Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Réunion du jeudi 30 mars 2023 à 16h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Jeudi 30 mars 2023

La séance est ouverte à seize heures quinze.

(Présidence de M. Benjamin Haddad, président de la commission)

La commission d'enquête entend Mme Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes.

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Chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen.

À partir du 10 juillet 2022, plusieurs membres du consortium international de journalisme d'investigation (ICIJ) ont publié ce qui est désormais convenu d'appeler les Uber files. S'appuyant sur 124 000 documents internes à l'entreprise américaine, datés de 2013 et 2017, cette enquête a dénoncé un lobbying agressif de la société Uber pour implanter en France, comme dans de nombreux pays, des véhicules de transport avec chauffeur (VTC), venant concurrencer le secteur traditionnel du transport public particulier de personnes réservé jusqu'alors aux taxis.

Notre commission d'enquête poursuit un double objet : d'une part, identifier l'ensemble des opérations de lobbying qui ont été menées par Uber pour s'implanter en France, le rôle des décideurs publics de l'époque et émettre des recommandations concernant l'encadrement des relations entre les décideurs publics et les représentants d'intérêts ; d'autre part, évaluer les conséquences économiques, sociales, environnementales du développement du modèle Uber en France – de l'ubérisation de l'économie – et les réponses apportées et à apporter par les décideurs publics en la matière.

Votre audition s'inscrit dans cette seconde optique, compte tenu de l'émergence des nouvelles formes de travail générées par les plateformes d'emploi. Nous aborderons ainsi le débat entre travail indépendant et salariat et l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation et des prud'hommes sur cette question.

Nous souhaiterions également vous entendre sur le rôle du Parlement européen dans le cadre de la négociation du projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes d'emploi, que vous avez amendé puis adopté récemment. Pouvez-vous nous rappeler les différentes options envisagées lors de l'élaboration de ce projet de directive ? De quelle manière les députés européens ont-ils pris connaissance de la position des différents États membres ? Quelles ont été les relations entre les députés européens français et la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne (RP) ? À quel rapport de force avez-vous assisté au sein du Parlement européen ? Enfin, quelle serait, selon vous, la prochaine étape dans la coconstruction législative de ce texte par le Parlement européen et le Conseil ?

Je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Mme Leïla Chaibi prête serment.)

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Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes

Depuis mon élection en tant qu'eurodéputée, membre du groupe de la gauche au sein de la délégation de la France insoumise, j'ai principalement travaillé sur le chantier législatif de l'encadrement des droits des travailleurs des plateformes. Il s'agissait bien d'un chantier, puisque nous ignorions à l'époque si notre réflexion aboutirait à une recommandation, une directive ou un règlement.

Cette question faisait partie de la feuille de route définie au début de la législature par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en septembre 2019. En effet, l'arrivée des plateformes en Europe s'était traduite par un flou législatif sur le statut des travailleurs. Les juges étaient fréquemment sollicités par ces derniers et ordonnaient généralement une requalification de la relation commerciale unissant le travailleur à la plateforme en contrat de travail.

Dès lors, un rapport de force s'est constitué pour définir le contenu et le cadre de la proposition législative. D'un côté, les lobbys des plateformes ont entrevu une occasion de légaliser ce que les juges, au contraire, considéraient comme illégal, par la création d'un statut tiers entre le travailleur indépendant et le salarié : ils souhaitaient ainsi obtenir l'obligation de subordonner des travailleurs sans aucune contrepartie. De l'autre côté, des forces – dont mon groupe fait partie – ont voulu saisir l'opportunité d'obliger les plateformes à assumer les mêmes obligations que l'ensemble des employeurs, à partir du moment où elles exercent un lien de subordination – à savoir, l'application du droit du travail et de la protection sociale.

La directive proposée par la Commission européenne en décembre 2021 a été précédée d'un rapport d'initiative du Parlement européen. En effet, si le Parlement européen n'a pas le droit d'initiative législative, il peut produire des rapports d'initiative, dans lesquels il émet des préconisations à la Commission européenne sur le contenu de ses futures propositions.

Ce rapport a été confié à Sylvie Brunet, eurodéputée élue sur la liste de la majorité présidentielle. Il proposait de rédiger une directive et posait le principe d'une présomption de salariat. Lors des négociations sur ce rapport, dont j'étais responsable au nom de mon groupe, j'ai observé que le groupe Renew tenait fortement à en obtenir la rédaction. En effet, le Parlement fonctionne sur une règle de répartition des rapports. Or, le groupe Renew a laissé aux socialistes la charge d'un rapport important sur la question des salaires minimums européens afin d'obtenir celui sur les plateformes. C'est alors que j'ai constaté que les eurodéputés de la liste présidentielle comptaient parmi les relais d'Uber au Parlement européen.

Les lobbys d'Uber et de Deliveroo, que j'ai rencontrés en décembre 2019 puis en janvier 2020 pour échanger avec eux au sujet de cette proposition législative, m'ont confié que la démarche d'Emmanuel Macron représentait pour eux un modèle en Europe. Nous étions alors au lendemain de l'adoption de la loi d'orientation des mobilités (LOM) en France. Le Conseil constitutionnel avait rejeté l'un de ses articles – qui stipulait une interdiction de demander une requalification au juge dès lors qu'une charte avait été signée entre la plateforme et ses travailleurs – au motif qu'il protégeait non pas le travailleur mais la plateforme, contre le risque de requalification. Le chargé des affaires publiques de Deliveroo m'avait confié qu'il déplorait fortement la position du Conseil constitutionnel.

Il faut bien noter que le fonctionnement du Parlement européen repose principalement sur la formation de coalitions. Aucun groupe ne bénéficiant de la majorité absolue, le rapporteur doit accepter des compromis s'il souhaite que son nom soit inscrit sur le rapport et que ce dernier soit voté. Or, les groupes politiques et les rapporteurs étaient majoritairement favorables à la présomption de salariat. Ainsi, alors que cette dernière était absente de la proposition de rapport de Sylvie Brunet avant la phase de négociation, elle figurait dans le texte adopté le 16 septembre 2021 en séance plénière.

Le 20 septembre 2021, M. Léglise-Costa, Représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, m'a expliqué qu'il considérait très improbable que la Commission européenne suive le scénario préconisé par le Parlement. Lorsque je lui ai demandé comment ce rapport avait pu être signé par un membre de la majorité présidentielle dont les positions étaient contradictoires avec son contenu, il m'a répondu qu'il ne s'agissait, au fond, que d'un rapport du Parlement.

Fin septembre 2021, un débat à l'Assemblée nationale sur le droit au dialogue social des travailleurs indépendants a eu lieu. Au cours de ce dernier, un député de la France insoumise a rappelé à la ministre du Travail Élisabeth Borne que le Parlement avait validé un rapport actant sa volonté de voir inscrite la présomption de salariat dans la future directive de la Commission. La ministre lui a répondu que l'expression « présomption de salariat » n'était pas inscrite dans le rapport. Or les termes «  presomption of employment relationship  » y figurent pourtant bien. En outre, la ministre a établi une différence entre « relation de travail » et « relation d'emploi ». Selon la définition de l'Organisation internationale du travail, « relation de travail » est la traduction de «  employement relationship  », expression qui désigne bien une relation de subordination entre le travailleur et un employeur, et non celle qui unit un travailleur indépendant à un donneur d'ordre.

Au lendemain de l'adoption du rapport Brunet, en septembre 2021, la Représentation permanente de la France a diffusé un courrier dans lequel elle préconisait de ne pas suivre le scénario de la présomption de salariat. En effet, à partir du Sommet social de Porto en mai 2021 et jusqu'au mois de décembre – date à laquelle la Commission européenne devait émettre sa proposition sur la présomption de salariat –, la question du travail des plateformes s'est progressivement effacée des déclarations préfigurant la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE). La France, qui était en faveur de l'adoption d'un tiers statut – option abandonnée au fil des échanges – a choisi de favoriser un autre des scénarios publiés par la Commission européenne au cours de l'année 2021, à savoir le renversement de la charge de la preuve. Dans ce cadre, il revient au travailleur de se rendre chez le juge pour faire valoir la bonne classification de son statut – même si ce n'est pas à lui d'en apporter les preuves.

La directive a été proposée par la Commission européenne le 9 décembre 2021. La présomption de salariat est actée dans l'article 3, à condition que deux des cinq critères listés dans l'article 4 s'appliquent. Le nombre de critères finalement retenu a été le fruit d'un compromis, car le commissaire à l'Emploi souhaitait en effet que la directive soit plus ambitieuse encore à cet égard. Par ailleurs, tous les travailleurs de plateforme ne sont pas salariés : l'article 5 rappelle en effet que la présomption est réfragable – il est possible de la contester. Toutefois, c'est à la plateforme de prouver qu'elle travaille bien avec des indépendants. La logique diffère donc de celle du renversement de la charge de la preuve.

Dès lors, le lobbying intensif, qui visait principalement la Commission européenne, s'est orienté vers le Parlement, qui, de même que le Conseil, avait reçu la proposition pour une nouvelle phase de négociation. Les lobbys d'Uber n'étaient pas restés inactifs avant cette date : en effet, le 15 février 2021, le directeur général d'Uber, Dara Khosrowshahi, avait publié un livre blanc, intitulé «  A better deal  », dans lequel il exposait sa propre vision de la législation européenne à établir. Opposé à toute modification du statut des indépendants, il proposait de leur accorder plus de droits, notamment en matière de dialogue social. Le 16 février, il tenait ces mêmes propos dans une tribune publiée dans Politico, qui est le média le plus lu par la sphère politique européenne. C'est cette position qui sera par la suite défendue, puis adoptée, par les autorités françaises. La France est en effet le seul pays européen à avoir suivi la position prônée par Dara Khosrowshahi dès février 2021. Dans une récente interview dans le Journal du Dimanche ainsi que dans une déclaration lors du forum économique mondial de Davos, Dara Khosrowshahi a répété qu'il considérait la France comme un modèle en la matière.

À la suite de la proposition de la Commission en décembre, les négociations ont repris à la commission Emploi du Parlement européen. Alors que tous les autres groupes politiques ont conservé les mêmes chargés de négociation que lors de la première phase, le groupe Renew n'était plus représenté par la délégation Renaissance et par Sylvie Brunet, mais par l'eurodéputée slovaque Lucia Nicholsonová, qui a joué le rôle de porte-parole des intérêts des plateformes. Nous sommes toutefois parvenus à un consensus, notamment parce que la droite traditionnelle, attachée aux règles de la concurrence libre et non faussée, était, elle aussi, favorable à la présomption de salariat.

Notre position a été adoptée par le Parlement en séance plénière en février 2023. Très ambitieuse, elle marque une véritable avancée par rapport à la proposition de la Commission en remettant en question le principe des critères retenu par cette dernière. En effet, la décision de leur application posait un problème majeur : si la décision était revenue à la plateforme, en toute logique, cette dernière aurait systématiquement estimé qu'ils n'étaient pas remplis ; et si elle avait émané du travailleur, il aurait dû en apporter la preuve au juge – ce qui revenait à un renversement de la charge de la preuve.

Contrairement à ce qu'ont prétendu les plateformes, le Parlement ne visait pas à requalifier d'office tous les travailleurs de plateforme en salariés. Si une plateforme opère uniquement une mise en relation des travailleurs et des clients, sans fixer leurs tarifs, par exemple, le statut d'indépendant est très clair. C'est notamment le cas de Doctolib. L'article 5 du texte voté par le Parlement contient ainsi une liste de critères qui permettent de contester la présomption de salariat.

Je pourrai vous fournir d'autres éléments révélateurs de la pression que les lobbys ont fait peser sur le Parlement européen durant la deuxième phase de négociation, notamment des courriers adressés à des députés qu'ils estimaient susceptibles de diffuser leur narratif. Les forces progressistes y ont répondu par une forme de contre- lobbying en faisant entendre les revendications des travailleurs au sein du Parlement.

Le Parlement a réussi à former un consensus très large. Je tiens d'ailleurs à saluer les députés de la délégation Renaissance au Parlement européen, qui ont voté en faveur de la proposition en février dernier. En effet, le groupe Renew était le seul qui était aussi divisé. La droite était favorable à la proposition, puisque cette dernière visait autant à protéger le statut d'indépendant qu'à salarier les travailleurs qui étaient subordonnés à leur plateforme. Les seuls députés qui s'y sont opposés étaient les relais des lobbys.

J'en donnerai ici un autre exemple. La position validée en commission Emploi ne doit pas systématiquement être validée en plénière : elle peut directement être soumise au trilogue. Or, l'eurodéputée suédoise Sara Skyttedal, qui a elle aussi joué le rôle de porte-parole d'Uber, a collecté le nombre de signatures suffisant pour demander un passage en réunion plénière, espérant que le rapport de force y serait plus favorable qu'en commission Emploi – où les députés ont une fibre sociale plus affirmée qu'au sein de l'ensemble du Parlement. Cela n'a pas fonctionné.

Je conclurai par une remarque sur le Conseil. Les relations avec la Représentation permanente sont assez franches : nous savons que nous n'avons pas la même position. J'ai également des relations avec plusieurs des sept États membres qui se sont opposés au compromis proposé par la présidence tchèque lors de la réunion de décembre. Ce compromis me paraît inquiétant à plusieurs égards. D'abord, le Parlement avait supprimé les critères de l'article 4 pour inscrire des critères différents dans l'article 5. Le Conseil, de son côté, a proposé de relever le seuil de déclenchement de la présomption de deux à trois voire quatre critères. Si une plateforme remplit l'un des critères de présomption parce qu'elle respecte la législation nationale ou en raison du respect d'un accord collectif, il est annulé. Par ailleurs, le Conseil est favorable à un effet suspensif. La position de la France a fluctué à cet égard, mais il me semble qu'elle y est également favorable : à partir du moment où la plateforme utilise l'article 5 pour contester la présomption, la requalification est arrêtée – la situation redevient alors identique à celle où la présomption de salariat n'existait pas.

Si un accord est trouvé au Conseil au mois de juin, les négociations devront se dérouler sous la présidence de l'Espagne, qui fait partie de nos alliés sur cette question – au contraire de la France, d'après les échos que nous recevons du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), de la Représentation permanente ou encore des lobbyistes. C'est regrettable car cette directive est bonne tant pour les travailleurs que pour les affaires et les vrais indépendants. Elle cherche à adopter des règles du jeu équitables pour tous.

Je crains pour ma part un véritable détricotage de l'ensemble du salariat : si les entreprises de livraison de repas ou de transport de personnes peuvent subordonner des travailleurs sans en assumer la contrepartie – le droit du travail et la protection sociale –, nombre d'employeurs pourraient décider de remplacer leurs salariés par de faux indépendants. Or, j'ai le sentiment que c'est la raison pour laquelle le Président de la République cherche tant à défendre les intérêts d'Uber et des autres plateformes.

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Le Secrétaire général des affaires européennes nous a précisé lors de son audition que l'effet suspensif et les exemptions ne faisaient plus partie des positions françaises. En revanche, le Conseil semble favorable à la conservation de quelques critères permettant de guider l'action du juge et d'harmoniser cette dernière à l'échelle européenne – ce qui était l'objectif initial de la directive, et que la suppression de tous les critères mettrait en péril.

J'attire votre attention sur la sémantique que vous employez : vous qualifiez des eurodéputés – notamment suédois – de porte-paroles des intérêts d'Uber ou de relais de lobbys. Disposez-vous d'éléments concrets prouvant que leurs positions sont liées avant tout à des pressions ou des communications de lobbys d'Uber ? Ne s'agit-il pas davantage de différences de points de vue idéologiques, économiques ou politiques sur la présomption de salariat entre divers pays et groupes politiques ?

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Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes

Lorsque je dis que le Président de la République se fait le relai des intérêts des plateformes, loin de moi l'idée qu'Emmanuel Macron serait payé par Uber ! En effet, la question idéologique est sans doute au cœur du sujet : certains ont, par idéologie, la conviction que le marché du travail est soumis à une trop forte rigidité à l'embauche, que le code du travail est trop contraignant et que la suppression des protections sociales accordées aux salariés favoriserait la dynamique du marché du travail. Dès lors, l'ubérisation peut constituer un cheval de Troie pour déconstruire tous les acquis du salariat. Quand un employeur peut sanctionner, contrôler et diriger un travail – ce sont les trois éléments qui fondent le lien de subordination –, il doit appliquer le droit du travail et payer la protection sociale. Certes, cette contrepartie est lourde. Pourtant, les stratégies de contournement existent, comme les contrats atypiques. Nous avons précisément affaire ici à une nouvelle stratégie de contournement, qui repose sur l'absence même de tout contrat. Je ne conteste pas les avantages qu'elle représente pour l'employeur mais, en retour, le travailleur ne bénéficie pas des avantages que lui confère le statut d'indépendant, étant donné qu'il ne peut ni travailler comme il le souhaite, ni choisir ses tarifs, et il subit en même temps toutes les contraintes du statut de salarié. Dara Khosrowshahi évoquait « un meilleur pacte » dans son livre blanc : en réalité, il n'est meilleur que pour l'employeur. La dimension idéologique est donc indéniable.

Par ailleurs, certains eurodéputés ont en effet servi les intérêts d'Uber. Le chargé de négociation pour le groupe PPE était Dennis Radtke. Ancien syndicaliste issu de la droite sociale, son profil est atypique au sein de son groupe. Dès le départ, il était convaincu que le compromis était acceptable. Il ne voulait pas se faire le relai des intérêts des plateformes, contrairement à certains eurodéputés PPE. Étant donné qu'il refusait d'accueillir des événements au sein du Parlement européen et de répéter leur argumentaire, les plateformes ont décidé de s'adresser à d'autres eurodéputés, comme la députée slovaque Miriam Lexmann, le député italien Aldo Patriciello ou le député bulgare Radan Kanev. Ces députés nous invitaient par mail à des événements pour réfléchir au contenu de la directive à venir, auxquels les travailleurs n'étaient pas conviés. Lors de ces réunions, deux principales études étaient citées : l'une produite par Accenture, financée par Uber, et l'autre par le Copenhagen Economics, financée par l'entité Deliveroo Platform Europe, qui réunit Uber, Deliveroo et Bolt. Ces relais étaient des personnes que nous n'avions jamais entendues s'exprimer sur ces sujets. Je vous invite par ailleurs à consulter les tweets de Sara Skyttedal, qui ont été largement relayés : elle est allée jusqu'à qualifier Brahim Ben Ali, représentant national des VTC, d'activiste ignorant, parce qu'il s'était rendu à un événement organisé par le Parlement à Strasbourg sur le contenu de la directive, une heure avant une réunion de négociation. Je ne prétends pas que ces députés sont payés par les plateformes, mais ces éléments montrent bien qu'ils s'en font les relais.

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Quelles sont les règles de transparence qui régissent les relations entre le Parlement et les entreprises privées ou les lobbys  ? Vous avez par exemple indiqué avoir reçu plusieurs lobbys. Est-il obligatoire, pour les députés ou pour les entreprises, de déclarer ces échanges ? Ces derniers sont-ils enregistrés ? Dans quelle mesure l'Assemblée nationale et la vie politique française pourraient-elles s'inspirer du fonctionnement des institutions européennes à cet égard ?

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Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes

De mon point de vue, l'encadrement est insuffisant. Le « Qatargate » – qui ne résulte pas de l'action de lobbys mais d'une affaire de corruption – a fait l'objet d'une vive polémique à ce sujet au mois de décembre. Je suis également membre de la commission des Affaires constitutionnelles qui mène un travail important sur la question de la transparence.

Il existe un registre de la transparence au Parlement européen. Les représentants de groupes d'intérêts au sens large – qu'ils œuvrent au nom d'une entreprise privée ou d'un syndicat – ont l'obligation de s'enregistrer et de déclarer les sommes qu'ils consacrent chaque année au lobbying. Cette inscription leur donne accès au badge marron, qui leur permet d'entrer librement au Parlement. Les présidents de commission et les rapporteurs doivent aussi déclarer leurs rencontres avec les lobbys sur le registre de transparence. Il est possible d'accéder à ces informations sur le site du Parlement européen. Or peu d'eurodéputés s'astreignent à cette mesure. En effet, peu d'entre eux en ont l'obligation, et aucune sanction n'est prévue si cette dernière n'est pas respectée.

La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a lancé une réflexion sur l'établissement de nouvelles règles. Nous sommes tous conscients du discrédit qu'a jeté le « Qatargate » sur nos institutions : alors qu'il risque de favoriser la victoire de l'extrême droite ou de l'abstention lors des futures élections, nous devons montrer que nous en avons pris la mesure.

La solution que mon groupe a adoptée est de réclamer davantage de transparence. Nous avons la possibilité de demander à la Commission et au Conseil les comptes rendus des réunions entre les lobbys et les différents services. Nous avons obtenu de très nombreux documents, à partir desquels nous avons rédigé un rapport avec l'aide de l'Observatoire des multinationales. Il faut se montrer plus volontaristes pour faire entendre la voix des citoyens et des travailleurs dans les institutions car les lobbys bénéficient d'un accès facilité à ces dernières. En position de force face à des travailleurs peu organisés et non syndiqués, ils ont cherché à en profiter pour écrire eux-mêmes la loi. Heureusement, nous ne les avons pas laissés faire.

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En effet, ce lobbying – qui est réel et que vous avez documenté – s'est révélé totalement inefficace dans le cadre du Parlement européen. La directive, votée à l'immense majorité, est assez ambitieuse sur la présomption de salariat.

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Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes

Le lobbying s'est intensifié après les annonces de la Commission européenne. Personne ne s'attendait à une directive aussi ambitieuse. Nous sommes peu habitués à arracher des victoires sociales à l'Union européenne. Il s'agissait bien sûr du résultat d'un travail de négociation au sein des institutions. Les commissaires européens sont sans arrêt confrontés aux lobbyistes, et jamais aux travailleurs. Or, la construction d'un lobby populaire alternatif pour faire entendre les revendications des travailleurs sur la scène bruxelloise a été un élément déterminant dans les avancées que nous avons obtenues.

Aux États-Unis, lorsque la loi AB5 a imposé le salariat aux plateformes en Californie, les plateformes ont investi 200 millions de dollars – contre 20 millions pour leurs opposants – pour faire passer la proposition 22 et échapper à l'obligation de requalification. Ces plateformes avaient en effet beaucoup à y perdre, puisque cette loi représentait la fin de leur modèle économique, qui reposait sur la fraude. Des plateformes vertueuses, qui reconnaissent la présomption de salariat, fonctionnent pourtant très bien : en Espagne, Just Eat est la première dans son domaine, alors que l'entreprise licencie en France.

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Je vous remercie pour cet exposé très complet mais surtout pour la bataille que vous avez engagée. Elle a permis une première victoire du Parlement européen, même si elle n'est pas acquise, puisque les négociations dans le cadre du trilogue pourraient la remettre en cause.

Nous avons auditionné le SGAE. J'ai compris que la France n'est pas favorable à la directive européenne de présomption de salariat telle que l'a amendée le Parlement européen. Au contraire, elle est très attachée à l'inscription de critères. J'ai demandé au SGAE si la France avait défendu l'instauration de clauses suspensives et d'une exemption de la directive dans certains cas. Il m'a été répondu que la France l'avait effectivement proposé à un moment donné, sans préciser quelle était sa position actuelle.

Ainsi, le discours de la France, qui a prévalu à la création de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (Arpe) par Mme Borne lorsqu'elle était ministre du Travail, consiste à répondre à la colère des travailleurs et aux démarches juridiques qu'ils entreprennent par l'organisation d'un dialogue social et la reconnaissance de droits sociaux. Une telle posture permet par conséquent de faire fi de la question de la présomption de salariat. Je crains ainsi que les travailleurs concernés par l'Arpe soient exemptés de cette présomption dans le cas où la directive était adoptée. Partagez-vous cette inquiétude ?

Le lobbying d'Uber a consisté à vendre le rêve d'un modèle du travailleur qui serait son propre patron. Comme le dit Mark MacGann, il s'agissait en réalité de vendre un mensonge. En effet, Uber n'a pas créé de l'emploi, mais des précaires. Après avoir milité pour un tiers statut, l'argumentaire d'Uber repose désormais sur la nécessité d'un dialogue social et de la reconnaissance des droits sociaux. J'y vois pour ma part une stratégie d'enfumage. Voyez-vous une concordance entre les discours tenus par les plateformes et les tenants idéologiques de ce modèle ?

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Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes

Je vous invite à consulter l'article d' Euractiv «  Travailleurs des plateformes : comment la France a fait pression contre la proposition de la Commission européenne  ». Depuis le début, le cadre national d'un dialogue social pour les travailleurs indépendants est utilisé par les plateformes comme un moyen de contourner leurs obligations d'employeur. Les documents du SGAE diffusés par Euractiv vont dans le même sens : au mois de juillet 2022, lorsque le Gouvernement définit sa position dans le cadre de la présidence tchèque, il estime que la proposition de la Commission – qui privilégie une approche par le statut – n'est pas compatible avec le modèle national. Une opposition systématique s'observe entre le cadre européen de construction d'une directive de présomption de salariat et le modèle proposé par la France d'un dialogue social des travailleurs indépendants.

Dès le 15 février 2021, Dara Khosrowshahi estimait que le dialogue social était la solution qu'il fallait apporter. Cette option n'ayant pas été retenue par la Commission européenne, la France a dû composer avec la directive. Cette dernière était encore en chantier : la France a donc cherché à ce qu'elle ne concerne qu'un minimum de plateformes, en militant pour que le plus grand nombre de critères soit nécessaire à la reconnaissance de la présomption de salariat ou pour une clause d'exemption dans l'article 4.

Le vote en plénière était initialement prévu en janvier 2023. Il a été repoussé en raison du contexte de mouvement social. Lors du vote, Uber a valorisé dans ses communications l'accord qui venait d'avoir lieu dans le cadre de l'Arpe sur le tarif minimal pour les VTC.

D'après les échos que je reçois du Conseil, la Représentation permanente cherche à opter pour cette stratégie. L'effet suspensif est en effet préoccupant : il est difficile à un travailleur indépendant de demander une requalification auprès des prud'hommes, alors que la plateforme n'a besoin de former qu'un seul recours pour que l'effet suspensif s'applique. Elle n'a pas à appliquer la présomption de salariat. Le seul but de cette stratégie est de poursuivre l'utilisation frauduleuse du statut de travailleur indépendant.

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Lors de son audition, le SGAE a insisté sur le fait que dans le cadre de ses travaux visant à améliorer la situation de l'ensemble des travailleurs – faux ou vrais indépendants –, la Commission européenne ne privilégiait pas un statut par rapport à un autre mais s'appuyait sur des données. Ainsi, il y aurait 28 millions de travailleurs pour les plateformes dans l'Union européenne, dont 5,5 millions seraient de faux indépendants. Or, le SGAE n'a pu nous éclairer sur les éléments justifiant ces chiffres.

Le SGAE a également insisté sur la nécessité d'un travail très fin de différenciation des critères afin de distinguer les vrais et faux indépendants. Un tel travail nécessite de s'appuyer sur des données également très fines. J'ai donc demandé au SGAE quels travailleurs représentaient de « vrais » indépendants – vous nous avez ainsi parlé de la plateforme Doctolib : le SGAE, pour sa part, n'a pas été capable de nous citer un seul exemple.

Le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l'Europe s'appuient-ils sur des données scientifiques pour réaliser leurs travaux ou ces derniers ne reposent-ils que sur des discours idéologiques qui nient la réalité des recours devant le juge dans l'ensemble des États membres ?

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Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes

Dans son étude d'impact, la Commission européenne estime que 28 millions de travailleurs indépendants utilisent une plateforme pour être mis en relation avec leurs clients. Parmi eux, 5 millions devraient être requalifiés sur la base de deux critères de subordination remplis sur trois ; ils ne seraient plus que 3 millions s'il fallait remplir trois critères, et 2 millions pour quatre critères.

Teddy Pellerin, le directeur général de Heetch, me le confiait lui-même : la fixation des tarifs par les plateformes figure par exemple parmi les critères de subordination, mais il suffit que la plateforme fixe seulement un tarif maximum pour échapper à l'application de ce critère. Il en va de même si elle ne choisit pas l'équipement du travailleur, mais qu'elle le lui conseille – tout en prenant des sanctions s'il n'est pas retenu !

Il me semble que le SGAE est encore dans la perspective d'une présomption d'indépendance, selon laquelle les critères sont invalidés par le juge. C'est le deuxième scénario de l'étude d'impact de la Commission européenne. Les critères doivent alors être contestés par le travailleur auprès du juge. Désormais, la position de la Commission est en faveur d'une présomption de salariat qui peut être contestée par la plateforme. Dès lors, les critères sont nécessaires.

Par ailleurs, il faut bien noter que si 5 millions de faux indépendants doivent demander une requalification auprès du juge, il faut s'attendre à un embouteillage massif dans tous les tribunaux d'Europe. L'article 4 de la proposition du Parlement validée en février stipule une présomption de salariat : il revient aux États membres de mettre en œuvre le cadre qui la rendra effective. S'ils ne le font pas, les autorités administratives – en France, l'inspection du travail – en sont chargées ; dans le cas où elles ne le feraient pas, un syndicat ou un travailleur peut alors faire un recours devant le juge. Toutefois, contrairement à la situation actuelle, la plateforme doit généraliser la décision du juge à l'ensemble de ses travailleurs qui sont soumis au même contrat dans les deux mois. En revanche, si la plateforme estime qu'elle opère une simple mise en relation, en vertu de l'article 5, elle peut apporter les preuves de l'indépendance de ses travailleurs à l'autorité administrative. Je comprends donc mal les arguments du SGAE : peut-être pensent-ils que nous sommes toujours dans une logique du renversement de la charge de la preuve.

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Le fait de donner des critères permet plus facilement l'harmonisation normative à l'échelle européenne, tandis que leur absence risque de faire retomber dans le travers d'une approche spécifique à chaque pays, avec des jurisprudences différentes. Le fait d'avoir au moins quelques critères sur lesquels peut s'appuyer le juge ou l'autorité administrative favorise donc une situation équivalente à l'échelle européenne, ce qui est l'objectif initial de la Commission.

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Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes

Nous risquerions dans ce cas de perdre l'aval des pays du Nord. Nous avions initialement réfléchi à l'établissement d'un statut européen. En raison de leur système de négociation collective, toutes les lois qui ont trait aux conditions de travail dans ces pays doivent passer par des accords collectifs. Il était donc impensable pour eux d'adopter une loi nationale ou européenne. Dans tous les pays de l'Union européenne, le droit du travail est différent : mais partout, il existe un statut de travailleur salarié et de travailleur indépendant. Ainsi, selon la directive, les travailleurs subordonnés sont salariés, et indépendants s'ils ne le sont pas.

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Sans critères, comment la subordination pourra-t-elle être définie à partir de la directive issue du Parlement européen ?

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Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes

Il ne s'agit pas de définir une relation de subordination, étant donné qu'il existe une présomption de salariat. En revanche, pour décider qu'un travailleur est vraiment indépendant, l'article 5 reprend les critères proposés par la loi AB5 : ainsi, les critères de l'article 4 sont renversés dans l'article 5.

L'intégration de critères dans l'article 4, en outre, me paraît dangereuse : un juge peut actuellement requalifier le contrat d'un travailleur de plateforme. Si une directive prévoit que, pour être subordonné, il faut cocher plusieurs critères, le juge pourra décréter qu'en vertu de la loi nationale, le travailleur aurait pu être requalifié, mais que désormais, la directive complique la reconnaissance de la relation de subordination.

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Vous avez expliqué que les lobbys bénéficiaient d'un accès facilité au Parlement européen. Nombre de parlementaires font le choix idéologique d'un modèle libéral qui s'affranchit du code du travail et prône la levée de toute entrave pour développer le marché du travail. Cette vision peut les conduire à refuser la directive de présomption de salariat. Cependant, vous avez indiqué que les parlementaires sont sans cesse confrontés au discours tenu par les plateformes.

Vous avez favorisé l'émergence d'un lobby populaire en invitant des travailleurs à se rendre au Parlement, de manière transparente et revendiquée : c'est ainsi que vous avez contribué à arracher cette victoire qui n'était pas attendue. En effet, nous pouvions nous attendre à une plus grande perméabilité du Parlement aux lobbys des plateformes, qui ont pourtant perdu cette bataille. Pouvez-vous revenir sur l'organisation de ce lobby populaire ?

Dans une question d'actualité au Gouvernement, j'ai interrogé M. Dussopt sur la position de la France sur la directive instaurant la présomption de salariat. J'ai également demandé la tenue d'un véritable débat à l'Assemblée nationale pour assurer la transparence autour de cette question et pour qu'un vote puisse avoir lieu. Qu'en pensez-vous ? En effet, très peu de médias abordent cette question pourtant centrale.

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Leïla Chaibi, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen et rapporteure fictive sur le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via des plateformes

Les lobbys imprègnent l'atmosphère du Parlement européen. Il n'est donc pas surprenant qu'ils influencent les décisions des députés. Au contraire, nous avons voulu fédérer des travailleurs de plateformes venus de tous les pays de l'Union européenne, car il leur est très difficile de s'organiser en collectifs ou en syndicats. Même s'ils parlent chacun une langue différente, ils tiennent le même discours et les mêmes revendications : ainsi réunis, ils peuvent faire basculer le rapport de force en leur faveur. La Commission européenne n'a eu d'autre choix que de les entendre.

Dans le cadre d'un forum des alternatives à l'ubérisation, Nicolas Schmit, commissaire responsable de l'Emploi et des Droits sociaux, avait reçu les travailleurs. Lorsque la Commission, puis le Parlement, se sont aperçus que leurs travaux étaient scrutés non seulement par les lobbys, mais aussi par les travailleurs, une pression s'est exercée à leur encontre : elle n'allait pas dans le sens de l'intérêt des plateformes mais elle servait l'intérêt général. Ce renversement est inhabituel, mais nous avons tous à y gagner – y compris pour rappeler que les institutions européennes peuvent se révéler utiles sur le plan social.

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Je vous remercie de votre disponibilité et de votre présence.

La séance s'achève à dix-sept heures vingt.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Anne Genetet, M. Benjamin Haddad, Mme Danielle Simonnet

Excusés. – Mme Aurore Bergé, Mme Amélia Lakrafi, M. Olivier Marleix, Mme Valérie Rabault, M. Charles Sitzenstuhl