La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (n° 818 rectifié, 1010).
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 28 à l'article 2.
L'amendement n° 28 de M. Stéphane Peu est défendu.
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
L'amendement tend à supprimer les alinéas 2 à 11, qui introduisent justement les mesures essentielles que nous voulons intégrer dans la nouvelle rédaction de l'article 38 de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi Dalo, comme la possibilité pour les maires, les officiers de police judiciaire (OPJ), et les commissaires de constater le squat, et l'élargissement de la définition du local d'habitation. Toutes ces mesures visent à consolider fortement le dispositif prévu par l'article 38 de la loi Dalo. Je pense donc qu'il faut maintenir la rédaction actuelle de l'article 2 – nous pourrons toujours continuer à travailler à partir de cette base. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement, pour donner l'avis du Gouvernement.
Pour les mêmes raisons que M. le rapporteur, nous sommes opposés à la suppression pure et simple de ces alinéas. Avis défavorable.
L'amendement n° 28 n'est pas adopté.
Sur l'article 2, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 11 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
L'amendement n° 11 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à inclure dans le dispositif les locaux à usage d'habitation qui ne sont pas occupés. En effet, il arrive souvent que, pour différentes raisons, des locaux d'habitation soient provisoirement inoccupés. C'est le cas, par exemple, lorsqu'une succession est en cours, que les propriétaires ont emménagé dans un nouveau domicile suite à la vente de leur bien, ou lorsque des travaux de rénovation sont en attente de réalisation.
Pas plus tard qu'avant-hier, j'ai été saisi, dans ma circonscription de l'Aisne, de ce cas précis : le propriétaire d'un immeuble de trois logements m'a sollicité car son bien est occupé depuis plusieurs années par des locataires qui ne paient plus leur loyer, et qui se maintiennent dans les lieux alors même que leurs baux respectifs ont été résiliés de plein droit – ils n'ont donc plus ni droit, ni titre – et que l'eau leur a été coupée. Ces personnes sont suivies par les services sociaux du département, et il est très difficile de les faire quitter cet immeuble insalubre, dans lequel le propriétaire souhaite effectuer des travaux de rénovation pour le mettre en conformité avec les normes énergétiques et sanitaires.
Vous soulevez la problématique des logements vides. Aux termes de la rédaction actuelle de l'article 38 de la loi Dalo, le dispositif ne vise en effet que le domicile – la résidence principale et la résidence secondaire, qui, par définition, peut ne pas être occupée en permanence. C'était un premier pas.
Les travaux de l'Assemblée et du Sénat ont abouti à une nouvelle rédaction de cet article, qui élargit l'application du dispositif à tous les locaux à usage d'habitation. Je pense qu'il faut nous en tenir au compromis trouvé avec les sénateurs. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
La nouvelle rédaction de l'article vise tous les locaux à usage d'habitation, sans restriction. Votre demande étant satisfaite, je vous demande de retirer l'amendement. À défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 107 est retiré.
En commission, nous avons ouvert au maire, qui est officier de police judiciaire, la possibilité de constater l'occupation illicite. Par cohérence avec le code général des collectivités territoriales (CGCT), l'amendement vise à étendre cette faculté à ses adjoints, qui sont également OPJ.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 12 .
Il va dans le même sens que celui qui vient d'être défendu, mais est un peu plus précis. En effet, le texte prévoit que le maire peut constater l'occupation illicite. Par cet amendement, je propose que cette faculté soit également ouverte non pas à tous ses adjoints – qui bénéficient en effet de la qualité d'officier de police judiciaire–, mais à l'adjoint chargé du logement.
De nombreuses personnes sont déjà habilitées à constater la réalité du squat. À l'officier de police judiciaire, qui peut constater l'infraction si vous vous rendez à la gendarmerie pour le demander, la nouvelle rédaction de l'article 38 de la loi Dalo ajoute le maire et le commissaire de justice.
Les amendements tendent à étendre cette faculté aux adjoints au maire : dans la mesure où ils sont considérés comme des OPJ,…
…il me semble que les amendements sont satisfaits. L'écrire noir sur blanc dans la loi n'est pas particulièrement utile, et pourrait en outre faire naître d'autres difficultés, que j'avais évoquées en commission : je crains, par exemple, que cela crée une pression au sein du conseil municipal lorsqu'il s'agira de décider qui doit effectuer le constat.
Je pense qu'il y a désormais suffisamment de personnes habilitées à constater le squat. Les défauts d'application de l'article 38 de la loi Dalo ne sont d'ailleurs pas imputables à un éventuel manque en la matière. Bref, je ne pense pas qu'il faille aller plus loin. Comme en commission, je demande le retrait des amendements ; à défaut, avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons : les amendements sont satisfaits par les dispositions du CGCT.
Effectivement, l'article L. 2122-31 du code général des collectivités territoriales dispose que « le maire et les adjoints ont la qualité d'officier de police judiciaire ».
Pour résumer, vous nous dites, monsieur le rapporteur, que constater la réalité du squat n'est pas un problème au regard du nombre de personnes qui sont habilitées à le faire. Cela ne l'est sans doute pas pour les métropoles ou les grandes communes, mais il n'en va pas de même pour les villes moyennes et les petites communes, où l'indisponibilité de l'OPJ de gendarmerie ou de police, ou du maire, peut empêcher d'aller immédiatement constater le squat. Le maire a le droit de vivre : il peut être parti en week-end à l'extérieur de la commune ou en train de dormir, par exemple. C'est pourquoi il me semble préférable d'étendre la faculté de constater le squat à d'autres OPJ : mon collègue Taverne propose de l'étendre à tous les adjoints, je propose pour ma part de restreindre à l'adjoint chargé du logement.
Je suis saisie de deux amendements, n° 147 rectifié et 16 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 147 rectifié .
Comme je vous le disais avant la levée de séance, suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a confirmé la semaine dernière que la rédaction de l'article 38 de la loi Dalo issue de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) de 2020 était conforme à la Constitution. Cette conformité est néanmoins assortie d'une réserve d'interprétation : la situation personnelle et familiale de l'occupant doit être prise en considération.
Même si rien ne nous oblige à le faire, l'amendement n° 147 rectifié tend donc, par élégance envers le Conseil constitutionnel, à intégrer cette réserve dans la nouvelle rédaction de l'article 38 de la loi Dalo. Préciser dans la loi que la décision du préfet tient compte de la situation personnelle et familiale de l'occupant me semble de nature à conforter le dispositif, même si, dans les faits, beaucoup de préfets usent déjà de cette marge d'appréciation.
Je vous indique d'ores et déjà, madame la présidente, que je demanderai le retrait de l'amendement n° 16 au profit de mon amendement.
Depuis le début de nos débats, à quinze heures, il paraît évident que nous ne parviendrons pas à nous mettre d'accord sur le fond. Sur la forme non plus, manifestement.
J'en appelle à votre honnêteté, monsieur le rapporteur : avec cet amendement, vous faites peut-être preuve d'élégance envers le Conseil constitutionnel, mais vous en manquez singulièrement envers les oppositions.
Depuis plusieurs mois – et davantage encore ces derniers jours –, la majorité affirme sa volonté de dialoguer avec les oppositions et de travailler avec les uns et les autres.
Sourires.
Résultat : plutôt que de travailler avec moi sur l'amendement n° 16 , déposé en temps et en heure, afin qu'il soit adopté – quitte à le sous-amender s'il ne vous convenait pas tout à fait –, vous avez préféré déposer hors délai votre propre amendement, qui reprend quasiment mot pour mot le mien. Votre démarche illustre parfaitement les limites de votre prétendue volonté de coconstruction, qui se heurte à la réalité des faits.
Le Gouvernement est évidemment favorable à l'amendement n° 147 rectifié , qui vise à tirer toutes les conséquences de la décision QPC du Conseil constitutionnel du 24 mars 2023 et permet d'ajuster la réponse selon que le propriétaire habite ou non son bien. L'amendement prévoit en effet que l'exercice d'un recours en référé contre la mise en demeure de l'autorité préfectorale entraîne automatiquement la suspension de la procédure lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du propriétaire. L'occupant du bien ne peut alors être évacué tant que le juge saisi n'a pas statué.
Nous demandons le retrait de l'amendement n° 16 au profit de l'amendement n° 147 rectifié .
Dans la décision QPC que vous avez mentionnée, le Conseil constitutionnel a déclaré la procédure d'évacuation forcée conforme à la Constitution,…
…sous réserve que le préfet prenne en considération la situation personnelle de l'occupant. Vous venez d'ailleurs de confirmer que, dans les faits, c'était déjà souvent le cas. Par ailleurs, l'article 38 de la loi Dalo ne fait pas obstacle à l'engagement d'une procédure de référé : il n'y a là rien de nouveau, et le Conseil constitutionnel ne fait que le rappeler.
Je m'interroge donc. Vous dites que votre amendement est dicté par un devoir d'élégance envers le Conseil, mais dans la mesure où la situation personnelle de l'occupant est déjà prise en considération et où la procédure de référé est déjà possible, je ne vois pas bien la nécessité d'être élégant, et j'aimerais connaître le fond de votre pensée : quelle est la véritable motivation de cet amendement ?
Je vais vous livrer le fond de ma pensée, madame Genevard. D'une part, M. Echaniz vise à faire de la situation personnelle de l'occupant un motif de refus par le préfet de son expulsion ; je propose qu'il soit tenu compte de cette situation dans l'examen de son cas, ce qui n'est pas la même chose. D'autre part, l'article 2 tend à élargir un peu plus encore le champ de l'article 38 de la loi dite Dalo, puisqu'il y fait entrer les locaux d'habitation qui ne sont ni le domicile ni la résidence secondaire de leur propriétaire : la seconde partie de mon amendement vise, dans cette situation, à allonger quelque peu le délai suspensif associé à la formation d'un recours administratif d'urgence.
Je souhaite être sûr que le Conseil constitutionnel estime ces dispositions conformes à la Constitution ; c'est pourquoi je propose à la fois d'inclure dans le texte sa réserve issue d'une QPC, sécurisant ainsi le dispositif existant, et de tenir compte, dans notre extension de l'article 38, de la capacité de l'occupant à former un recours. C'était là le motif de la QPC : le préfet ayant procédé en temps et en heure à l'expulsion d'une personne tombée sous le coup de l'article 38, celle-ci n'a pu déposer de recours qu'ensuite, alors qu'elle était victime d'une malversation – elle avait loué de bonne foi à un individu qui n'était pas le propriétaire du logement. En tant que rapporteur, j'ai le souci d'assurer la sécurité juridique du texte, la validation de ses dispositions ; si une nouvelle QPC parvenait devant le Conseil constitutionnel, celui-ci pourrait reconnaître que nous avons pris toutes les précautions nécessaires, prévu un délai suffisant, et que notre dispositif tient la route. Ceinture et bretelles : c'est là, madame Genevard, le seul enjeu de cet amendement.
L'amendement n° 147 rectifié est adopté ; en conséquence, l'amendement n° 16 tombe.
La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour soutenir l'amendement n° 121 .
Cet amendement, monsieur le rapporteur, vise à mettre en évidence les limites de votre proposition de loi : en vertu, une fois de plus, du « en même temps », vous faites mine de résoudre les difficultés des propriétaires sans pour autant leur donner les moyens de traiter entièrement leur dossier.
Sourires.
Eh oui, toujours le « en même temps » ! Des propriétaires en faveur de qui la justice a tranché demandent au préfet le concours de la force publique ; celle-ci n'étant pas dépêchée, la décision d'expulsion reste lettre morte. Je précise d'ailleurs que l'amendement concerne uniquement les squatteurs, ceux qui s'introduisent dans un local de manière violente, immédiate, par surprise, et non les occupants sans droit ni titre à la suite d'une résiliation de leur bail pour défaut de paiement, par exemple.
Il s'agit de supprimer la responsabilité pénale du propriétaire qui, après avoir usé de toutes les voies de droit et constaté que le préfet n'est pas en mesure de diligenter la force publique, procède lui-même à l'expulsion du squatteur. Rassurez-vous, il aurait toujours à répondre des éventuelles voies de fait ; il pourrait en revanche faire changer les serrures, sortir du logement ce qui appartient à l'occupant et reprendre ainsi possession de son bien. Les Français vous attendent sur cette mesure, qui aurait le mérite d'être concrète et précise.
La justice serait passée, puisque cet amendement a trait au cas où elle a rendu une décision d'expulsion sans que celle-ci soit exécutée, comme cela se produit généralement dans les affaires de squat. Bien sûr, l'extrême gauche cherchera une fois de plus à en faire son beurre, mais la raison d'être de ce texte est de permettre aux propriétaires de récupérer leur bien : je vous invite donc à adopter cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Vous visez à autoriser le propriétaire à sortir de son local la personne qui l'occupe, si le préfet s'y refuse.
Ce serait excessif : il n'entre pas dans notre rôle d'inciter qui que ce soit à se faire justice lui-même.
Mêmes mouvements.
Laissez-moi donc argumenter, sinon je ne vois pas pourquoi je donnerais mon avis sur les amendements !
Par ailleurs, monsieur de Lépinau, depuis la loi dite Asap, le préfet doit motiver son refus d'agir et ne peut le faire que par un nombre de motifs très restreint – en clair, s'il ne s'agit pas d'une situation de squat. Je ne voudrais pas que l'adoption de votre amendement ait des effets pervers, par exemple qu'un propriétaire de mauvaise foi, résolu à se débarrasser d'un locataire, d'un ami qu'il héberge, ou que sais-je, invoque le refus du préfet d'expulser le prétendu squatteur pour le faire lui-même. Commencer à autoriser de tels procédés, à priver le préfet de sa capacité d'appréciation, à laisser chacun se faire justice, risque d'entraîner des dérives qui ne seraient guère souhaitables : contentons-nous donc d'encourager l'application de la loi. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Même avis. En matière de délai d'exécution d'une expulsion de squatteurs, les règles sont claires. Les préfets doivent se conformer aux circulaires qu'ils reçoivent ; il est hors de question de permettre à quiconque, dans quelque cas que ce soit, de se faire justice, ce qui ouvrirait la porte à d'intolérables dérives.
