France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
En attendant l'arrivée de Mme la ministre de la transition énergétique, je suspends la séance.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant aux amendements n° 310 et identique, à l'article 1er D.
Je vous rappelle qu'un scrutin public a été annoncé sur ces amendements, ainsi que sur les amendements n° 351 , 591 et 592 et sur l'ensemble de l'article 1er D.
Par ailleurs, sur l'amendement n° 510 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Le présent amendement vise à supprimer l'alinéa 7 de l'article 1er D. Cet après-midi, vous avez rejeté mon amendement qui, en référence au discours de Belfort, visait à substituer au nombre de quatorze réacteurs nucléaires la mention de six réacteurs et l'étude de huit autres – vous avez préféré inscrire dans le texte le nombre de quatorze. Toutefois, l'article tel qu'il est rédigé vise à évaluer non seulement les conséquences de la construction de quatorze réacteurs pressurisés européens (EPR) mais également les capacités de production de réacteurs supplémentaires.
Je ne sais pas si vous voulez rejoindre le programme du Rassemblement national, qui envisage d'ouvrir vingt nouveaux réacteurs dans les quinze prochaines années, ce qui ne figure dans aucune prospective énergétique, mais il me semble qu'il faudrait revenir à un peu plus de raison, même si j'entends bien que vous récitez un mantra afin de redonner de la confiance dans une filière qui, pourtant, a montré ses défaillances.
Cet amendement vise donc à supprimer l'alinéa 7, je le répète, et à revenir à un peu de modération et de raison. Commencez déjà par ouvrir les quatorze nouveaux réacteurs et nous en reparlerons ensuite, notamment après la mise en fonctionnement de celui de Flamanville.
Cet amendement, analogue à celui de ma collègue Julie Laernoes, vise à supprimer l'alinéa 7 de cet article, qui prévoit d'étudier la possibilité de construire plus de réacteurs que les quatorze mentionnés à l'alinéa 1. Retraçons l'historique de ce chiffre, qui ne cesse d'évoluer : dans son discours de Belfort, le président Macron – c'était au cours du mandat précédent – avait promis la construction de six réacteurs et l'étude de huit additionnels. Après le passage du texte au Sénat, nous en sommes arrivés à quatorze EPR et neuf réacteurs supplémentaires. Enfin, à la suite d'un amendement du Gouvernement en commission des affaires économiques, nous en sommes à quatorze plus x. Nous pourrions y voir une forme de progrès et penser que vous avez renoncé aux neuf réacteurs supplémentaires mais, en vérité, vous n'avez renoncé à rien et nous ne savons toujours pas ce que signifie ce x.
Parmi les six scénarios élaborés par RTE – Réseau de transport d'électricité –, ma collègue Aurélie Trouvé vous a dit hier que vous aviez choisi le pire, le sixième, et ignoré les autres, notamment les trois premiers. En fait, vous inventez même un septième scénario sur un coin de table, car aucun des scénarios de RTE ne prévoit de construire quatorze réacteurs, voire davantage. Le PDG d'EDF, M. Luc Rémont, que nous avons eu le plaisir d'auditionner, a même affirmé qu'il ne pouvait pas s'engager sur la construction de plus de six réacteurs.
Nous continuerons donc à vous poser nos questions afin d'éclairer à la fois nos débats et les Français sur ce sujet majeur : comment comptez-vous construire plus de six réacteurs ? Combien d'heures d'ingénierie manque-t-il pour construire des EPR2 ? D'ailleurs, plutôt que de calculer en heures, ne faut-il pas l'estimer en jours, en semaines, en mois, en années ? Nous ne le savons pas.
Pouvez-vous nous indiquer dans combien de temps Framatome sera-t-il capable de produire en série les pièces maîtresses du réacteur, telles que la cuve ou le couvercle ? Enfin, s'agissant du financement, M. Rémont nous a précisé qu'il estimait le coût de construction des six réacteurs à 52 milliards d'euros. Sachant que celui de Flamanville, qui n'est pas de la même génération, en a déjà coûté 20,…
…combien cela coûtera-t-il aux Français de construire quatorze réacteurs, voire davantage ? Qui paiera à la fin ? Cela se traduira-t-il par une augmentation de la facture des Français, par un endettement supplémentaire d'EDF, par une hausse des impôts ou par un prélèvement sur l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) ? Répondez à ces questions qui éclaireront nos débats et renoncez à construire tous vos réacteurs. Surtout, renoncez à en construire en sus des quatorze déjà mentionnés à l'alinéa 1 de l'article.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements identiques.
Je me contenterai de répondre à la question posée par l'amendement, si cela ne vous embête pas.
Le chiffre que vous évoquez est issu d'un ajout du Sénat qui, dans le rapport qui sera remis au Parlement, demandait l'étude de neuf réacteurs en sus des quatorze mentionnés. Pourquoi neuf ? Très honnêtement, ce chiffre m'échappe complètement, d'autant que les tranches sont réalisées par paire. Le programme du Président de la République n'a pas changé : il prévoit la construction de six réacteurs EPR2 et l'étude de huit réacteurs supplémentaires. Néanmoins, il est toujours intéressant d'interroger la filière sur ses capacités – c'est ce qu'a fait Mme la secrétaire d'État récemment, je crois – et cela explique cette mention dans le texte. Je le répète, le programme du Président de la République, sur lequel nous nous sommes engagés dans nos circonscriptions respectives, n'a pas changé : il concerne la construction de quatorze EPR2.
La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
Cet alinéa représente une fuite en avant. Alors même que le PDG d'EDF déclare avoir signé pour six EPR et non pour quatorze, vous proposez d'inscrire dans la loi la possibilité d'aller au-delà de ces quatorze réacteurs. C'est quand même assez original ! Vous dites répondre à la question posée par l'amendement. Toutefois, les questions qui se posent pour la construction de quatorze réacteurs ou plus, se posent déjà pour les six premiers. Nous trouvons pour le moins hasardeux, puisque vous ne répondez pas sur ces six EPR, que vous vouliez vous engager sur huit réacteurs supplémentaires – voire je ne sais combien d'autres. Par ailleurs, le nouveau nucléaire sera-t-il géré par le même exploitant qu'actuellement ? La réponse apportée hier était très floue – et quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup.
Le coût de la construction des six premiers réacteurs est estimé à plusieurs dizaines de milliards. Or, si l'on se fonde sur le coût de celui de Flamanville, 280 milliards seraient nécessaires pour en construire quatorze. Qui va payer ? Le montant sera-t-il prélevé sur l'Arenh ? Imposerez-vous une nouvelle taxe sur les factures des Français ? Ponctionnerez-vous le livret A ? Ou aurez-vous recours à des financements privés, comme cela a été évoqué dans Les Échos, ou bien à des contrats d'achat d'électricité (PPA) comme l'a proposé la Commission européenne encore aujourd'hui ? En définitive, ferez-vous entrer les intérêts privés et les intérêts capitalistes – disons-le clairement – dans le financement de l'énergie nucléaire, ce qui serait très dangereux ? Voilà nos questions. Elles valent pour six réacteurs, pour quatorze et évidemment pour davantage encore.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes des législateurs ; nous ne sommes donc pas ici pour faire des annonces et communiquer sur la relance du nucléaire. Ce n'est pas notre fonction première, qui est de légiférer. Nous ne devons donc pas inscrire dans un texte de loi des éléments qui ne figurent ni dans les prospectives énergétiques ni dans les scénarios demandés sur lesquels nous devrions être amenés à nous prononcer. Vous contournez le débat en inscrivant dans le texte le nombre de quatorze réacteurs, ce qui ne fait même pas partie du programme du Président de la République.
Non ! Le programme prévoit d'étudier la construction de huit réacteurs qui viendraient s'ajouter aux six initiaux, ce qui n'est pas du tout la même chose ! Le fait de mentionner, dans votre fuite en avant, le nombre de quatorze réacteurs, auxquels vous ajoutez maintenant la mise à l'étude de réacteurs supplémentaires, est totalement hallucinant compte tenu de la réalité – ces chiffres ne figuraient dans aucun programme électoral, à part celui du Rassemblement national.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Si vous voulez suivre le modèle des climato-négationnistes pour diriger la politique énergétique ,
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 20
Contre 96
L'amendement n° 282 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 351 de M. Pierre Meurin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable également.
Je ne sais pas pour quelle raison le Rassemblement national ne défend plus ses amendements. Peut-être pour que le projet de loi ne puisse pas être débattu ?
L'amendement vise à rajeunir le parc de centrales nucléaires qui est, en effet, vieillissant. Il dresse la liste des années de construction des différents réacteurs : l'âge moyen de ceux-ci est actuellement de 37 ans. Par ailleurs, parmi ceux de la dernière tranche, figurent deux des réacteurs sur lesquels ont été observées les fissures les plus importantes, d'une ampleur inégalée.
Ce qui signifie que le problème n'est pas qu'une question d'âge ; il tient aussi aux capacités de la filière et aux malfaçons qui sont apparues sur certaines soudures. Nous voterons bien évidemment contre cet amendement, qui n'a aucune portée réelle.
Mme Sandra Regol applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 38
Contre 82
L'amendement n° 351 n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l'amendement n° 39 .
Il vise à ajouter à l'article l'alinéa suivant : « Le rapport fait état des tendances mondiales, notamment européennes, s'agissant de la production d'énergie nucléaire et de la concurrence internationale dans ce secteur. » Pourquoi ? Nous constatons dans nos débats depuis hier une forme de cécité, voire un déni, sur le fait que nous évoluons dans un contexte de concurrence mondiale en matière de nucléaire. Il s'agit d'une industrie, qui fait partie de l'économie – cela implique la compétence.
Il serait donc intéressant d'éclairer la représentation nationale et les collègues qui ont du mal à comprendre les enjeux du nucléaire…
…sur le fait que la France ne vit pas sous cloche et que l'évolution de cette technologie et de la filière répond à des enjeux européens et internationaux très forts. De grandes puissances viennent en concurrence, telles que les États-Unis, la Russie,…
…la Chine ou encore la Corée du Sud, et font partie des leaders. Soyons heureux et fiers que la France soit l'un de ces leaders du nucléaire et, surtout, le demeure. C'est pourquoi il serait intéressant d'expliciter ce type de considérations dans le rapport.
Même avis.
Je sais que la ministre n'aime pas les rapports, et ne veut pas gaspiller du temps et de l'énergie pour en produire. Je répondrai donc plutôt à notre collègue : les tendances internationales en matière de nucléaire se cassent la gueule.
Vous pourriez relever la vulgarité de certains députés, madame la présidente !
Environ 400 réacteurs sont en fonctionnement dans le monde, et il y a davantage de réacteurs qui ferment que de réacteurs qui ouvrent. Si nous devions remplacer toutes les capacités de production thermiques par du nucléaire, il faudrait fabriquer 2 000 réacteurs nucléaires – or je vous rappelle qu'il n'en existe que 400, et que la tendance est à la baisse. Je viens de vous faire gagner un peu de temps !
Par ailleurs, si nous utilisions tout l'uranium disponible sur terre pour fabriquer de l'électricité pour la planète entière, nous en aurions pour une vingtaine d'années. Le nucléaire n'est pas une solution d'avenir : je vous ai fait économiser du temps et de l'énergie !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous voterons l'amendement de notre collègue, qui nous paraît de bon aloi. J'aimerais toutefois vous adresser deux questions complémentaires.
Une concurrence s'exerce sur des réacteurs semblables à l'EPR, mais ayant une puissance moindre. Quelle solution vous semble la plus pertinente ? Cela renvoie à un amendement du groupe Les Républicains – qui a peut-être été discuté cet après-midi, quand j'étais absent –, invitant à mener une réflexion sur les réacteurs. Dans le cadre du débat sur la concurrence, nous devrions nous intéresser aux choix des autres acteurs : sont-ils différents des nôtres, et sont-ils pertinents ?
Je m'interroge par ailleurs sur la réactivation du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom). J'ai déposé des amendements à ce sujet, mais ils ont été jugés irrecevables – je le signale non pour polémiquer, mais parce que la question est importante. Pour rappel, le traité Euratom a une valeur juridique identique aux deux autres piliers de la construction européenne, à savoir le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE), et la politique étrangère et de sécurité commune (Pesc). Or le traité Euratom est mort-né, notamment à cause de l'Allemagne. Il n'est mobilisé que dans une certaine mesure en matière de radioprotection et par quelques laboratoires de recherche. Ne serait-il pas opportun de relancer une coopération libre entre partenaires européens ? Je pense en particulier à l'Italie, qui est confrontée à des enjeux de souveraineté énergétique dramatiques, et qui pourrait être volontaire pour travailler sur un réacteur de quatrième génération.
L'amendement n° 39 est adopté.
La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir l'amendement n° 510 .
Les besoins en électricité augmenteront fortement dans les prochaines décennies, du fait de la numérisation généralisée de la formation et des secteurs professionnels, et de la volonté insatiable de Bruxelles – soutenue par votre gouvernement – d'imposer le tout-électrique dans l'automobile et les transports en commun. Ajoutons à cela la sortie programmée des énergies fossiles, qui représentent encore 7,5 % de notre production électrique : il faudra les compenser par une énergie décarbonée, indépendante et non intermittente.
En parallèle du travail relatif au nucléaire, nous devons prendre en considération la consommation nécessaire à la réindustrialisation du pays : c'est un enjeu vital pour notre économie, défendu depuis des années par Marine Le Pen et par le Rassemblement national. D'après le gestionnaire RTE, la consommation électrique pourrait augmenter jusqu'à 90 % si une vraie politique de réindustrialisation était menée en France. Nous devons en tenir compte.
Par cet amendement, nous demandons que le rapport du Gouvernement étudie la capacité de la France à produire suffisamment d'électricité pour répondre à l'impératif de réindustrialisation. Le chiffre que nous avançons, 95 gigawatts installés à l'horizon de 2050, correspond à une augmentation de 30 % de la capacité nucléaire, et ne représenterait que 50 % du mix électrique nécessaire dans un scénario de réindustrialisation. Cette question mérite d'être étudiée. Aussi vous demandons-nous de voter cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je n'entrerai pas dans les hypothèses de consommation que vous avancez. Je note en revanche que pour une fois, vous ne parlez pas en pourcentage mais en puissance – c'est déjà un grand progrès.
J'ai le sentiment que vous mettez la charrue avant les bœufs. Quand Pierre Messmer a lancé le programme électronucléaire français, il n'a pas lancé les cinquante-huit réacteurs d'un seul coup. Nous en avons parlé en commission : un contrat de programme initial a été lancé, le CP0 ; sa réussite a conduit au suivant, le CP1, dont le succès a lui-même conduit au CP2. Si nous arrivons déjà à lancer avec succès la construction et le couplage au réseau de quatorze réacteurs, nous pourrons envisager la suite. Je comprends que vous vouliez y réfléchir, mais cela me semble prématuré.
« C'est inquiétant ! » sur les bancs du groupe RN.
Défavorable.
Par cet amendement, le Rassemblement national manifeste ses atomes crochus avec la minorité présidentielle, en voulant déployer des réacteurs au-delà du raisonnable. Je ne peux m'empêcher de souligner que, tout à l'heure, un député de ce groupe a remis en cause la nocivité de la radioactivité, au motif que quand il y a du soleil, il y a du rayonnement. Que préconisez-vous en cas de bombe atomique : de la crème solaire ? Notre collègue a l'air au point : qu'il nous éclaire !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Plus sérieusement, je réitère ma question au sujet des pilules d'iode. La dernière campagne de distribution de ces pilules dans un rayon de 10 à 20 kilomètres autour des centrales a été un fiasco : seuls 25 % des riverains concernés les ont effectivement reçues. De fait, 1,5 million de Françaises et de Français vivent à proximité d'une centrale nucléaire mais n'ont pas eu leur petite pilule. Nous attendons toujours une réponse du Gouvernement : quel plan est prévu pour résoudre ce problème, surtout si de nouveaux réacteurs sont construits ?
Il est essentiel d'étudier – comme nous le faisons – des hypothèses sur les besoins de production d'électricité à long terme. D'ailleurs, vous reconnaissez vous-même qu'il faut du temps pour lancer des programmes de centrales nucléaires. L'objectif de réindustrialisation oblige lui aussi à se projeter dans le temps. Il est donc contradictoire que vous rejetiez notre amendement. Le plan Messmer s'est certes décliné en plusieurs paliers, mais par-delà ces étapes, il visait un objectif d'industrialisation et de poursuite de la prospérité économique. Le plan Marie Curie que nous avons proposé comporte pour sa part trois paliers. Notre démarche est donc logique.
Vous le savez pertinemment, madame la rapporteure : si nous n'avions pas des hypothèses ambitieuses de construction de réacteurs, vous nous reprocheriez, à juste titre, de promettre aux Français dix points de réindustrialisation dans les trente prochaines années, sans prévoir les capacités de production électrique afférentes. Vous ne pouvez pas nous reprocher tout et son contraire – n'y voyez pas une critique ; je vous explique simplement les tenants et les aboutissants de notre amendement. Dès lors que nous voulons réindustrialiser la France à hauteur de dix points de PIB, il est normal que nous prévoyions des capacités de production électrique cohérentes.
Enfin, vous n'avez pas répondu, hier, à une question essentielle : l'effet falaise – qui commencera en 2040 si les réacteurs ne sont pas prolongés ou ne peuvent pas l'être – n'est pas compensé par le plan prévoyant six réacteurs, et ne l'est qu'en partie par le plan qui en prévoit quatorze – sachant que, dans ce cas, un effet falaise se fera sentir à partir de 2050. Ce qui compte avant tout est certes de lancer des réacteurs dès à présent, mais vous ne pouvez pas balayer du revers de la main le fait que notre nation doive se projeter dans les trente prochaines années, et installer des capacités nucléaires suffisantes pour répondre à des besoins industriels nettement plus importants qu'aujourd'hui.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 170
Nombre de suffrages exprimés 166
Majorité absolue 84
Pour l'adoption 49
Contre 117
L'amendement n° 510 n'est pas adopté.
Il vise à accélérer le formidable potentiel de développement de l'hydrogène vert issu du nucléaire. En parallèle de la relance de la filière nucléaire, nous avons l'occasion de convertir la production actuelle d'hydrogène, polluante, en production décarbonée. Cela devrait plaire aux députés Écolo des bancs d'en face, mais on connaît leurs préjugés antinucléaires !
Un million de tonnes d'hydrogène sont consommées en France, essentiellement par l'industrie. Nous proposons d'installer des électrolyseurs à hauteur de 6 à 8 gigawattheures avant 2027, ce qui constituera une accélération par rapport au plan « hydrogène » du Gouvernement. Ces électrolyseurs seront alimentés par l'électricité de base, essentiellement nucléaire : cela rehaussera mécaniquement le facteur de charge des réacteurs. Selon les estimations, la production de 1 million de tonnes d'hydrogène par ce procédé nécessiterait, à terme, 50 térawattheures par an. Je n'aurai pas la cruauté de demander à la NUPES comment elle compte parvenir à un résultat équivalent avec ses saintes éoliennes !
Ce dispositif présenterait de surcroît un grand intérêt pour les bassins industriels importants, demandeurs d'hydrogène, situés à proximité de centrales – je pense par exemple à celle de Gravelines. Je ne doute donc pas que sur l'ensemble des bancs, vous voterez en faveur de l'accélération de la production d'hydrogène décarboné, à la faveur de la relance du nucléaire : faisons d'une pierre deux coups !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Défavorable. Le débat est intéressant, mais reconnaissez que vous vous éloignez pour le moins du sujet. À force d'ajouter des chapitres, ce n'est pas un rapport que nous obtiendrons, mais une thèse !
Défavorable. Vous parlez de production d'hydrogène à l'horizon de 2027, mais nous construisons des réacteurs à l'horizon de 2035-2037 : votre amendement comporte donc un hiatus.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 159
Nombre de suffrages exprimés 155
Majorité absolue 78
Pour l'adoption 50
Contre 105
L'amendement n° 591 n'est pas adopté.
La société Orano Recyclage – anciennement Orano Cycle – a créé une usine sur son site de La Hague, dénommée UP3-A, en application de l'arrêté du 24 décembre 2020. Afin de renforcer les objectifs de retraitement des déchets prévus par le projet de loi, et alors que la France exporte une part importante de ses déchets – notamment en Russie, dans le cadre d'un accord avec Rosatom –, cet amendement a pour objet de renforcer les capacités françaises de retraitement. Ce faisant, il vise une plus grande souveraineté énergétique de la France : sans usine de retraitement des déchets nucléaires sur notre sol, notre souveraineté ne saurait être totale.
Notez que cet amendement est doublement écologique, puisqu'il vise à augmenter nos capacités de retraitement des déchets et à limiter les exportations de ces derniers à travers l'Europe, dans une logique de circuit court.
Je reconnais qu'il est nécessaire d'enrichir l'uranium de retraitement (URT) en France, pour obtenir de l'uranium de retraitement enrichi (URE) ; je serais d'ailleurs favorable à ce que nous avancions dans ce domaine sur le plan industriel. Cet aspect est déjà intégré dans le rapport, puisque nous prenons en compte les déchets tant en amont qu'en aval. Votre amendement est donc satisfait. J'en demande le retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Défavorable, pour une raison simple : cette question fait l'objet d'études qui seront publiées à la fin de l'année, avec différents scénarios. Nous ne pouvons donc pas vous répondre favorablement dans les délais impartis au rapport : nous ne disposerons alors que d'une première vision. Comme je l'ai annoncé, nous travaillons actuellement sur notre capacité à accompagner nos partenaires européens, en aval comme en amont.
J'en profite pour répondre à M. Tanguy au sujet du traité Euratom. J'ai réuni onze pays européens pour créer une alliance européenne du nucléaire, qui s'appuiera notamment sur les coopérations envisagées dans ce traité. De telles coopérations sont en cours en matière non seulement de sûreté nucléaire, mais aussi de SMR – petits réacteurs modulaires – de nouvelle génération. Euratom n'est donc aucunement un traité mort-né ; il est bien actif.
Plusieurs autres pays sont en train de nous rejoindre ; curieusement, ce n'est pas encore le cas de l'Italie, mais j'espère qu'elle ne nous oubliera pas.
Compte tenu des arguments de bonne foi que vous venez de développer, je retire l'amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'amendement n° 592 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 191
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue 96
Pour l'adoption 153
Contre 38
L'article 1er D, amendé, est adopté.
Il est primordial de respecter les deniers publics. L'amendement vise donc à ce que la Cour des comptes évalue chaque année les coûts de fonctionnement et d'investissement, les moyens humains et les modalités de financement de la production d'énergie nucléaire issue de la construction des EPR. En cas de dépassement égal ou supérieur à 10 % des coûts prévus – ce qui semble se produire assez souvent –, la Cour des comptes publiera également une déclaration explicite en ce sens.
Pour illustrer ce risque de dépassement des coûts, je pourrais citer de nombreux EPR. Celui d'Olkiluoto, en Finlande, construit par Areva, constitue un exemple criant de manque de rentabilité. La construction des deux EPR de Taishan a démarré avec cinq ans de retard et leur rentabilité n'est toujours pas démontrée. Le coût du projet d'Hinkley Point, initialement estimé à 18 milliards de livres sterling, vient d'être réévalué à 32 milliards de livres – l'homothétie entre Hinkley Point et Flamanville n'a rien de fortuit. Oui, jamais aucun projet industriel n'a connu de telles dérives financières.
Respecter les deniers publics, c'est important, particulièrement dans un contexte de crise économique, quand de telles gabegies portent directement atteinte au budget des Français. En effet, c'est peut-être l'épargne des Français qui sera bientôt investie dans le gouffre financier qu'est le projet nucléaire. Le respect que nous devons à nos concitoyens exige au moins que la Cour des comptes contrôle le coût de ce programme et les informe des dérives des coûts de construction. Cela relève du simple pragmatisme.
L'amendement de repli n° 422 vise à produire la même obligation déclarative à partir non plus de 10 % mais de 20 % de surcoût.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Défavorable, car ils sont satisfaits : nous suivons les coûts des projets de construction.
Je salue ces amendements qui permettent de poser à nouveau la question des coûts de cette relance à marche forcée du nucléaire. Combien coûteront les quatorze EPR2 ? Je rappelle que le budget de 3,3 milliards d'euros initialement promis pour le projet de Flamanville a finalement atteint près de 20 milliards. Nous sommes en droit de nous interroger. Combien coûteront ces constructions ? Combien coûtera le grand carénage, c'est-à-dire la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de quarante ans ? La Cour des comptes a évoqué un budget de 100 milliards d'euros à l'horizon de 2030, mais la récente épidémie de fissures dues à la corrosion sous contrainte change la donne – combien cela va-t-il coûter ?
Puisque vous vous engagez dans cette relance sans aucun débat public, la moindre des choses serait de fournir à la représentation nationale les éléments nécessaires pour l'étudier. Combien coûtera-t-elle ? Qui la paiera ? On parle de prélèvements sur le livret A, qui, pour l'instant sert principalement à financer le logement social ; les factures des familles, des entreprises ou des collectivités exploseront-elles ? Qui paiera et combien ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En commission, nous avons adopté cet article consistant en une demande de rapport relatif aux besoins en formation créés par la relance du nucléaire. La formation est une condition sine qua non pour réussir le chantier de ce siècle, aussi le groupe Démocrate est-il favorable à cette demande de rapport. Madame la ministre, pourriez-vous nous en dire plus long sur la stratégie que vous entendez mettre en œuvre en la matière, afin d'éclairer notre assemblée sur les pistes actuellement étudiées ?
D'autre part, nous savons que les parcours de formation doivent être davantage adaptés ; qu'en est-il de votre position sur un éventuel retour au modèle des écoles de métiers, telles qu'il en existait dans les années 1980 et 1990 ? Il me semble en effet que ce modèle est pertinent lorsqu'il s'agit des corps de métiers de la filière nucléaire.
J'ai fait adopter cet article en commission, fort de l'expérience que m'a donnée la préparation de la construction des deux EPR de Penly. Nous le savons, il est nécessaire de renouveler les savoir-faire, car la filière nucléaire a été siphonnée, voire abandonnée, entraînant la déperdition de compétences. La perspective de la relance nucléaire implique donc non seulement qu'on mobilise la formation professionnelle, mais aussi qu'on permette à l'éducation nationale d'anticiper les besoins en matière de formation initiale, du collège à l'université.
Outre les besoins liés à la relance de la filière, j'ai également insisté en commission sur la nécessité d'identifier les besoins en matière de préservation des savoir-faire industriels dans les bassins de vie concernés. À défaut, la filière nucléaire risque de siphonner les entreprises limitrophes des chantiers. Dans ma circonscription, le pôle verrier – la « Glass vallée » –, qui représente 7 000 emplois et 70 entreprises, ou encore le pôle automobile, seront concurrencés, si l'on n'y prend garde, par les salaires proposés ou par la nature même des emplois créés dans la filière nucléaire.
Il est donc urgent que les services de l'éducation nationale – le ministère et le rectorat – s'emparent de cette question. Pour l'instant, même si des initiatives voient le jour, comme la création récente d'une école de robinetterie et d'une école de soudure, l'éducation nationale est à la remorque. Il faut une impulsion de l'État. C'est pourquoi je sollicite l'implication du Gouvernement en la matière.
Sur l'article 1er E, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre.
Je voudrais apporter des précisions quant au travail entamé par le Gouvernement sur cette question dont Mme Morel et M. Jumel ont souligné le caractère essentiel. Nous avons annoncé le lancement d'un « plan Marshall des compétences », engagé dès 2019 en ce qui concerne la filière nucléaire, à l'occasion de la signature du contrat stratégique de filière. La filière nucléaire nous présentera le 15 avril un état des lieux des besoins, compétence par compétence, et en mai sa feuille de route en matière de formation.
Je rappelle que nous avons engagé la même démarche pour la filière des énergies renouvelables, en parallèle de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, que nous aurions souhaité voir voter par certains qui, ouvertement opposés au nucléaire, ne proposent pourtant pas d'autre solution et ne votent pas les lois qui leur en offrent.
Protestations sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Dans le cadre de la réindustrialisation du pays, l'enjeu consiste donc à nous doter d'un outil de formation destiné à présenter aux jeunes tout au long du parcours de formation, du baccalauréat professionnel au diplôme d'ingénieur ou au postdoctorat, ces métiers et les possibilités qu'ils offrent. Nous envisageons la création de plus de 100 000 emplois pour la seule filière nucléaire : il faudra donc consentir un énorme effort en matière de formation initiale des jeunes et d'accompagnement à la reconversion.
Je sais que Mme la rapporteure n'apprécie pas les amendements aux articles portant sur une demande de rapport, mais en l'occurrence, leur nombre est limité ; je tenterai donc ma chance.
L'amendement vise simplement à étendre un peu le champ du rapport. Comme l'a indiqué le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans son rapport du 13 janvier 2022, les métiers des énergies renouvelables, notamment leur branche industrielle – je ne m'écarte pas de l'industrie – demeurent en tension. Ces filières pourtant pourvoyeuses d'emplois rencontrent de réelles difficultés pour trouver des candidats. Vos orientations très favorables à la relance du nucléaire pourraient conduire à l'asséchement du marché de l'emploi des énergies renouvelables, mettant ainsi en difficulté leur déploiement, faute de main-d'œuvre et de carrières stables, dans lesquelles on puisse se projeter. Or la planification écologique sérieuse passe aussi par le bon dimensionnement de la politique de formation et par la préservation des filières des énergies renouvelables. Le groupe écologiste appelle donc à soutenir l'emploi qualifié et bien rémunéré, qui peut encore largement progresser dans le secteur du renouvelable.
L'amendement tend à évaluer les moyens qu'il faudra mobiliser pour répondre aux besoins de formation dans les filières énergétiques, qu'il s'agisse de la filière nucléaire ou des filières des énergies renouvelables. Vous affirmez souvent que la politique énergétique de la France doit avancer sur ces deux jambes ; par cet amendement, nous tâchons d'éviter qu'une des deux jambes ne fasse un croche-pied à l'autre.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Défavorable, car cet amendement est hors sujet. De la même manière, j'ai rendu un avis défavorable aux amendements qui traitaient de l'hydrogène, ce qui ne signifie pas que nous sommes contre la recherche sur l'hydrogène, mais qu'il faut rester dans le champ du texte, qui concerne le nucléaire.
Quant à l'idée que les métiers des énergies renouvelables risquent de souffrir de la concurrence avec les métiers du nucléaire, je ne la trouve pas convaincante. Les compétences, les qualifications et les sites géographiques concernés sont en effet très différents. Le risque n'est pas nul, mais il me paraît bien plus faible que le risque évoqué par M. Jumel, qui soulignait l'attractivité qu'un chantier nucléaire peut représenter, par exemple, pour des soudeurs travaillant à proximité, dans le même bassin d'emploi.
J'ai indiqué dans mon propos introductif – mais peut-être n'étiez-vous pas pleinement attentifs – que le travail que vous demandez, relatif à l'évaluation des besoins de formation pour le secteur des énergies renouvelables, est en cours. Il prendra plus longtemps que le plan analogue concernant le nucléaire, qui, lancé en 2019, aboutira en avril 2023. En effet, les métiers des énergies renouvelables représentent dix filières distinctes – éolien marin, éolien flottant, photovoltaïque, etc. –, et l'évaluation des besoins démarre à peine. Il n'est donc pas cohérent de fixer à ce travail un délai de six mois, comme vous le proposez.
Je tiens néanmoins à vous rassurer : votre amendement est satisfait, car le processus que vous demandez est déjà engagé. Il fait partie des sujets abordés lors des réunions mensuelles avec les acteurs des énergies renouvelables, qui permettent également d'évoquer leur capacité industrielle à répondre aux objectifs de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dont nous regrettons profondément que vous ne l'ayez pas votée.
Je soutiens cette demande d'élargissement, car l'ouverture du rapport à l'ensemble du secteur de l'énergie ne changerait pas grand-chose à son objectif. Mon territoire, la Manche, exploite les énergies renouvelables, notamment les énergies marines, ce qui n'empêche pas que l'industrie nucléaire y soit fortement implantée. Je me réjouis d'entendre que vous menez un travail d'évaluation des besoins de formation, mais force est de constater que nous sommes très en retard. La relance du nucléaire est envisagée de longue date, et notre travail relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) nous a permis de fixer des orientations claires en matière d'énergies renouvelables : nous aurions dû traiter bien plus tôt la question de la formation !
Il est temps d'avancer en coordonnant les différentes filières de l'énergie : dans mon territoire, ces filières coexistent, et les industriels se sont organisés pour offrir la formation que l'éducation nationale n'a pas su proposer à ceux qui souhaitaient travailler dans ces métiers. Il s'agit non d'attiser la concurrence entre les énergies renouvelables et le nucléaire, mais de permettre, au contraire, le passage d'un secteur à l'autre. C'est d'autant plus important que la fin d'un projet est souvent l'occasion d'un changement de filière.
J'ai relevé plusieurs inexactitudes dans les propos de Mme la ministre et de Mme la rapporteure. Lors de l'examen de la loi sur les énergies renouvelables, nous avions proposé plusieurs amendements tendant à retirer la mention de l'hydrogène bas-carbone, qui introduisait le nucléaire et le soutien à cette filière dans une loi sur les énergies renouvelables où il n'avait pas à figurer. Vous avez introduit le nucléaire dans la loi sur les énergies renouvelables, mais vous refusez de mentionner les énergies renouvelables dans le projet de loi en examen, quand nous abordons la question de la formation.
Il faut accroître les compétences en matière d'énergie. Mme la rapporteure, dois-je vous apprendre que les énergies renouvelables sont décentralisées ? Mais peut-être ai-je employé un gros mot, car vous considérez qu'il faut tout centraliser. Par essence, elles sont décentralisées et elles concernent les bassins d'emploi de tous nos territoires.
Quoi qu'il en soit, pour fabriquer une turbine, qu'elle serve dans le nucléaire ou dans les énergies renouvelables, on a besoin de compétences. C'est pourquoi l'amendement n° 175 présenté par Mme Belluco est un amendement de bon sens. Vous soutenez que vous ne mettez pas en concurrence le nucléaire et les énergies renouvelables, mais on a l'impression que vous favorisez uniquement le premier et jamais les secondes.
Enfin, vous pouvez rappeler – et cela montre la vacuité de vos arguments – que les écologistes se sont abstenus sur la loi sur les énergies renouvelables. Nous l'avons fait pour une bonne raison : vous avez refusé tous les amendements qui pouvaient améliorer ce texte loi et vous avez ajouté de nombreuses contraintes à la définition des énergies renouvelables.
Il faudra mesurer les effets de cette loi, mais nous craignons qu'elle ne serve absolument pas à accélérer l'émergence de la filière des énergies renouvelables dans nos territoires. Dans ce domaine, l'État français accuse plus de retard que tous les autres pays européens. Peut-être le tout-nucléaire y est-il pour quelque chose.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le mix électrique de la France est l'un des plus décarbonés d'Europe. Pour le climat, c'est tout ce qui compte.
« Eh non ! » sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'amendement n° 175 n'est pas adopté.
Madame la ministre, vous nous avez dit que faire l'inventaire des compétences liées au nucléaire ne servait à rien. Je pense au contraire qu'il faut créer un environnement favorable en prenant en considération toutes les dimensions pour relancer le nucléaire.
J'ai interrogé à nouveau les spécialistes de la filière soudure dont j'ai parlé hier soir et sur laquelle je reviens avec l'amendement n° 590 . Vous avez soutenu qu'un plan de relance était prévu pour ces formations, mais ce ne sont que des promesses.
Je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à mépriser et à rejeter les amendements de bon sens. Cela trahit simplement une incompétence érigée en méthode.
Veuillez prendre conscience de l'importance des formations telles que la soudure et les réintégrer au compte personnel de formation (CPF).
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La rédaction proposée mentionne les « besoins de formation et de compétences » de manière générale. Oui, on a besoin de soudeurs, mais on a aussi besoin de mécaniciens, de robinetiers, de chimistes, de personnes pouvant assurer la protection des sites. Les compétences d'un centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) vont bien au-delà de la seule question des soudures et des chaudronniers, même si l'on en parle beaucoup. La rédaction actuelle est beaucoup plus adéquate aux besoins réels que celle que vous proposez.
Madame Menache, vous ne m'avez sans doute pas écoutée.
J'ai précisément dit, en répondant à Mme Morel, que nous travaillions sur un plan Marshall des compétences, que la filière nous remettrait un rapport le 15 avril prochain et que nous présenterons un plan d'action en mai. Ce plan concerne les bac pro, les bac + 2, les techniciens, les ingénieurs et les post-doc. Comme vous pouvez l'imaginer, parmi les bac pro il y a notamment les soudeurs. Je suis un peu surprise que vous suiviez si peu les débats que vous me prêtiez des mots exactement contraires à ceux que j'ai prononcés à l'instant.
L'avis du Gouvernement est donc évidemment défavorable. La première forme de mépris consiste à ne pas écouter ce que les autres disent dans cet hémicycle.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
L'amendement n° 590 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sylvain Carrière, pour soutenir l'amendement n° 415 .
Nous voulons par cet amendement compléter la proposition de nos camarades communistes. Vous le savez, nous ne voulons pas du nucléaire en France pour bien des raisons : l'accès à l'eau rendu incertain, la cible que les réacteurs constituent en cas d'attaque et le mirage d'une énergie illimitée et propre que véhicule le nucléaire.
Cependant, la formation est nécessaire et l'ensemble des professionnels du nucléaire nous a fait part d'un véritable problème de compétences au sein de la filière. Les annonces contradictoires des pouvoirs publics n'y sont pas pour rien.
Les députés du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale ont à cœur que les ingénieurs et techniciens énergéticiens de demain n'aient pas une unique compétence basée sur le nucléaire mais qu'ils puissent s'adapter à tous les choix politiques qui pourraient être pris dans les années à venir. Ils doivent être compétents pour les opérations de démantèlement qui se produiront nécessairement au cours de leur carrière mais aussi développer une connaissance des énergies renouvelables qui sont les plus sûres et dont notre objectif est qu'elles constituent la majeure partie du mix électrique à l'horizon de 2050. Dès lors, nous voulons compléter les dispositions du rapport prévu à l'article 1er E en y intégrant la dimension de conversion professionnelle dans l'objectif d'une sortie du nucléaire.
Il y va de la santé de nos populations, de la sécurité professionnelle de nos ingénieurs et techniciens mais aussi des capacités d'adaptation de notre pays en cette heure d'instabilité énergétique et de défi écologique sans précédent. Nous voterons donc l'article 1er E si l'amendement est adopté. Dans le cas contraire, nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Avis défavorable. Je ne vous étonnerai pas en déclarant que nous ne projetons pas une sortie du nucléaire. L'objectif est précisément que les femmes et les hommes qui travaillent dans cette filière continuent d'y travailler dans dix, vingt ou trente ans.
En outre, c'est ce qu'ils souhaitent eux-mêmes. En effet, les salariés du nucléaire sont très fiers de leur filière…
…et de leur outil de travail. Ils sont fiers de se lever tous les matins pour travailler au service public de l'électricité, pour faire tourner une machine qui nous permet à tous de nous alimenter chaque jour en électricité. Ils travaillent dur.
Alors, vous pourriez les remercier au lieu de les faire travailler davantage !
J'ai déjà eu l'occasion de le dire : ce sont des générations d'ouvriers, de techniciens et d'ingénieurs qui font la fierté du service de l'électricité à la française. C'est ce qu'il faut valoriser au lieu de préparer leur sortie.
Avis défavorable.
Quand on respecte les salariés d'EDF, on ne les force pas à travailler deux ans de plus en détruisant leur statut.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je rappelle qu'un certain nombre d'entre eux sont en grève et ont la main sur les gigawattheures produits dans le pays – c'est de votre faute et non de la nôtre.
Par ailleurs, ce n'est pas nous qui avons inventé l'Arenh qui explique une bonne partie de la dette d'EDF. C'est vous qui avez décidé de le prolonger et de le graver dans le marbre à l'occasion de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
Enfin, pour revenir à l'amendement n° 415 , vous voulez construire de nouvelles centrales – on l'a compris – et prolonger les centrales existantes et vieillissantes de dix, vingt, ou trente ans, je ne sais pas, pour éviter l'effet falaise. Toutefois, ces centrales finiront bien par fermer. Il faudra donc former aussi des gens pour les démanteler, car pour l'instant on ne sait pas comment faire. Or il faudra le faire sérieusement et non dans l'improvisation. Cela doit faire partie de la formation.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Sourires sur les bancs du groupe Écolo – NUPES
je ne voterai pas cet amendement, car je pense que l'objectif qui nous est assigné est bien de construire un mix énergétique équilibré et intelligent dans lequel la relance de la filière nucléaire doit prendre place.
Je saisis l'occasion d'interpeller la rapporteure et la ministre sur un sujet qui nous est cher. Nous pensons que l'un des enjeux d'attractivité des métiers réside dans la préservation du statut des électriciens gaziers que vous avez décidé de défoncer dans votre projet de mauvaise réforme des retraites.
Nous pensons non seulement qu'il faut le préserver car c'est un élément d'attractivité mais même qu'il faut l'élargir aux métiers des sous-traitants
M. Matthias Tavel applaudit
qui doivent être protégés à la faveur de la restructuration d'une filière que nous voulons réactiver et développer.
Je m'en serais voulu de ne pas vous dire à cette occasion l'attachement que nous avons au statut des électriciens gaziers. Je tiens à réaffirmer le rôle essentiel de ce statut, lequel est non un privilège mais la condition sine qua non du maintien d'un haut niveau de qualification et d'expertise de ceux qui, en faisant tourner les machines, rendent accessible au quotidien ce bien commun de première nécessité qu'est l'énergie.
Je vais prendre le temps de vous répondre.
Monsieur Jumel, je ne vais pas rouvrir la question du statut des industries électriques et gazières (IEG).
Nous avons eu de longues soirées pour en débattre. J'entends votre point de vue.
Je ne veux pas recommencer le débat, mais simplement vous faire part d'une expérience personnelle. Je suis entrée dans les IEG en 2014, à 23 ans. C'était pendant le quinquennat de François Hollande et l'on envisageait une sortie du nucléaire. Quand j'ai décidé d'entrer chez EDF, personne ne m'a dit : « Super, tu vas travailler dans le nucléaire. » À l'époque, les gens me disaient : « Comment feras-tu quand on aura fermé toutes les centrales ? » Voilà quel message on transmettait à la jeune génération. Je ne prétends pas que ce sera le seul déterminant de l'attractivité, mais nous sommes nombreux à vouloir envoyer un autre message aux jeunes générations par ce projet de loi et par nos prises de position : « Le nucléaire c'est l'avenir. Ces métiers sont des métiers d'avenir, donc allez-y. » Ce message me paraît au moins aussi important que la question du statut.
Monsieur Laisney, franchement, je m'étonne de vous entendre défendre les salariés d'EDF alors que ça fait vingt ans que matin, midi et soir, vous demandez la fermeture de leurs usines, la fin de leur emploi et celle de leur outil de production !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, RN et Dem.
Ce sont des gens qui sont enracinés dans les territoires ; ils ont souvent commencé très tôt dans ces usines ; ils témoignent d'un attachement à leur outil de travail que l'on voit dans peu d'industries. Vous devriez avoir honte de faire mine de les défendre comme vous le faites aujourd'hui.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
L'amendement n° 415 n'est pas adopté.
L'amendement vise à réaffirmer au sein de l'article 1er E la souveraineté énergétique de la France. Cet article prévoit que le Gouvernement remette un rapport concernant les moyens mobilisés pour que le système éducatif et la formation professionnelle répondent aux besoins de formation et de compétence de la filière industrielle nucléaire dans les trente prochaines années. Il me semble important de réaffirmer en cet endroit qu'il s'agit aussi en répondant à ces besoins « d'assurer la souveraineté énergétique de la France ».
Depuis 1997 et l'abandon du projet Superphénix, les décisions politiques ont été frappées par une irrationnelle défiance vis-à-vis du nucléaire au point que, sous le mandat d'Emmanuel Macron, la centrale nucléaire de Fessenheim a été fermée alors qu'elle aurait parfaitement pu continuer de fonctionner en bénéficiant de travaux d'entretien complémentaires pour poursuivre son activité. Pourquoi cette fermeture ? Pourquoi cette irrationnelle défiance ? Pour une question de symbole, spectre d'un pacte politique avec les écologistes, pacte dont nous payons malheureusement le prix car, après avoir perdu des années sans consolider notre parc nucléaire, nous discutons d'un projet de loi censé nous faire rattraper notre retard. Il est essentiel d'y mentionner l'absolue nécessité, pour le Gouvernement, de reconquérir notre souveraineté énergétique.
Défavorable. Cette précision est déjà apportée ailleurs dans le texte.
L'exposé des motifs de l'amendement de Mme Ménard illustre bien la croyance, l'idéologie absolue dans laquelle une grande partie de l'hémicycle est malheureusement enfermée, à l'instar de nombreuses Françaises et de nombreux Français qui ont été biberonnés aux vertus du nucléaire. Vous dites que notre défiance vis-à-vis du nucléaire est irrationnelle, mais si vous demandez à un enfant ce que lui évoque le nucléaire, il vous répondra que c'est dangereux : il a appris, dans les livres d'histoire, que les conséquences de la bombe nucléaire ont été dramatiques.
« Quel est le rapport ? » sur les bancs du groupe RN.
Ramenons un peu de rationalité dans le débat : le nucléaire, ce n'est pas du chocolat ! C'est une énergie qui comporte des risques.
Madame Ménard, vous avez déploré des lâchetés et un gâchis politique : vous accordez bien trop de poids aux écologistes. C'est l'accident nucléaire de Fukushima, en 2011, qui a alerté les Français sur les risques inhérents à l'utilisation de l'énergie nucléaire. Leur réaction est donc tout à fait rationnelle.
Mme la rapporteure vient de nous faire une confidence, en nous avouant qu'à travers ce projet de loi, elle est en train de prendre une revanche personnelle.
Mais aujourd'hui, on peut produire une électricité bas-carbone autrement qu'avec le nucléaire, grâce aux énergies renouvelables, qui sont sans risque pour la population – même si, sur ce sujet, vous avez tendance à avoir des œillères.
Mme Lisa Belluco applaudit.
Puisqu'il est question de souveraineté énergétique, je rappelle que la totalité de l'uranium que nous utilisons est importée de pays comme le Kazakhstan. L'important, aujourd'hui, est de réduire notre vulnérabilité face à l'approvisionnement énergétique, et cela implique de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier, si vous me permettez l'expression.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Perrine Goulet s'exclame.
Or, notre électricité est actuellement produite à 70 % grâce à l'énergie nucléaire. Le mot d'ordre doit donc être de diversifier nos sources d'énergie et d'augmenter massivement la part des énergies renouvelables dans le mix électrique – tout le contraire de ce que vous avez fait avec le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables et des mesures défendues dans ce texte.
Ensuite, vous entendre dire que vous êtes aux côtés des salariés d'EDF, alors même qu'ils sont pleinement et massivement mobilisés contre la réforme des retraites ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
qui vise notamment à supprimer le régime spécial dont ils bénéficient, me semble un peu fort de café. Je tiens à leur rendre solennellement hommage, car si les mobilisations contre la réforme des retraites se poursuivent, c'est aussi grâce à eux.
Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES se lèvent pour applaudir. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Je me permets de reprendre la parole car si depuis le début de la discussion, on entend beaucoup parler des risques du nucléaire et des décès qui y sont liés. Je vous trouve très peu disserte sur les dizaines de milliers de décès précoces liés à l'exploitation des centrales à charbon.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – « Eh oui, voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Nous menons une politique de décarbonation l'électricité qui, au-delà de la France, servira l'Europe tout entière, puisque le renforcement du développement du nucléaire permettra de fermer des centrales à charbon. Vous qui aimez les études, je vous en signale une tout à fait intéressante, qui évalue à 23 000 rien que pour 2013 le nombre de décès précoces liés à l'exploitation des centrales à charbon. Vous devriez faire preuve d'un petit peu de cohérence.
Mais nous sommes cohérents ! Ce n'est pas nous qui avons rouvert des centrales à cause de la défaillance du parc nucléaire français !
Pour notre part, nous sommes cohérents et responsables, et c'est pourquoi nous avons choisi d'accélérer la production d'énergies renouvelables. Vous pouvez bien vous parer de toutes les vertus sur ce sujet : quand il a fallu adopter le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, vous n'avez pas été au rendez-vous de l'histoire. Vous avez adopté une position contraire à celle de vos représentants au Sénat, ce qui est stupéfiant…
…et, sur les mêmes mesures, vous avez voté le contraire de vos représentants au Parlement européen : de la posture à l'imposture, il n'y a qu'un pas.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Chers collègues écologistes, vous parlez de la catastrophe de 2011 et de l'accord de 2012, mais curieusement, depuis le début de nos débats sur ce texte, il est une date que vous n'évoquez jamais : le 8 octobre 2018, les scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec)…
…ont recommandé d'amplifier de 100 % à 500 % l'usage de l'électricité d'origine nucléaire au niveau mondial d'ici à 2050 pour limiter le réchauffement climatique de la planète sous le seuil de 1,5
Vous n'avez pas arrêté de dire que le changement climatique n'existait pas !
C'est indiqué en toutes lettres dans leur rapport, on ne peut pas dire autre chose :
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
nous ne parviendrons pas à atteindre nos objectifs sans inclure le nucléaire dans notre production électrique nationale et mondiale, d'autant que nous avons de plus en plus d'objets connectés et de voitures électriques – je l'ai déjà dit hier. Ce n'est pas le vent qui poussera vos trottinettes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 156 n'est pas adopté.
Créées en 1941, les écoles de métiers d'EDF et GDF, centres de formation et d'apprentissage ayant vocation à former en interne les futurs agents de ces entreprises, dispensaient une formation complète et spécialisée dans les métiers de l'électricité.
À l'heure de la relance du nucléaire, disposer d'une main-d'œuvre formée pour bâtir les futurs réacteurs est essentiel. Le rétablissement des écoles de métier est une piste intéressante pour répondre à cet enjeu, et nous proposons qu'elle soit étudiée dans le cadre du rapport qui sera remis au Parlement par le Gouvernement sur les besoins de formation et de compétences de la filière industrielle nucléaire pour les trente prochaines années.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Défavorable : les besoins de formation seront bien étudiés dans le cadre du rapport, nous en avons déjà largement discuté. Mais personnellement, je suis partante pour rouvrir une école de métiers interne à EDF !
Sourires.
Les besoins de formation et les mesures à prendre pour y répondre seront effectivement étudiés dans le cadre du rapport prévu à l'article 1er E. L'amendement étant satisfait, j'en demande le retrait.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 185
Nombre de suffrages exprimés 173
Majorité absolue 87
Pour l'adoption 73
Contre 100
L'amendement n° 75 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l'amendement n° 407 .
Après des années d'un lobbying antinucléaire mené notamment par des mouvements de gauche prétendument écologistes, il est urgent de rétablir la vérité sur le nucléaire, seule énergie décarbonée capable de rendre à la France sa souveraineté énergétique…
…– si, toutefois, les prix de l'énergie n'étaient pas indexés sur la production gazière, comme nous l'impose le marché européen de l'énergie. À ce sujet, nous attendons d'ailleurs toujours avec impatience qu'Emmanuel Macron ait le courage de le quitter, comme l'ont déjà fait l'Espagne et le Portugal.
L'amendement tend à demander au Gouvernement de réfléchir à des mesures permettant de sensibiliser les élèves des établissements primaires, secondaires et supérieurs aux vertus réelles de l'énergie nucléaire. Cela permettra notamment de renforcer l'attractivité des emplois de l'industrie nucléaire, aujourd'hui délaissés par les jeunes actifs en raison de trop nombreuses années de désinformation idéologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Défavorable.
J'invite le collègue qui vient de s'exprimer et l'ensemble de son groupe à venir dans la petite ville de Bure : la visite de son laboratoire par les classes de primaire et de collège depuis des années tend justement à sensibiliser les jeunes générations au nucléaire.
Chers collègues, à votre avis, pourquoi EDF fait-il de la publicité ? Une publicité pour le chocolat, par exemple, nous donne envie d'en consommer chez nous. Mais une publicité d'EDF ne nous donne pas envie d'allumer la lumière dans toutes les pièces pour consommer de l'électricité : si EDF paie des encarts de publicité, c'est uniquement pour sensibiliser l'opinion publique à travers les médias. Un journal en a d'ailleurs fait les frais : en décidant de publier un article qui questionnait l'opportunité du nucléaire, il a perdu le soutien financier d'EDF et, du même coup, a dû renoncer à sa version papier. Désormais, il n'existe plus qu'en ligne.
Alors ne vous inquiétez pas : l'idéologie nucléaire, elle est ancrée dans toutes les têtes depuis plus de cinquante ans et le passage de Messmer à la tête du Gouvernement – voire avant !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Cet amendement complète notre vision de ce que serait la politique énergétique du Rassemblement national.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Alors que la propagande est déjà massive autour des sites nucléaires – mon collègue Bex a parfaitement décrit la situation actuelle –, l'amendement propose rien de moins que d'inscrire dans la loi le biberonnage des petites Françaises et des petits Français au nucléaire dès qu'ils sont en âge d'aller à l'école.
Je rappelle que si la France, soutenue par l'industrie nucléaire, a choisi d'intégrer le marché européen de l'électricité et accepté l'indexation des prix de l'électricité sur ceux du gaz, c'est parce que cela nous arrangeait bien de pouvoir vendre cher à nos voisins européens l'excédent d'électricité que nous produisions.
Imputer la situation actuelle au marché européen, à l'indexation sur les prix du gaz et à l'Allemagne est donc, factuellement, une erreur : le nucléaire a bel et bien bénéficié du marché européen de l'électricité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Perrine Goulet s'exclame.
C'est incroyable : si, depuis que nous nous sommes pris le mur de la crise énergétique, il y a quelques mois, certains ont évolué, revenant sur leur volonté de fermer quatorze réacteurs, et proposant même un projet de loi pour accélérer la production d'énergie nucléaire, d'autres ne changent jamais d'avis…
…et continuent à vouloir nous envoyer dans le mur – je pense à la gauche. Madame Laernoes, si les enfants font un rapprochement entre l'énergie nucléaire et la bombe nucléaire, c'est parce que vous leur avez mis dans la tête que le nucléaire était forcément dangereux et qu'il servait des desseins belliqueux, puisqu'il permettait de faire des bombes.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
De toute façon, en matière d'éducation des jeunes, la gauche a toujours été la championne du bourrage de crâne dans les écoles, que ce soit au sujet du wokisme – exemple dont on parle beaucoup en ce moment – ou du nucléaire.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES et quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Il faut au contraire expliquer aux jeunes que le nucléaire est une énergie décarbonée – ne vous en déplaise –, pilotable, contrairement à l'énergie éolienne, et peu chère. C'est d'ailleurs parce qu'elle nous envie notre énergie nucléaire que l'Allemagne, en prônant l'Arenh, a cherché à détruire EDF. Nous voulons ramener dans les écoles le bon sens et la science, plutôt que les fantasmes et l'idéologie de gauche.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 198
Nombre de suffrages exprimés 196
Majorité absolue 99
Pour l'adoption 56
Contre 140
L'amendement n° 407 n'est pas adopté.
Cet amendement dont Jérémie Patrier-Leitus est le premier signataire vise à nous assurer que le rapport propose une stratégie de répartition territoriale des formations professionnelles en rapport avec le nucléaire, associant leur implantation géographique à celle des réacteurs, de manière à participer à l'aménagement du territoire.
L'amendement n° 503 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er E prévoit que « le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux moyens à mobiliser afin que le système éducatif et de formation professionnelle réponde aux besoins de formation et de compétences de la filière industrielle nucléaire dans les trente prochaines années ». Cet amendement vise à le compléter : il serait en effet utile que le Gouvernement apporte des précisions sur une éventuelle évolution du budget alloué, d'une part, par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche en faveur des écoles d'ingénieurs et, d'autre part, par le ministère chargé de l'enseignement et de la formation professionnelle en faveur des formations de soudeurs et de tuyauteurs nécessaires à la relance industrielle. J'ajouterai à ces formations celle des chaudronniers en vertu du sous-amendement déposé par Mme Danielle Brulebois, du groupe Renaissance, ce qui prouve que nous sommes nombreux à juger essentiel l'ajout de ces dispositions.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir le sous-amendement n° 705 .
Je souhaite insister sur un point important : si nous voulons développer une filière nucléaire d'excellence, qui constituerait également un secteur industriel majeur, il nous faut créer un choc d'attractivité concernant ses métiers de base, ceux de la métallurgie.
La France a trop longtemps méprisé son industrie : cette dernière n'attire plus les jeunes. L'emploi industriel, pourtant générateur de la valeur ajoutée, ne fait plus rêver. Il nous faudra certes des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens supérieurs, des informaticiens, mais les compétences de base nous font défaut, et de là proviennent tous nos ennuis : notre parc nucléaire souffre de problèmes techniques, de retards de mise en service, d'arrêts pour maintenance, il a besoin de réparations ou de remises à niveau. Nous l'avons encore constaté cet été sur le chantier de l'EPR de Flamanville : il a fallu faire venir 500 soudeurs des États-Unis et du Canada !
Il conviendrait donc de mesurer l'importance, pour la filière nucléaire, des métiers de la métallurgie. Nous aurons besoin de 7 000 soudeurs. Les industriels, qui ont créé leur propre école, comptent ainsi en recruter 200 chaque année : nous sommes loin du compte. Encore une fois, les pouvoirs publics doivent prendre la mesure du soutien à fournir et revaloriser l'image de ces métiers. Nous disposons d'excellents centres de formation d'apprentis (CFA) ; nous avons dans le Jura un lycée des métiers des arts du métal qui peine à recruter dans ces sections. Disons aux jeunes que la chaudronnerie ne consiste plus à fabriquer des chaudrons, qu'elle offre des métiers recherchés, des métiers d'avenir, où l'on peut réussir et faire une belle carrière !
« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Je demande leur retrait, chers collègues ; à défaut, avis défavorable. Je crois que nous avons déjà intégré dans le texte des précisions ayant trait aux formations et aux besoins en la matière. En outre, cela fait quatre heures vingt que nous débattons de rapports : j'espère vraiment que chacun d'entre nous les lira !
Sourires sur plusieurs bancs.
Même avis. J'insiste encore une fois sur l'intérêt et la nécessité de former davantage de chaudronniers, de soudeurs, d'électrotechniciens et autres métiers que la relance du nucléaire va soumettre à des tensions. C'est une bonne maladie que d'avoir besoin de compétences : ces professions ont un avenir, et ceux qui les exercent ont des conditions de travail plutôt favorables, ainsi que qu'une rémunération supérieure à la moyenne. Il n'en reste pas moins que la rédaction de l'article permet de couvrir tous les métiers que vous souhaitez au contraire égrener. Tous ont leur valeur propre, tous sont indispensables, et vous connaissez mon engagement en la matière : le 3 mars, j'étais au Creusot, à la forge de Framatome, afin d'y saluer les apprentis bénéficiant de bourses d'études pour le nucléaire, dispositif que nous avons instauré en 2019. La semaine dernière a également eu lieu la semaine des métiers du nucléaire. Tout cela est en marche pour le bien du pays.
Nous soutenons l'amendement et le sous-amendement, qui vont dans le sens de la reconstruction d'une véritable politique en faveur de l'industrie française. La reconquête par le pays de son tissu industriel commencera par une restauration de la filière nucléaire, laquelle permettra l'alimentation de ce dernier en énergie décarbonée, répondant ainsi aux impératifs climatiques. Nous aurons donc besoin de dizaines de milliers de soudeurs, de chaudronniers, qui construiront et entretiendront les futurs réacteurs.
Malheureusement, ces dernières années, dans l'éducation nationale, dans nos lycées professionnels, les formations à ces métiers ont souvent été supprimées : on ne croyait plus au nucléaire ni à l'industrie. Il faut donc demander à l'éducation nationale de recréer une filière du nucléaire et qu'elle forme à ses métiers, y compris ceux de la métallurgie. C'est pourquoi, je le répète, nous soutiendrons les dispositions soumises à notre examen ; nous sommes de fervents défenseurs de l'industrie nucléaire dans le cadre d'un mix composé des énergies nucléaire et renouvelables. Les deux ne s'opposent pas mais, en tout cas, le nucléaire est indispensable à l'avenir industriel de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Une fois n'est pas coutume, je souscris totalement aux propos de Fabien Roussel et je salue Sébastien Jumel qui a touché juste : son amendement adopté par la commission a permis d'introduire l'article 1er E dans le projet de loi. La reconstruction de notre outil nucléaire constitue un défi immense, et les besoins sous-jacents en matière de formation sont considérables, d'autant plus qu'il suffit de se rendre dans n'importe quelle PME française pour mesurer à quel point, par exemple, le manque de soudeurs se fait déjà cruellement sentir. C'est tout aussi vrai des ingénieurs, également mentionnés par Alexandre Portier : depuis la réforme du baccalauréat, les directeurs des écoles d'ingénieurs sont extrêmement inquiets des difficultés qu'ils rencontrent en matière de recrutement, du fait que les jeunes sont moins nombreux à s'orienter vers ces filières. Il y a là un réel problème, si bien que nous gagnerions à préciser encore la rédaction de l'article en y intégrant les dispositions proposées : elles permettraient d'évaluer, métier par métier, le nombre de postes d'enseignants à créer, condition indispensable à la réussite de la relance du nucléaire. Nous soutiendrons donc l'amendement d'Alexandre Portier, ainsi que le sous-amendement.
Après avoir entendu les arguments de M. Roussel et du président Marleix, je suis prête à revenir sur ma décision et à émettre un avis favorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le sous-amendement n° 705 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 186
Nombre de suffrages exprimés 183
Majorité absolue 92
Pour l'adoption 174
Contre 9
L'amendement n° 468 est adopté.
La parole est à M. Thibaut François, pour soutenir l'amendement n° 125 .
Il a été récemment rapporté que des soudeurs américains et canadiens avaient été appelés en renfort afin de réparer six réacteurs nucléaires français. La situation requiert une planification visant à assurer l'adéquation du système d'éducation et de formation professionnelle aux besoins de l'industrie : cette nécessité, comme l'existence d'une pénurie de main-d'œuvre qualifiée, est largement admise par de nombreux analystes. Néanmoins, au-delà de cette planification, il convient de ne pas oublier celle relative à la détermination des orientations stratégiques en matière de recherche nucléaire – académique ou appliquée – qui relève également du Gouvernement, lequel veillera ainsi à l'excellence de la filière, à l'innovation et au progrès technologique. Tel est le sens de cet amendement, qui prévoit que le rapport « fait également état des grandes orientations stratégiques du Gouvernement en matière de recherche nucléaire et des moyens devant être mis en œuvre pour les poursuivre efficacement ».
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement est satisfait. Je demande son retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 125 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 196
Nombre de suffrages exprimés 180
Majorité absolue 91
Pour l'adoption 177
Contre 3
L'article 1er E, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, inscrite sur l'article 1er F.
Cet article est ainsi rédigé : « Avant le dépôt du projet de loi prévu en application du I de l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui explique son choix de construire des réacteurs pressurisés européens de deuxième génération pour les prochaines constructions de centrales nucléaires, au détriment d'autres générations. » Ce rapport se confondrait-il avec celui qui a été présenté au Conseil de politique nucléaire, puis classé « confidentiel défense », alors qu'il traite du nucléaire civil ? Le Parlement se verra-t-il un jour communiquer ce dernier rapport ?
Le Gouvernement doit tirer les leçons du passé. Au début des années 2000, afin de renouveler le parc nucléaire français, les choix gouvernementaux se sont portés sur l'EPR de première génération, à la technologie prometteuse certes, mais encore mal maîtrisée – nous l'avons constaté au fil du temps. Dans le cadre de la relance du nucléaire, vous souhaitez privilégier l'EPR de deuxième génération. Compte tenu de la crise énergétique, est-il bien prudent, madame la ministre, de tout miser une nouvelle fois sur une technologie récente, de faire dépendre toute votre stratégie de modélisations virtuelles ?
Avant de lancer la construction d'EPR de deuxième génération, il serait urgent de nous doter de cinq paires d'EPR de première génération, technologie dont nous avons désormais la maîtrise et pour laquelle nous disposons d'un retour d'expérience : c'est la proposition de Marine Le Pen. Il est également urgent, face au risque de pénuries d'électricité, de relancer la centrale de Fessenheim – cela se fera toujours plus rapidement que le démarrage des futurs réacteurs –, mais aussi de porter à soixante ou quatre-vingts ans la durée de vie des réacteurs en activité.
Les députés du groupe Rassemblement national soutiennent l'idée d'un rapport par lequel le Gouvernement devrait rendre compte de ses choix : certes, nous espérons que la deuxième génération d'EPR constituera l'avenir de la filière française, mais s'agissant de la construction des premières séries de réacteurs, nous vous invitons encore une fois à faire preuve de prudence et à opter pour une technologie maîtrisée, celle des EPR de première génération.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cet article constitue un aveu : après nous avoir exposé pendant des heures, des jours, la nécessité de construire des EPR de deuxième, sixième ou quatorzième génération, vous admettez subitement que vous n'en êtes pas si sûrs.
Vous ne croyez pas vous-même à ce que vous nous dites.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est un aveu, disais-je, parce que vous vous rendez compte que vous proposez une fuite en avant qui ne repose sur aucune technologie maîtrisée, une fuite en avant face au changement climatique, une fuite en avant sur la question des déchets, une fuite en avant sur la question du risque – nous en avons parlé en commission – et aussi évidemment une fuite en avant parce que ce programme de relance nucléaire va phagocyter les ressources financières et humaines dont notre pays a besoin pour réaliser la sobriété énergétique et le développement des énergies renouvelables.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il n'y a que les collègues du Rassemblement national qui pensent que les EPR de première génération fonctionnent : il suffit de voir ce qu'il se passe à Flamanville pour constater que cela ne marche vraiment pas. Et s'agissant des EPR2, on nous annonce que le modèle d'ingénierie n'est pas terminé. Vous nous proposez de faire un pari sur une technologie dont vous ne pouvez pas aujourd'hui dire devant la représentation nationale qu'elle marche et qu'elle va marcher.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est pourquoi nous croyons qu'il n'est pas prudent de se lancer dans la construction de ce nouveau programme nucléaire, pas plus d'ailleurs que dans le prolongement des réacteurs existants, la corrosion sous contrainte montrant bien qu'ils ne sont pas une réponse. Il faut au contraire investir dans la sobriété et pour 100 % d'énergies renouvelables
Mêmes mouvements.
Cet article est l'occasion de vous poser plusieurs questions : comment allez-vous financer ces nouveaux réacteurs, quelle que soit la génération choisie ? Allez-vous voler le Livret A des Français ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
augmenter les impôts ou faire appel à des capitaux privés ? Et puis allez-vous démanteler EDF en scindant le nucléaire existant et le nucléaire en projet ? Enfin, une question limpide : si dans quinze ans ou dans vingt ans vos réacteurs ne marchent pas, qui produira de l'électricité pour les Français ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Cet article est en effet un aveu d'ignorance, l'aveu du fait que vous naviguez à vue, que vous ne savez même pas comment on va construire les futurs réacteurs et sur quelle technologie il faut se baser. Le Gouvernement nous demande d'inscrire la construction de nouveaux EPR et la technologie correspondante dans un texte de loi alors qu'on ne sait même pas si c'est le meilleur choix. En tout cas, je ne vous ai pas entendu, madame la ministre, nous expliquer pourquoi quatorze nouveaux réacteurs ni la raison de la technologie choisie.
Je trouve intéressant de constater qu'il y a des interrogations même parmi celles et ceux qui sont favorables au développement du nucléaire. Et puis il y a les personnes qui croient encore plus au nucléaire et qui pensent qu'on va pouvoir faire aboutir le projet de réacteur de quatrième génération, celui qui ne produirait pas de déchets. Je vous accorde, chers collègues, que cela aurait arrangé tout le monde, y compris les écologistes.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ce réacteur relevait d'une utopie, d'un fantasme qui ne sera, je le regrette pour vous, jamais assouvi.
Cet article prouve bien que nous avons affaire à une croyance et à une technologie encore indéfinie que nul ne maîtrise. J'aimerais bien, madame la rapporteure, madame la ministre, vous entendre répondre sur le fond : pourquoi le choix de l'EPR2 ? Il serait plus clair de nous l'expliquer aujourd'hui plutôt que d'attendre un rapport qui sera remis après le vote d'un projet de loi qui détermine exactement le nombre d'EPR que le Gouvernement veut construire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous en venons aux amendements.
J'informe l'assemblée que, sur les amendements n° 612 et 196 , je suis saisie respectivement par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) et par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anna Pic, pour soutenir l'amendement n° 612 .
Il semble que le rapport proposé à l'article 1er F vise à expliquer pourquoi le choix de l'EPR2 est le bon. Néanmoins, il existe d'autres technologies matures disponibles et il serait donc intéressant qu'une évaluation comparative soit faite eu égard aux différents avantages et inconvénients propres à chacune d'entre elles en termes évidemment de sûreté et de sécurité nucléaires, de coût mais aussi de la disponibilité de la ressource en eau et de la complexité technique et industrielle requise.
L'avis sera défavorable mais j'en profite pour remettre les choses en perspective suite aux diverses questions posées. Cet article provient d'un amendement du président Marleix adopté par votre commission. Le projet de loi prévoit en effet des procédures accélérées pour la construction de nouvelles installations nucléaires dans les vingt ans qui viennent, mais il peut y avoir durant une aussi longue période beaucoup de changements en matière de technologie et il paraît judicieux au Gouvernement d'éclairer la représentation nationale sur l'ensemble des technologies disponibles ainsi que sur leur maturité, et sur les choix possibles à ce jour. Nous faisons donc droit à cette demande qui permettra d'aider les parlementaires dans leur décision.
J'ajoute que le projet de loi porte sur les réacteurs électrogènes sans préciser s'il s'agira d'EPR2 ou d'une autre technologie parce que nous sommes aussi animés par le doute et que nous cherchons à trouver le meilleur choix énergétique pour les Français. Notre travail se base donc sur la science.
L'EPR2 est travaillé depuis 2015 sur la base des retours d'expérience de Flamanville, des réacteurs construits à Taishan et de ceux en construction en Finlande et en Grande-Bretagne à Hinkley Point – je rappelle au passage que le gouvernement britannique soutient le programme et qu'il approuve aussi l'installation de la centrale de Sizewell C, ce qui laisse à penser que l'engouement pour le nucléaire que vous nous prêtez n'est pas si peu partagé au plan international, y compris s'agissant de l'EPR2. Il a fait l'objet d'un audit en 2019, rendu public, et qui explique très bien pourquoi l'EPR2 est une avancée par rapport aux prototypes que je viens d'évoquer en constatant une amélioration globale par rapport aux projets précédents des modalités de mise en œuvre des exigences de sûreté. L'audit met également en évidence l'effort important d'intégration du retour d'expérience des projets EPR et le fait qu'on prenne en compte des facteurs clefs de succès précisément pour la réussite de l'EPR 2.
Je tiens encore à saluer le travail accompli dans les équipes d'EDF pour partir de l'expérience afin de construire un réacteur robuste et qui va faire l'objet d'une revue de programme complet d'ici à la fin de l'été parce que nous ne traitons pas ce sujet par-dessus la jambe et que nous travaillons sérieusement. Je précise que tous ces éléments seront évidemment rassemblés pour obtenir le projet le plus robuste et le plus industrialisable possible. Le fait que six réacteurs soient prévus montre qu'on ne part pas dans une aventure sans savoir où l'on va, mais au contraire pour tirer un des enseignements du retour d'expérience. Je me permets de vous demander de lire l'audit.
Prenez le temps de lire ce qui existe sur le sujet, énormément d'écrits ont déjà été publiés sur l'EPR 2 – 200 pages ont été publiées en février 2022, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) lui ont consacré plus de 80 pages. Tous les éléments que j'évoque sont étayés. Pour réussir et disposer d'un programme industrialisable, ce qui suppose d'atteindre une taille critique, l'enjeu est de construire plusieurs réacteurs et pas seulement des prototypes uniques que l'on doit adapter au fur et à mesure.
Je confirme que nous avons souscrit en commission à la demande du président Marleix qui vise au bout du compte à ne se priver d'aucune hypothèse de recherche, de développement et d'innovation dans ce domaine. Je confirme aussi que l'EPR2 est un EPR optimisé qui tire les conséquences du retour d'expérience, y compris de ce qui n'a pas fonctionné et de ce qui a mal été conçu pour l'EPR de première génération. Il serait dangereux de considérer l'EPR2 comme un process caduc avant même d'envisager d'autres dispositifs. Je confirme également, et c'est un élément qui n'est pas neutre pour nous, ce qu'a révélé Flamanville : nous ne savons plus construire de centrales et nous avons perdu les savoir-faire faute de remplacer les ingénieurs et les techniciens, abîmant ainsi l'écosystème de cette filière. La loi des séries au sens positif est évidemment déterminante pour optimiser les coûts, pour recouvrer des savoir-faire et pour avoir une relance efficace de la filière. Les sujets d'accord avec la ministre étant peu nombreux en ce qui me concerne, je tiens à dire que je suis d'accord avec sa démonstration.
À force de poser des questions, on finit par obtenir quelques éléments de réponse… ce qui nous encourage à continuer.
Face à un projet de loi qui vise à accélérer la construction de réacteurs électronucléaires, nous sommes tout de même quelque peu inquiets parce que tout est fait à l'envers : vous voulez relancer le nucléaire, mais on ne sait toujours pas avec quel type de réacteur.
Si vous nous avez apporté certains éléments sur la technologie de l'EPR 2 et sur l'état des lieux, des questions précises sur lesquelles on n'a toujours pas de réponse demeurent : combien d'heures d'ingénierie sont encore nécessaires pour mettre au point ce réacteur, les délais se comptent-ils en jours, en semaines ou en mois ? Qu'en sera-t-il de Framatome qui doit produire en série les pièces maîtresses comme le réacteur ou la cuve ? On attend toujours une réponse. Est-ce que l'IRSN pourra rendre une expertise sur ce nouveau réacteur avant d'être absorbé dans l'ASN et peut-être de perdre son indépendance ? Dernière question : lors de son audition, M. Luc Rémont, le PDG d'EDF, nous a indiqué que le projet serait achevé en 2035-2037, soit tout de même un écart de deux ans que votre projet de loi ne permettrait de réduire les délais que de quelques mois.
Les représentants de la nation, comme les Françaises et les Français qui nous regardent ou qui vont nous lire, pourraient tout de même avoir des réponses à ces questions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également.
J'ai noté que Mme la ministre a indiqué que l'EPR2 était travaillé depuis 2015. Elle vient ainsi de démentir tous ceux qui disent que c'est à la faveur d'un accord avec les écologistes que le Parti socialiste avait cessé de penser à la filière nucléaire en révélant que ce n'était pas le cas !
Pourtant, c'est une réalité. Les faits sont les faits, ma chère collègue !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 173
Nombre de suffrages exprimés 169
Majorité absolue 85
Pour l'adoption 32
Contre 137
L'amendement n° 612 n'est pas adopté.
L'amendement n° 283 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement rédactionnel vise à préciser que le choix de la technologie n'est pas le choix du Gouvernement mais bien celui du constructeur, ce qui paraît logique.
L'amendement n° 598 , accepté par la commission, est adopté.
L'amendement n° 504 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Sur les amendements n° 353 , 200 , 509 et 516 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 353 et 319 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Thibaut François, pour soutenir l'amendement n° 353 .
Par cet amendement, nous proposons de créer de SMR en plus des gros réacteurs nucléaires dont le Président de la République a envisagé la construction. Les SMR peuvent être implantés à des emplacements qui ne conviennent pas forcément à des centrales nucléaires : il faut moins de 10 hectares pour construire un SMR, soit dix fois moins que pour une centrale nucléaire.
La construction des SMR est évidemment moins onéreuse que celle de grands réacteurs, qui sont plus puissants. Ils permettent donc, de facto, de réaliser des économies, tant en termes de coût que de temps de construction. Les SMR permettront également d'accélérer le processus de construction de nouvelles installations nucléaires auxquelles le Gouvernement envisage manifestement d'avoir recours.
C'est satisfait. Je demande le retrait ; à défaut l'avis sera défavorable.
Veuillez m'excuser, j'ai oublié d'indiquer que l'amendement n° 319 de M. Sébastien Jumel était défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
L'amendement n° 353 est retiré.
L'amendement n° 319 est adopté.
La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l'amendement n° 196 .
Je voudrais d'abord répondre à notre collègue Laernoes. Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans.
Évidemment, vous parlez tous ici couramment latin ; je ne vous ferai pas l'injure de traduire cet adage. En clair, si on ne sait plus construire de centrales nucléaires dans ce pays, ce qui est assez regrettable, c'est à cause de vous, à cause de l'acharnement dont votre famille politique a fait preuve depuis quinze ans pour détruire cette filière.
Il y a beaucoup de gouvernements et de présidents de la République écologistes ?
Vous avez pesé de tout votre poids sur les gouvernements de gauche « plurielle » – c'est le mot qu'on employait à l'époque –, pour qu'on abandonne ce savoir-faire assez extraordinaire que nous étions pourtant l'un des rares pays du monde à maîtriser intégralement.
Je veux maintenant m'adresser au Gouvernement. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir donné, en commission, un avis favorable à notre proposition d'introduire dans le projet de loi un rapport visant à éclairer la représentation nationale sur les choix technologiques du Gouvernement en matière de relance nucléaire. Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous avons procrastiné ces dix dernières années. Ce n'est pas pour autant que nous devons foncer dans le brouillard. L'EPR de Flamanville est un prototype qui ne fonctionne pas encore, malheureusement. On nous dit que l'EPR2 sera un meilleur modèle, plus simple car inspiré des technologies utilisées à Taishan. Or nous avions des alternatives : nous aurions pu par exemple nous inspirer de technologies traditionnelles, comme celles de Westinghouse, même si nous ne saurions plus les maîtriser – il faudrait notamment les adapter aux normes post-Fukushima.
Par ailleurs, nous savons qu'EDF a proposé à la République tchèque un EPR de beaucoup plus petite taille, d'une capacité de 1 100 mégawatts, et non de 1 600 mégawatts. Bref, un certain nombre de questions se posent, avec à chaque fois des enjeux différents pour la filière, tant en termes de financement que de maîtrise. Voilà pourquoi il me semble intéressant de préciser l'objet du rapport, notamment sur les enjeux de souveraineté que les différentes technologies représentent pour notre pays.
M. Jean-Philippe Tanguy applaudit.
Même avis.
Monsieur Marleix, je pense que vous n'êtes pas sérieux. Vous ne pouvez pas prétendre que ce sont les « méchants » écologistes qui ont mis à terre la filière du nucléaire.
« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je vous renvoie aux conclusions du rapport de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, dont votre groupe politique a demandé la création – nous avons tout de même mené près de 140 heures d'auditions. Certes, il y a eu beaucoup de mousse politique autour de l'accord pour ramener à 50 % la part du nucléaire dans la production de l'électricité. Mais je tiens à rappeler que nous avions entendu tous les représentants et les dirigeants des filières : concernant la perte de compétences dans l'industrie, qui est une réalité,…
…ils nous ont expliqué que certains ingénieurs et autres personnels employés de la filière sont partis à la retraite. Le plan Messmer a été engagé en 1974. Ce n'est donc pas la faute des écologistes si les gens vieillissent et partent, de fait, à la retraite.
Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et LR.
Ces ingénieurs ont pu partir à la retraite à un âge plus précoce que celles et ceux qui s'engagent aujourd'hui dans la filière énergétique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Comme nous nous basons sur le fond, et que nous travaillons sur ce texte dans l'intérêt général des Français, le groupe Écologiste votera pour votre amendement ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR
tout simplement parce que vous demandez que le Parlement puisse être éclairé sur les choix technologiques opérés par le Gouvernement, notamment sur leur coût et leur financement. Pour le moment, les choses restent plus que floues, pour ne pas dire opaques. Aujourd'hui, aucune banque ne souhaiterait investir ou prêter de l'argent à qui que ce soit pour construire la filière nucléaire,…
…d'autant que notre dernier prototype n'est pas très probant en termes de retour sur investissement.
Au sein de la commission d'enquête précédemment évoquée, chacun a pu entendre ceci : on ne peut pas financer le nucléaire en se basant sur des fonds privés ; il faut l'asseoir sur du financement d'État car aucune entreprise privée n'accepterait de courir ce risque. Cela a été rappelé aujourd'hui : lors de son audition, Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, …
…a en effet affirmé qu'il ne se risquerait jamais à investir dans une filière aussi hasardeuse que le nucléaire. Je vous présente simplement des faits et des retours d'auditions que nous avons menées. Pour rappel, elles sont publiques, chers collègues : les rapports et les comptes rendus sont à votre disposition, si toutefois vous voulez connaître avec précision les travaux de la commission d'enquête. C'est sûr qu'il aurait été plus sage d'examiner ce projet de loi après avoir eu connaissance des conclusions de la commission d'enquête, car elles nous auraient aidés à jouer notre rôle de législateur.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – M. Paul Molac applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 167
Nombre de suffrages exprimés 166
Majorité absolue 84
Pour l'adoption 164
Contre 2
L'amendement n° 196 est adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l'amendement n° 352 .
Je voudrais tout d'abord saluer le soutien du Gouvernement et de la rapporteure à l'amendement de notre collègue Marleix : avant d'engager un grand plan de redémarrage du nucléaire, il est important de mettre à plat la situation et de bien choisir les technologies. Sincèrement, cela fait chaud au cœur de pouvoir se retrouver sur des amendements consensuels de ce type, d'autant que le plan qui sera décidé devra être appliqué par plusieurs majorités, quelles qu'elles soient.
Compte tenu de l'amendement qui vient d'être adopté, nous vous proposons de nouveau, en toute logique, d'envisager aussi les impacts technologiques du développement de l'hydrogène à partir des futures installations nucléaires et de la cogénération. Madame la rapporteure, madame la ministre, il est cette fois-ci important de le mentionner. Songez aux nouveaux modèles de réacteurs que nous allons construire sur notre territoire : pour être le plus efficace possible et contribuer aisément à la transition écologique et à la réindustrialisation, ils doivent intégrer, dès leur conception, la production massive d'hydrogène vert et de chaleur fatale récupérable par cogénération.
Vous disiez que d'autres amendements que nous proposions n'avaient rien à voir avec le texte. Ce n'est pas le cas cette fois lorsque nous parlons de cogénération et d'hydrogène. Là, nous sommes vraiment dans le sujet : nous ne pouvons pas séparer la conception des nouveaux réacteurs de l'usage maximalisé de la chaleur par production d'hydrogène et par cogénération !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Avis défavorable, dans la logique qui a été la nôtre sur l'hydrogène depuis le début.
Il me semble que cet amendement est satisfait par l'amendement n° 319 de M. Jumel, que vous venez d'adopter, car il étend le champ du rapport prévu à l'article 1er F au développement d'autres types de réacteurs : il permet, au-delà des réacteurs électrogènes, d'explorer les enjeux de chaleur. Sur la question de l'hydrogène, je rejoins Mme la rapporteure et, sur celle de la chaleur, je renvoie à l'amendement n° 319 . Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 352 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l'amendement n° 507 .
La Cour des comptes a exposé nombre de points saillants dans les échecs répétés et particulièrement coûteux en ressources publiques du déploiement à l'étranger et en France du programme EPR. Je ne vais pas rappeler les chiffres, vous les connaissez. En tout cas, nous sommes manifestement parfois capables de trouver 16 milliards d'euros.
Les recommandations de la Cour figuraient dans son rapport public thématique de juillet 2020, intitulé « La filière EPR ». À la page 111 notamment, elle conseille de procéder enfin à un bilan exhaustif de cette démarche aventurière et de disposer d'un retour d'expérience complet. Or cette recommandation n'a jamais été suivie d'effets : le nucléaire et son financement continuent d'être opaques. Aussi, par cet amendement, nous vous invitons à enfin rendre transparents les coûts du nucléaire et d'en révéler ainsi les dérives.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Défavorable.
Pour ma part, je tiens à soutenir cet amendement essentiel et à insister sur le cas français. Je réitérerai quelques questions que nous vous avions déjà posées – cette fois-ci, nous aimerions avoir des réponses ! Quel budget prévoyez-vous sur les dix, quinze, voire vingt prochaines années pour la relance de 14 EPR et des SMR qui les accompagnent, puisque c'est manifestement le scénario que vous retenez ? Pour 6 EPR, vous nous annoncez 51 milliards d'euros. Quid des 14 EPR ? Par un simple calcul, on se rend compte qu'ils nécessiteraient tout de même 120 milliards d'euros, sans compter les marges. Pour l'EPR de Flamanville, il a fallu multiplier par quatre le budget initial. Combien tout cela va coûter, en tenant compte de la multiplication des fissures ? Nous aimerions sincèrement obtenir des réponses à ces questions !
Surtout, quelle sera la source de financement choisie ? Nous entendons dire que le livret A pourrait être utilisé, alors qu'il sert, a priori, à financer le logement social, à l'heure où un énorme besoin s'exprime – nous sommes nombreux à le savoir dans nos circonscriptions. Est-ce la réalité ? Voulez-vous vraiment utiliser le livret A ? Quelles autres sources de financement pourraient être envisagées ? Selon vous, il n'y a plus de sous dans les caisses et les Français doivent se serrer la ceinture. Vous ajoutez qu'il faut bien faire des économies sur les chômeurs ou sur les retraités pour pouvoir remplir les caisses de l'État.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Encore une fois, nous vous demandons un examen financier sérieux de ce projet de super-relance atomique !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je le dis à l'ensemble de mes collègues, la construction d'un mix énergétique et l'adaptation du réseau ont un coût important. Un calcul de coin de table nous permet rapidement d'évaluer la situation : un parc nucléaire de 60 gigawatts dont le prix de construction s'élève à environ 4 000 euros par kilowatt supposerait de débourser à peu près 240 milliards d'euros. Et si nous passions à 100 % d'énergies renouvelables, comme le proposent certains collègues ? Ce n'est pas le choix que je souhaite faire, mais faisons le calcul : les éoliennes ont un facteur de charge autour de 30 % ; pour 200 gigawatts à 1 500 euros en valeur de base, il faudrait en proportion débourser 300 milliards.
Or la durée de vie d'une éolienne est de vingt à trente ans ; celle d'une centrale, de soixante…
Exclamations et conciliabules sur divers bancs.
Disons qu'elle est de trente ans pour une éolienne et de soixante ans pour une centrale. Il faut donc multiplier par trois le coût que j'ai évoqué tout à l'heure pour les énergies renouvelables. Il faut ajouter à cela l'adaptation du réseau, car il est nécessaire d'installer un réseau sanguin – je reprends la métaphore – pour les énergies renouvelables, en particulier pour les éoliennes, dont l'implantation est décentralisée.
Nous sommes favorables à un mix énergétique qui fait appel aux deux, au nucléaire et aux énergies renouvelables. À cette fin, il faudra mobiliser un paquet de pognon – pour le dire simplement. Ensuite se pose la question du coût auquel on proposera l'électricité ainsi produite, question qui n'est pas neutre pour la compétitivité de nos industries, ni pour l'accès du consommateur ultime à cette énergie. C'est pourquoi j'estime que tout cela doit échapper à la logique de marché, ce qui implique que la puissance publique réfléchisse à des modes de financement pérennes.
Je n'oppose pas les modes de production énergétique. Je remets en perspective les coûts évoqués pour le nucléaire – 52 milliards pour les six EPR ; 50 milliards, à la louche, pour le carénage – avec ceux des énergies renouvelables, afin que nous partions des mêmes bases de calcul et que nous ne nous enfumions pas les uns les autres.
Mme la rapporteure applaudit.
Quelle somme d'argent allons-nous consacrer à la transition énergétique dans notre pays ? Voilà un beau débat.
Sur le volet sobriété, le Gouvernement a coupé court à la discussion cet automne en utilisant l'article 49.3, alors que nous étions en plein examen des crédits de la mission correspondante.
Lors du débat que nous avons eu sur les énergies renouvelables et sur leur financement, nous avons fait part de notre opposition aux mécanismes de marché, notamment aux PPA, car nous croyons nous aussi, camarade Jumel, à la maîtrise publique de l'énergie.
Cette fois, nous examinons un texte relatif au nucléaire. Vous devez donc nous répondre : combien ce programme va-t-il coûter ? Comment allez-vous le financer ? Allez-vous prendre de l'argent sur le livret A des Français ? Allez-vous augmenter le prix de l'électricité ? Allez-vous ouvrir le secteur à des investisseurs privés ? Allez-vous recourir à des PPA, comme la Commission européenne vous y invite ? Ceux qui sont attachés à la maîtrise publique de l'énergie, quel que soit leur avis sur le nucléaire, ont envie de connaître vos réponses.
J'en viens aux hypothèses de chiffrage. Notre camarade Jumel a été bien généreux avec le nucléaire lorsqu'il a estimé à soixante ans la durée de vie des centrales. Pour ma part, j'attends de voir. Les centrales étaient prévues pour durer quarante ans, nous dit-on. Or, sur certaines d'entre elles, il y a déjà un niveau élevé de corrosion au bout de trente ans. On ignore si l'on pourra aller jusqu'à cinquante ou soixante ans.
Quel est le coût du démantèlement du parc existant ? Personne ne le sait. Quel est le coût du retraitement des déchets ? Personne ne le sait non plus. Quel est le coût, sur 100 000 ans, du site d'enfouissement de Bure ? Personne n'est capable de le dire. Pourtant, il faudrait intégrer ces sommes au coût du nucléaire.
Vous ne voulez pas prendre en compte les coûts cachés, parce que cela vous arrange. Or il faudra bien à un moment donné que les Français paient ces coûts et surcoûts du nucléaire. Du point de vue économique, il serait plus pertinent de prendre des mesures de sobriété et de développer les énergies renouvelables.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous expliquez qu'il n'y a pas d'informations sur le nucléaire et que nous ne vous apportons pas de réponses. Or chacun des sujets que vous évoquez est documenté dans le rapport de Jean-Martin Folz, qui est public. Ils sont aussi documentés dans un rapport de 200 pages, qui couvre les enjeux que vous mentionnez : la gestion des déchets, la question du design…
Je vous invite à lire ce rapport très complet. Il date de février 2022, ce qui n'est pas si éloigné dans le temps.
S'agissant des énergies renouvelables, je suis partie d'autres chiffres que ceux de M. Jumel : il faut grosso modo 100 milliards d'euros d'investissement – ce n'est pas moi qui le dis ; c'est Enedis qui l'annonce –, et 100 milliards pour les réseaux de transport. Cela fait donc 200 milliards.
Monsieur Tavel, tous les coûts que vous mentionnez – démantèlement, gestion des déchets… – sont tracés.
Le nucléaire est une industrie sérieuse et mature, qui a plus de quarante ans d'existence, soixante ans si l'on remonte à ses débuts. Non seulement ces coûts sont tracés, mais ils sont provisionnés. Pour le démantèlement, ils sont financés. Vous faites fausse route en essayant d'accumuler des contrevérités ; il est un peu facile d'alimenter ainsi le débat.
Nous avons fait le calcul : en onze heures trente, nous avons discuté de 125 amendements. Nous n'avons pas encore entamé l'examen du cœur du projet de loi, à savoir les mesures qui ont véritablement une portée législative.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je remets simplement les choses en perspective, au nom de la cohérence et à l'attention de ceux qui nous écoutent.
Acceptez le travail parlementaire ! C'est vous qui avez choisi de soumettre d'abord le texte au Sénat qui a introduit des articles avant l'article 1er .
Alors même que nous examinons des articles relatifs à des rapports, vous dénoncez un déni de démocratie, le franchissement de lignes rouges, une mise en danger de la vie d'autrui. Menez donc le même combat contre les centrales à charbon, qui tournent à plein dans certains pays,…
…notamment ceux dont vous vantez le mix énergétique, par exemple l'Allemagne. Certaines de ces centrales ont été construites récemment.
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Êtes-vous allée voir, dans les centres de santé, l'état des poumons des gens qui travaillent dans ces centrales ?
Soyons sérieux ! Si vous voulez lutter contre le réchauffement climatique, soyez scientifiques, posés, construits. Énergies renouvelables et nucléaire, c'est le mix qu'il nous faut.
L'amendement n° 507 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anaïs Sabatini, pour soutenir l'amendement n° 200 .
La fermeture définitive de la centrale de Fessenheim était une promesse du candidat François Hollande en 2012 et le fruit d'un accord entre socialistes et écologistes. Quand le président Macron est arrivé au pouvoir en 2017, il était encore possible d'interrompre le processus de fermeture. L'arrêt des deux réacteurs de Fessenheim, en 2020, résulte donc d'un choix purement politique.
De toute évidence, ces décisions politiques, prises et confirmées par différentes majorités, ont mis à mal l'outil nucléaire, qui permettait à la France de produire massivement de l'énergie décarbonée et à bas coût. Si des choix stratégiques pertinents avaient été faits, notre pays continuerait à vendre de l'électricité décarbonée à ses voisins européens et garantirait aux Français une électricité abondante à prix raisonnable.
Par cet amendement, nous proposons que la lumière soit faite sur l'origine de ces décisions politiques particulièrement graves, qui ont conduit à la crise énergétique que nous connaissons aujourd'hui. C'est pourquoi nous demandons que le rapport prévu à l'article 1er F analyse les conditions de fermeture des réacteurs depuis dix ans.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Défavorable.
Je suis très heureuse de découvrir ce soir que les écologistes sont aussi puissants ! À écouter ce qui se dit sur tous les bancs, nous avons présidé la France à de nombreuses reprises et ce sont des Premières et des Premiers ministres issus de nos rangs qui ont défini absolument toute la stratégie énergétique de notre pays.
Nous nous sommes fait retoquer l'intégralité de nos amendements depuis le début de l'examen du texte, mais en fait, c'est nous qui exerçons le pouvoir en France ! C'est merveilleux, la réécriture de l'histoire ! Merci à vous tous !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Madame la ministre, vous nous renvoyez à un rapport et vous vous dispensez ainsi de nous répondre. Or nous avons besoin d'être éclairés. Notre question est très simple : à combien estimez-vous le coût de la relance du nucléaire par la construction de quatorze EPR et des SMR qui les accompagnent ? Quel est le chiffrage de ce scénario ? Vous pouvez présenter, le cas échéant, différentes hypothèses. Il est question, au minimum, de 100 milliards d'euros sur quinze ans.
Je rappelle que ce gouvernement veut obliger les Français à bosser deux ans de plus au motif qu'il faudrait réaliser des économies, de 15 milliards par an à terme.
Nous avons besoin de connaître votre scénario financier. Vous ne voulez pas répondre et nous renvoyez à je ne sais quel rapport. Avez-vous, s'il vous plaît, ces estimations budgétaires ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ces estimations sont l'objet d'un rapport que vous demandez au Gouvernement. Laissez-moi les six mois prévus pour les produire !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 147
Nombre de suffrages exprimés 146
Majorité absolue 74
Pour l'adoption 35
Contre 111
L'amendement n° 200 n'est pas adopté.
Sur l'article 1er F, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Dragon, pour soutenir l'amendement n° 509 .
En 1973, la France, consciente de la fin du modèle de croissance fondé sur les énergies fossiles – elle était pionnière, à l'époque –, s'est lancée dans la maîtrise de l'atome civil en engageant le plus grand programme nucléaire possible : cinquante-huit réacteurs ont été construits en trente ans seulement, à partir de filières industrielles naissantes ; trois, quatre, six, jusqu'à huit réacteurs ont été livrés chaque année !
Avec le succès de ce plan Messmer, la France invente la première « croissance verte ». Elle s'enrichit en produisant 75 % de son électricité grâce au nucléaire, 15 % grâce à l'hydroélectricité, soit 90 % de son énergie sans émission de gaz à effet de serre ni pollution atmosphérique. Dotée de la meilleure filière intégrée au monde, du combustible au retraitement, notre pays a conquis une énergie très compétitive pour son économie et ses habitants – les Français se souviennent de factures peu élevées.
La France prend alors la tête d'une véritable révolution énergétique : dans 1 gramme d'uranium, il y a autant d'énergie que dans 1 tonne de pétrole. Les perspectives d'innovation sont considérables, ce qui ouvre les horizons d'une énergie abondante tout en limitant les risques et les déchets.
C'est pourquoi, au-delà des objectifs de construction d'un nouveau parc pour les soixante prochaines années, il nous faut investir dans la recherche et développement et imaginer les solutions techniques qui ne sont à ce stade que des concepts de laboratoire. Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) jouerait un rôle pivot dans ce programme de recherche, à la hauteur de celui qu'il a joué dans les années 1960 et 1970. Il a alors permis, par ses travaux pionniers, de réaliser le plan Messmer dans les années 1970 et 1980.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Défavorable.
Il faut que nous ayons un vrai débat de fond à partir de chiffres précis. Madame la ministre, vous avez évoqué à juste titre le rapport Folz. Or le coût provisionné qui y est mentionné pour le démantèlement concerne seulement six réacteurs, et non quatorze.
Je suis heureuse de constater que nos collègues du Rassemblement national ont jeté un coup d'œil au dernier rapport du Giec. Ce rapport étudie quatre-vingt-dix-sept scénarios susceptibles de rendre notre trajectoire compatible avec un réchauffement limité à 1,5 degré Celsius, dont quatre seulement sont présentés dans le résumé qui a été soumis aux décideurs. Ces quatre scénarios évoquent effectivement une hausse, en valeur absolue, de la part du nucléaire. Toutefois, parmi les quatre-vingt-dix-sept scénarios qui figurent dans le rapport complet, beaucoup prévoient une diminution de la part du nucléaire. Il n'est donc pas exact que le Giec préconise une augmentation de la part du nucléaire.
Je vous invite à lire le rapport dans son intégralité. Malheureusement, il est en anglais. Il serait bon de le faire traduire en français pour que tous les membres de la représentation nationale – et non les seuls anglophones – aient accès à l'ensemble des scénarios.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame la ministre, vous nous avez d'abord invités à nous référer à un rapport existant, puis vous nous avez annoncé que vous alliez réaliser l'évaluation financière dans le cadre d'un des rapports prévus par ce projet de loi. Avez-vous, oui ou non, un plan de financement ? Je n'ai toujours pas compris.
Pour notre part, nous disposons d'estimations, notamment de celles de la Cour des comptes : 100 milliards d'euros pour le grand carénage ; 52 milliards pour la construction de six EPR – il faudrait nous dire ce qu'il en est pour quatorze EPR ; 35 milliards pour le projet d'enfouissement à Bure. Confirmez-vous ces chiffres ou non ? D'autre part, pour ce qui est des sources de financement, le livret A est-il une hypothèse ?
Si vous n'avez pas d'évaluation financière, reportons de six mois l'examen de ce projet de loi ; nous nous prononcerons une fois que nous serons éclairés sur l'aspect financier. Entre-temps, nous aurons peut-être discuté et adopté la loi de programmation sur l'énergie et le climat. Cela nous semblerait beaucoup plus raisonnable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous l'avons dit trente-deux fois mais je peux le répéter une trente-troisième fois : le projet du Président de la République est connu depuis février 2022, c'est-à-dire depuis plus d'un an, comme l'a indiqué Mme la rapporteure. Il prévoit six réacteurs ainsi que la mise à l'étude de huit réacteurs additionnels. C'est ce qui figure dans les demandes de rapport sur le projet de loi, lequel ne prévoit nulle part la construction de quatorze réacteurs.
Quant au coût, vous le connaissez : 51,7 milliards d'euros. Il a fait l'objet d'un audit en 2021 et d'une mise en perspective dans le rapport de 2022. Je crois avoir déjà dit quatre fois que vous recevrez le détail de la mise à jour des coûts pour les six premiers réacteurs d'ici à la fin de l'été. Tout est en ordre de ce côté-là. On comprend que vous n'ayez pas envie d'entendre ces vérités-là : que tout est construit, que tout est étayé, que la sûreté nucléaire est notre absolue priorité, que nous construisons une filière et des compétences. On comprend qu'à chaque étape, quand nous vous disons « ceci existe, ceci est documenté », vous essayiez de le mettre en doute. Malheureusement, les faits sont têtus.
Je vous renvoie donc aux sites de RTE, d'EDF et de l'ASN qui répertorient toutes ces questions, certes légitimes et complémentaires, mais que vous vous efforcez de présenter comme sans réponse alors que, pour une grande partie d'entre elles, il y en a une, laquelle figure le plus souvent dans le fameux rapport dont nous avons discuté pendant onze heures trente.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 152
Majorité absolue 77
Pour l'adoption 38
Contre 114
L'amendement n° 509 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l'amendement n° 516 .
Il vise à demander l'organisation d'une réflexion sur les technologies d'avenir pour les réacteurs de quatrième génération. Madame la ministre, vous devez comprendre qu'après autant d'années de fiascos nucléaires, autant d'erreurs qui ont été révélées par la commission d'enquête parlementaire, la représentation nationale – en tout cas dans nos rangs –, pour aller de l'avant, sans passer toute la discussion à ressasser les erreurs du passé, a tout de même besoin de clarté et qu'elle veut savoir où va notre pays.
L'amendement envisage au moins trois modèles de réacteur de quatrième génération, pour lesquels il propose d'engager dès maintenant non seulement la recherche, mais la perspective de prototypes industriels. Première étape, à partir de tout ce que nous avons acquis avec Phénix et Superphénix, un réacteur à neutrons rapides utilisant du sodium comme caloporteur avant 2033 ; ensuite, avant 2040, un réacteur utilisant comme modérateur et caloporteur de l'eau portée à l'état supercritique ; enfin, avant 2040, un réacteur à très haute température comme celui que sont visiblement en train de développer les Chinois, utilisant le graphite comme modérateur et l'hélium comme caloporteur ; ce dernier réacteur est conçu pour fabriquer de l'hydrogène de façon massive.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Si ma mémoire est bonne, un comparatif des différentes options technologiques est déjà prévu par un amendement du Gouvernement que nous avons adopté. L'amendement est donc satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis.
Nous voterons bien évidemment contre cet amendement qui me paraît relever d'une croyance en laquelle ne croient que celles et ceux qui y croient.
Les différentes technologies de quatrième génération évoquées par M. Tanguy, dont le réacteur au sodium, ont aussi été éprouvées en France. Elles se sont révélées peu performantes, voire assez dangereuses. Il s'agit là d'une projection dans des technologies dont nous savons très bien qu'elles ne seront pas réalisables de notre vivant.
Je suis étonnée par la réponse de Mme la rapporteure et de Mme la ministre qui, en considérant l'amendement comme satisfait, encouragent le Rassemblement national dans cette fuite en avant et dans le fantasme permanent des nouvelles générations, alors que nous n'arrivons même pas à maîtriser la technologie de la génération actuelle.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Les deux amendements qui viennent d'être défendus relèvent de l'incantation industrielle et sont pour le moins irréalistes. Il ne manquait plus que vous y inscriviez l'obligation de maîtriser la fusion nucléaire d'ici à 2030 ! C'est de l'humour, madame la ministre, ne vous inquiétez pas. Toutefois, je voudrais vous interroger sur un point. Tout à l'heure, vous avez indiqué que le rapport parlait d'une étude sur six réacteurs, plus huit réacteurs hypothétiques ; or, à l'article 1er D, il est écrit : « un rapport visant à évaluer l'impact de la construction de quatorze réacteurs [électronucléaires] ».
Madame la ministre, puisque vous évoquez le charbon, permettez-nous de rappeler que c'est vous qui avez rouvert la centrale de Saint-Avold, parce que vous n'avez pas été capables, en cinq ans, de développer suffisamment les énergies renouvelables ni de fournir les efforts de sobriété nécessaires.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous pouvons aussi parler des années que vous avez fait perdre à la conversion de la centrale de Cordemais, avant de vous y rallier grâce à la ténacité des salariés, et notamment à celle de leur syndicat CGT.
M. Maxime Laisney applaudit.
En réponse à nos questions sur le financement, vous avez évoqué le rapport sur le nouveau nucléaire EPR 2. Permettez-moi de vous en lire la conclusion : « Plusieurs pistes sont à l'étude pour permettre le financement d'un programme nouveau nucléaire en considérant notamment l'impact des configurations de portage. Un travail de définition plus précis des paramètres du financement et de la régulation de ce dispositif doit se poursuivre. Cette analyse devra tenir compte de la faisabilité juridique, notamment au regard du droit européen… » Ça, c'est pour savoir si vous devrez couper EDF en plusieurs morceaux.
Je reprends ma lecture : « Cette analyse devra tenir compte de la faisabilité juridique, notamment au regard du droit européen, du niveau de prix régulé, du coût pour la collectivité – contribuables et consommateurs – et de la capacité des différents schémas à inciter le porteur du projet à la maîtrise des coûts et des délais. Il conduira à engager la saisine de la Commission européenne […]. » On n'y trouve donc pas les réponses à nos questions sur la manière dont vous envisagez de financer le nouveau programme nucléaire.
Je ne vous en poserai donc qu'une seule, en espérant que vous pourrez y répondre. Dans ce rapport – je viens de vérifier –, il n'est nulle part fait mention du Livret A : le Gouvernement envisage-t-il de mettre à contribution le Livret A pour financer le nouveau nucléaire, oui ou non ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.
Madame la rapporteure, votre réponse ne me satisfait pas. Nous ne proposons pas seulement d'envisager des études scientifiques, mais d'acter la mise en route de prototypes industriels capables de produire de l'énergie, c'est-à-dire de rattraper le retard que nous avons accumulé par rapport aux régimes autoritaires de type chinois ou russe. Il se passe actuellement quelque chose de très grave : les démocraties occidentales sont en train de décrocher de toutes les technologies du vingt et unième siècle car nous avons fait confiance au marché, vous avez fait confiance aux lobbies pour assurer notre autonomie énergétique. Or nous sommes aujourd'hui en train d'être submergés par l'avance technologique de régimes qui vont nous menacer. Allons-nous récupérer l'avance que nous avions ou préférerons-nous écouter le delirium permanent de la NUPES, qui ricane sur la fusion nucléaire ?
Franchement, collègues de la NUPES, quand Mme Voynet vient devant la commission d'enquête parlementaire nous expliquer, sous serment, que la fusion nucléaire fonctionne à partir de nobrium, qui est un antidépresseur, on arrête de ricaner, on se cache dans un trou et on se tait pour une bonne centaine d'années !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 36
Contre 115
L'amendement n° 516 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 154
Nombre de suffrages exprimés 150
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 133
Contre 17
L'article 1er F, amendé, est adopté.
L'article 1er est le premier en importance, puisqu'il dessine le champ d'application des mesures de simplification prévues par le projet de loi, lequel revient enfin, même si c'est de façon incomplète, sur des années de mauvais choix politiques.
Une lacune regrettable se trouvait cependant dans le texte, tant dans sa version initiale que dans celle du Sénat : en effet, celui-ci ne concernait que la construction des réacteurs, sans que soient mentionnées toutes les installations indispensables à celle-ci. Il est pourtant illogique de libérer la construction des réacteurs de nombreuses contraintes tout en continuant d'y soumettre les ouvrages associés. Nous regrettons également que ces mesures restent limitées dans le temps – vingt ans désormais –, alors que la relance de la filière nucléaire française est un projet de longue haleine qui n'a déjà perdu que trop de temps.
Toutefois, que les adeptes des forces du vent se rassurent : ce n'est pas avec ce texte, hélas, que les Français retrouveront le nucléaire des grandes heures. Il ne s'agit là que d'empêcher son délitement. Nous voterons cependant pour l'article, en espérant que nos amendements viendront l'améliorer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous sommes heureux d'attaquer enfin l'article 1er . Je rappelle que c'est vous qui avez décidé de faire d'abord examiner le texte par le Sénat, raison pour laquelle nous avons eu un grand nombre de demandes de rapport à étudier au préalable.
L'article 1er précise l'objet des articles 2 à 8 du titre Ier , lequel concerne des dérogations permettant d'accélérer la construction de nouveaux réacteurs et les délais accordés pour ces dérogations. Quel est l'objet de ces articles ?
Tout d'abord, ils visent la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires. La commission a supprimé la référence explicite aux SMR, les petits réacteurs modulaires, mais ce n'est que pour mieux les intégrer, puisque le texte ne fait désormais plus référence à aucune technologie particulière – et pour cause, puisque vous ne savez pas, pour l'instant, ce que vous avez envie de construire, même si vous nous demandez de voter pour.
Le texte concerne ensuite des « installations d'entreposage de combustibles » ; comme il n'apporte pas de précision supplémentaire sur ces combustibles, on est fondé à penser que les dérogations concernent le combustible avant et après usage. Je rappelle que, pour l'instant, on ne sait pas quoi faire du combustible usagé, et que l'on est arrivé aux limites d'entreposage
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et que l'on est obligé de condenser ces combustibles usagés, par exemple dans la piscine de La Hague, c'est-à-dire de changer les normes en vigueur.
L'article 1er indique également que la construction de nouveaux réacteurs devra se faire « à proximité immédiate » des centrales. Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. En effet, cela reviendra à implanter encore plus de nucléaire là où il y en a déjà.
Enfin, l'article fixe un délai de vingt ans pour l'application des mesures dérogatoires. Vingt ans contre les quatre ans accordés aux énergies renouvelables. Ce délai est, en fait, l'aveu que vingt ans seront nécessaires pour lancer la construction de ces nouveaux réacteurs ; par conséquent, c'est aussi l'aveu que ceux-ci ne permettront pas de répondre à l'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique. C'est la raison pour laquelle nous appellerons à voter contre l'article 1er .
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Discussion de deux projets de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux ;
Suite de la discussion du projet de loi du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra