ce soir, ma réponse ira dans le sens de celle de M. Kerbrat.
En effet, un opposant politique aux talibans qui voudrait demander l'asile à la France devrait, selon vous, se rendre au consulat, or il n'y a plus de consulat de France, précisément parce que les talibans sont au pouvoir. Cette personne devrait donc aller à Islamabad, où le grand nombre de demandes d'asile se traduit par une longue queue devant le consulat : les talibans et leurs amis n'auront plus qu'à regarder qui est dans cette queue et à ramener ces personnes au pays. C'est stupide, et c'est tout le contraire de l'asile, qui est l'accueil de gens que nous devons protéger dans notre pays au titre de la Convention de Genève de 1951, rédigée au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Vous êtes ridicules.
Pour reprendre votre exemple, pour quitter l'Iran ou l'Afghanistan, il est plutôt plus facile pour un Iranien ou un Afghan d'enregistrer sa demande d'asile dans son pays d'origine ou dans les pays limitrophes sur sa route de migration que de venir jusqu'en France.
Monsieur Houssin, ce que demande votre amendement, c'est le coût moyen des demandes d'asile formulées à l'étranger, or cette procédure n'existe pas.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CL266 de la commission des affaires étrangères, CL499 de M. Thomas Portes et CL1012 de M. Benjamin Lucas (discussion commune)
Cet amendement, que la commission des affaires étrangères a adopté la semaine dernière, propose d'ajouter au rapport une évaluation de la dimension externe des migrations, notamment des causes structurelles qui sont à l'origine des mouvements migratoires. On pense, bien sûr, aux questions sécuritaires, économiques et climatiques, ainsi qu'à l'utilisation des migrations comme instrument hybride par des régimes autoritaires, comme la Biélorussie. Cette évaluation permettra de continuer à éclairer le travail de transparence et de contrôle démocratique que permet ce rapport annuel remis au Parlement, et de montrer qu'il n'y a pas de réponse à la question migratoire dans le repli nationaliste, mais que toute solution passe nécessairement par la coopération européenne et internationale.
L'amendement CL499 vise à inclure dans le rapport des éléments permettant d'évaluer la situation des réfugiés climatiques et les répercussions du réchauffement climatique sur les causes des migrations. Je sais que, dans cette salle, certains nient le changement climatique, mais il s'agit pourtant de l'une des données majeures des migrations de demain. Ainsi, en 2022, on a compté dans le monde 32 millions de déplacés climatiques. Le réchauffement climatique entraîne des migrations qu'il faut anticiper.
Il faut également anticiper l'accueil, car nous aurons à accueillir des gens. Or j'ai l'impression que, depuis le début de nos débats, le mot d'accueil est un gros mot pour certains.
Ces éléments nous permettront peut-être également de disposer d'informations sur les causes de ce réchauffement climatique et de remettre en cause le système capitaliste, qui crée des inégalités. En effet, 84 % de l'économie mondiale est localisée dans vingt pays, notamment le nôtre, où certains alimentent des thèses racistes, tel Vincent Bolloré, qui va piller les pays d'Afrique, avant de dénoncer la venue en France de gens qu'il a exploités et privés de toute ressource.
Nous avons donc bien besoin d'une étude sur l'impact du réchauffement climatique et sur les causes des migrations.
L'amendement CL1012 vise, lui aussi, à ce que cette réalité soit prise en compte. Voilà quelques heures, le secrétaire général des Nations unies a appelé à briser le « cycle meurtrier » du réchauffement – ce grand réchauffement bien réel qui bouleversera le monde que nous connaissons – et qui, d'ailleurs, le bouleverse déjà. Cette donnée, absente des réflexions d'un grand nombre des groupes de notre assemblée, doit être au cœur du débat sur notre place dans le monde, sur notre capacité à accueillir et sur le rôle que nous pouvons jouer face à ce grand dérangement du monde.
Parmi ces amendements, je préfère celui de la commission des affaires étrangères, qui a rendu son avis après en avoir débattu. Il est plus large que les deux autres, car il s'intéresse aux causes structurelles et à l'origine des mouvements migratoires, dont la cause climatique. Avis favorable donc à l'amendement CL266 et défavorables aux deux autres.
J'ajouterai trois éléments, qui font écho au débat que nous avons eu au Sénat.
Premièrement, il est incontestable que les réfugiés climatiques sont nombreux et le seront de plus en plus – entre 24 et 30 millions de personnes par an, soit entre 60 000 et 100 000 par jour. Ce phénomène frappe d'abord les pays du Sud entre eux, comme vous l'avez dit dans le débat introductif et dans la discussion qui a accompagné l'audition à laquelle vous m'avez invité la semaine dernière. Ce sera ensuite le tour de la France, notamment dans ses territoires ultramarins, en particulier ceux qui touchent l'Océanie.
La question de l'accueil des réfugiés climatiques se pose donc déjà – le deuxième pays d'où nous proviennent des demandes d'asile est le Bangladesh, pour des motifs en partie centrés sur les problèmes climatiques – et cette thématique prendra une importance croissante.
Deuxièmement, à ma connaissance, à part l'Australie, aucun pays au monde n'a réfléchi à l'accueil de ces réfugiés en définissant une sorte de droit d'asile climatique. Les grands cadres internationaux, comme l'ONU ou la Cour européenne des droits de l'homme (Cedh), ayant été conçus au lendemain de la seconde guerre mondiale, et la Cedh en pensant particulièrement aux réfugiés politiques, il conviendrait d'adapter notre droit d'asile occidental pour tenir compte des réfugiés religieux et de ceux qui le sont en raison de leur orientation sexuelle, ainsi que des réfugiés climatiques. Nous pouvons certes faire ce travail à l'échelle de notre nation, mais les engagements internationaux de la France devraient l'inviter à porter ces questions à l'échelle internationale.
Troisièmement, si nous voulons des critères efficaces, ils doivent être au minimum à l'échelle d'un continent, car même si l'Australie, qui est un continent-île, ne connaît pas les mêmes difficultés que la France, nous pourrions nous enrichir de sa réflexion et de celle de certaines associations et de certains membres de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et de l'Ofpra. Sur la base de la jurisprudence de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et du débat que peut susciter notre projet de loi, nous pourrions mener cette action internationale.
Sur l'amendement, je me range à l'avis du rapporteur général. Quant aux questions plus précises portant sur le réchauffement climatique, qui concernent aussi bien l'Assemblée nationale que le Sénat, nous les évoquerons sans doute lors de l'examen du texte dans l'hémicycle.
Il est incontestable que nous devons examiner les problèmes externes qui font que la question migratoire se pose chez nous.
L'amendement de la commission des affaires étrangères est intéressant, mais un peu désincarné. Il gagnerait, d'ici à la séance publique, à être réécrit en le mixant avec celui de M. Lucas ou de M. Portes, qui évoquent expressément le réchauffement climatique.
C'est un très bon amendement, qu'il conviendrait toutefois de sous-amender en supprimant le mot : « notamment ».
Les propos de M. le ministre me laissent interrogative, car ils me semblent ouvrir la voie à la reconnaissance de la notion de réfugié climatique. Les chiffres cités dans l'exposé sommaire qui accompagne l'amendement de M. Lucas sont considérables, car des populations entières sont concernées. Nul ne peut ignorer que l'évolution est à venir, mais n'est-ce pas nous donner bonne conscience que d'adopter cet amendement tout en sachant que nous ne serons jamais en mesure d'accueillir des réfugiés climatiques aussi massivement que ce phénomène le demanderait ?
Monsieur le ministre, lorsque vous dites que la CEDH pourrait utilement revoir sa doctrine en la matière, est-ce à dire que vous ouvrez la porte à la reconnaissance de la notion de réfugié climatique ?
Notre pays est l'un des premiers concernés. En effet, 70 % des habitants de la Nouvelle-Calédonie habitent sur le trait de côte et seront touchés dans les trente ans qui viennent. Cet exemple de déplacement de population pourrait s'appliquer aussi à la Polynésie française.
Ensuite, mieux vaut que nous définissions dans des traités internationaux les critères en matière de déplacements de populations, de proximité et d'accueil, voire de dédommagement, plutôt que de laisser la CNDA faire sa propre jurisprudence, laquelle entérinerait sans doute une définition assez large des flux de réfugiés climatiques. Je le répète, seule l'Australie a fait ce travail de construction. Je rappelle aussi que, pour ce qui concerne la France, que le deuxième pays d'origine des demandes d'asile que nous recevons est, après l'Afghanistan, le Bangladesh, où les raisons politiques de ces demandes ne sont pas évidentes.
La commission adopte l'amendement CL266.
En conséquence, les amendements CL499 et CL1012 tombent.
Amendement CL501 de Mme Élisa Martin
Il conviendrait d'intégrer à la définition des « pays sûrs » des éléments liés à la démocratie et à la réalité de l'État de droit. La question n'est pas mineure, car la qualification de pays sûr peut faire accélérer l'examen des demandes d'asile des ressortissants de ces pays et réduire leurs droits. L'asile est une notion politique, qui permet, en creux, de caractériser les pays d'origine de ses bénéficiaires. Nous proposons donc d'objectiver la notion de pays sûr.
La liste des pays d'origine sûrs (POS) n'est pas établie par le pouvoir politique, mais par l'Ofpra. Du reste, cette liste peut donner lieu à des recours. Ainsi, après un recours de la Cimade en ce sens, le Conseil d'État avait retiré plusieurs pays de la liste des POS, notamment le Sénégal, en raison de risques importants de discrimination à l'encontre notamment des personnes LGBT. La liste est évidemment établie en tenant compte de la situation démocratique et des caractéristiques propres à chaque État de droit, notamment en termes de libertés publiques. Avis défavorable, donc, car l'amendement est satisfait.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL523 de M. Timothée Houssin
Il vise à connaître le taux d'activité des étrangers arrivés en France au titre du regroupement familial. Dans la population de ces étrangers en âge de travailler, quel est le taux de personnes qui travaillent ou qui sont au chômage après avoir cotisé ?
Le discours du Rassemblement national exprime une véritable obsession du regroupement familial, comme si une masse de gens venaient profiter du système. Or le regroupement familial concerne entre 12 000 et 14 000 personnes par an. La présentation du professeur François Héran montre du reste que la migration familiale n'est pour rien dans la hausse du nombre de délivrances de titre de séjour, et même qu'elle recule de 3 % depuis 2005. Il serait donc de bonne méthode de retirer cet amendement, qui procède uniquement de cette obsession sans fondement du Rassemblement national.
Ces attaques systématiques contre le regroupement familial sont étonnantes. Il n'est que la possibilité offerte à des gens en situation régulière de se rassembler parce qu'ils s'aiment, puisqu'il s'agit de faire venir quelqu'un avec qui vous êtes marié, un enfant ou un membre de votre famille. Mais qu'avez-vous donc contre l'amour ? Vous avez l'impression que la haine est toujours une valeur positive. D'ailleurs, votre parti s'appelle RN, et la deuxième lettre de ce nom dit bien ce que vous faites : la haine.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1370 de M. Lionel Vuibert
Il vise à introduire dans le rapport qui sera remis par le Gouvernement au Parlement une évaluation des moyens financiers et humains des bureaux du droit des étrangers au sein des préfectures. On sait en effet que les délais observés sont très longs, ce qui peut engendrer de réelles difficultés.
Nous avons adopté voilà quelques heures un amendement quasiment identique de Mme Sarah Tanzili, qui recoupait en partie un amendement de Mme Untermaier. Je vous prie donc de bien vouloir retirer celui-ci.
L'amendement est retiré.
Amendement CL 1582 de M. Guillaume Gouffier Valente
Il vise à introduire dans le rapport une évaluation des bénéfices de l'immigration en matière économique et sociale, qui pourrait nous servir pour l'organisation des débats. En 2019 déjà, un rapport de France Stratégie sur l'impact de l'immigration sur le marché du travail, les finances publiques et la croissance présentait les principales tendances de l'immigration en France, assorties de comparaisons internationales, ainsi qu'une revue dudit impact, reconnaissant les effets positifs de l'immigration sur la croissance par habitant. Une telle évaluation serait nécessaire pour mesurer pleinement les apports de l'immigration à notre pays.
Avis favorable à cet amendement qui redonne un peu de hauteur au futur rapport qui sera déposé devant le Parlement. Il vise en effet à insister sur les apports des migrations et les enrichissements qu'elles ont permis à notre pays.
Quelle est la méthode de calcul et quel type d'immigration prend-on en compte ? Quels sont les titres en vertu desquels ces personnes se trouvent en France ? S'agit-il de migrants irréguliers avec titre ou sans titre, et comment, dans ce cas-là, calcule-t-on ? Cet amendement intéressant s'inscrit parmi ceux qui visent à obtenir toujours plus de précisions, et j'y suis donc très favorable.
Cet amendement très intéressant permettrait peut-être de mettre à jour les données. Il existe en effet d'autres données qui vont dans le sens de votre amendement. Ainsi, la grande étude menée par l'université de Lille 3 en 2009 et l'audit réalisé par l'Assemblée nationale en 2011 ont démontré que, si l'immigration coûtait autour de 45 à 47 milliards d'euros, elle rapporterait 60 milliards, c'est-à-dire beaucoup plus. Selon l'étude réalisée en 2014 par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), chaque personne rapporte.
Chers collègues du groupe LIOT, peu importe que ces immigrés aient des papiers ou qu'ils n'en aient pas encore, puisque tout le monde paie la TVA et des impôts, et que le travail effectué rapporte à l'ensemble de la société. En un mot, il est évident que l'immigration nous rapporte à tous.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL1325 de M. Mathieu Lefèvre
L'amendement de notre collègue Mathieu Lefèvre vise à compléter le contenu du rapport remis chaque année au Parlement par l'Ofii. Si le Parlement est informé de manière exhaustive sur le nombre, la nature et les caractéristiques des demandes d'admission au séjour pour soins, il ne connaît pas la suite qui leur est réservée : ni le nombre de titres de séjour accordés sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ne sont connus. Il s'agit que le rapport précise notamment les suites données par l'autorité administrative aux avis rendus par son service médical.
Les dispositions entreraient en vigueur le 1er juin 2026, afin que l'Ofii et le ministère de l'intérieur puissent préparer les transferts d'information requis.
Certaines données manquent en effet dans le rapport de l'Ofii. C'est la raison pour laquelle je donne un avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendements CL336 et CL342 de Mme Edwige Diaz, CL391 et CL393 de Mme Marie-France Lorho, CL395 de Mme Marine Hamelet, CL443 de Mme Pascale Bordes, CL504 de Mme Danièle Obono, CL545 de M. Andy Kerbrat, CL1010 de M. Benjamin Lucas et CL1326 de M. Mathieu Lefèvre (discussion commune)
Dans le même objectif d'enrichir le rapport qui serait remis annuellement au Parlement, nous souhaitons donner la parole à tous les acteurs des politiques en matière d'immigration. L'amendement CL336 tend ainsi à intégrer les observations de la direction nationale de la police aux frontières. Ces forces de l'ordre sont en première ligne dans la lutte contre l'immigration clandestine et les réseaux de passeurs : elles ont une vision globale et éclairée des situations. Leur retour d'expérience en matière de contrôle aux frontières, de lutte contre l'immigration irrégulière, ainsi que de gestion des centres de rétention administrative paraît pertinent.
De même, l'amendement CL342 a pour objet d'intégrer les remarques des agents de la direction nationale de la sécurité publique, qui luttent contre la délinquance et viennent au secours des victimes de violences commises dans les transports en commun.
L'amendement CL391 a pour but de faire valoir l'importance d'informer le Parlement sur la proportion d'étrangers parmi les prisonniers des établissements pénitentiaires français. En 2022, un peu plus de 18 000 détenus sur les 72 000 que compte notre pays étaient étrangers : au 1er juillet, la population carcérale comportait ainsi 25 % d'étrangers. La surpopulation carcérale légitime cette demande d'information : la France ne dispose que d'environ 60 000 places de prison opérationnelles. Un dénombrement permettrait notamment d'émettre quelques prétentions de retour auprès des pays dont dépendent ces personnes incarcérées. Il s'agit aussi d'évaluer la part d'étrangers incarcérés par rapport à la population étrangère totale en France, de manière à adapter notre législation selon les résultats obtenus tant en matière de politique d'immigration que de politique pénale.
Quant à l'amendement CL393, il a pour objet d'intégrer au rapport annuel des observations émanant du ministère du travail quant à la proportion de personnes étrangères dans les statistiques du chômage en France. Ces données ne sont pas connues alors que toute personne bénéficiant d'une carte de séjour en cours de validité ou d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » peut s'inscrire au chômage. Le taux de chômage des immigrés hors Union européenne s'élevait à 18,4 % en 2020 : le Parlement doit en être informé.
L'amendement CL395 de notre collègue Hamelet vise à permettre au Parlement de disposer d'informations fiables sur les évolutions du niveau de français des étrangers admis au séjour en France, lequel est un facteur clé de leur intégration. Selon l'Ofii, en 2022, 47,5 % des signataires du contrat d'intégration républicain sont orientés vers une action de formation linguistique. Cela semble peu étant donné que le niveau de français retenu pour délivrer une dispense de formation est le plus faible du cadre européen commun de référence pour les langues.
L'amendement CL443 prévoit d'intégrer aux annexes du rapport annuel des observations émanant du ministère de l'intérieur et des outre-mer, afin d'informer le Parlement sur la représentation de la population étrangère disposant d'un titre de séjour dans les statistiques de la délinquance et de la criminalité en France. Cette information permettra à la représentation nationale de mesurer le lien entre insécurité et immigration et d'en connaître les proportions.
Dans un registre radicalement différent, nous proposons d'inclure dans le rapport annuel les observations de la Défenseure des droits, puisqu'un quart des saisines émane d'étrangers dont les droits fondamentaux sont bafoués. Outre la dématérialisation, les délais posent un problème à ces personnes dans la mesure où ils recréent des sans-papiers et empêchent le recours aux droits.
Par ailleurs, nous attendons toujours des réponses de la part du ministre concernant les lieux dits de mise à l'abri, où les personnes sont retenues sans droit ni titre.
Par l'amendement CL545, nous proposons d'intégrer les observations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). De nombreux députés de la majorité et de la NUPES ont visité des centres de rétention administrative : sans ces rapports, nous ne pouvons pas avoir accès à la réalité de la maltraitance, qui est institutionnalisée dans ces centres, notamment ceux de Vincennes et du Mesnil-Amelot. Avant de pouvoir réduire le nombre de centre de rétention administrative (CRA) dans ce pays – vous avez succombé aux sirènes de M. Ciotti lors de la Lopmi (loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur) –, il faut intégrer au rapport les remarques de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui donnent une vision à chaud de l'état des lieux de rétention administrative.
L'amendement CL1010 de M. Lucas vise à intégrer les remarques du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, afin d'avoir la certitude que nous respectons les droits humains qui sont au fondement de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Pour ce qui est des propositions du Rassemblement national concernant la proportion d'étrangers dans la population au chômage ou la population carcérale, je suggère que l'on instaure également des statistiques ethniques : elles montrent que les enfants de ces étrangers sont parfaitement intégrés, qu'ils obtiennent des diplômes et un emploi. La France aura été une chance pour ces familles.
L'amendement CL1326 de notre collègue Mathieu Lefèvre vise à confier à l'opérateur France Travail le soin de fournir des données sur l'intégration professionnelle des étrangers. Le code du travail prévoit que les autorisations de travail accordées aux étrangers sont délivrées par l'autorité administrative lorsque la demande remplit notamment une condition de publication non satisfaite d'une offre d'emploi pendant un délai de trois semaines. Certaines statistiques sur la nature de ces offres d'emploi, leur répartition géographique ou l'issue de ces demandes pourraient être utilement portées à la connaissance du Parlement.
Les différentes directions de l'administration publique dont il est proposé d'intégrer les observations relèvent du ministère de l'intérieur et, par conséquent, du Gouvernement : elles seront donc consultées, lorsque le Gouvernement présentera son rapport annuel. La même remarque vaut pour les conclusions du ministère du travail ou pour celles du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Le Gouvernement diffusera un rapport appuyant les orientations qu'il proposera sous la forme d'objectifs chiffrés et indicatifs concernant l'immigration.
Quant aux propositions d'intégrer les remarques du Défenseur des droits ou du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la question n'est pas celle de l'intérêt de leurs observations. Je ne doute pas que ces instances en feront part, le moment venu, mais nous ne pouvons pas demander à une autorité administrative indépendante (AAI) de diffuser ses observations dans le rapport du Gouvernement : cela serait contraire à son statut.
En conséquence, avis défavorable à l'ensemble des amendements.
Nous auditionnons chaque année les AAI comme la Défenseure des droits ou la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.
Je retiendrai d'abord la proposition de Mme Diaz d'intégrer au rapport les observations de la direction nationale de la police aux frontières. Le ministère de tutelle ne les ignore pas, naturellement, mais elles seraient utilement portées à la connaissance du Parlement. En particulier, la police aux frontières souligne que la dématérialisation entraîne de nombreuses fraudes documentaires, qu'il est difficile de vérifier.
De manière surprenante, je souscris aussi à la suggestion de Mme Rousseau de valider le principe de statistiques ethniques : on n'a jamais à craindre de la réalité.
Votre réponse selon laquelle nous auditionnons une fois par an la Défenseure des droits et la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ne nous satisfait pas.
Nous reposons notre question : quel est le statut de ces lieux de « mise à l'abri », intégrés aux locaux de la police aux frontières, qui, à Menton, retiennent femmes, enfants, majeurs et mineurs, en attendant que la frontière italienne soit ouverte sur le plan administratif ? J'ai lu que vous prévoyez de les agrandir pour recevoir davantage de personnes.
Vous nous devez une réponse en commission, puisque vous ne la donnez pas par écrit.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CL493 de Mme Danièle Obono, CL1374 de M. Hervé Saulignac, CL1419 de Mme Stella Dupont et CL418 de M. Yoann Gillet
Il s'agit de supprimer l'alinéa 28, qui prévoit d'instaurer des quotas en matière de politique migratoire. Serpent de mer de la droite sénatoriale, la mesure illustre l'inutilité et l'incongruité du projet de loi. Cette politique a été testée : avant de la reproduire, il serait bon d'établir le bilan de la politique d'immigration choisie de Nicolas Sarkozy. Dans la mesure où elle engloberait un ensemble de procédures d'admission comme le regroupement familial, pour lequel il ne saurait être question de quotas, elle va à l'encontre des droits fondamentaux des personnes concernées.
Les quotas ou objectifs chiffrés – c'est la même chose – sont dangereux et ne servent à rien, car l'immigration est liée à de nombreux aléas, impossibles à chiffrer. Inopérants, les quotas sont responsables d'un grand désordre. Le Président de la République lui-même a dit : « Cela n'est pas réaliste, on ne saurait pas les tenir ». En 2009, Pierre Mazeaud indiquait qu'ils pouvaient créer un appel d'air pour satisfaire les contingents fixés par les pouvoirs publics. Ceux qui prétendent se prémunir des appels d'air risquent donc de les créer. C'est pourquoi nous voulons supprimer l'alinéa 28.
L'instauration de quotas en matière de politique migratoire n'est ni souhaitable, ni réalisable. Elle ne permettra pas de satisfaire les besoins de notre pays, car il est illusoire d'identifier en amont les personnes qu'il est souhaitable de laisser entrer ou le nombre de proches pouvant rejoindre leur famille. L'amendement de Stella Dupont vise donc à supprimer l'alinéa 28.
Alors que 80 % des Français réclament que l'on prenne des décisions fermes en matière d'immigration, l'alinéa 28 n'est qu'un faux-semblant, visant à faire croire à nos compatriotes que le Gouvernement a conscience de la situation migratoire et agit. Il n'en est rien. Pire encore, la détermination du nombre des étrangers admis à s'installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l'exception de l'asile, s'inscrit dans le cadre d'une politique favorable à l'immigration. La mesure va à l'encontre de ce que souhaitent le Rassemblement national et les Français. Qui peut croire qu'instaurer des quotas reviendrait à limiter l'immigration, alors que l'Assemblée nationale est composée de partis de gauche, du centre et d'une prétendue droite, qui ont tous été au pouvoir et sont responsables de l'immigration massive.
Vos propos sont en contradiction avec une intervention précédente qui défendait les quotas. Nous lirons attentivement le compte rendu avant d'en reparler en séance.
La politique des quotas n'est pas celle que nous voulons. C'est la raison pour laquelle nous avons amendé l'article 1er A une première fois – je soutiendrai bientôt un amendement de M. Castellani pour modifier l'alinéa 28. Comme le Sénat, nous souhaitons que le Gouvernement définisse ses orientations, en s'appuyant sur un rapport. Nous voulons que celui-ci vienne devant le Parlement avec des objectifs chiffrés indicatifs, car un plafond fixé de manière rigide ne permet pas de traiter convenablement les personnes, une fois l'objectif atteint.
Contrairement à ce que disait M. Saulignac, il existe certains domaines migratoires sur lesquels nous pouvons agir, de façon maîtrisée. C'est le cas pour les visas étudiants, où l'État peut décider d'objectifs sans aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel. Pour l'immigration économique, c'est au fond déjà le cas, car l'ensemble des titres de séjour délivrés au titre de l'activité économique le sont sur la base de critères maîtrisés. En revanche, l'asile constitue un interdit absolu. De même, s'agissant du regroupement familial, il ne peut y avoir d'objectifs plafonnés, en raison d'engagements conventionnels. D'une certaine façon, nous partageons donc la vision exprimée par certains de nos collègues.
Il est en revanche impossible que le Parlement détermine ces objectifs chiffrés. Pour qu'une telle mission relève de sa compétence, il faudrait réviser l'article 34 de la Constitution – nous aurons l'occasion d'en discuter le 7 décembre, lors de l'examen de la proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile. À droit constant, il faut simplement modifier l'alinéa 28 pour que le Parlement débatte.
Je ne comprends pas l'amendement du Rassemblement national, qui défendait précédemment l'idée même des quotas. Peut-être faites-vous l'aveu que, quota ou pas, c'est l'idée même de l'étranger qui vous choque. Même si notre pays a des besoins en main d'œuvre étrangère – je n'aime guère le mot –, le fait qu'elle soit étrangère vous hérisse.
Pour ce qui me concerne, je reste dubitatif sur le terme de quotas. En revanche, il me semble pertinent de disposer d'une politique migratoire définie avec des objectifs et répondant à des réalités économiques et humaines – le regroupement familial, par exemple.
Vous avez modifié l'alinéa 2 et vous vous apprêtez à modifier l'alinéa 28. Je vous rejoins sur la possibilité d'établir des objectifs chiffrés pour les étudiants. Quant à l'éventualité d'objectifs en matière d'immigration économique, elle préfigure le débat que nous aurons à l'article 4 bis. Je partage aussi votre opinion selon laquelle il est impossible d'établir des objectifs chiffrés pour l'asile. S'agissant du regroupement familial, il y a en revanche matière à discuter, car l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) n'est pas un totem absolu.
Nous n'avons jamais défendu les quotas, pour la simple raison qu'ils sont une manière par laquelle ceux qui sont au pouvoir font semblant de sortir les gros bras, alors qu'ils font tout l'inverse. Vous voulez que les quotas soient définis par le Gouvernement : les députés ne serviraient à rien. Une fois encore, vous méprisez la représentation nationale. Si certains se satisfont d'être des députés moutons – M. Balanant, en particulier, maîtrise parfaitement ce rôle –, nous ne l'acceptons pas. Il revient au peuple de décider de sa politique migratoire, certainement pas aux membres du Gouvernement, qui ne sont pas élus.
Finalement, la suppression de l'alinéa 28 fait l'unanimité : nous sommes tous d'accord pour remettre en cause le principe qui fonde l'article 1er A. Tout le débat que nous avons eu pour ajouter des éléments au rapport découle de l'idée du Sénat d'établir de tels quotas – ou objectifs chiffrés. Je propose donc aux collègues de la Macronie de réfléchir à supprimer l'alinéa 28, pour débattre de l'article 1er B, plus intéressant et plus utile pour notre travail. En réalité, toutes les informations que nous avons demandées peuvent être obtenues auprès des chercheurs, et il serait bon parfois que la recherche prime la politique.
Dès que l'on entre dans la politique du chiffre, il n'y a plus de politique humaine possible, puisque tout répond à des objectifs chiffrés. Au début de l'après-midi, la commission discutait d'instaurer des quotas par pays, pour servir une politique diplomatique. Finalement, on se dit que l'on ne doit pas instaurer de quotas. Mieux vaut en effet ne pas aller dans les chiffres, car la politique migratoire est avant tout de l'humain. Abandonnons les chiffres, supprimons l'alinéa 28 et tout ira mieux.
Je suis outré que le qualificatif de « mouton » ait été adressé à une partie des membres de cette commission. Notre collègue Erwan Balanant, en particulier, exprime sa position, y compris sur des sujets complexes, au terme d'un vrai travail de fond. Au nom du groupe Renaissance, je lui apporte tout notre soutien. Ces propos sont odieux, abjects : le jour n'est pas arrivé où l'on verra des parlementaires RN s'affranchir de la ligne directrice du Politburo.
Reprenant les propos de mon collègue Saulignac et du Président de la République, selon lequel les quotas ne sont pas réalistes, je m'interroge sur une disposition visant à instaurer des objectifs sans préciser comment on les tiendra. Il revient au législateur de vérifier comment ces quotas seront comptabilisés. De toute évidence, le dispositif n'est pas mûr.
Nous avons déjà eu en partie cette conversation. Votre collègue du Rassemblement national a défendu avec vigueur les quotas, s'entendant répondre que Mme Meloni elle-même en avait relevé certains. Vous avez donc réussi à vous contredire dans la même journée. Les comptes rendus en feront foi.
Nous proposons en effet des quotas, des objectifs chiffrés, indicatifs, non prescriptifs – pour des raisons constitutionnelles, mais pas seulement –, qui seront pluriannuels. Nous souscrivons en effet à la plus-value apportée par le Sénat, celle d'objectifs chiffrés sur trois ans, comme les prévisions économiques, qui sont modulées sur plusieurs années. Il s'agira pour l'essentiel de visas étudiants et de visas économiques.
Pour ce qui est de l'asile, de telles dispositions se heurtent non seulement à la CEDH, mais aussi à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, dont le Conseil constitutionnel a depuis longtemps déclaré qu'il faisait partie de notre bloc de constitutionnalité.
Concernant l'immigration familiale, l'alinéa 10 du préambule de la Constitution de 1946, antérieur à la CEDH, prévoit que la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Une modification constitutionnelle n'empêcherait pas les jurisprudences futures du Conseil constitutionnel, fondées sur ces textes. Nous en discuterons certainement lors de l'examen de la proposition de loi constitutionnelle.
J'ai reçu de la part de membres des groupes LFI-NUPES, Ecolo-NUPES et GDR-NUPES représentant au moins 10 % de la commission une demande de scrutin sur ces amendements CL493 et identiques en application de l'article 44, alinéa 2 du Règlement. Je constate que les députés demandeurs sont effectivement présents, je vais donc procéder à l'appel nominal des membres de la commission pour recueillir votre vote.
Votent pour :
Mme Fanta Berete, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, Mme Clara Chassaniol, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, M. Yoann Gillet, M. Jordan Guitton, M. Timothée Houssin, M. Andy Kerbrat, M. Antoine Léaument, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, Mme Elisa Martin, M. Thomas Ménagé, Mme Danièle Obono, M. Thomas Portes, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, Mme Sandrine Rousseau, M. Hervé Saulignac, Mme Andrée Taurinya, Mme Cécile Untermaier et M. Boris Vallaud.
Votent contre :
Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Florent Boudié, M. Michel Castellani, Mme Emilie Chandler, Mme Annie Genevard, M. Guillaume Gouffier-Valente, Mme Marie Guévenoux, Mme Claire Guichard, M. Sacha Houlié, Mme Elodie Jacquier-Laforge, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, Mme Constance Le Grip, Mme Marie Lebec, M. Emmanuel Mandon, M. Laurent Marcangeli, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, Mme Naïma Moutchou, M. Eric Pauget, M. Emmanuel Pellerin, Mme Michèle Peyron, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, Mme Sarah Tanzili, M. Jean Terlier, M. Guillaume Vuilletet et Mme Caroline Yadan.
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 53
Pour l'adoption des amendements : 24
Contre l'adoption des amendements : 29
Abstention : 0
La commission rejette donc les amendements.
Amendements CL268 de la commission des affaires étrangères, CL598 de M. Michel Castellani, sous-amendements CL1664 de M. Florent Boudié, et CL1746 de M. Boris Vallaud, amendements CL594 de M. Michel Castellani, CL595 de M. Christophe Naegelen et CL1025 de M. Benjamin Lucas (discussion commune)
L'instauration de quotas constituerait une rupture d'égalité devant la loi et poserait un problème pratique de mise en œuvre. Cet amendement propose donc l'instauration pour une période de trois ans d'objectifs et de résultats chiffrés, présentés par le Gouvernement chaque année devant le Parlement, permettant ainsi à ce dernier d'exercer sa mission de contrôle de la politique migratoire.
L'amendement CL598 propose une rédaction alternative plus équilibrée, avec la fixation par le Gouvernement d'objectifs chiffrés du nombre d'étrangers admis au séjour, qui devront être présentés au Parlement.
Cette rédaction répond à la double exigence d'humanité et de réalisme, qui doit guider, selon nous, la rédaction de ce projet de loi.
L'alinéa 28, dans sa rédaction actuelle, demanderait une modification de l'article 34 de la Constitution, ce qu'il nous ne revient pas de faire. Les amendements CL268 et CL598 proposent de modifier cet alinéa dans un sens qui ne contrevient pas à notre constitution. Toutefois, le premier ne maintient pas la deuxième phrase de l'alinéa 28 – « L'objectif en matière d'immigration familiale est établi dans le respect des principes qui s'attachent à ce droit. » – qui fait référence aux engagements conventionnels de la France ainsi qu'au préambule de la Constitution de 1946, partie intégrante du bloc de constitutionnalité. Je donnerais donc un avis défavorable à l'amendement CL268 et favorable à l'amendement CL598, sous réserve de l'adoption du sous-amendement CL1664 qui y apporte deux précisions : une énumération des titres de séjour concernés par les objectifs chiffrés, afin d'en exclure notamment l'asile, et l'obligation pour le Gouvernement, afin d'éclairer la représentation nationale, d'indiquer les raisons des écarts observés entre les objectifs fixés et les résultats atteints.
L'article 1er A été ajouté par le Sénat au texte du Gouvernement : il était donc inutile au magnifique équilibre que le Gouvernement disait avoir trouvé. Votre rôle, monsieur le rapporteur général, est d'agiter des hochets au nez de la droite afin de vous assurer ses voix et de faire approuver les objectifs chiffrés de votre politique migratoire.
Vous pouvez tourner l'expression « objectifs chiffrés » dans tous les sens et utiliser des méthodes de jésuite, mais elle désigne bien des chiffres à ne pas dépasser qui, s'ils le sont, obligent le Gouvernement à justifier les raisons de cet éventuel écart et à prendre des mesures correctives pour atteindre ces objectifs de politique publique. Il s'agit donc bien de quotas, que le président de la commission de lois juge inutiles. Je partage son avis : les quotas – ou, si vous préférez des objectifs chiffrés – sont plus qu'une ligne rouge, ils sont bel et bien inutiles. En réalité, vous approuvez le durcissement du texte par le Sénat et continuez de faire, bien maladroitement, du « en même temps ».
L'amendement CL594 exclut des objectifs chiffrés les titres de séjour délivrés pour motif familial, car la rédaction actuelle est contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. Il ne sert à rien de voter un texte qui ne sera pas applicable. Le meilleur moyen pour contrôler l'immigration familiale est de fixer des critères stricts.
L'amendement CL595 propose que les objectifs chiffrés soient fixés de manière réaliste, en tenant compte des « capacités d'accueil de la nation ».
La politique des quotas est inepte. L'amendement CL1025 est un cri du cœur : il vise à exclure les étudiants des chiffres de l'immigration. La situation des étudiants étrangers en France pourrait être résumée par quatre « R » : ils repartent, ils rapportent, ils réussissent et ils rayonnent.
Ils repartent, car la plupart des étudiants étrangers aspirent à retourner dans leur pays une fois leurs études achevées. Qu'ils repartent ou qu'ils restent, c'est une fierté pour la France de les accueillir. Ils rapportent – 1,35 milliard d'euros par an – et il y a peut-être là un argument qui pourra vous convaincre, vous qui maniez les arguments utilitaristes et comptables. Ils réussissent, car il faut avoir beaucoup de volonté pour étudier dans un pays qui n'est pas le sien. Ils contribuent au rayonnement de la France.
J'ai d'ailleurs été très choqué par les propos du rapporteur général, qui a dit qu'il était possible d'attribuer des quotas aux étudiants étrangers, alors que nous devrions nous battre pour les attirer et non pour les mettre dehors.
Monsieur Lucas, je n'ai pas dit que nous allions appliquer des quotas aux étudiants. J'ai souligné qu'il existait deux catégories de titres sur lesquels l'exécutif avait la main – davantage que l'immigration familiale et davantage encore que les demandes d'asile : les visas d'étudiants, ainsi que tous les titres relevant de l'immigration économique. Je le répète : les quotas sont des plafonds chiffrés, qui ne peuvent être dépassés, même d'une unité. Mes propos sont donc conformes à ceux de M. le président de la commission. Vous essayez de nous opposer, en vain.
Monsieur Castellani, l'amendement CL594 est inutile, puisque le regroupement familial est déjà exclu du champ d'application de l'article 1er A par l'alinéa 28 dans sa rédaction actuelle. J'y suis donc défavorable.
Je suis en revanche favorable à l'amendement CL595 : la limite de la capacité d'accueil de la nation est une évidence républicaine qui doit être mentionnée dans la loi.
Je suis défavorable à l'amendement CL1025.
Vous feignez de tourner le dos à la politique des quotas, mais, en réalité, vous faites preuve d'une forme de relâchement coupable : subrepticement, sous prétexte de trouver un équilibre, vous validez de vieilles revendications liées à la préférence nationale. Je rappelle que des quotas ont été instaurés en France dans les années 1930 et que, à cette époque, des étudiants en médecine revendiquaient les quotas pour exclure les Juifs de la pratique médicale. En votant un tel article, vous validez des thèses abjectes.
Quel bazar idéologique ! Vous semblez être orientés d'abord par le souci de plaire aux Républicains pour qu'ils votent votre texte et vous faites donc n'importe quoi. Le camp de la Macronie semble divisé : certains sont pour les quotas alors que d'autres sont contre. Je ne comprends plus rien : le MODEM, qui s'est déclaré en faveur des quotas, a soutenu un amendement en faisant valoir que l'application de quotas triennaux pour chaque catégorie de séjour ne semblait pas pertinente.
Vos votes se font au gré de ce qui vous semble opportun pour faire passer votre texte plutôt qu'au nom de l'intérêt général. Votre texte finira ainsi par ressembler à une pâle copie du Rassemblement national.
Certains députés semblent voter au titre d'un mandat impératif alors que l'article 27 de la Constitution l'interdit. C'est très grave ! On les a en effet vu voter contre leurs propres amendements sous la pression d'un groupe. Ces députés ne sont pas des moutons, mais des playmobils qui lèvent la main en fonction des intérêts du Gouvernement et de la Macronie. Je les invite à défendre les intérêts des Français, qui attendent une diminution très nette de l'immigration.
Monsieur Ménagé, je me permets de vous faire remarquer, d'une part, qu'un écart de cinq voix sur cinquante-quatre est significatif, d'autre part, que ce ne sont pas les collègues de la majorité qui ont été empêchés par leur groupe de déposer des amendements.
Votre numéro « les quotas c'est sale, les objectifs chiffrés c'est propre » ne va pas pouvoir durer : les Français ne sont pas dupes de votre hypocrisie. Un objectif chiffré, qui est une cible à atteindre, c'est rigoureusement la même chose qu'un quota ! En effet, pourquoi vouloir observer les écarts entre les objectifs fixés et les résultats atteints si ce n'est pour les réduire et démontrer que le Gouvernement a atteint des objectifs qu'il avait gravés dans le marbre ? Tout cela n'est qu'une opération de communication en direction de la droite sénatoriale, mais vous allez vous prendre les pieds dans le tapis en mettant en route cette mécanique infernale qui vous obligera à fixer des chiffres et à justifier vos résultats.
Monsieur Léaument, je vous rappelle que notre groupe avait déposé un amendement de suppression de cet article car nous sommes opposés aux quotas. Notre vote contre l'un des amendements ne préjuge en rien de notre position d'abstention sur cet article.
Il y a beaucoup d'hypocrisie : les objectifs chiffrés sont devenus purement indicatifs, puisque leur dépassement ne fera pas obstacle à la délivrance de titres. Il n'y a donc plus de quotas.
Nous constatons que la fameuse aile gauche du camp présidentiel a renoncé à tous ses combats afin de laisser libre champ à M. le ministre et à M. le rapporteur général pour engager une négociation mortifère avec la droite radicalisée et avec l'extrême droite sur les quotas, même si vous essayez de faire passer des vessies pour des lanternes en parlant d'objectifs chiffrés.
C'est extrêmement grave, car Emmanuel Macron a été élu, à deux reprises, par les voix de millions de citoyens souhaitant faire barrage à l'extrême droite, alors que, avec ce texte, vous cédez à cette vieille revendication des quotas et validez l'idée d'une submersion migratoire. Vous allez même plus loin que Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux ! Je vous invite donc à réveiller votre humanisme pour éviter de dérouler le tapis rouge à l'extrême droite et à la droite radicalisée.
Revenons à la raison : je rappelle que ce texte contient des dispositions sur l'intégration, qu'il prévoit la régularisation de certains salariés et qu'il interdit le placement en CRA des mineurs de 16 ans ce qui n'avait jamais été proposé par un gouvernement ou par un candidat de gauche.
Monsieur Vallaud, vous nous avez accusés d'accepter le durcissement du texte par le Sénat. Vous semblez oublier que nous avons déposé, en conformité avec nos valeurs, des amendements visant à supprimer certaines des dispositions qu'il a introduites, notamment sur l'aide médicale de l'État, sur la nationalité, sur les mineurs non accompagnés (MNA), sur l'hébergement d'urgence ou sur les prestations sociales. Il ne s'agit donc pas d'un durcissement. En revanche, – nous l'avons dit dès le début – nous sommes ouverts à la discussion, notamment sur cet article qui permet l'établissement d'un rapport présentant des données objectives et circonstanciées sur les chiffres de l'immigration.
J'ai un peu de mal à comprendre le débat à cette heure tardive et je vais essayer de remettre les choses en perspective. Le texte initial du Gouvernement ne faisait pas mention de quotas ou d'objectifs chiffrés, mais cet ajout de la majorité sénatoriale ne contredit pas les engagements du Président de la République, qu'il a exprimés lors d'une déclaration en janvier 2019, puis en novembre de la même année lors d'un comité interministériel sur l'immigration. Le cadre constitutionnel interdit des quotas prescriptifs pour l'asile et l'immigration familiale, mais il n'interdit pas que le Gouvernement fixe des objectifs chiffrés ou des quotas – appelez-les comme vous voulez, bien que les deux termes aient une acception juridique légèrement différente – pour cadrer ce qu'il veut ou doit faire sur plusieurs années. Nous reprenons bien volontiers à notre compte cet ajout du Sénat.
J'observe que le Canada et la plupart de nos voisins, dirigés par des socialistes comme par des centristes, pratiquent une politique de quotas. Le Danemark, dirigés par d'excellents socialistes, en est un exemple.
Je constate qu'ils font partie de l'Internationale socialiste, vous ne les avez pas encore exclus ! Et puis s'ils sont au pouvoir, c'est qu'ils n'ont pas fait l'impasse sur la question migratoire. C'est une grande différence avec vous.
Le groupe La France insoumise nous accuse de singer l'extrême droite. C'est un peu fort de café : Mme Le Pen a toujours défendu son rejet des quotas migratoires.
Je ne vois pas en quoi fixer des objectifs chiffrés d'immigration vous dérange, puisque ces objectifs dépendent de la capacité d'accueil du marché du travail pour l'immigration économique et de celle des universités pour les étudiants étrangers. Ils peuvent être ajustés à la baisse en cas de crise économique ou à la hausse en cas de manque de main-d'œuvre. Je suis, comme le rapporteur général, favorable à ce que nous accueillions le plus possible d'étudiants étrangers, pourvu qu'ils fassent leurs études en France de façon réelle et sérieuse, ainsi que le propose le Sénat – je suis en revanche défavorable à sa proposition de subordonner la délivrance du visa au versement d'une caution. Je ne vois aucun mal à instaurer cette condition d'études réelles et sérieuses, d'autant que des subventions publiques sont versées aux étudiants sous condition de leur simple inscription dans une université publique, sans nécessité de prouver leur réussite à des examens.
Fixer des objectifs chiffrés, pourvu qu'ils ne soient pas prescriptifs et ne concernent pas l'asile et l'immigration familiale, permettrait notamment d'avoir chaque année un débat au Parlement sur la politique migratoire du Gouvernement. Ce débat pourrait être l'occasion d'évaluer le nombre de titres de séjour délivrés et de constater qu'un nombre élevé n'est pas nécessairement subi, mais peut, au contraire, être voulu. Il permettrait également au Gouvernement de présenter par exemple des objectifs de délivrance de visas de travail jusqu'à la fin du quinquennat, afin notamment d'anticiper les discussions avec les branches professionnelles.
La commission rejette l'amendement CL268.
Elle adopte successivement le sous-amendement CL1664 et l'amendement CL598. En conséquence, le sous-amendement CL1746 et les amendements CL594, CL595 et CL1025 tombent.
J'ai reçu de la part de membres des groupes LFI-NUPES, Ecolo-NUPES et GDR-NUPES représentant au moins 10 % de la commission une demande de scrutin sur le vote de l'article 1er A, en application de l'article 44, alinéa 2 du Règlement. Je constate que les députés demandeurs sont effectivement présents, je vais donc procéder à l'appel nominal des membres de la commission pour recueillir votre vote.
Votent pour :
Mme Caroline Abadie, Mme Fanta Berete, M. Florent Boudié, M. Michel Castellani, Mme Emilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Guillaume Gouffier-Valente, Mme Marie Guévenoux, Mme Claire Guichard, M. Sacha Houlié, M. Philippe Latombe, Mme Constance Le Grip, Mme Marie Lebec, M. Laurent Marcangeli, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, Mme Naïma Moutchou, M. Emmanuel Pellerin, Mme Michèle Peyron, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, Mme Sarah Tanzili, M. Jean Terlier, M. Guillaume Vuilletet et Mme Caroline Yadan.
Votent contre :
M. Ugo Bernalicis, M. Ian Boucard, Mme Elsa Faucillon, Mme Annie Genevard, M. Andy Kerbrat, M. Antoine Léaument, M. Benjamin Lucas, Mme Elisa Martin, Mme Danièle Obono, M. Eric Pauget, M. Thomas Portes, Mme Sandra Regol, Mme Sandrine Rousseau, M. Hervé Saulignac, Mme Andrée Taurinya, Mme Cécile Untermaier et M. Boris Vallaud.
S'abstiennent :
M. Erwan Balanant, Mme Pascale Bordes, Mme Edwige Diaz, M. Yoann Gillet, M. Jordan Guitton, M. Timothée Houssin, Mme Elodie Jacquier-Laforge, M. Gilles Le Gendre, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, M. Thomas Ménagé et Mme Béatrice Roullaud.
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 54
Pour l'adoption des amendements : 25
Contre l'adoption des amendements : 17
Abstention : 12
La commission adopte donc l'article 1er A.
Article 1er BA (nouveau) : (art. L. 333-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) Préciser que seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière peuvent contraindre un étranger à son réacheminement en cas de refus d'entrée
Amendements de suppression CL1658 du rapporteur général, CL1643 de M. Sacha Houlié, CL1267 de Mme Blandine Brocard et CL1542 de M. Guillaume Gouffier Valente
Je vous propose de supprimer cet article, qui se trouve satisfait par la législation en vigueur : le réacheminement d'une personne arrivée illégalement sur le territoire national est effectué par la police aux frontières ; si elle ne le peut pas, par exemple parce que l'entreprise de transport refuse les agents armés dans son avion, l'État fait appel soit à un prestataire, soit à sa propre flotte.
La commission adopte l'amendement. En conséquence, l'amendement CL 433 tombe et l'article 1er BA est supprimé.
Article 1er BB (nouveau) : Demande de rapport étudiant la possibilité de mettre en place des visas « travailleur » et « entrepreneur » pour les ressortissants d'un pays membre de l'Organisation internationale de la francophonie
Amendements de suppression CL464 de M. Kévin Pfeffer et CL1271 de Mme Blandine Brocard
La création de visas francophones « travailleur » et « entrepreneur » ouverts aux pays membre de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) constituerait une nouvelle source d'immigration pour des motifs économiques, alors que la France compte 2,28 millions de demandeurs d'emploi et que le taux de chômage est de 7,4 % au troisième trimestre de 2023.
Suivant l'avis favorable du rapporteur général, la commission adopte l'amendement. En conséquence, les autres amendements tombent et l'article 1er BB est supprimé.
Après l'article 1er BB
Amendement CL1086 de Mme Caroline Abadie
Demander un titre de séjour peut être laborieux dans un département comme l'Isère, où un demandeur habitant à Vienne doit se rendre plusieurs fois à la préfecture de Grenoble, à une heure trente de voiture – il n'y a pas de train –, pour compléter son dossier. On nous rapporte qu'il arrive fréquemment d'apprendre au gré des rendez-vous que le dossier n'est pas complet, alors que l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration indique que celle-ci, recevant un dossier incomplet, doit dresser une liste exhaustive des pièces manquantes.
Cet amendement vise donc à obliger l'autorité administrative compétente à transmettre au demandeur une liste exhaustive des pièces et informations exigées.
Il s'agit d'un amendement d'appel, puisque vous demandez l'inscription dans la loi de dispositions qui y figurent déjà. Vous soulignez un problème que nous avons déjà rencontré plusieurs fois : celui du traitement des dossiers de titre de séjour par les préfectures. M. le ministre a apporté des éclairages sur ce point.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Avons-nous déjà parlé de l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef) ? Cela ne va pas simplifier les choses ; il faudrait déjà qu'elle fonctionne comme il est prévu qu'elle fonctionne, ce qui n'est pas gagné d'avance. Contrairement à d'autres types de procédures pour lesquelles il existe des imprimés en plusieurs langues, pour l'Anef seuls le français et l'anglais sont prévus – ensuite, débrouillez-vous : si vous ne parlez ni l'un ni l'autre, évitez d'être étranger.
Cet amendement est intéressant, car il pointe du doigt que si toutes les préfectures et les sous-préfectures organisaient un accueil physique qui permette d'obtenir des réponses, bien des difficultés seraient levées. Une proposition de loi à cet effet sera examinée jeudi prochain en séance publique sur ce sujet, je vous invite à être présents.
La commission adopte l'amendement.
Article 1er B (nouveau) (art. L. 434-2, art. L 434-7 et art. L. 434-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Durcissement des conditions permettant à l'étranger de demander à bénéficier du regroupement familial
Amendements de suppression CL549 de M. Thomas Portes, CL851 de M. Boris Vallaud, CL1060 de Mme Francesca Pasquini, CL1144 de Mme Emeline K/Bidi, CL1272 de M. Erwan Balanant, CL1420 de Mme Stella Dupont et CL1624 de M. Sacha Houlié
Nous demandons la suppression de cet article qui durcit les conditions du regroupement familial, par exemple en repoussant l'âge minimal nécessaire pour bénéficier de cette procédure.
Les gens de droite nous bassinent sans arrêt avec la famille. Ici, il s'agit de regrouper des familles dont la nationalité est certes différente : d'un coup, vous n'aimez plus la famille et vous ne voulez plus permettre qu'elle soit regroupée. Je voudrais vous entendre : pourquoi avez-vous un problème avec la famille quand elle n'est pas purement française ? L'histoire de notre pays est faite de familles qui se sont mélangées pour donner, à la fin, des Français magnifiques.
Notre proposition de suppression se fonde d'abord sur la réalité des chiffres, tels qu'ils ont été exposés notamment par François Héran : le regroupement familial est stable, contrairement à ce que prétendent la droite et l'extrême droite.
Les conditions posées ici sont indignes, comme le report de l'âge auquel il est possible de demander le regroupement familial. Nous reviendrons sur les conditions de langue – on imagine quelles seraient les clauses de réciprocité. Certaines n'ont simplement pas de sens : pourquoi demander qu'un étranger en situation régulière, donc affilié à la sécurité sociale, dispose d'une assurance maladie ?
Le parcours d'immigration est émaillé de séparations, de son compagnon ou de sa compagne, de ses enfants… Parfois pendant des années, on travaille dans un pays quand ses enfants grandissent dans un autre. À plusieurs reprises, nous avons assisté à des tentatives d'interdiction du regroupement familial, qui ont heureusement échoué : ce serait contraire au droit de vivre en famille, reconnu par la Constitution.
La droite cherche donc des contournements : on durcit les critères, au point de rendre le regroupement familial impossible. Nous demandons que, conformément à nos valeurs, une personne vivant en France ait le droit de faire venir sa famille pour vivre avec elle.
Celles et ceux qui cherchent à limiter le regroupement familial savent très bien qu'avec quelque 12 000 titres annuels, il ne représente qu'une part réduite des titres de séjour, et qu'il est plutôt en baisse. Mais ils font une fixation obsessionnelle, car le regroupement familial permet de décliner tous les poncifs racistes, notamment sur le nombre d'enfants qu'ont les femmes venues de l'étranger. Il permet aussi de déployer la théorie du grand remplacement : il ne faudrait pas que les enfants venus d'ailleurs se mélangent à celles et ceux qui ne sont pas issus de l'immigration.
Nous demandons également la suppression de l'article, pour des raisons à la fois constitutionnelles, conventionnelles et opérationnelles.
L'exigence d'un niveau de français contrevient aux exigences de la directive européenne du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée. Nous sommes également opposés à la condition relative à l'assurance maladie.
Cet article a été ajouté au texte par nos collègues sénateurs. Nous devons nous montrer précis dans l'évaluation de ce qu'ils nous proposent.
Le Sénat appelle notre attention sur les 14 000 ressortissants de nationalité étrangère acceptés au titre du regroupement familial, pour 29 000 demandes. Il souhaite que la durée de séjour pour demander le regroupement familial soit portée de dix-huit à vingt-quatre mois et que l'âge de l'étranger et de son conjoint soit au minimum de 21 ans, contre 18 ans aujourd'hui. Il propose ensuite d'exclure les aides personnelles au logement de l'évaluation des ressources. Il ajoute enfin que ces ressources doivent être non seulement « stables et suffisantes », mais « régulières », et que l'étranger doit disposer d'une assurance maladie pour lui et sa famille.
En ce qui concerne la durée de séjour, la demande peut aujourd'hui être adressée à l'autorité administrative après dix-huit mois ; celle-ci répond dans les six mois. La durée réelle est donc de vingt-quatre mois, si tout va bien : nous considérons qu'il est inutile de porter la durée de séjour minimale à vingt-quatre mois. La France a déjà été condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour des délais excessifs, supérieurs à vingt-quatre mois. L'Allemagne a également été condamnée pour ce motif, avec des durées de trente à trente-six mois, ce qui serait notre situation si nous adoptions la proposition du Sénat.
S'agissant de l'âge, je ne vois pas l'intérêt de séparer plus longtemps un enfant de ses parents. Nous proposons donc de ne pas accepter le relèvement de l'âge.
Quant aux aides personnelles au logement, je souhaite qu'elles continuent d'être prises en considération. L'évaluation des ressources exclut déjà les prestations familiales, le minimum vieillesse… Mais, pour s'intégrer, la question du logement est essentielle.
En revanche, l'ajout d'une condition de ressources « régulières » me paraît cohérent. Cela n'interdirait pas à un intermittent du spectacle, par exemple, d'être accepté.
Quant à la condition d'assurance maladie, il me paraît justifié de demander que les personnes regroupées soient couvertes par l'assurance maladie du demandeur : là encore, c'est une question d'intégration. Les conditions de vie sur le territoire national doivent être satisfaisantes.
Je suis donc défavorable aux amendements de suppression, mais je proposerai un amendement qui conservera la condition de régularité des ressources et celle d'assurance maladie.
Je ne reviens pas sur ce qu'a dit le rapporteur général. Je précise que les conditions de ressources ne comprennent pas les prestations sociales, quelles qu'elles soient. La précision est donc superflue, si les élus font leur travail correctement. Je rappelle en effet que la vérification des ressources relève des maires : ceux-ci donnent un avis au préfet ; ils ne savent d'ailleurs pas toujours qu'ils ont la faculté de ne pas laisser leurs services gérer cette procédure. Nous aurons l'occasion d'en débattre, puisque des amendements de simplification ont été déposés.
S'agissant des conditions de langue, que certains ont jugées contraires à la Constitution et aux conventions internationales, je précise qu'elles existent dans de nombreux pays européens. Le gouvernement de M. Scholz a imposé une condition de cours de langue, avec un test qui doit être passé trois fois – il n'y a pas de condition de réussite, le regroupement familial étant accordé même en cas d'échecs répétés. Le gouvernement de M. Rutte a adopté une disposition similaire. Il ne s'agit pas d'imposer la réussite à un test pour avoir droit au regroupement familial ; cela, nous allons le prévoir pour le titre pluriannuel. Il s'agit simplement d'obliger à prendre des cours de français dans la perspective d'un regroupement familial. Cela a déjà existé dans notre pays, notamment entre 2007 et 2012, puis pendant les deux premières années du quinquennat de M. Hollande. C'est une disposition essentielle pour le droit des femmes, qui pourront ainsi vivre dans des conditions qui ne soient pas celles d'un communautarisme ou d'un enfermement dans une société qui ne serait pas celle que nous souhaitons pour la République.
Le regroupement familial concerne en effet entre 12 000 et 14 000 personnes par an ; il est juste de dire qu'il est en baisse, notamment depuis cinq ans. Il est tout aussi vrai que l'immigration reste majoritairement familiale, alors que nous cherchons plutôt une immigration de travail.
Même si les volumes sont peu importants, il est essentiel de prévoir des conditions qui permettent l'intégration.
Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.
Le regroupement familial est une obsession raciste et infondée : il est utilisé pour cibler des étrangers, alors que le nombre de visas en cause est en baisse permanente – une diminution de 10 % depuis 2005. La limitation du regroupement familial serait contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Vous évoquez la question des ressources : finalement, l'immigration familiale est aussi une immigration choisie, puisque celles et ceux qui ont de l'argent pourront faire venir leur famille, mais pas les autres. C'est abject, dans la droite ligne de ce qui est sorti du Sénat. On voit qu'il existe un accord tacite entre la Macronie et la droite sur ce projet qui non seulement n'est pas à la hauteur des enjeux, mais en outre devient le concours Lépine du plus raciste et du plus xénophobe.
J'appelle à la cohérence celles et ceux qui ont déposé des amendements de suppression, et j'espère qu'ils ne se rallieront pas à l'amendement du rapporteur général.
Je m'interroge sur la faisabilité des dispositions relatives à la langue. Comment une femme afghane pourrait-elle prendre des cours de français à Kaboul avant de venir en France dans le cadre du regroupement familial, alors qu'elle n'a pas le droit d'être scolarisée ?
Pas forcément ! Cela suppose que son mari bénéficie de ce statut, ce qui n'est pas systématique, vous le savez.
Cet article est l'illustration de la droite Tartuffe : on proclame son amour de la valeur travail et on refuse les régularisations par le travail ; on proclame son amour de la famille, allant jusqu'à en défendre les conceptions les plus archaïques, mais on refuse que la France permette à des familles d'être réunies.
Les valeurs familiales ne peuvent pas changer en fonction de l'origine ou de la nationalité. Il n'y a pas d'inclusion dans la société si l'on ne peut y vivre avec sa famille : voir grandir ses enfants dans le pays où l'on vit est essentiel, c'est là une évidence qui devrait nous rassembler.
Enfin, le droit au regroupement familial est déjà très restreint : dix-huit mois, c'est déjà bien au-delà de ce que prévoient nombre de nos voisins. Les conditions de logement et de ressources existent déjà.
Le groupe Les Républicains votera contre ces amendements.
Il est nécessaire de réguler le regroupement familial. Ce n'est certes pas la principale source d'entrée dans notre pays, mais les chiffres restent importants. Plus de 1,3 million de titres de séjour pour motif familial sont en circulation, soit plus d'un tiers des titres existants. Il faut s'interroger sur les conditions d'accueil : est-il normal qu'un étranger en situation régulière, qui peut faire venir cinq personnes de sa famille, doive justifier seulement d'un revenu de 1 500 euros et d'un appartement ? Peut-on faire vivre une famille de six personnes dignement dans ces conditions, sans faire appel à la solidarité nationale ? C'est évidemment impossible.
Le groupe Horizons et apparentés votera contre ces amendements. J'entends parler d'obsession : c'est un terme tout à fait excessif ! Il est question ici de capacité à accueillir et à loger une famille ; pour cela, il faut des ressources régulières et stables. Ces dispositions me paraissent justifiées. L'accueil de ces personnes ne doit pas reposer sur la solidarité nationale.
Le groupe Renaissance votera contre ces amendements. Nous rejoignons le rapporteur général, qui proposera d'écarter certaines des conditions prévues par le Sénat. Nous estimons que l'ajout relatif à l'assurance maladie de l'ensemble du foyer, qui s'appuie sur la directive européenne du 22 septembre 2003, doit être conservé.
Une ressortissante afghane viendrait en France au titre de la demande d'asile de son conjoint déjà présent ! Elle bénéficiera, à son arrivée, de toutes les garanties de protection nécessaires.
Si la régularité des ressources et la couverture maladie nous paraissent indispensables, c'est que ce sont des mesures de protection et d'intégration. M. Marcangeli a raison, nous devons être vigilants sur les conditions d'accueil : est-il superfétatoire de s'inquiéter de la façon dont une conjointe, dont des enfants arrivant sur le territoire national seront couverts en cas de maladie ? Pour le cas où vous ne l'accepteriez pas, je précise que la directive de 2003 le prévoit.
Je redis que je proposerai un amendement qui supprimera certaines des nouvelles conditions proposées par le Sénat – relèvement de l'âge des conjoints, allongement de la durée de séjour pour établir une demande, exclusion des APL des ressources – pour conserver seulement la nécessité de ressources régulières et la couverture par une assurance maladie.
Monsieur Vallaud, une femme afghane, si elle est en Afghanistan, ne peut pas faire de demande de regroupement familial : il n'y a plus de consulat, plus d'ambassade, plus de relations diplomatiques, plus de vols entre Kaboul et Paris. Si elle formule cette demande, c'est qu'elle a quitté l'Afghanistan ; elle est donc dans un pays où elle peut prendre des cours de français. Je redis qu'elle n'a pas besoin de réussir un examen. C'est incroyable, que la gauche ne veuille pas que l'on donne des cours de français gratuits, sans obligation de réussite, à des femmes pour qu'elles viennent sur notre sol ! Comment voulez-vous lutter contre le communautarisme ? Votre exemple est nul et non avenu : il ne peut pas y avoir de regroupement familial venant d'Afghanistan ; je m'étonne que quelqu'un d'aussi intelligent que vous l'utilise. (M. Boris Vallaud proteste.) Vous avez le droit d'être contre cette disposition, mais pas en racontant n'importe quoi à la représentation nationale et aux gens qui nous regardent !
Si la famille de cette femme afghane a obtenu l'asile en France, elle bénéficiera de la réunification familiale, pour laquelle il n'y a pas de conditions. Elle peut aussi demander l'asile : le taux de protection des Afghans est de 80 %, et jusqu'à 90 % pour les Afghanes. Si jamais elle se trouve dans un autre pays et qu'elle demande le regroupement familial, elle prendra des cours de français. Nous ne proposons pas, comme le gouvernement de M. Scholz – qui ne doit pas être si inhumain que cela, puisque les Verts font partie de sa coalition – un examen en vue du regroupement familial. Il s'agit de donner des notions de la langue du pays dans lequel les gens arrivent. C'est une possibilité d'émancipation, notamment pour les femmes, et je ne vois pas pourquoi cela vous gêne tant. Sinon, vous accélérerez un communautarisme que vous refusez par ailleurs, en tout cas en paroles !
La commission rejette les amendements.
Amendement CL1659 du rapporteur général, CL994 de M. Benjamin Lucas et CL1543 de M. Guillaume Gouffier Valente (discussion commune)
Je reviens sur le débat précédent : on pouvait avoir l'impression que vous proposiez d'établir des conditions au regroupement familial, comme s'il n'en existait pas aujourd'hui ! La loi dispose déjà qu'il faut disposer de « ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille », et « à la date d'arrivée de sa famille en France, d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique » ; il faut aussi se conformer « aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ». Le risque de communautarisme paraît écarté. Pourriez-vous arrêter d'essayer de faire croire que l'on réforme pour la première fois le droit de l'accueil en France ?
Il aurait vraiment fallu supprimer cet article. Nous demandons à tout le moins la suppression des alinéas 2 à 6.
J'ai également présenté cet amendement tout à l'heure : il s'agit de resserrer le dispositif en conservant seulement l'ajout relatif à l'assurance maladie.
J'ai souvenir de macronistes qui disaient, il y a un an et demi, qu'il fallait voter pour eux pour faire barrage au Rassemblement national. Cet article a été ajouté par le groupe Les Républicains du Sénat pour attenter au regroupement familial, c'est-à-dire au fait que les gens puissent s'aimer et vivre ensemble quand ils s'aiment. Le président de notre commission, donc un macroniste, mais aussi des membres du groupe Démocrate, donc des macronistes, et même certains de nos collègues du groupe Renaissance, macronistes, en demandaient la suppression, fidèles à l'idée de faire barrage aux idées du Rassemblement national. Mais il y a eu un vote, du rapporteur général et de certains macronistes, sous le regard de M. Darmanin qui ne vote pas mais qui est d'accord, avec le Rassemblement national et le groupe Les Républicains. Mettez-vous d'accord ! Essayez-vous de faire des choses utiles à la patrie ou d'adopter les objectifs et les arguments du Rassemblement national pour les faire progresser ?
Je termine ma démonstration : le regroupement familial a déjà fait l'objet de nombreuses modifications, qui visent toujours à le restreindre. Nous nous opposons à cette logique. Quand j'écoute les arguments du Rassemblement national, des députés Les Républicains ou même des députés Renaissance, je me demande qui pourra faire venir sa famille. Ce droit sera-t-il réservé aux plus riches ? Cela ne me paraît pas souhaitable, surtout dans une société où la précarité et la pauvreté s'accroissent, où se loger devient de plus en plus difficile. Il est inacceptable qu'il faille être riche pour vivre en famille.
Monsieur le rapporteur général, vous qui venez d'une région viticole, vous êtes en train de boire le calice jusqu'à la lie.
Vous avez commencé par voter des quotas ; avec votre rhétorique jésuitique, vous les avez rebaptisés « objectifs chiffrés ». Et comment les appliquer, une fois votés ? Eh bien en durcissant les conditions du regroupement familial. Vous parlez d'assurance maladie, parce que vous pensez déjà à durcir les conditions de l'aide médicale d'État… C'est un système.
Qu'entendez-vous par « assurance maladie » ? Je pense à une médecin, praticienne à diplôme hors Union européenne (Padhue) dans ma circonscription, qui demande le regroupement familial : les personnes qu'elle souhaite faire venir doivent-elles disposer d'une assurance maladie au Maroc, ou devront-elles seulement en disposer en France ?
Le groupe Les Républicains considère que le droit au regroupement familial n'est pas inconditionnel. C'est la raison pour laquelle le Sénat a souhaité imposer des conditions. Vous en retenez fort peu, et le compte n'y est pas, en particulier parce que vous ne retenez pas les mesures d'âge et que vous refusez d'exclure les aides personnelles au logement, alors que ce sont des ressources non contributives.
Il faut arrêter les excès ! Ce texte demande seulement des ressources régulières et une assurance maladie pour toute la famille. Depuis tout à l'heure, nous nous faisons traiter de racistes et de xénophobes, alors que ce sont des conditions légitimes pour accueillir quelqu'un dans notre pays. Le Canada n'est ni une dictature, ni un pays raciste, vous me l'accorderez : on y demande une assurance maladie pour toute la famille.
L'amendement CL1543 est retiré.
La commission adopte l'amendement CL1659. En conséquence, l'amendement CL994 tombe, de même que les amendements CL550 de Mme Élisa Martin, CL1142 de Mme Sandrine Rousseau, CL459 de M. Michel Guiniot, CL466 de M. Éric Ciotti, CL1132 de M. Alexandre Portier, CL225 de Mme Cyrielle Chatelain et CL1133 de M. Alexandre Portier.
Amendement CL255 de M. Yoann Gillet
En 1974, le Gouvernement a mis fin à l'immigration pour motif économique en raison de l'augmentation du chômage et, deux ans plus tard, il a pris un décret autorisant le regroupement familial. Depuis cette date, l'immigration a échappé à toute régulation et les Français ont subi, faute de volonté politique pour la maîtriser, une immigration hors de contrôle, et en paient chaque jour un prix toujours plus fort.
Après la loi de 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, qui porte très mal son nom, le cadre juridique permettant une immigration légale n'a cessé d'être de plus en plus favorable à une immigration incontrôlée. Devenu un véritable outil pour l'immigration de peuplement, le regroupement familial doit être repris en main et mieux encadré. En 2021, l'Insee estimait à 5,1 millions le nombre d'étrangers résidant en France, soit 7,6 % de la population. À un tel rythme, en 2025, ils représenteront plus d'un quart de la population totale.
C'est là un argumentaire typique du Rassemblement national et de son obsession. Selon ce discours, l'immigration serait incontrôlée – ce qui n'est pas le cas, comme cela a été dit à plusieurs reprises aujourd'hui. Par ailleurs, sous l'idée d'« immigration de peuplement » se cache le fantasme du « grand emplacement ».
Ce soir, dans les rues de Lyon, 100 à 150 militants d'extrême droite, habillés tout de noir, criaient « Islam hors d'Europe ! » et « L'immigration tue ! » Ce sont les mêmes qui, voilà quelques semaines, dans cette même ville, attaquaient la Maison des Passages.
Monsieur le ministre, quand allez-vous dissoudre ces regroupements et vous montrer très ferme contre l'extrême droite ? Allez-vous attendre que nous subissions des attentats, comme en Norvège, où Anders Breivik, le 22 juin 2011, a tué 77 personnes et en a blessé 150 autres en se réclamant de textes fondés sur l'idéologie complotiste d'Eurabia, que l'on retrouve dans cette logique du remplacement ? Brendon Tarrant a tué cinquante personnes…
Je suis assez choqué, mais ce n'est pas la première fois de la journée, par les propos de ce qu'il ne faut pas même appeler Rassemblement national, mais Front National, car ce sont concrètement les mêmes arguties que celles que proférait M. Le Pen père dans les années 1980. Vous avez ainsi parlé d'immigration de peuplement, qui renvoie à l'idée de grand remplacement. Il y a là une terrible confusion des genres.
Le regroupement familial est une mesure purement humaine. Il s'agissait de permettre à des gens venus travailler dans notre pays, par exemple dans les usines Citroën de Rennes, et que nous étions contents d'avoir dans les années 1970 pour produire pour la France, de faire venir leur famille.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL601 de M. Christophe Naegelen
Il complète l'article 434-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) en y ajoutant un quatrième alinéa, qui exclut du regroupement familial le membre de la famille dont le comportement serait contraire aux principes de la République qui régissent la vie familiale en France. En effet, si la menace à l'ordre public figure aujourd'hui parmi les critères d'exclusion, la menace pour les principes républicains renvoie à des situations différentes. L'égalité hommes-femmes, par exemple, est un principe de la République, et une personne qui vient en France au titre du regroupement familial doit donc souscrire à ce principe républicain simple. On pourrait citer d'autres exemples en ce sens.
Madame Chatelain, il est faux de dire que nous créons un regroupement familial réservé aux riches. En effet, la condition de ressources fixées par voie de décret n'est pas modifiée et sera toujours de 1 300 euros pour deux à trois personnes et de 1 400 euros pour trois à cinq personnes. Ne dites pas des choses que vous ne savez pas.
Monsieur Naegelen, j'aurais voulu soutenir votre amendement, mais la mesure que vous proposez d'ajouter à l'article 434-6 du Ceseda figure déjà au troisième alinéa de l'article L. 434-7 de ce code, qui prescrit que le bénéficiaire du regroupement familial « se conforme aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. » Je demande donc le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
L'article 434-7 dispose que « l'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint », tandis que l'article L. 434-6 vise l'étranger qui veut le rejoindre, ce qui pas tout à fait la même chose.
Vous avez raison et je vous présente mes excuses. Il n'en demeure pas moins que l'article 13, que nous examinerons dans quelques jours, satisfera votre amendement.
Superposer à la perception de l'étranger la notion de délinquance, voire – pourquoi pas ? –, au gré des faits divers ou des événements, celle de terrorisme relève d'une vision xénophobe. En six heures et demie de débats, vous avez réussi à introduire la notion de quotas, quitte à lui donner un autre nom, et vous vous employez maintenant à réduire le regroupement familial en l'attaquant sous divers aspects.
Le respect des principes républicains, que vous invoquez, paraît très vague. Non seulement votre loi n'est que régression en termes de droits, y compris de droits fondamentaux pour les exilés en général, mais vous y introduisez aussi des choses qui permettront…
La commission rejette l'amendement.
La séance est levée à minuit cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, Mme Fanta Berete, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, M. Michel Castellani, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, Mme Annie Genevard, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, Mme Constance Le Grip, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, M. Laurent Marcangeli, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, M. Emmanuel Pellerin, Mme Michèle Peyron, M. Thomas Portes, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, Mme Sandrine Rousseau, M. Hervé Saulignac, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, M. Guillaume Vuilletet, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, M. Rémy Rebeyrotte, M. Davy Rimane, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Cyrielle Chatelain, M. Charles de Courson, M. Arthur Delaporte, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Stéphanie Galzy, M. Benjamin Haddad, Mme Julie Lechanteux, Mme Estelle Youssouffa