Cet amendement est à l'image du glissement que vous avez opéré, monsieur le rapporteur : pour avoir subtilisé un texte au Rassemblement national,…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
…s'esquisser le véritable projet du Rassemblement national : la loi de la jungle, la loi du plus fort.
« L'État de droit ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Quelqu'un occupe un logement : vous irez, avec des gros bras, l'expulser. Voilà votre image de la République ! Elle me rappelle un article paru hier dans La Marseillaise au sujet d'un propriétaire qui louait illégalement des logements généralement de 6 mètres carrés, insalubres pour la plupart, à quarante-deux familles de réfugiés et employait des hommes de main afin de les jeter dehors quand cela ne lui convenait plus.
Si vous voulez que les décisions de justice soient appliquées, faites en sorte que la justice, entre autres, reçoive davantage de moyens !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
À mon avis, monsieur Piquemal, les gens dont fait mention cet article ont davantage l'habitude de voter pour vous !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le rapporteur, vous caricaturez mon amendement en le qualifiant de « gros bras » : je tiens à rappeler qu'il concerne uniquement le cas de figure dans lequel le parcours judiciaire a débouché sur une décision exécutoire, d'où la demande faite au préfet de recourir à la force publique. S'il subsiste des situations particulièrement inéquitables et aux résonances médiatiques puissantes, des gens à la porte de leur propriété, c'est la preuve que nous n'avons pas assez travaillé le texte pour y mettre un terme. Elles sont marginales, mais c'est de cette marge qu'il est sans cesse question. Dès lors que le préfet ne dispose pas de policiers ou de gendarmes en nombre suffisant pour procéder à l'expulsion dans les délais impartis, il faut que le propriétaire puisse changer les serrures et vider l'appartement de ce qui ne lui appartient pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 121 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 58
Contre 15
L'article 2, amendé, est adopté.
Cet article, qui vise à exonérer le propriétaire d'un bien squatté de son obligation d'entretenir celui-ci, est l'une des contributions importantes au texte du groupe Les Républicains. Il opère explicitement le transfert au squatteur de la responsabilité des éventuels dommages entraînés par « un défaut d'entretien du bien pendant cette période d'occupation » illicite. Ces dispositions bienvenues permettront de revenir sur une jurisprudence de la Cour de cassation qui heurtait le bon sens, puisqu'elle revenait, en cas d'accident, non seulement à décharger l'occupant de toute responsabilité, mais à ce que le propriétaire doive l'indemniser, alors même que les montants en jeu n'avaient rien d'anecdotique. Nous saluons en outre le fait qu'en soient exclus les propriétaires de logements indignes, ce qui permettra de protéger les locataires vulnérables.
Sur une multitude de points, la proposition de loi rompt l'équilibre entre les droits et devoirs du propriétaire d'une part, du locataire d'autre part. Cet article ne fait pas exception. Je souhaiterais tout d'abord faire remarquer à Mme Genevard une dérive sémantique qui n'aidera pas à la compréhension du texte : la plupart des occupants sans droit ni titre ne sont pas des squatteurs, mais des gens qui ont passé un bail et perdu leur qualité de locataire parce qu'ils ne paient plus leur loyer – parfois de mauvaise foi, plus souvent en raison de difficultés financières. Par ailleurs, grâce au Sénat, l'article exclut les marchands de sommeil de l'exonération de responsabilité ; mais la définition du propriétaire d'habitat indigne mériterait d'être précisée, car elle peut être plus ou moins restrictive selon les arrêtés d'insalubrité ou autres procédures.
Enfin, lorsqu'une décision d'expulsion n'est pas exécutée pour un motif quelconque, qui peut du reste être lié à la situation de l'occupant, il existe ce que l'on appelle la prise à partie de l'État, c'est-à-dire que celui-ci verse lui-même le loyer au propriétaire et se retourne ensuite contre le locataire afin de recouvrer les sommes correspondantes. L'article 2 prévoit donc un transfert de responsabilité abusif, à quoi s'ajoute le flou peu rassurant qui entoure la notion de marchand de sommeil.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 42 .
Il est important de revenir sur un point essentiel : aujourd'hui, le propriétaire est déjà protégé. S'il se voit refuser le concours de la force publique dans l'exécution d'un jugement, il peut en effet demander au tribunal administratif que tout ou partie de la créance dont il est redevable soit mis à la charge de l'État – c'est l'article L. 1334-4 du code de la santé publique. Or vous entendez, avec l'article 2 bis – dont nous souhaitons pour notre part la suppression –, décharger le propriétaire de toute responsabilité en cas de dommage résultant d'un défaut d'entretien du bien, du fait d'une occupation sans droit ni titre de celui-ci. Ce faisant, vous voulez faire porter la responsabilité du bien immobilier sur l'occupant, alors que celui-ci n'est pas là pour aider le propriétaire ! Les personnes ainsi visées n'occupent pas un lieu par choix : le plus souvent en situation d'insolvabilité, elles s'installent dans un bâtiment abandonné pour se protéger du froid parce qu'elles ne parviennent pas à se loger. Le report de la responsabilité et de la charge financière sur l'occupant sera donc totalement inefficace pour le propriétaire sur le plan financier. Il risque en revanche de le décharger de toute responsabilité d'un défaut d'entretien qui pourrait être antérieur à l'occupation.
Il faut donc sortir de cette logique. Il existe, dans le cadre juridique actuel, des éléments qui protègent le propriétaire. Et en dernier ressort, la responsabilité peut être assumée par l'État. Repensons surtout aux exemples terribles, que nous avons tous en tête, de bâtiments laissés à l'abandon par leur propriétaire qui se trouvent ensuite occupés – non par hasard – et dont l'état met en danger les personnes qui pensent s'y réfugier.
Souvenez-vous, monsieur Kasbarian, d'un propriétaire qui avait abordé ce sujet lors des auditions.
Le micro de l'oratrice est coupé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l'amendement n° 72 .
L'article 2 bis est au cœur de ce texte, que l'on pourrait qualifier de « proposition de loi émotion ». Vous proposez cette fois que « l'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier libère son propriétaire de l'obligation d'entretien du bien de sorte que sa responsabilité ne [puisse] être engagée en cas de dommage résultant d'un défaut d'entretien du bien pendant cette période d'occupation ». Il faut rappeler, pour expliquer ce nouvel article, que vous l'avez intégré en réaction à un arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, qui confirme la responsabilité du propriétaire d'un immeuble dès lors que la ruine est causée par un défaut d'entretien même si la victime était, au moment de l'accident, un occupant sans droit ni titre.
Je vous le demande donc : qu'est-ce qui vous choque ? Est-ce le fait que l'on protège la victime d'un accident entraîné par la négligence du propriétaire d'un logement ?
Je vous rappelle que huit personnes sont décédées rue d'Aubagne à Marseille et qu'une adolescente de Garges-lès-Gonesse a perdu la vie dans un incendie cet été alors que son logement était totalement insalubre.
Si ces personnes étaient des locataires qui avaient décidé de ne plus payer leur loyer du fait de l'insalubrité de leur logement, il n'aurait même pas été possible, avec ce nouveau texte, d'attaquer les propriétaires qui vivent de leur précarité. La suppression de l'obligation d'entretien est contraire à l'esprit des dispositifs mis en place pour lutter contre l'habitat menaçant ruine et mettrait immanquablement en péril les capacités des collectivités à agir dans ce domaine. Elle serait dangereuse : supprimez cet article !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l'amendement n° 137 .
Nous comprenons l'intention initiale de cet article : il vise à apporter une réponse à quelques cas particuliers, dans lesquels des personnes ont dégradé un lieu après y être restées sans droit ni titre à l'issue d'une procédure d'expulsion. Il peut cependant mettre de très nombreuses personnes en difficulté ; la fondation Abbé Pierre a rappelé que ces dispositions pouvaient viser de très petites entreprises (TPE) en difficulté ou des artisans en faillite. J'entends bien que la rédaction de l'article exclut de son champ les conditions indignes de logement. Je veux néanmoins rappeler que les occupants qui les subissent peuvent rencontrer des difficultés pour faire valoir leurs droits. Certaines de ces personnes se battent pour que leur propriétaire soit reconnu comme un marchand de sommeil ou pour faire reconnaître qu'elles sont contraintes de vivre dans des conditions indignes. Elles réservent leur aide personnalisée au logement (APL), voire ne payent pas une partie de leur loyer justement parce qu'elles vivent dans des conditions indignes. Il peut arriver alors que le propriétaire les poursuive pour non-paiement de loyer, les plaçant dans une situation juridique compliquée. Or ces personnes vont désormais devoir prouver non seulement que c'est parce que l'habitat est indigne qu'elles n'ont pas payé leur loyer, mais aussi que le propriétaire devait continuer à entretenir le logement !
Pour apporter une réponse à quelques cas particuliers, dont il faut bien sûr tenir compte, nous risquons de mettre en danger de très nombreuses personnes et de les placer face à des difficultés juridiques. Je le répète : c'est sur les personnes qui ont le plus de mal à faire reconnaître leurs droits que vont reposer les coûts d'entretien – alors qu'en plus, elles ne sont pas solvables ! Je ne comprends donc pas l'intérêt de l'article 2 bis, qui ne fait que les mettre davantage en difficulté. Il doit être supprimé.
Il est évidemment défavorable. Je veux saluer le travail effectué sur l'amendement de Jean-Louis Thiériot, que nous avions adopté en commission en première lecture. Il s'agit d'un amendement de bon sens : lorsqu'un occupant sans droit ni titre occupe de façon illicite, sans payer, une propriété ou un domicile, il est assez évident que ce n'est pas au propriétaire qu'il revient de réaliser l'entretien, la rénovation thermique ou d'autres types de travaux !
J'ajoute que dans ce cas, le propriétaire ne peut même pas accéder aux lieux ! Il faudrait pourtant, selon la logique de certains, qu'il ait la responsabilité de réaliser les travaux ! Quelle sera la prochaine étape ? Devra-t-il changer la chaudière, faire les travaux de rénovation thermique ?
Parce que les travaux de rénovation thermique, c'est à l'occupant de les faire ?
Il est évident que lorsqu'un bien est occupé sans droit ni titre, les obligations d'entretien qui pèsent sur le propriétaire dans le cadre d'une relation normale avec l'occupant doivent être levées !
Mme Danielle Simonnet s'exclame.
Il est incroyable d'entendre des arguments qui visent non pas simplement à amender l'article, mais à le supprimer, et à défendre l'idée selon laquelle c'est au propriétaire de réaliser les travaux !
Mme Christine Arrighi s'exclame.
Excusez-moi, madame Arrighi, mais allez expliquer aux propriétaires de votre circonscription, à Ramonville-Saint-Agne par exemple, que c'est à eux d'assurer l'entretien de leur maison, même si elle est occupée !
Cette position est indéfendable devant les citoyens de vos circonscriptions ! Il faut mesurer l'absurdité de votre argumentaire ! Avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il faut laisser les gens crever dans des immeubles qui s'effondrent, c'est ça ?
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE et RN. – Mme Ségolène Amiot s'exclame.
J'ai entendu de nombreuses confusions lors de la défense de ces amendements. Vous savez comme moi qu'une procédure particulière est prévue en cas d'insalubrité d'un immeuble ou d'un appartement. L'insalubrité est prise en compte par l'agence régionale de santé (ARS) et le paiement des loyers suspendu. Tout est déjà prévu et mis en œuvre.
Ce que vous décrivez ne correspond pas à la situation visée par l'article 2 bis . Celui-ci protège les propriétaires en cas de présence d'occupants sans droit ni titre. Cela ne correspond pas aux cas d'insalubrité que vous avez décrits : je vous confirme que dans ces cas, le paiement des loyers est suspendu et le locataire en situation de grande précarité protégé. Le Gouvernement est donc défavorable à la suppression de l'article.
Si l'article 2 bis paraît relever du bon sens, il soulève en réalité des difficultés parce que vous avez étendu la notion de domicile. Que s'est-il passé par exemple rue d'Aubagne ? Des propriétaires – qui se sont révélés être des marchands de sommeil au cours de l'enquête – ont loué des logements…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Laurent Jacobelli s'exclame également.
Si, cela a quelque chose à voir ! Vous vous prétendez affamés de vérité, mais vous la trouvez peu à votre goût lorsqu'on vous la sert ! En l'occurrence, rue d'Aubagne, ces propriétaires ont loué des logements insalubres dans des immeubles indécents…
On n'aurait pas pu déterminer au préalable qu'il s'agissait de marchands de sommeil, puisqu'il n'y avait pas d'instruction en cours.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Madame Bergé, si un propriétaire loue son logement sans contrat de location, l'occupant se trouve sans droit ni titre – ce qui fait de lui, selon votre définition, un squatteur et un voleur !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.
Il faut vous réveiller ! On se demande si vous avez lu votre proposition de loi ! Il serait temps de le faire et de constater les effets collatéraux qu'elle aura sur de nombreuses personnes qui sont très mal logées dans notre pays.
Ah ! Heureusement que vous êtes là pour nous le dire ! Merci aussi pour vos tweets au sujet des menaces dont nous sommes victimes !
Nous voterons bien sûr les amendements de suppression de l'article 2 bis, afin que celles et ceux qui sont victimes de marchands de sommeil ne subissent pas la double, voire la triple peine que vous souhaitez leur infliger.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.
Nous avons pu constater, depuis le début de ce débat, que nous avions sur cette proposition de loi des avis totalement opposés.
« En effet ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
S'agissant de l'article 2 bis, j'ai d'abord essayé de comprendre votre logique, puis j'ai entendu la réponse du rapporteur. Un propriétaire doit-il continuer à entretenir son bien et à faire des rénovations thermiques ? Oui, parce que c'est toujours son bien !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Une fois les rénovations réalisées, il pourra par exemple le vendre et donc en retirer un bénéfice ! Il s'agit pour le propriétaire d'entretenir son patrimoine, dont il est in fine le bénéficiaire. C'est une première chose.
Deuxièmement, les occupants sans droit ni titre ne sont pas tous des squatteurs. Certains ont été locataires de bonne foi avant d'être confrontés à une situation d'impayés et de voir leur contrat résilié. Ce sont toutes ces personnes que vous allez fragiliser. J'ai entendu votre réponse, monsieur le ministre délégué, mais vous savez combien la reconnaissance du logement indigne est difficile, vous connaissez les difficultés dans lesquelles se retrouvent les gens !
Quand la mairie fait bien son travail, c'est très simple.
Non, l'accès au droit est très compliqué pour les personnes qui vivent dans un habitat indigne. J'ai rencontré des représentants de l'agence départementale d'information sur le logement (Adil), qui connaissent le droit. Ils m'ont parlé des propriétaires qui engagent des démarches d'expulsion à l'encontre d'occupants qui, dans leur droit, ne payent plus leur loyer parce que leur habitat est indigne. Je regrette qu'au lieu de vous en prendre aux locataires mis en difficulté par ces propriétaires, vous n'ayez pas proposé un texte visant à éradiquer les marchands de sommeil et tous ceux qui profitent de la misère des autres.
Il faut que nous recentrions notre débat sur le cœur du sujet qui nous intéresse : le squat, et non pas le logement insalubre.
Puisque vous évoquez la rue d'Aubagne, chers collègues, dites au moins la vérité ! Deux immeubles se sont effondrés. Celui situé au n° 63 n'était pas occupé, mais celui du n° 65 l'était. Un rapport d'expertise démontrait qu'il menaçait ruine. Les propriétaires n'avaient visiblement pas reçu ce rapport et la mairie, prévenue, n'avait rien fait. Une procédure judiciaire est en cours ; elle déterminera les responsabilités. Mais par pitié, n'utilisez pas ce drame pour essayer d'assoir votre thèse idéologique !
Lorsqu'un logement insalubre est squatté, c'est le choix de celui qui s'y installe. La liberté individuelle a encore de l'importance.
Quant aux marchands de sommeil, ils participent de l'idéologie que vous défendez : ils accueillent les clandestins, que vous protégez !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ils participent donc totalement de la politique que vous souhaitez mettre en place, celle du fait accompli. Aux personnes qui sont en situation irrégulière, vous dites de ne pas s'inquiéter car il se trouvera toujours quelqu'un pour les loger ! Nettoyez donc d'abord devant votre porte et balayez vos mauvaises idées ! Revenons au sujet du squat, contre lequel cette proposition de loi entend lutter. Le squat est un véritable fléau et les Français qui nous écoutent souhaitent que nous mettions fin à cette logique ubuesque qui veut que le propriétaire d'un immeuble squatté soit condamné parce qu'il ne l'a pas correctement entretenu et que les squatteurs s'en sont plaints. Voilà ce sur quoi nous devons travailler et ce que nous devons faire cesser !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous sommes ici pour dire ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, ce qui est légal et ce qui ne l'est pas.
Prenons un cas concret, de la vie réelle, jugé il y a quelques mois : un monsieur s'est vu condamner à payer 60 000 euros de dommages et intérêts à la personne qui squattait son logement car celle-ci avait fait une chute après s'être appuyée contre le garde-corps défectueux de la fenêtre. Je trouve cela inacceptable et doublement ridicule, car comment voulez-vous que le propriétaire fasse des travaux lorsqu'il n'a plus accès à son logement ? Il ne faut pas exagérer et aller trop loin dans l'inversion systématique des valeurs. Remettons la mairie au milieu du village !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'amendement n° 70 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous avons évoqué le défaut d'entretien, qui découle parfois de la situation de squat, et le transfert de responsabilité. Avec l'amendement n° 144 , je voudrais aborder la question de la remise en état, l'occupation illicite d'un logement entraînant souvent des dégradations parfois considérables. Je vous rappelle le cas de cette propriétaire qui a dû payer près de 500 000 euros pour remettre en état son immeuble.
De la même façon, et c'est l'objet de l'amendement n° 145 , lorsqu'un bien est squatté, les factures d'eau, d'électricité ou de gaz demeurent à la charge du propriétaire, ou du locataire licite. Lorsque nous avions abordé cette question en première lecture, le rapporteur avait répondu qu'il était difficile de faire la démonstration, auprès de la compagnie de gaz ou d'électricité, ou du fournisseur d'eau, que le squatteur n'était pas l'occupant légitime. Les services fiscaux, qui peuvent être saisis pour déterminer la propriété d'un bien, ne peuvent-ils pas apporter les éléments permettant de démontrer que l'occupant sans droit ni titre n'a pas à bénéficier de la prise en charge des fluides par le propriétaire ou le locataire ?
Ce sont des amendements d'appel. J'ai bien conscience qu'ils ne volent pas, pour reprendre un nouveau terme, puisqu'ils se rattachent à un article qui a trait à l'entretien du bien. Mais une fois la loi adoptée, nous serons bien obligés de revenir sur ces sujets de la remise en état et des charges, qui incombent pour le moment au propriétaire ou au locataire licite : on ne peut laisser perdurer de telles situations, injustes et anormales.
Oui, c'est un vrai sujet, mais ça ne vole pas ! Par le premier amendement, vous souhaitez qu'une obligation de remise en état incombe à l'occupant illicite. Mais l'objet est incohérent avec celui de l'article 1244 du code civil, que l'article 2 bis vient compléter. L'amendement n° 145 présente les mêmes défauts, avec une difficulté supplémentaire : en transférant le coût des charges locatives à l'occupant illicite, il fait peser le risque d'un impayé sur la copropriété. Je ne voudrais pas que, partant d'une bonne intention, celle de lutter contre un phénomène que vous dénoncez avec justesse, nous mettions en difficulté les copropriétés. Je vous demande donc de retirer ces deux amendements ; à défaut, j'y donnerai un avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Monsieur le rapporteur, j'ai pris la précaution de dire que les amendements n'étaient pas bien insérés et qu'il s'agissait d'amendements d'appel. Je ne vous demande pas de me démontrer ce que j'ai déjà exposé !
Mais le problème, lui, reste entier. Et si vous convenez qu'il existe, alors il faut le traiter.
Si vous n'avez rien proposé, c'est que la question est compliquée. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas s'y attaquer. Je note donc que vous considérez que cette question est légitime et j'ai bon espoir que vous y travaillerez. Je retire les amendements.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l'amendement n° 71 .
Par cet amendement, nous réaffirmons notre opposition à cet article et nous demandons que les personnes morales continuent de porter la responsabilité de l'entretien des logements.
Je voudrais surtout répondre au groupe Rassemblement national, puisque ni le rapporteur ni le ministre ne trouvent à redire aux attaques indignes proférées dans cet hémicycle. Pourquoi y a-t-il des marchands de sommeil ? Parce que les prix sont devenus fous ! Savez-vous que les 10 % de ménages les plus modestes consacrent plus de 42 % de leur budget au logement ? Les gens cherchent où ils pourraient bien se loger et s'ils prennent des habitats trop petits, indignes, des passoires énergétiques, c'est qu'ils y sont contraints !
Ces personnes sans-papiers, ces personnes qui vivent chez nous,…
… ces personnes qui travaillent, qui cotisent, qui sont venues en France, parfois au péril de leur vie, qui y font grandir leurs enfants, c'est grâce à elles que l'on construira la France de demain. Alors oui, elles méritent d'être logées ! Et pourtant, alors que ce sont nos valeurs que de les accueillir et de leur donner un toit, on ne leur offre rien !
Eh bien, c'est à cause de vous que les marchands de sommeil continuent de profiter et de s'enrichir !
C'est parce que vous déniez à ces personnes le droit d'être là et de travailler, qu'elles n'ont pas d'autre solution ! Vraiment, je regrette que les députés de la NUPES soient les seuls à s'opposer à vos propos dégradants ! Décidément, avec cette proposition de loi, les députés de la majorité ont abandonné toute dignité !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Nous n'avons pas de leçon de dignité à recevoir des députés de la NUPES !
Défavorable.
Juste un rappel : 3 % des propriétaires détiennent plus de 50 % des biens en France. Il faut avoir cela à l'esprit lorsque vous prétendez défendre les petits propriétaires.
Autres chiffres : il y avait 142 000 SDF en France lorsque M. Macron est arrivé au pouvoir et s'est engagé à ce qu'il n'y en ait plus ; ils sont désormais 350 000. Parmi eux, 4 000 enfants dorment dans la rue. Lorsque vous « viderez » les squats, comme vous dites, ces locataires en situation précaire ne pourront pas aller en prison – les prisons sont pleines ; ils se retrouveront alors dans la rue. Avec votre politique, on comptera bientôt 400 000 ou 500 000 SDF.
Enfin, beaucoup de textes que nous avons examinés récemment nous ont amenés à évoquer la montée des eaux. Si le seuil de 2 degrés de plus devait être franchi en 2030, 1 milliard de personnes seraient contraintes de migrer et 300 000 d'entre elles se rendraient en Europe. Venir, dans cette assemblée, ajouter de la misère à la misère, ce n'est vraiment pas glorieux !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Inaki Echaniz applaudit également.
J'aimerais avoir une réponse à une question qui me semble importante. Le Sénat a prévu que les marchands de sommeil ne pourraient pas être exonérés de l'obligation d'entretien du bien. Mais dans ce grand fourre-tout sémantique où les personnes en impayés de loyers sont assimilées à des squatteurs, qu'est-ce qu'un marchand de sommeil ?
Le ministre a expliqué tout à l'heure que dans certains cas – loin d'être la majorité –, lorsque la procédure fonctionne, que l'ARS est saisie, le locataire peut être exonéré du paiement de son loyer. Mais selon la façon dont on qualifie juridiquement les marchands de sommeil, on aura une vision plus ou moins extensive des logements auxquels l'article 2 bis – l'exonération de l'obligation d'entretien du bien – ne s'appliquera pas.
Est-ce que ce sera le cas des immeubles qui font l'objet d'un arrêté de péril imminent ? Des immeubles qui font l'objet d'un arrêté de péril non imminent ? Il faut être précis et concret. On ne peut pas raconter n'importe quoi dans cet hémicycle, parler de squatteurs quand ce ne sont pas des squatteurs, parler de marchands de sommeil sans les définir en droit !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je veux d'abord rappeler à l'extrême gauche qu'elle n'a pas le monopole de la défense de la dignité humaine.
Sur la problématique des marchands de sommeil, je vous invite à travailler avec nous sur un texte.
Vous voyez, le sectarisme est dans votre camp. Mais nous avons l'habitude !
Aujourd'hui, les maires ne parviennent pas à déterminer qui est un marchand de sommeil et qui ne l'est pas, car ils n'ont pas la possibilité de pénétrer dans des immeubles pour constater que ceux-ci sont indignes à la location. Je pense que notre assemblée devrait réfléchir à un texte qui donne cette compétence aux maires.
Par ailleurs, il est faux de dire que nous confondons squatteurs et personnes en situation d'impayés. Lorsque vous avez épuisé le cycle de droit aboutissant à une expulsion pour défaut de paiement des loyers, des mesures préfectorales sont prises. Celles-ci ne devraient pas exister pour les squats puisque le squat est une violation de la propriété privée, garantie par la Constitution.
Alors oui, cela irrite l'extrême gauche car elle ne supporte pas la propriété privée, c'est un fait,…
…mais nous avons à traiter des situations urgentes ; je rappelle que celui qui pénètre dans la propriété d'autrui le fait désormais à ses risques et périls.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Chers collègues, vous partez du principe que le locataire d'un marchand de sommeil, notion qui n'est nulle part définie dans notre droit, serait forcément un occupant sans droit ni titre. Pardon de vous contredire, mais ce n'est pas toujours le cas.
C'est bien ce que j'ai entendu tout à l'heure.
À quelles hypothèses se réfèrent les dispositions de l'article ? Le transfert de responsabilité concerne soit les personnes qui, ayant loué un logement, s'y maintiennent alors qu'un juge a décidé qu'elles l'occupaient sans droit ni titre, soit les squatteurs, qui sont par définition des occupants sans droit ni titre.
Les obligations qui incombent au propriétaire du fait du lien juridique qu'il a noué avec son locataire ne sauraient être remises en cause. En revanche, lorsque ce lien n'existe plus, parce qu'un tribunal a rendu un jugement en ce sens, la responsabilité du propriétaire ne saurait être engagée, parce que c'est la loi, et surtout parce que c'est la logique même.
L'amendement n° 71 n'est pas adopté.
Sur l'article 2 bis, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour soutenir l'amendement n° 122 .
Qu'est-ce qu'un marchand de sommeil ? Une personne qui loue un bien contre espèces sonnantes et trébuchantes.
Nous allons y venir. L'article 2 bis n'est pas bien rédigé. La suppression du bénéfice de l'exonération de responsabilité que vous prévoyez n'est pas clairement établie. Il me semble qu'il faudrait préciser que « l'occupant sans droit ni titre était hébergé volontairement, à titre onéreux ou non, par un propriétaire ou son représentant ». Et là, je rebondis, monsieur le rapporteur, sur les remarques que vous avez formulées à propos de l'un de mes précédents amendements, que vous avez appelé l'« amendement gros bras ». Vous évoquiez le cas d'un propriétaire qui aurait du mal à mettre dehors un copain ou un cousin qu'il aurait hébergé dans un logement lui appartenant. Je vous propose ici une solution rédactionnelle, puisque mon amendement permet de prendre en compte le cas des personnes ayant occupé un logement avec l'assentiment du propriétaire mais de manière un peu dissimulée. Vous voyez ?
« Non ! » sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
On commence à rentrer dans la fameuse définition du marchand de sommeil.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 122 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Quand même, vous pourriez répondre : qu'est-ce qu'un marchand de sommeil ?
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 81
Contre 16
L'article 2 bis est adopté.
Je suis saisie de deux amendements de suppression de l'article, n° 75 et 139.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l'amendement n° 75 .
L'article 2 ter pérennise le dispositif permettant la sous-location de logements vacants opérée par des sociétés privées en vue d'assurer leur préservation, c'est-à-dire de les protéger contre les squatteurs. Ces sociétés sont payées par les propriétaires pour effectuer le gardiennage des immeubles – en général des immeubles de bureaux, plus rarement des locaux d'habitation – et perçoivent une redevance de la part des personnes qui les occupent temporairement.
Cet article autorise aussi l'expulsion des occupants, au moyen d'une simple requête, comme cela est prévu aux articles 493 à 498 du code de procédure civile, c'est-à-dire de manière non contradictoire.
Plusieurs entreprises privées se sont saisies de ce dispositif pour en faire une activité lucrative et des dérives ont été observées. Il semble que les pratiques illégales soient monnaie courante. Nombre de contrats et règlements intérieurs qu'elles imposent contiennent des clauses abusives et illicites. Une enquête menée par une journaliste de France Inter, présentée ce matin à l'antenne, revient sur ces dérives, notamment sur l'impossibilité pour certains locataires de s'exprimer dans la presse.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Enfin, monsieur de Lépinau, si d'après vous un marchand de sommeil est une personne qui loue un logement contre espèces sonnantes et trébuchantes, il me faut sans doute prévenir mon propriétaire qu'il relève de cette catégorie.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l'amendement n° 139 .
Cet article pérennise un dispositif expérimental permettant à des sociétés privées de sous-louer des locaux vacants, notamment à travers des conventions d'occupation précaire qui les lient à des personnes ne parvenant pas à se loger. Il n'a donné lieu à aucune évaluation, notamment s'agissant de ses implications sur les droits des occupants, alors qu'il a abouti à de très nombreuses dérives dénoncées par la Fondation Abbé Pierre.
Les entreprises qui s'en sont saisies ont pour beaucoup intégré à ces conventions des clauses abusives et illicites. Citons des redevances dépassant le montant légal ou encore l'absence d'accompagnement social, ce dernier étant pourtant obligatoire. Bien entendu, l'article 2 ter ne se préoccupe pas d'apporter des précisions.
Vous avez dû prendre connaissance de l'enquête de France Inter.
Les témoignages recueillis montrent que les occupants sont obligés de signer une clause par laquelle ils s'engagent à ne pas parler à la presse.
S'il est normal d'encourager le remarquable travail d'intermédiation locative qu'effectuent certaines associations en assurant l'accompagnement social des personnes auxquelles elles sous-louent des logements, nous ne saurions laisser prospérer des sociétés privées dont le but, loin d'être la réinsertion par le logement, est de faire de l'argent.
Je suis surpris par ces amendements de suppression, car le dispositif concerné a une destination éminemment sociale. Il permet, par une convention d'occupation, de mettre des locaux en travaux ou en cours de reconversion, comme des hôpitaux ou des immeubles de bureaux, à disposition de publics précaires et évite aux propriétaires des occupations illicites : les deux parties, toutes deux volontaires, sont donc gagnantes.
L'expérimentation est globalement saluée par les associations qui logent, grâce à elle, des personnes en difficulté.
Je conçois bien sûr que vous vouliez modifier cet article, mais je vous mets en garde contre sa suppression. Si le dispositif disparaît au 31 décembre de cette année, cela fera autant de logements en moins pour des personnes précaires.
Sur la question du contrôle, toutefois, nous pouvons nous rejoindre. J'ai eu des retours positifs de la part de l'association Caracol ou du groupe Batigère, qui m'ont montré des projets qui fonctionnent bien. La journaliste de France Inter que vous avez évoquée et que j'ai reçue a constaté que dans certains cas, il existait des contrats abusifs et que les sociétés concernées posaient problème. Je ne suis ni juge ni membre du Gouvernement. Laissons chacun faire son boulot.
Je vous propose de retirer vos amendements, qui aboutiraient à supprimer tout le dispositif instauré par la majorité alors qu'il est doté d'une véritable dimension sociale. Demandons ensuite ensemble au ministre de dresser un état des lieux : comment envisage-t-il d'améliorer le contrôle ? Comment vérifier que l'agrément est donné à des sociétés et, au-delà, car elles ne sont pas les seules concernées, à des collectivités et des bailleurs sociaux répondant à une logique vertueuse ?
Nous pourrons échanger sur l'amendement n° 44 relatif au contrôle, déposé par La France insoumise, sur lequel j'ai déposé un sous-amendement– c'est assez rare pour que je le souligne. Mais de grâce, ne supprimons pas cet article ! Ce serait jeter le bébé avec l'eau du bain. Ce n'est pas parce que certains acteurs posent problème qu'il faut faire disparaître tout le dispositif. Ce serait dommage, d'autant que je ne suis pas sûr que ce soit le souhait des associations.
J'ai également du mal à comprendre les raisons de cette demande de suppression, s'agissant d'un dispositif qui permet de lutter contre la vacance des logements, objectif sur lequel nous nous accordons tous. Cette expérimentation, instaurée par la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, la loi Elan, mérite bien évidemment d'être prolongée. Elle fonctionne, notamment pour le logement des étudiants. Il faudra bien sûr procéder aux contrôles et aux évaluations nécessaires auprès des quatre opérateurs en place afin de vérifier qu'il n'y a pas d'erreurs commises. Donnons-nous le temps de l'évaluer et de l'améliorer, y compris en adoptant l'un de vos amendements, auquel je vais donner un avis favorable.
… y compris lorsqu'il y a de bonnes intentions, et c'est ce qu'ont souligné mes collègues à travers leurs amendements de suppression. Parmi les sociétés visées, il y en a une connue, la société néerlandaise Camelot, qui pratique le moins-disant dans le domaine de la sous-location légale : dans les immeubles qui lui ont été confiés, il n'y a, par exemple, qu'un sanitaire pour trente locataires et les locataires ont interdiction de recevoir des visites.
Certes, ce dispositif peut être utile aux associations de réinsertion, nous ne disons pas le contraire, mais ce sont précisément elles qui nous ont alertés sur les dérives auxquelles il peut aboutir. À ce stade de nos débats, monsieur le rapporteur, je me demande comment vous avez écrit cette proposition de loi.
Nous savons que vous avez reçu les avocats de multipropriétaires, des représentants de la Fédération nationale de l'immobilier, la Fnaim, et que malheureusement, vous avez très peu écouté les associations, toutes celles et ceux qui vous ont averti. Vous nous parlez maintenant de contrôle, mais, vous connaissant, on peut se demander ce que vous entendez par là. S'il s'agit juste de regarder de temps en temps ce qui se passe sans aller au fond des choses, on n'est pas sorti de l'auberge.
Tant que nous n'aurons pas de réponses concrètes sur la manière dont le contrôle sera effectué, nous resterons dans l'expectative. Encore une fois, nous constatons que cette proposition de loi a été pensée et rédigée n'importe comment.
Pour montrer que nous sommes animés d'un esprit constructif, je vais retirer cet amendement de suppression.
Il semblerait que nous soyons d'accord sur l'existence de dérives.
Ne me faites pas regretter le geste que je viens de faire, monsieur le rapporteur !
Quand des journalistes et des associations constatent ensemble les mêmes dérives, il faut y mettre fin. Cela implique de faire respecter l'ordre, de faire respecter la loi.
Par ailleurs, il est bien dommage d'envisager de pérenniser un dispositif avant même de disposer d'un bilan à son sujet.
Enfin, nous avons déposé plusieurs amendements à cet article, notamment pour revenir à la rédaction adoptée en première lecture. Nous sommes d'accord pour dire qu'il y a des gens qui profitent de ce dispositif, qui peut être bénéfique lorsqu'il est appliqué à des associations agréées ou des collectivités, et qu'il faut veiller à être exigeants. J'espère donc que vous ferez preuve du même esprit d'ouverture que nous en donnant un avis favorable à nos amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 139 est retiré.
Oui, sous réserve que les engagements que vient d'évoquer ma collègue soient respectés. J'attends d'en avoir la confirmation de la part du rapporteur et du ministre.
Je sens une sorte d'injonction dans vos propos. L'engagement que je peux vous donner, c'est que je serai favorable à l'amendement de M. Piquemal, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement. Cela permettra à l'État d'aller plus loin dans le contrôle qu'il peut déjà exercer, je tiens à le dire. M. le ministre a en effet la possibilité d'octroyer des agréments, mais aussi de les supprimer.
Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question.
Vous avez mentionné un acteur sur lequel existent des remontées du terrain : le ministère peut mener une enquête et supprimer son agrément – ce n'est pas moi qui peux le faire.
Avec l'amendement n° 44 que nous examinerons tout à l'heure et auquel je serai favorable, le pouvoir de contrôle sera encore renforcé. Mais à chacun son rôle : le Parlement légifère et l'exécutif effectue ensuite le travail de contrôle.
À vous de voir si vous retirez ou non vos amendements mais, en ce qui me concerne, je m'engage sur celui de M. Piquemal, mais pas sur les autres.
Bien évidemment, le Gouvernement continuera de contrôler les différents opérateurs. Ils ont déjà été reçus et, s'agissant de certains d'entre eux, rappelés à leurs obligations. Si les contrôles ne débouchent pas sur des améliorations, nous procéderons à des retraits d'agrément.
L'amendement n° 75 est retiré.
Je commence à avoir un peu d'expérience dans cet hémicycle et je voudrais d'abord souligner à quel point je suis atterré par la manière dont nous faisons la loi ! Nous n'avons obtenu aucune réponse quant à la caractérisation juridique du marchand de sommeil. Autant dire qu'il s'agit d'une formule creuse, qui n'aura aucune conséquence dans la loi.
Nous pouvons craindre que cette loi, comme bien d'autres articles le montrent, ne favorise le développement des marchands de sommeil, alors que nous devrions être unis pour lutter contre. C'est incroyable ! Je n'ai jamais vu une loi se faire avec autant d'imprécisions…
…et de refus de caractériser juridiquement certaines notions.
Le présent amendement vise à permettre un minimum de contradictoire en cas d'expulsion d'un résident, ce qui nous semble la moindre des choses. S'agissant de cette expérimentation, je rappelle que notre groupe n'avait pas déposé d'amendement de suppression ; toutefois, elle avait été adoptée en 2009, puis prorogée en 2013 et de nouveau en 2018 : à chaque fois, on nous avait promis une évaluation préalablement à sa pérennisation. Or, bien que l'évaluation ne soit toujours pas au rendez-vous, vous souhaitez pérenniser le dispositif. Cette manière de faire la loi, encore une fois, n'est pas correcte, permettez-moi de vous le dire.
M. Inaki Echaniz applaudit.
La parole est à M. Sylvain Carrière, pour soutenir l'amendement n° 43 .
Par cet amendement, nous souhaitons rétablir l'article 2 ter tel qu'il avait été adopté par l'Assemblée en première lecture, afin de pérenniser le dispositif de mise à disposition temporaire de locaux vacants. Nous vivons une ère de profonds changements dans nos habitudes : le développement du télétravail, par exemple, libérera, selon l'Institut de l'épargne immobilière et foncière, entre 800 000 et 6 millions de mètres carrés en Île-de-France, soit autant de logements potentiels, auxquels il convient d'ajouter les 3,1 millions de logements vacants. Nous avons donc de quoi assurer un toit aux 4,1 millions de mal-logés en 2023.
Le candidat qui allait être élu Président de la République se présentait, en 2017, comme porteur de nombreuses promesses sociales : il y avait alors 150 000 SDF et il avait annoncé qu'il n'y en aurait plus avant la fin de cette même année. Or qu'a-t-il fait depuis, tant leur nombre s'est accru ? Six ans plus tard, ce chiffre a plus que doublé, selon la Fondation Abbé Pierre : on compte en effet quelque 330 000 SDF. Le bilan du 115 qui établit que, chaque soir, 5 000 personnes – dont 1 300 enfants – se voient refuser un hébergement faute de places ne vous suffit-il pas ? Et que dire des 2,3 millions de personnes qui restent en attente d'un logement social, chiffre en augmentation de 20 % en huit ans ? Faut-il ajouter à un dispositif initialement intéressant une énième épée de Damoclès sur la tête des plus précaires ? Nous parlons d'humains et de travailleurs. Une ordonnance sur requête ferait d'eux des voyous potentiels dont le relogement n'a pas d'importance et qui peuvent faire l'objet d'une simple expulsion. Nous refusons la culpabilisation des précaires et appelons au contraire à une simplification de leur accès aux droits élémentaires.
Par cet amendement, nous voulons donc garantir à nos concitoyens une égalité de l'accès aux droits fondamentaux, tout en maintenant la transition de l'usage des locaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Même avis.
Pour répondre à votre interrogation, cher collègue Stéphane Peu, un marchand de sommeil est un propriétaire qui abuse de ses locataires en louant très cher – vous ne m'écoutez pas ! – un logement indigne. Il n'existe pas de définition juridique.
Non, pas s'agissant du marchand de sommeil. Il s'agit d'un propriétaire qui abuse de ses locataires et ne respecte donc pas ses obligations.
Le locataire peut intenter un procès à son propriétaire, dans la mesure où il subit un préjudice de jouissance du bien. Dans ce cas, ce n'est pas le locataire qui est mis en cause, mais bien le propriétaire…
…qui peut être condamné à des dommages et intérêts, pour avoir loué un local ou un logement en ne respectant pas ses obligations.
Le non-respect de ses obligations de la part du propriétaire entraîne un préjudice de jouissance, pour lequel le locataire peut obtenir réparation.
Par le présent amendement, le groupe Écologiste – NUPES entend s'opposer au dispositif qui permet la sous-location de logements vacants à des sociétés privées afin de protéger les bâtiments contre le squat, surtout lorsque cela se fait au détriment des personnes qui y sont logées. Les alinéas 3 et 4 de cet article ont pour vocation de permettre l'expulsion, sans possibilité de contradictoire, de personnes précaires et sont incompatibles avec le fait que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable.
Alors que de nombreuses entreprises, nous l'avons déjà souligné, utilisent ce dispositif pour louer des logements en réalité insalubres, vous souhaitez, de surcroît, expulser les locataires qui se maintiendraient dans les lieux sans droit ni titre. Ce faisant, vous voulez donc expulser des personnes qui sont en réalité les victimes de ces entreprises qui profitent du dispositif pour leur louer des logements insalubres. Revenez donc également sur cette disposition !
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l'amendement n° 138 .
Nous avons su faire un geste prouvant que nous ne souhaitons pas supprimer ce dispositif de sous-location. Le rapporteur nous a appelé à l'amender, c'est ce que nous faisons.
Cet amendement de repli vise à supprimer les alinéas de l'article qui permettent d'instaurer une procédure d'expulsion sans contradictoire des occupants précaires, en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable.
Les dérives ont déjà été pointées. Nous parlons de personnes qui se trouvent dans des situations d'extrême fragilité, avec des retours aux droits qui sont complexes. De la même manière que nous avons consenti à un compromis, j'en appelle, monsieur le rapporteur, à votre bon sens et à reconnaître que cette procédure est hâtive et contrevient aux droits des personnes habitant dans les lieux.
Sur l'article 2 ter, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 10 de Mme Sabrina Sebaihi est défendu.
L'amendement n° 10 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La mise à disposition temporaire des locaux vacants est utile. Elle permet de résoudre en toute légalité des conflits d'usage et de protéger des personnes fragiles en attente de solutions plus pérennes. J'en ai un exemple dans ma propre circonscription où une convention avait été signée entre le diocèse et la Maison du peuple, afin, pendant le confinement, d'accueillir des sans-abri, notamment des familles, dans l'ancien collège Notre-Dame-du-Bon-Conseil. Cette mise à disposition a apporté une aide vitale pendant la pandémie, même s'il aurait été préférable qu'elle perdure et que les occupants ne soient pas évacués, comme à votre habitude, avec tant de brutalité.
C'est pourquoi, même si votre texte constitue une attaque en règle des sans-abri et des locataires précaires, la pérennisation du dispositif est à saluer. Par notre amendement, nous proposons de le rendre plus sûr. En effet, l'État doit pouvoir contrôler et vérifier les conditions de mise à disposition des locaux, lorsqu'il s'agit d'entreprises privées. Pour quelle raison ? Parce qu'une action louable de secours est facilement détournée à des fins de profits malhonnêtes : je pense aux marchands de sommeil qui pourraient camoufler leur activité derrière ce genre d'accords, ou à des mises à disposition qui ne seraient pas effectives. Il existe un risque avéré de voir des entreprises se saisir de cette occasion. Notre collègue Piquemal a cité quelques entreprises qui en auraient l'habitude.
Les entreprises qui détourneraient le dispositif de son but d'hébergement et d'accompagnement social doivent être contrôlées et, le cas échéant, punies. Nous demandons donc que l'État diligente une enquête et procède à des vérifications lors des mises à disposition, afin de sanctionner des pratiques illégales et de protéger les bénéficiaires du dispositif.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout à fait. Vous proposez par cet amendement n° 44 un contrôle accru de l'État. Je rappelle qu'il existe déjà une possibilité de contrôle, qui permet au ministre de délivrer ou de retirer un agrément. À la suite des interpellations que vous avez reçues, tout comme moi, des articles de presse parus sur le sujet et des travaux d'enquête menés par des journalistes, votre amendement vise, donc, à renforcer ce contrôle, ce que je conçois tout à fait. Je vois plutôt d'un bon œil ces nouvelles modalités de contrôle, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement, qui vise à en préciser le caractère régulier.
Je suis favorable à cet amendement, enrichi par le sous-amendement du rapporteur. Le Gouvernement s'engage à poursuivre et à accroître ces contrôles et, probablement, à faire signer une charte à l'ensemble des opérateurs qui auront pu conserver leur agrément.
Le sous-amendement n° 151 est adopté.
L'amendement n° 44 , sous-amendé, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 72
Contre 1
L'article 2 ter, amendé, est adopté.
L'amendement n° 76 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 4 pose problème : en effet, il revient désormais au locataire de solliciter l'octroi de délais de paiement et non plus au juge. Or beaucoup de locataires, comme d'ailleurs nombre de petits propriétaires, connaissent mal le fonctionnement de la justice et les démarches administratives et judiciaires à effectuer.
Par cet article, vous voulez également réduire de trois ans à un an les délais que le juge peut accorder aux locataires lorsqu'il n'y a pas de relogement prévu. Je vais vous donner l'exemple d'une personne que j'ai rencontrée dans ma circonscription, à laquelle cette disposition posera problème : il s'agit de Caroline.
Oui, madame Yadan, elle s'appelle Caroline, comme vous. Elle a une dette de 3 600 euros vis-à-vis de son bailleur. Grâce au travail d'une assistance sociale, elle a réussi à obtenir un plan d'apurement de sa dette, c'est-à-dire à en échelonner le paiement sur trente-six mois, soit 100 euros par mois – ce qui est tenable puisqu'elle gagne le Smic.
Toutefois, si les délais sont réduits à un an, elle devra payer 300 euros par mois. En réduisant les délais, on diminue les chances du locataire de bonne volonté, qui veut rembourser sa dette, de s'en acquitter. C'est pourquoi les députés du groupe La France insoumise – NUPES voteront contre l'article 4.
M. Antoine Léaument applaudit.
Sur les amendements n° 17 et identiques, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements identiques, n° 17 , 31 , 78 et 140 , visant à supprimer l'article 4.
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l'amendement n° 17 .
Je souscris aux arguments que vient d'exposer M. Piquemal. Quant à l'amendement n° 17 , il vise à supprimer l'article 4 qui tend à restreindre les conditions dans lesquelles le juge peut accorder un délai pour échelonner la dette du locataire défaillant.
Rappelons que si le juge décide de ne pas ordonner une expulsion ferme, le locataire demeure redevable de sa dette. Si l'échéancier n'est pas respecté, la procédure d'expulsion reprend immédiatement.
En durcissant les conditions permettant de bénéficier d'une telle décision du juge, la proposition de loi risque d'alourdir la charge des départements qui effectuent le diagnostic social et financier. Il sera difficile de réaliser des diagnostics complets et précis dans des délais toujours plus contraints – le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel en a alerté le rapporteur dans son courrier du 20 janvier 2023.
Il convient donc de supprimer l'article 4, car non seulement il rendra plus délicate la régularisation des situations des locataires défaillants sans expulsion, mais encore il sera difficile à appliquer avec les moyens dont disposent les services de l'État et les départements. Notre proposition de bon sens évitera d'en arriver aux situations décrites précédemment.
Je réitère par ailleurs ma question, monsieur le rapporteur : combien le pays compte-il de locataires qui ne paient pas leur loyer de façon volontaire ?
Depuis au moins une trentaine d'années, alors que la crise du logement s'accentuait en France, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, se sont efforcés de mettre en œuvre des politiques de prévention des expulsions locatives, dans l'intérêt des propriétaires comme des locataires – en excluant évidemment les locataires de mauvaise foi.
L'archétype de ces dispositifs est ce qui a été appelé les protocoles Borloo. Pour les avoir souvent expérimentés dans ma vie d'élu local, je peux dire qu'ils aboutissaient souvent à une réussite. Le propriétaire, le locataire et l'État se mettaient d'accord, et signaient assez solennellement un protocole qui engageait chacune des parties : l'État recommençait à verser l'APL qui avait été suspendue, suspension qui avait enfoncé encore le locataire dans les difficultés ; le locataire s'engageait à payer son loyer et à rembourser progressivement sa dette ; le propriétaire allongeait les durées de remboursement et maintenait le locataire dans son logement. Tout le monde en sortait gagnant. Voilà ce qu'est une politique de prévention des expulsions locatives.
Avec l'article 4, vous prenez le chemin inverse de celui que tous les gouvernements ont emprunté depuis trente ans. Vous accélérerez les expulsions, sans permettre des échelonnements de dette. C'est une mesure parfaitement antisociale et inefficace, qui mettra beaucoup de monde à la rue et qui ne résoudra pas le problème durablement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l'amendement n° 78 .
Bien que la nouvelle version du texte, issue de la première lecture au Sénat, ait en partie rétabli l'office du juge, celui-ci demeure amoindri, sans réelle justification. Dans sa version initiale, l'article 4 prévoyait de systématiser la clause de résiliation dans le contrat de bail et de supprimer – carrément – la possibilité pour le juge de la suspendre. Pour rappel, cette clause est une sécurité permettant au bailleur de résilier unilatéralement le contrat en cas de manquement du locataire à ses obligations. Il s'agit d'une procédure très encadrée par la loi, puisque, depuis 1998, le juge peut suspendre d'office ses effets tant que courent les délais de paiement de la dette locative qu'il a accordée au locataire.
Il a fallu l'intervention de M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement pour redonner aux locataires la possibilité de réclamer une suspension de la résiliation du bail ; ce n'est toutefois possible qu'après en avoir formulé la demande expresse en audience. La Fondation Abbé Pierre ne manque pas de rappeler que cette mesure constitue un recul pour la protection des locataires, puisque seuls 37 % d'entre eux se présentent aux audiences. Si l'article 4 était adopté, et malgré la modification apportée par le Gouvernement, la liberté contractuelle et l'équilibre des rapports locatifs seraient remis en cause, instaurant un rapport totalement inégal entre le locataire et le propriétaire. Que se passera-t-il si un locataire refuse de payer parce que son propriétaire ne veut pas réparer son chauffage, et que ce locataire ne fait pas de demande en audience ? À cause de votre loi, il sera expulsé. Aussi demandons-nous la suppression de l'article 4.
L'amendement n° 140 de Mme Cyrielle Chatelain est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 17
Contre 61
Je suis saisie de cinq amendements, n° 77 , 141 , 6 , 32 et 45 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 77 et 141 sont identiques, de même que les amendements n° 6 , 32 et 45 .
Les amendements n° 77 de M. Aurélien Taché et 141 de Mme Cyrielle Chatelain sont défendus.
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Il vise à supprimer, dans les contrats de bail, la clause de résiliation automatique en cas d'impayés de loyers. Nous souhaitons cependant conserver l'apport du Sénat, qui impose au préfet d'informer le locataire de son droit de demander au juge des délais de paiement. Nous ne cessons de le dire : toute mesure qui contribue à améliorer la connaissance de leurs droits par les ménages en difficulté – en l'occurrence, par les locataires – recueillera toujours notre soutien.
Il vise à supprimer l'alinéa 2 qui est inutile et inefficace puisque les bailleurs et leurs représentants ont déjà la possibilité d'insérer une telle clause. La Fédération des acteurs de la solidarité décrit votre disposition comme « une résiliation automatique du bail qui empêche la conciliation et la recherche de solutions au profit d'une expulsion accélérée des locataires en difficulté ».
Songez que dans son dernier rapport annuel, la Fondation Abbé Pierre fait état de 330 000 personnes sans domicile – leur nombre a doublé en dix ans – et de 4,15 millions de personnes mal logées. Faut-il vous rappeler l'objectif de campagne d'Emmanuel Macron en 2017 : il n'y aurait plus de sans-abri à la fin de l'année ? C'était il y a six ans. À force de précariser les plus précaires, vous abîmez la légitimité de nos institutions, et vous éloignez toujours davantage le peuple d'un avenir apaisé et commun.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'amendement n° 123 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Connaissez-vous Gervaise ? J'ai cité Caroline tout à l'heure, mais je voudrais maintenant vous parler de Gervaise : c'est l'héroïne du livre de Zola, L'Assommoir.
Certains d'entre vous l'ont peut-être lu. Gervaise vit avec son époux, un ouvrier, qui décède après un accident. Elle n'arrive plus à payer son loyer. Le livre a été publié en 1877.
En voici un extrait : « De nouveau, [il] parlait de la couturière du second ; il était d'avis de l'expulser ; il calculait les termes en retard, avec une importance d'intendant dont la gestion pouvait être compromise. M. Marescot approuva l'idée de l'expulsion ; mais il voulait attendre jusqu'au demi-terme. C'était dur de jeter les gens à la rue, d'autant plus que ça ne mettait pas un sou dans la poche du propriétaire. Et Gervaise, avec un léger frisson, se demandait si on la jetterait à la rue, elle aussi, le jour où un malheur l'empêcherait de payer. » Ceux qui ont lu le livre savent que Gervaise a été expulsée, qu'elle a fini sous l'escalier de l'immeuble, et qu'elle en est morte.
L'arbitraire du XIX
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il nous paraît utile de laisser au juge la possibilité d'accorder d'office un délai de paiement aux locataires ; il convient donc de ne pas modifier à la loi en vigueur. L'octroi d'un délai de paiement de la dette locative et la suspension de l'effet de la clause résolutoire ne peuvent être conditionnés à une demande du locataire ou du bailleur, ni à d'autres circonstances. Par ailleurs, la reprise du versement intégral du loyer avant la date de l'audience ne nous semble pas satisfaisante pour les locataires en difficulté de paiement. Rappelons enfin que les locataires défaillants ne connaissent pas toujours leurs droits ni la procédure, et qu'ils ne sont pas toujours présents aux audiences. Il est donc dans l'intérêt du bailleur comme du locataire de maintenir les pouvoirs d'office du juge pour définir un plan d'apurement de la dette locative.
La commission des affaires économiques a partiellement rétabli les pouvoirs du magistrat – cela a été mentionné. Je salue cet effort, tant il importe de préserver la capacité actuelle du magistrat à accorder d'office des délais de paiement de la dette locative, quelles que soient les circonstances réunies le jour de l'audience, dans l'intérêt aussi bien du locataire que du propriétaire. Ce pouvoir d'office permet en effet au magistrat de trouver des solutions d'apurement de la dette locative favorables aux bailleurs, dans de nombreuses situations où le locataire de bonne foi peut reprendre le paiement de son loyer – or ceci serait désormais exclu, du fait des restrictions apportées par le présent texte. À l'instar de M. le rapporteur, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement n° 149 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous nous efforçons de défendre autant que possible les petits propriétaires. Aussi cet amendement vise-t-il à limiter à deux ans – au lieu de trois actuellement – le délai maximal qu'un juge peut accorder à un locataire pour s'acquitter de sa dette locative. Par souci de cohérence, ce délai serait ramené à celui prévu à l'article 1343-5 du code civil.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
L'amendement n° 21 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 85
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 70
Contre 14
L'article 4, amendé, est adopté.
L'article 5 prévoit la réduction des délais de traitement des contentieux liés à des impayés de loyer. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires partage la volonté de ne pas faire peser sur les petits propriétaires les difficultés rencontrées par certains locataires. Toutefois, nous ne perdons pas de vue certaines réalités. Ainsi, pour ne parler que d'elle, l'inflation se répercute sur le coût de l'énergie et des loyers, et rend difficilement soutenables les fins de mois pour un grand nombre de personnes. Il n'est pas surprenant que les risques d'impayés de charges et de loyers augmentent. Alors, certes, il faut accélérer le traitement des contentieux, mais en accompagnant les plus fragiles.
Veillons à ne pas alimenter le phénomène que nous entendons aujourd'hui endiguer, c'est-à-dire l'occupation illégale de logements. Chasser des locataires qui n'ont plus les moyens de payer leur loyer, c'est courir le risque de les mettre à la rue, ce qui est triste, ou de les voir occuper des logements illégalement. Rappelons que seulement 47 % des locataires se présentent à l'audience au cours de laquelle le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement. Le diagnostic social et financier n'est disponible que dans 30 % des cas. Or c'est lui qui permet d'identifier les causes de l'impayé et donc de proposer un dispositif de prévention adapté à la situation de l'occupant. La question est donc simple, monsieur le ministre délégué : quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour que le diagnostic social et financier soit systématiquement disponible ?
Votre logique est inquiétante. Manifestement, vous ne comprenez rien à la bataille que doit mener notre pays pour la prévention des expulsions locatives. Vous ne comprenez même pas qu'il est dans l'intérêt du propriétaire de tout mettre en œuvre pour éviter l'expulsion locative et d'aider son locataire à échelonner sa dette et à bénéficier d'aides, lesquelles lui permettront de payer son loyer.
Toutes les études le montrent : il faut beaucoup de temps pour s'en sortir et retrouver un logement pérenne après une expulsion. Les séquelles psychologiques d'une expulsion sont énormes, a fortiori chez les enfants, et même effroyables si on y ajoute les conséquences sur leur scolarité.
L'article 5 vise à réduire les délais de la procédure contentieuse de traitement des impayés de loyer. Le délai minimal entre le commandement de payer et la possibilité d'assigner le locataire en justice est réduit de deux mois à six semaines. Le délai minimal entre l'assignation au titre de l'audience et le jour de l'audience est également réduit de deux mois à six semaines. Certes, l'article définit de nouvelles modalités pour le signalement d'une situation d'impayés de loyer, ainsi qu'un seuil national de transmission des commandements de payer aux commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX). Mais vous partez du principe que le juge accorde à chaque fois le délai maximum, ce qui n'est pas le cas. Il faut avoir confiance dans notre justice et dans la capacité des juges à prononcer un jugement équitable.
Il est dans l'intérêt et des locataires et des propriétaires de tout faire pour éviter les impayés de loyer. Le diagnostic social du locataire doit absolument parvenir au bureau du juge afin qu'il puisse trancher en connaissance de cause. La Défenseure des droits a elle-même indiqué dans son avis du 25 novembre 2022 sur la proposition de loi : « Ce délai permet pourtant au juge civil de moduler les effets dans le temps de l'expulsion dans ces circonstances. Or, dans de nombreux cas, l'attente est supérieure à un an en raison de l'engorgement du parc de logement et d'hébergement. Par conséquent, en réduisant ce délai de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 à un an maximum, la proposition de loi pourrait conduire à priver de son logement une personne pour laquelle l'État ne serait pas parvenu à remplir ses obligations de relogement. »
Je suis saisie de cinq amendements identiques, n° 3 , 33 , 47 , 81 et 130 , qui visent à supprimer l'article 5.
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l'amendement n° 3 .
Cet amendement des députés Socialistes et apparentés tend à supprimer l'article 5, qui vise à réduire les délais de traitement des contentieux locatifs. Le Sénat a fait évoluer le dispositif par rapport à celui adopté en première lecture afin de favoriser les solutions amiables : il est revenu sur la réduction du délai minimal légal entre la délivrance du commandement de payer et l'assignation en justice en le faisant passer à six semaines, contre un mois dans le texte transmis au Sénat et deux mois dans le droit en vigueur. Il a par ailleurs fixé un seuil national de transmission aux CCAPEX des commandements de payer, équivalant à deux mois d'ancienneté d'impayés ou à deux fois le montant du loyer mensuel hors charges locatives, pour caractériser une situation sociale justifiant une prise en charge.
La diminution de ces délais conduira mathématiquement à réduire les possibilités pour le locataire de régulariser sa situation et à augmenter le nombre d'assignations. En raison de l'engorgement de la justice, les délais de jugement sont déjà très longs. Ils le seront plus encore si le nombre de saisines augmente, comme n'a pas manqué d'alerter la Fondation Abbé Pierre. Enfin, ce nouveau délai entre l'assignation et l'audience réduira les chances de voir réalisé le diagnostic social et financier diligenté par le préfet pour apporter à la CCAPEX et au juge des éléments précis concernant la situation du locataire et leur permettre d'apprécier l'opportunité de ne pas résilier le bail et de mettre en place un échéancier.
Permettez-moi deux remarques préalables. Tout d'abord, on nous a présenté cette proposition de loi comme un texte contre les squats ; en réalité, je le redis, elle vise surtout les impayés de loyer. Les locataires en difficulté, et non les squatteurs, sont au cœur de la proposition de loi. Nous l'avons vu dans les précédents articles et nous continuerons de le voir dans la suite du texte.
Ensuite, une quittance de loyer comprend le loyer et les charges. Or si les loyers augmentent, les charges explosent, et avec elles les quittances. Les impayés de loyer sont en augmentation non pas du fait de la mauvaise foi des locataires, mais en raison de la pauvreté croissante de nos compatriotes, due à la stagnation des salaires et des pensions et à la hausse des charges et des quittances de loyer.
Dans sa sagesse, le Sénat a certes atténué votre extrémisme…
…en revenant sur la réduction initiale des délais de traitement des contentieux locatifs que vous aviez décidée, mais, en réduisant néanmoins ces délais, l'article 5 rendra plus difficile la recherche de solutions à l'amiable pour prévenir les expulsions. C'est la raison pour laquelle le groupe GDR – NUPES a déposé cet amendement de suppression de l'article.
La parole est à M. Carlos Martens Bilongo, pour soutenir l'amendement n° 47 .
Monsieur le ministre délégué, pendant des années, vous avez été maire de Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Vous connaissez donc les difficultés des familles qui ont du mal à payer leur loyer. Je vous ai trouvé bien silencieux sur la question des marchands de sommeil. Elle est pourtant cruciale pour cette ville, dans laquelle ils n'ont cessé de proliférer. Comme vient de le souligner M. Peu, la quittance de loyer comprend le loyer et les charges. Dans les villes populaires, les familles ont du mal à boucler les fins de mois. Monsieur le ministre délégué, s'il vous plaît, réagissez !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Aurélien Taché applaudit également.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l'amendement n° 81 .
M. le ministre délégué ne réagit pas, mais je veux moi aussi l'interpeller. L'article 5 pénalise lourdement certains locataires puisqu'il réduit le délai de commandement de payer de deux mois à six semaines. Mathématiquement, cette mesure conduira à réduire les possibilités pour le locataire de régulariser sa situation et à augmenter le nombre d'assignations.
Or, nous le savons, la justice est engorgée. Les délais de jugement déjà très longs le seront encore davantage demain du fait de l'augmentation des saisines, qui elles-mêmes augmenteront le nombre de procédures.
La justice manque de moyens et il faut plus de six mois aujourd'hui pour obtenir une audience de référé – dans ma ville, Toulouse, où les tribunaux sont plus engorgés que partout ailleurs, il faut plus d'un an.
Les locataires en difficulté n'ont pas de solution. S'ils ne partent pas de leur logement, ce n'est pas par choix, mais par impossibilité de se reloger. S'ils ne paient pas, ce n'est pas non plus par choix, mais parce qu'ils en sont incapables. La hausse des prix de l'énergie a fait exploser leurs charges. Dans un tel contexte, il est inutile de raccourcir les délais d'expulsion. Cet article est contre-productif et ne permettra pas de régler de manière équitable la situation des locataires ni celle des propriétaires. Le dispositif retardera davantage les procédures de justice au détriment des locataires, mais aussi des propriétaires. Supprimez l'article, il est inutile !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l'amendement n° 130 .
L'équilibre entre le droit des locataires et le droit des propriétaires est très fragile. Or le droit en vigueur me paraît bien rédigé. D'autres l'ont dit avant moi, une personne en situation d'impayés de loyer ne l'est pas par choix. Qu'elle ait perdu son emploi, que ses allocations chômage ne lui soient plus versées ou qu'elle soit confrontée à une séparation, elle se trouve dans une situation de fragilité que nous pourrions tous connaître un jour. Quand on ne peut plus payer son loyer, on s'efforce de chercher du travail, on se dit que l'on va s'en sortir et on accumule les dettes. Puis arrive le moment où l'on n'y arrive plus, et, généralement, on ne sait pas vers qui se tourner.
Les Adil le disent : bien souvent, les personnes qui en arrivent là n'ont pas touché les aides financières auxquelles elles avaient droit. Le premier travail à faire pour les aider est donc de les diriger vers le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) et la caisse d'allocations familiales (CAF). Il faut faire en sorte que les personnes en situation de très grande fragilité sociale aient enfin accès à leurs droits, ce qui demande du temps. Le délai actuel de deux mois entre le commandement de payer et la possibilité d'assigner le locataire en justice paraît donc minimal. Le réduire conduirait à fragiliser davantage les personnes les plus vulnérables. Or ne sommes-nous pas convenus récemment qu'il fallait toujours légiférer pour les protéger ? Eh bien, vous faites exactement l'inverse !
La proposition de loi ne protège pas uniquement les petits propriétaires puisque, rappelons-le, 50 % des logements loués appartiennent à 3,5 % des propriétaires – ils appartiennent très majoritairement aux plus riches. Si vous voulez vraiment protéger les petits propriétaires – ceux, par exemple, qui achètent un logement pour leur enfant pour ses études –, instaurez une garantie universelle des loyers. Ce serait la meilleure manière de protéger les propriétaires et les locataires.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Je suis bien évidemment défavorable à la suppression de cet article, qui est équilibré.
Je suis prêt à entendre toutes vos critiques au sujet de mon précédent mandat, mais j'ai été l'un des maires les plus actifs contre les marchands de sommeil. J'ai même fait condamner certains d'entre eux à de la prison ferme et mon équipe municipale continue ce combat.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Non, je n'ai pas changé, madame la députée.
Comme nous vous l'avons précisé tout à l'heure, une équipe municipale de qualité est capable de démontrer qu'un habitat est insalubre. Il suffit d'avoir des agents qualifiés et d'accompagner les locataires dans leurs démarches auprès de l'ARS et du préfet jusqu'à la déclaration d'insalubrité.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quant aux marchands de sommeil, nous continuerons de travailler ensemble afin de préciser cette notion, cher Stéphane Peu.
Vous le savez, il est difficile de la définir :…
…la différence est faible entre un propriétaire indélicat et un marchand de sommeil.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
En tout état de cause, l'article 5 est équilibré. Je vous invite donc à retirer ces amendements de suppression. À défaut, mon avis sera défavorable.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne sais pas ce qui se passe à Clichy-sous-Bois, mais je sais que la proposition de loi est contre les locataires, contre les occupants sans droit ni titre quels qu'ils soient, y compris les victimes des marchands de sommeil. Au sein du groupe Renaissance, et d'ailleurs même au sein du groupe Rassemblement national – c'est la grande coalition –, les définitions du marchand de sommeil diffèrent. On peut dès lors émettre quelques réserves sur la manière dont la loi sera appliquée.
Mais cette proposition de loi est aussi une fausse promesse faite aux petits propriétaires. En effet, vous les incitez à entamer plus rapidement une procédure judiciaire. Or – cela a été dit par mes collègues – les tribunaux sont engorgés. Vous allez donc accroître l'effet d'étranglement en encourageant les petits propriétaires à aller devant les tribunaux, ce qui aura pour conséquence d'allonger la file d'attente. Il aurait fallu que M. Dupond-Moretti, qui nous a malheureusement quittés ce soir, soit là pour nous dire quels moyens judiciaires il compte déployer pour rendre possible l'application de ces mesures.
Par ailleurs, il y a un impensé dans la question des impayés de loyers auquel vous ne vous attaquez jamais : celui des assurances privées. Un propriétaire bailleur doit souscrire à une assurance privée contre les impayés de loyer. Je ne sais pas si vous le savez, monsieur le rapporteur, mais si un propriétaire qui ne perçoit plus ses loyers veut que l'assurance privée les lui verse, il doit obtenir – toutes les clauses le disent – un jugement du tribunal…
…déclarant l'expulsion du locataire. Ainsi, les assurances privées obligent à engager une procédure devant les tribunaux pour disposer d'une ordonnance,…
…ce qui contribue, je le répète, à engorger ces mêmes tribunaux. C'est à elles qu'il aurait fallu s'attaquer, au lieu d'envoyer les petits propriétaires au tribunal et donc au casse-pipe. Et comme cela a été dit, il y a une solution très simple, ou plutôt deux : baisser les loyers et instaurer la garantie universelle des loyers.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Inaki Echaniz et Aurélien Taché applaudissent également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 18
Contre 69
Vous voulez faire passer le délai minimum pour la délivrance d'un commandement de payer, qui ouvre la possibilité d'assigner en justice un locataire défaillant, à six semaines, contre deux mois aujourd'hui. Pourtant, comme Cyrielle Chatelain vient de le dire, tous les acteurs de terrain – je dis bien tous – affirment que le délai actuel de deux mois est déjà souvent insuffisant pour mener à bien les enquêtes sociales censées éclairer les décisions du juge. Quelqu'un qui ne paie plus son loyer et qui ne peut plus le faire hésite longtemps avant de demander un recours pour bénéficier de l'ensemble des mesures auxquelles il a droit. En effet, changer de logement, cela signifie changer d'école pour les enfants, éventuellement changer de travail ou devoir utiliser une voiture alors qu'on n'en possède pas, et donc remettre en question des conditions de vie qui étaient déjà précaires et qui risquent de le devenir encore davantage.
Au contraire de ce que vous faites, nous proposons donc de porter le délai d'assignation à six mois. Un tel délai est plus réaliste : il permettra plus probablement au locataire de régulariser sa situation et de solliciter les aides disponibles. Une résolution à l'amiable des conflits est toujours préférable, y compris pour les propriétaires.
Vous proposez de réduire les délais minimaux de comparution au civil de deux mois à six semaines. Là encore, votre proposition se caractérise par son inefficacité. Vous justifiez une telle réduction des délais par le fait qu'elle pourrait contribuer à fluidifier les démarches, alors que les avocats auditionnés dans le cadre de la préparation du texte affirment que cela renforcera l'engorgement des tribunaux. Surtout, ces délais jouent un rôle déterminant dans la prévention des expulsions ; les réduire reviendrait à accélérer la machine à précarité des expulsions locatives, plutôt que de donner aux locataires en difficulté toutes les chances de s'extraire d'une situation d'impayé, comme l'expliquait Simone…
Sourires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Inaki Echaniz et Aurélien Taché applaudissent également.
Les amendements n° 131 de Mme Cyrielle Chatelain et 34 de M. Stéphane Peu sont défendus.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 49 rectifié .
Il vise à augmenter les délais renouvelables accordés avant expulsion. D'après les éléments qui nous ont été transmis par le mouvement ATD Quart Monde, les conséquences des situations d'expulsion sont dramatiques et multiples : trois ans après l'expulsion, 32 % des ménages vivent encore à l'hôtel ou chez un tiers ; 29 % n'ont pu poursuivre leurs activités professionnelles ; 71 % ont des problèmes de santé ou des difficultés psychologiques liées à l'événement ; enfin 43 % ont constaté un effet sur la scolarité de leurs enfants.
Voilà pourquoi nous devons tout faire pour éviter les expulsions locatives. Et d'ailleurs, nous sommes contre toute expulsion locative sans relogement. Or l'augmentation des délais renouvelables accordés avant expulsion laisse justement la possibilité d'une médiation sociale, permettant aux familles d'étaler le remboursement de leur dette et d'accéder au FSL. Ces démarches de médiation permettent aussi au propriétaire de recouvrer les loyers impayés.
Nous sommes vraiment dans une situation absurde ! Vous ne faites rien pour lutter contre la crise du logement, mais vous augmentez le nombre d'expulsions : vous faites donc s'accroître le nombre de personnes qui demandent une place dans des hébergements d'urgence, alors que ces lieux, subissant un engorgement terrible, sont saturés. Vous le savez, d'ailleurs : rien qu'en Île-de-France, il y a plus de 8 000 personnes qui sont accueillies en hébergement tout en étant éligibles au logement social.
Il y en a qui ne sont pas éligibles et qui ont quand même un logement social, si vous voyez de qui je veux parler !
Et comme votre politique du logement social est inexistante, l'engorgement subsiste. Alors vous faites de l'affichage, comme avec le plan « logement d'abord », mais la politique que vous menez, c'est l'inverse de ce que vous affichez !
Votre politique, c'est la spéculation sur le logement d'abord, c'est la financiarisation du logement d'abord !
Vous avez augmenté les loyers de 3,6 % et de nombreux locataires, qui voient leurs charges exploser, vont se retrouver en situation d'impayé de loyer !
L'amendement n° 49 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 5, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 35 de M. Stéphane Peu est défendu.
L'amendement n° 35 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il répond à la même logique que les précédents. Chacune des mesures de la proposition de loi vise à réduire les possibilités pour le juge d'octroyer des délais aux locataires en difficulté. Pourquoi est-il essentiel de maintenir ces délais ? Ce n'est pas pour le plaisir de faire durer des situations difficiles. On l'a dit : quand des personnes font face à des impayés de loyer déjà importants qui nécessitent l'intervention de travailleurs sociaux, elles ont besoin de temps, et ce d'autant plus dans un contexte où la justice est engorgée et où les CCAPEX et les FSL apportent des soutiens très inégaux d'un département à l'autre. Pourquoi vouloir encore une fois, à travers cette disposition, réduire les délais d'apurement de la dette ? Jusqu'à présent, les délais que le juge avait la possibilité d'octroyer pouvaient aller de trois mois à trois ans ; et voilà que vous voulez les réduire à une durée comprise entre un mois et un an. Pourquoi voulez-vous faire cela ? C'est toujours la même et unique raison : expulser, expulser, expulser !
Nous venons d'expliquer ce que produirait cette multiplication des expulsions locatives. Nous l'avons dit, le 115 est déjà saturé : il n'y aura pas de place en hébergement d'urgence pour les personnes qui l'appelleront, et cela coûtera finalement plus cher à l'État. Votre politique n'a aucune autre logique que de toujours favoriser les propriétaires, qui sont souvent des multipropriétaires. Finissons-en avec la fable du petit retraité propriétaire ; elle est fausse !
Parmi les milliers de cas concernés, il y a de nombreux multipropriétaires,…
…on le sait, dans les grandes agglomérations, à Paris, en Île-de-France. Arrêtons avec cette fable : pourquoi vouloir réduire la possibilité, pour le juge, de permettre à des locataires de bonne foi d'accéder à un accompagnement social, afin qu'ils apurent leur dette ? C'est véritablement incompréhensible. Oui, monsieur le ministre délégué, vous avez été pris à partie ; oui, on connaît votre action en tant que maire de Clichy-sous-Bois ! C'est donc d'autant plus incompréhensible, car elle est complètement contradictoire avec celle que vous menez en tant que ministre chargé du logement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.
Par pitié, acceptez ces amendements et laissez aux juges et aux travailleurs sociaux la possibilité d'accompagner les locataires en difficulté.
L'amendement n° 142 de Mme Cyrielle Chatelain est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable.
Vous l'avez compris : l'objet de tous ces amendements est de protéger les locataires. Dans les quartiers populaires – sachez-le –, la situation économique est désastreuse à cause de l'inflation. Elle touche tous les secteurs : l'alimentation, l'électricité, le gaz et bien évidemment le loyer. Notre collègue Carlos Martens Bilongo vous a parlé tout à l'heure de Clichy-sous-Bois ; je veux pour ma part évoquer La Grande Borne, Le Bois des Roches et Saint-Hubert, qui sont des quartiers très populaires de ma circonscription de l'Essonne. Les gens qui y vivent et avec lesquels je discute me disent qu'ils sont au bout du rouleau. Et avec la loi que vous essayez de faire passer, vous allez en quelque sorte leur mettre encore davantage le couteau sous la gorge.
Ce n'est pas acceptable et nous vous proposons simplement, par cet amendement, d'octroyer un délai à ces locataires qui sont en difficulté pour payer leur loyer, quand leur situation devient trop intenable. Ayez un peu d'humanité dans ce moment.
Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et RN.
Acceptez ce seul amendement ; il a pour but de protéger les locataires qui se trouvent dans une situation économique si difficile qu'il faut non pas les punir, mais les protéger.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Aurélien Taché applaudit également.
Sur les amendements identiques n° 7 et 82 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Sur les articles 6, 7 et 8, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Enfin sur l'amendement n° 143 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je mets aux voix l'article 5.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 74
Contre 19
L'article 5 est adopté.
L'article 6 concerne les procédures d'indemnisation des propriétaires victimes. Je vous livre une analyse du sociologue Camille François, lequel a travaillé sur ces questions. Voilà ce qu'il nous dit à propos de ce qui se passe en ce moment dans nombre de préfectures : « […] une logique de budget guide les décisions préfectorales en matière d'expulsion. En droit, l'État dispose d'un délai de deux mois pour exécuter le concours de la force publique après que le bailleur a requis ce dernier. Passé ce délai, le propriétaire peut, au titre de l'article L. 153-1 du code des procédures civiles d'exécution, exiger réparation de l'État : une indemnisation financière équivalente au surplus de dette contracté par le locataire au-delà de ce délai de deux mois. Prenons l'exemple fictif d'un bailleur qui réquisitionne la force publique en avril. Deux mois après la réquisition, ses locataires n'ont pas été expulsés et présentent une dette de 1 000 euros. Cinq mois après la réquisition, la famille est finalement expulsée, avec une dette qui atteint 3 000 euros. Dans ce cas, le bailleur peut réclamer une indemnisation de 2 000 euros […] auprès du bureau des expulsions. À l'échelle nationale, le budget déboursé par l'État au titre de l'indemnisation des propriétaires s'élevait [il y a peu] à 30 millions d'euros. » Est-ce toujours le cas, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre délégué ?
Pour certains préfets, la réduction du montant du recours à l'État devient l'objectif prioritaire. Cette logique de budget explique que les familles dont la procédure est susceptible de coûter le plus cher à l'État, notamment celles dont les loyers mensuels sont les plus élevés, fassent l'objet d'un traitement plus sévère. La politique de réduction des indemnités versées aux bailleurs constitue la cause principale de l'augmentation du nombre d'expulsions réalisées par les services de l'État au cours des années 2010. L'État expulse plus souvent qu'avant, pour des raisons budgétaires. L'augmentation des expulsions en France n'est donc pas principalement le fruit d'une évolution des demandes émanant des propriétaires, qui imposeraient leurs vues aux institutions : elle a bel et bien une origine politique qui découle de l'objectif de réduction des dépenses publiques.
MM. Andy Kerbrat et Antoine Léaument applaudissent.
Je ne sais pas sur quel ton, il va falloir vous le dire et vous le redire,…
Dans ma circonscription, les locataires, y compris ceux du logement social,…
…ont découvert une explosion des charges locatives. Dans les tours du quartier Saint-Blaise, c'est 200 euros de plus par mois parce que le bailleur social a été obligé de contracter avec TotalEnergies, et que les charges sont très élevées dans les tours de grande hauteur. Comment vont faire ces familles avec 200 euros de charges supplémentaires par mois alors que le Gouvernement refuse d'augmenter le Smic et les salaires ? Comme les salaires et les revenus ne suivent pas, ils vont être en situation d'impayés de loyer – bon nombre d'entre eux le savent.
Par cet amendement, nous demandons que l'État tienne compte des conséquences de l'expulsion sur l'occupant avant d'avoir recours à la force publique. Je vous le dis et vous le redis : il faut tout faire pour éviter l'expulsion. L'Observatoire des expulsions des lieux de vie informels estime que 64 % des 1 330 expulsions recensées en 2021 ont eu lieu en pleine trêve hivernale. Plus de 90 % des expulsions se produisent sans proposition de relogement.
Alors, il ne faut pas déplacer le problème comme vous le faites. Il faut tout faire pour éviter les expulsions puisque vous ne pouvez même pas garantir un logement d'abord, et tenir compte des situations sociales et familiales.
Dans l'intérêt supérieur de l'enfant, aucune expulsion ne devrait avoir lieu sans solution de relogement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vais être rapide et concis pour que nous puissions avancer, en espérant que la majorité fera enfin un geste vers ses oppositions : certaines propositions ne seraient pas trop difficiles à mettre en œuvre et les accepter témoignerait d'un peu d'esprit d'ouverture.
Travaillé avec la Fondation Abbé Pierre, cet amendement vise à imposer à l'État de tenir compte des conséquences de l'expulsion sur les personnes concernées, de l'absence et des conditions de relogement. Cela ne remet pas en cause la nécessité que les propriétaires soient automatiquement indemnisés lorsque l'expulsion est impossible, le temps d'organiser un relogement. Ce pourrait être un signal minimum à l'égard des différentes associations qui se sont mobilisées sur ce texte, montrant que vous n'êtes pas complètement fermés aux propos qu'ils peuvent tenir et que nous relayons ici.
Monsieur le rapporteur, j'attends toujours que vous me donniez le nombre de personnes qui ne payent pas leur loyer de façon volontaire.
Pour abonder dans le sens des collègues Simonnet et Echaniz, j'insisterai sur le caractère minimal de cet amendement. Pour ma part, je souhaite que l'on ne puisse pas expulser une famille ou un ménage avant que l'État ait fait une proposition de relogement. La raison en est simple : une fois expulsées, les personnes entrent dans la spirale de la rue et, comme vous le savez, monsieur le ministre délégué, le parcours est ensuite très long. Il faut passer par le 115 et attendre une hypothétique réponse, puis par l'hébergement d'urgence, puis par une solution de logement intermédiaire avant d'accéder peut-être à un logement.
En fait, cette issue est malheureusement de moins en moins fréquente puisque la production de logements sociaux s'effondre et que le prix des logements privés explose. Même des gens reconnus comme bénéficiaires de la loi Dalo peuvent attendre un, trois, cinq ou dix ans dans des hôtels sociaux. Vous le savez, monsieur le ministre délégué : en Île-de-France, certains ménages éligibles au dispositif Dalo restent dix ans en hôtel social avant d'être relogés.
Que l'on tienne au moins un peu compte de la composition familiale, de la fragilité, de la situation du foyer et du nombre d'enfants avant de procéder à une expulsion. C'est quand même le minimum du minimum du minimum d'humanité. Un geste de votre part nous permettrait de partir un peu moins déprimés de cette soirée.
Les CCAPEX travaillent sur la situation de chaque famille avant de procéder à une expulsion. Nous avons la même analyse : toute expulsion locative est un échec et un travail social doit être mené au préalable – c'est ce qui est fait et continuera de l'être si ce texte est adopté. Avis défavorable.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quand notre collègue Danielle Simonnet a parlé, on a entendu nos collègues du groupe Rassemblement national pousser des cris d'orfraie.
Quand nous défendons l'intérêt des locataires, vous semblez prendre le parti des propriétaires.
Vous mettez en avant les petits propriétaires alors que 50 % des logements mis en location sont détenus par 3 % des propriétaires. Main dans la main avec la Macronie, vous défendez un texte anti-locataires et pro-propriétaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En définitive, vous êtes cohérents : lorsque nous débattions du financement du système de retraite, votre présidente Mme Le Pen, qui n'a pris qu'une seule fois la parole, est intervenue pour protéger son château,…
…ses intérêts personnels et s'opposer au rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Mêmes mouvements.
Vous défendez les grands les grands propriétaires, voilà ce que vous faites.
Monsieur Léaument, je rappelle que le règlement proscrit les attaques nominatives et personnelles.
Applaudissements plusieurs bancs du groupe RN.
L'amendement n° 51 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 19
Contre 79
Des propriétaires, qui n'ont rien demandé et subissent l'occupation illégale de leur bien, se voient infliger une sorte de double peine : l'occupation du logement ; la poursuite du paiement des charges, notamment de la taxe foncière. L'État doit prendre ses responsabilités et protéger ces citoyens qui ne demandent rien d'autre que de la tranquillité.
Cet amendement a pour but de compenser le préjudice causé par la suspension de la taxe foncière à compter de la date du refus de l'État d'apporter le concours de la force publique, jusqu'au départ effectif de l'occupant. La prise en compte ainsi du préjudice du propriétaire du bien est effective dès le refus de l'octroi de la force publique et sans qu'il soit nécessaire de réaliser des procédures précontentieuses ou contentieuses.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cela poserait un problème de financement des collectivités. Avis défavorable.
L'amendement n° 83 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour soutenir l'amendement n° 84 .
Cette fois, ce sont les banques et non les collectivités qui vont être concernées. À l'extrême gauche, on va donc peut-être ouvrir ses oreilles.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Arrêtez, avec le bon sens ! Nous n'en avons pas la même conception que vous !
Certaines personnes investissent dans un logement pour le louer et, contrairement à ce que vous dites de façon obsessionnelle, ce ne sont pas les 3 % les plus riches. Pour ma part, je m'intéresse aux classes moyennes, celles qui ont le droit de payer tout le temps mais qui n'ont droit à aucune aide.
En fait, 50 % des logements loués sont détenus par 3 % des propriétaires !
Des gens se retrouvent dans une situation impossible quand ils ne perçoivent plus le loyer destiné à assurer le remboursement de l'emprunt. Ils subissent une double peine : non seulement un squatteur ou un locataire indélicat occupe leur bien, mais le logement va être saisi et vendu à la barre du tribunal par l'organisme prêteur.
Monsieur le rapporteur, notre amendement pourrait faire l'unanimité tant à l'extrême gauche que chez vous puisque nous voulons rétablir de la justice pour ceux qui investissent de manière honnête, en bon père de famille, et qu'il serait particulièrement injuste de mettre en difficulté face à un squatteur ou un locataire qui ne paye pas son loyer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il faut se battre pour que les décisions de justice soient appliquées le plus rapidement possible,…
C'est tout le sens de cette proposition de loi : accélérer les délais plutôt que de trouver des palliatifs même si l'on peut comprendre le raisonnement.
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe RN.
Défavorable.
« C'est nous ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Si c'était vous, vous auriez voté pour la garantie universelle des loyers qui permettait aux petits propriétaires d'être assurés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Si c'était vous, vous n'auriez pas voté contre le blocage des loyers quand nous l'avons proposé.
Mêmes mouvements.
Pour défendre les multipropriétaires, il y a visiblement du monde de votre côté. En revanche, pour être ingénieux et trouver des accords gagnant-gagnant pour les propriétaires et les locataires, il n'y a plus personne. À cette heure, nous arrive une nouvelle proposition du groupe Rassemblement national, un peu hors sol par rapport au débat.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Pour ma part, je souhaite interroger une dernière fois M. le rapporteur. Selon les associations, en cette période post-covid, nous allons revenir à une moyenne de 16 000 expulsions locatives par an, ce qui implique le recours à davantage d'effectifs policiers. Ces effectifs ont-ils été évalués ?
« Quel rapport avec l'amendement ? » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Quel nombre avez-vous retenu, monsieur le rapporteur, puisqu'il va falloir plus de moyens pour les forces publiques ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 84 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 80
Contre 19
L'article 6 est adopté.
Sourires.
Nous en venons enfin à quelque chose d'un peu positif dans ce texte. Après les désastreux articles précédents, celui-ci prévoit un renforcement des CCAPEX, qui sont les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions.
Dans certaines préfectures, ces institutions ont fonctionné plus ou moins bien au cours des dernières années, ce qui m'incite à interroger le rapporteur sur le sujet. On a constaté des dérives, une tendance à l'arbitraire dans les décisions d'expulsion : on cible plutôt tel quartier ou tel profil de famille, ce qui témoignerait d'une politique de peuplement. Existe-t-il des garde-fous en la matière ? Quels moyens financiers et humains vont-ils être attribués aux CCAPEX ? Quels moyens sont-ils prévus pour le relogement des foyers déclarés expulsables ? Si je pouvais avoir des réponses, monsieur Kasbarian, ce serait bien.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 93
Contre 4
L'article 7 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 95
Contre 2
L'article 8 est adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 143 qui ne fera finalement pas l'objet d'un scrutin public.
Le présent amendement vise à mettre le titre de la proposition de loi en adéquation avec son objet. Pour ce faire, je propose de substituer au mot « logement » les mots « locaux à usage d'habitation ou à usage économique », afin de refléter ce qui me semble constituer une des évolutions majeures que nous avons introduites dans le texte.
M. le rapporteur m'avait répondu en commission que la proposition de loi touchait avant tout le logement. Certes, nos débats ont principalement concerné le logement ; mais sur les huit articles que compte le texte, quatre portent sur les locaux à usage économique. J'estime donc qu'il ne faut pas considérer qu'il y aurait, d'une part, la question pleine et entière du squat pratiqué dans des logements et, d'autre part, une sorte de demi-squat qui concernerait les locaux à usage économique. Ces derniers étant mentionnés dans la moitié des articles de la proposition de loi, mon amendement me semble tout à fait recevable.
Je salue votre constance sur cette question et la persévérance dont vous avez fait preuve tout au long des débats pour introduire dans le texte des éléments de nature à protéger les locaux à usage économique. Vous avez tenu cette position, ce que je salue bien volontiers, car nous sommes très heureux que ces dispositions, que nous revendiquons, figurent dans la loi : nous n'avons pas l'économique honteux et nous ne nous en cachons nullement.
Pour en venir à votre amendement, je vous livre mon sentiment personnel : nous avons cherché, de bonne foi, y compris en sollicitant les sénateurs, la formule à retenir – « logements et propriétés privées », « logements et locaux à usage économique », ou encore « propriétés privées », par exemple. Après avoir étudié toutes les options, nous avons jugé préférable de conserver un titre court et efficace.
Nous voulons conserver le mot « logements » car ces derniers sont bien, depuis le début, l'objet de l'écrasante majorité des articles. Le titre court que nous avons retenu pour cette proposition de loi nous semble de nature à rendre hommage au travail collectif que nous avons réalisé. J'ajoute que nous avons modifié la rédaction de l'article 1er A en substituant au mot « économique » les mots « commercial, agricole ou professionnel », ce qui supposerait en théorie, si nous nous rallions à votre proposition, d'ajouter également cette mention dans l'intitulé du texte. Nous pourrions débattre de cette question pendant des heures, mais j'estime que l'intention et l'intuition initiales étaient les bonnes.
Je profite de cette dernière prise de parole pour saluer les apports que vous nous avez permis de faire, madame la députée, ainsi que toutes les interventions des différents groupes politiques en vue d'enrichir ce beau texte – car c'en est un –, mais aussi le soutien du Gouvernement et le travail acharné des administrateurs qui ont œuvré, de jour comme de nuit, y compris les week-ends, sur les différentes questions économiques qui ont été soulevées.
Applaudissements sur tous les bancs.
Enfin, je vous remercie, madame Rabault, pour la qualité de votre présidence.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je m'associe aux remerciements exprimés par le rapporteur et je rejoins son avis sur l'amendement : demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Eh bien, moi, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre délégué, je ne vous remercie et ne vous félicite pas !
« Ah ! » sur les bancs des groupes RE, RN, LR et Dem.
Je trouve d'ailleurs Mme Genevard beaucoup moins hypocrite que vous, finalement : si nous adoptions son amendement, le titre de la proposition de loi serait plus conforme à son contenu.
M. Antoine Léaument applaudit.
Cette proposition de loi ne vise pas à favoriser le droit au logement : il s'agit d'un texte antilocataires, qui n'a d'autre objectif que de défendre la propriété privée, entendue comme s'appliquant aux locaux à usage économique aussi bien qu'aux logements. À travers ce texte, vous affirmez que le droit des grands propriétaires de logements, de bureaux et de locaux commerciaux à spéculer doit l'emporter sur le droit au logement. C'est là un débat ancien, qui n'est pas clos.
Pour notre part, nous estimons au contraire qu'il faut inscrire le droit au logement dans la Constitution et que si son esprit est déjà présent dans les textes constitutionnels, il faut surtout garantir son effectivité par une politique qui ne vise pas à criminaliser les victimes de votre incurie en la matière…
…ni les personnes en situation d'impayé de loyer, qui subissent à la fois l'inflation et votre politique d'augmentation des loyers et de gel des salaires, quand il faudrait augmenter ces derniers !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je suis très fière que la majorité présidentielle ait défendu ce texte…
…issu d'une proposition de loi et des travaux de la commission des affaires économiques. Je me réjouis que notre rapporteur ait lutté pour le faire aboutir et pour réaffirmer un principe très simple : nous ne saurions régler la question du mal-logement par l'illégalité et par le squat. Je suis heureuse que nous soyons nombreux à nous exprimer en ce sens ce soir.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
…de la commission des affaires économiques – j'insiste sur ce dernier mot –, je maintiens mon amendement. Mme Simonnet lui reconnaissant visiblement le mérite de la cohérence, je l'invite à le voter.
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je terminerai en soulignant que, tout au long des débats, nous avons assisté à une mise en cause systématique des propriétaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR et Dem
et qu'on ne saurait considérer que la majorité d'entre eux répondent au portrait que vous en avez donné au cours de la discussion.
Ce n'est pas vrai ! Ce sont des explications de vote, finalement ?
Je ne sais pas si le rapporteur compte saluer la défense acharnée, par les députés de la NUPES, du droit des locataires ; j'en doute car, si vous n'avez pas l'économique honteux, vous avez manifestement le social honteux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RE, RN, et Dem.
Cette proposition de loi tend clairement à rompre l'équilibre entre le droit des locataires à disposer d'une habitation et le droit de propriété. Elle fragilise et criminalise les plus pauvres.
Nous pourrions aussi, quitte à changer le titre du texte, l'intituler : « La grande occasion manquée ».
Car il y a tant à faire pour le logement, qui constitue le premier poste de dépense des Français !
Vous n'aurez qu'à déposer une proposition de loi en ce sens la semaine prochaine !
Chacun le constate : les besoins en matière de rénovation, de construction, ou encore de mise à disposition de logements sociaux sont énormes. Vous auriez pu instaurer la garantie universelle des loyers et rendre l'argent – 1,3 milliard d'euros par an – que vous avez volé aux bailleurs sociaux. Vous auriez pu avoir de l'ambition. Seulement, tout qui vous intéresse, c'est de taper sur les plus pauvres.
Alors, à six jours du vote, je vous le demande, monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement : souhaitez-vous réellement que cette loi soit votre legs ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Protestations sur de nombreux bancs des groupes RE, RN, LR et Dem.
Il se fonde sur l'article 148 du règlement, relatif à la mise en ligne des pétitions sur le site de l'Assemblée. Une pétition ayant recueilli plus de 190 000 signatures – le cap des 200 000 sera bientôt franchi – en faveur de la dissolution des brigades de répression de l'action violente motorisées (BRAV-M) a été lancée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et Dem.
Pourrait-elle être davantage mise en avant sur le site internet de l'Assemblée ? Il s'agit, après tout, d'un sujet d'actualité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
J'entends bien, monsieur le député, mais ce n'est pas tout à fait l'objet du débat de ce soir.
L'amendement n° 143 n'est pas adopté.
Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote solennel sur l'ensemble du texte aurait lieu le mardi 4 avril, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance à neuf heures :
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 30 mars 2023, à minuit dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra